Interview de M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à France Info le 23 novembre 2023, sur les élections législatives aux Pays-Bas, la situation économique en France, le chômage, les comptes publics, un produit d'épargne dédié à la défense nationale, les boucliers tarifaires concernant l'électricité et la sobriété en matière de consommation.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France Info

Texte intégral

SALHIA BRAKHLIA
Bonjour Bruno LE MAIRE.

BRUNO LE MAIRE
Bonjour Salhia BRAKHLIA.

SALHIA BRAKHLIA
C'est le parti de Geert WILDERS, leader de l'extrême droite aux Pays-Bas, qui est arrivé en tête aux législatives. Comment vous accueillez cette nouvelle ?

BRUNO LE MAIRE
Moi, je pense que c'est la conséquence de toutes ces inquiétudes, de toutes ces craintes qui se manifestent en Europe depuis plusieurs années, craintes face à la guerre en Ukraine, craintes face au risque de déclassement économique européen, par rapport à la Chine et par rapport aux Etats-Unis, et craintes face aux flux migratoires. Ça se traduit par des poussées extrémistes partout en Europe, c'est Vox en Espagne, c'est l'AfD en Allemagne, et c'est le parti de Geert WILDERS aux Pays-Bas. Après, les Pays-Bas ne sont pas la France. Donc je pense…

SALHIA BRAKHLIA
C'est la deuxième question que j'allais vous poser…

JEROME CHAPUIS
Mais c'est quand même une bonne leçon à en tirer pour ici…

BRUNO LE MAIRE
Non, les Pays-Bas ne sont pas la France. La seule leçon, c'est qu'il faut continuer à obtenir des résultats pour les Français. Je vous parle du sentiment de déclassement de beaucoup d'Européens et beaucoup de Français. Tout ce que nous faisons en matière de stratégie économique pour avoir plus d'emplois, des emplois mieux rémunérés, réouvrir des usines, on a annoncé cet investissement que va inaugurer aujourd'hui le président de la République. C'est une réponse concrète et efficace…

JEROME CHAPUIS
Mais pardon, mais les Pays-Bas, c'est un des pays les plus prospères d'Europe…

BRUNO LE MAIRE
Mais c'est aussi un pays qui a des flux migratoires qui sont importants. C'est un pays aussi où le communautarisme a beaucoup progressé. Je pense que ça prouve de manière assez claire que la nation est une meilleure réponse que les communautés, et que pour la France, son avenir doit être écrit par la nation et dans la nation. Et certainement pas en cédant aux poussées de communautarisme.

SALHIA BRAKHLIA
Bruno LE MAIRE : réveillez-vous ! C'est par ces mots qu'Emmanuel MACRON s'est adressé à des chefs d'entreprises cette semaine, on est à 7% de chômage, leur a-t-il dit, 7,4%, pour être tout à fait précise, au troisième trimestre, ça s'appelle quoi ? C'est quoi, c'est un coup de pression ?

BRUNO LE MAIRE
Non, c'est un rappel de la situation. Nous avons fait beaucoup depuis six ans. Nous avons obtenu des très bons résultats, deux millions d'emplois créés, 300 usines qui ont été ouvertes. Mais il y a un objectif qui a été fixé. L'objectif, c'est 5% de taux de chômage. Et ce qu'a dit avec beaucoup de force le président de la République, c'est que si on ne se secoue pas les puces, il n'y aura pas 5 % de taux de chômage. Ça fait 50 ans qu'on n'y est pas arrivé…

JEROME CHAPUIS
Ça veut dire quoi se secouer les puces ?

BRUNO LE MAIRE
Eh bien, ça veut dire qu'il y a quelque chose qui cloche dans le modèle social français, qui fait que, contrairement à d'autres pays, comme l'Allemagne, comme les Etats-Unis depuis un demi-siècle, nous n'avons jamais offert aux Français le plein emploi, c'est-à-dire de l'activité pour tous et toutes, partout sur le territoire…

JEROME CHAPUIS
Mais précisément, qu'est ce qui cloche dans le modèle social français ?

BRUNO LE MAIRE
Je pense qu'il y a trois choses qui doivent être corrigées pour qu'on arrive à ces 5% de taux de chômage, et on a trois ans devant nous pour les corriger. La première chose, c'est le logement. Avoir du logement partout où c'est nécessaire, dans les zones tendues, là où il y a de l'emploi qui est disponible. La deuxième chose, c'est la formation et la qualification. C'est toute la réforme qui est engagée du lycée professionnel, qui est une réforme absolument stratégique pour créer des formations qui correspondent aux besoins des entreprises. Nous avons encore 500.000 emplois non pourvus dans notre pays. Vous cherchez des couvreurs, parce qu'il y a eu de la tempête en Bretagne, vous n'en trouvez pas. Vous cherchez des soudeurs parce qu'on construit des centrales nucléaires en Normandie, vous n'arrivez pas à en trouver…

JEROME CHAPUIS
Certains vous diront qu'il faut recourir à l'immigration et ça nous ramène au sujet précédent…

BRUNO LE MAIRE
Oui, et je crois que c'est une mauvaise idée. Je pense que quand on a 500.000 emplois qui sont non pourvus, qu'il y a tant de formations qui ne sont pas disponibles aujourd'hui, alors que les entreprises en demandent, eh bien, il faut former les jeunes à ces métiers qui existent. Et puis, la troisième chose, c'est l'indemnisation du chômage. Prenez l'indemnisation des seniors. Qu'est-ce qui justifie qu'on ait encore des durées d'indemnisation différentes suivant qu'on a plus de 55 ans ou moins de 55 ans ? Vous avez plus de 55 ans, la durée d'indemnisation, c'est 27 mois. Aujourd'hui, le lot commun, c'est 18 mois. Pourquoi 27 mois d'indemnisation du chômage pour les plus de 55 ans ? Parce qu'ils vaudraient moins les plus de 55 ans ? Alors que c'est de l'expérience, c'est du savoir-faire, que nous avons besoin d'eux. Je ne vois aucune raison pour qu'il y ait une durée d'indemnisation plus longue de ceux qui ont plus de 55 ans par rapport aux autres. Parce que dans le fond, c'est une hypocrisie totale. C'est une façon de mettre à la retraite de manière anticipée les plus de 55 ans. Et moi, je crois exactement le contraire. Je pense qu'on a besoin de leurs talents, de leur savoir-faire et leur expérience.

SALHIA BRAKHLIA
Il faut raboter sur la durée d'indemnisation des seniors. C'est ce que vous dites. Pourtant, dans l'accord sur.…

BRUNO LE MAIRE
Je ne dis pas " raboter " ! Ce n'est pas un bon terme…

SALHIA BRAKHLIA
Eh bien, alors, c'est quoi…

JEROME CHAPUIS
Ça tombe bien, vous pouvez nous expliquer alors…

BRUNO LE MAIRE
Eh bien, raboter, c'est brutal, ce n'est pas du tout ce que je veux, je veux que…

JEROME CHAPUIS
Mais vous dites que c'est trop long, donc ça veut dire qu'il faut raccourcir…

BRUNO LE MAIRE
Je dis simplement qu'il faut aligner la durée d'indemnisation des plus de 55 ans sur les moins de 55 ans, parce qu'ils valent autant que les moins de 55 ans, qu'ils ont autant de qualités, autant de savoir-faire et autant d'expérience. Je ne veux pas raboter quoi que ce soit. Je veux juste…

SALHIA BRAKHLIA
Eh bien, on est sur le choix des mots, dans le fond, on dit la même chose, Bruno LE MAIRE, sauf que ce n'est pas le choix qui a été fait par les partenaires sociaux…

BRUNO LE MAIRE
Non, les mots comptent. Et je regarde aussi les chiffres de taux d'emploi, le taux d'emploi en France, c'est 68%, le taux d'emploi des seniors, c'est dix points de moins, c'est 57%.

JEROME CHAPUIS
Et ça, c'est à cause de la durée d'indemnisation ?

BRUNO LE MAIRE
Bien évidemment, c'est un gigantesque gâchis, et c'est une hypocrisie collective complète…

JEROME CHAPUIS
Alors, ce que vous dites, c'est qu'en fait, cette durée d'indemnisation, elle incite à rester en dehors de l'emploi ?

BRUNO LE MAIRE
Quand vous avez 28 mois d'indemnisation du chômage. Dans le fond, qu'est-ce qu'on vous dit ? On vous dit : écoutez, partez à la retraite tranquillement. On n'a plus besoin de vous. Moi, ça me révolte. C'est peut-être parce que j'approche des 55 ans, et je considère que, aujourd'hui, une personne qui a plus de 55 ans, si elle n'a pas de difficulté physique, si elle n'a pas de troubles musculo-squelettiques ou qu'elle n'a pas eu un métier pénible, on a besoin d'elle. Et ce que je veux dire aux plus de 55 ans, c'est qu'on a besoin de vous. Et ce que je veux dire, c'est que si nous voulons aller vers ces 5% de taux de chômage, il faut, par exemple, sur la durée d'indemnisation, se dire que pour les plus de 55 ans, eh bien, il faut qu'il y ait une durée d'indemnisation qui soit similaire à celle des moins de 55 ans.

SALHIA BRAKHLIA
Mais les syndicats peuvent vous répondre au lieu d'agir sur la durée d'indemnisation des seniors, pourquoi vous ne faites pas quelque chose au niveau des entreprises, leur réduire par exemple les aides en fonction de celles qui embauchent ou pas des seniors, de leur donner une prime ou pas ?

BRUNO LE MAIRE
On peut toujours pénaliser plus les entreprises, mais il me semble que si on veut développer…

SALHIA BRAKHLIA
Plutôt que les salariés…

BRUNO LE MAIRE
Si on veut développer l'activité, il me paraît bon de soutenir aussi nos entreprises, leur permette d'embaucher, leur permettre de créer des emplois, de créer de l'activité partout sur le territoire. Et je pose juste ce débat avec une détermination totale qui est de parvenir à ces 5% de taux de chômage que nous n'avons pas atteint depuis un demi-siècle en France. C'est un sujet parmi d'autres, l'emploi des seniors, dans le modèle social, il peut…

JEROME CHAPUIS
Sujet qui n'est pas abordé d'ailleurs dans l'accord qui vient d'être signé par les partenaires sociaux sur l'assurance-chômage…

BRUNO LE MAIRE
C'est pour ça que je trouve cet accord perfectible. L'accord UNEDIC, il est perfectible au moins sur deux points. Le premier, c'est sur le financement. Vous avez des dépenses qui sont certaines avec des réductions de cotisations. Alors ça, cette dépense-là, elle est sûre et certaine. Et comme toujours en France, les dépenses sont certaines, mais les économies, elles, elles sont improbables. Parce que l'accord UNEDIC propose de faire des économies sur la création d'entreprises. Déjà, je trouve l'idée un peu baroque, parce que je pense qu'on a besoin de créer des entreprises, et ensuite, l'économie qui est chiffrée à près de 900 millions d'euros, elle me paraît très improbable.

SALHIA BRAKHLIA
Mais le patronat a donné son accord…

BRUNO LE MAIRE
Première difficulté…

SALHIA BRAKHLIA
Le MEDEF est d'accord avec ça.

BRUNO LE MAIRE
J'ai eu l'occasion d'en expliquer avec le président du MEDEF. Moi, je considère que sur le volet financier, on peut émettre légitimement des doutes. La deuxième chose…

JEROME CHAPUIS
Juste perfectible, juste, ça veut dire qu'en l'état, vous ne le validez pas, le gouvernement ?

BRUNO LE MAIRE
Mais, ce n'est pas moi qui prends la décision de validation. Je dis juste que quand c'est perfectible, il vaut mieux ne pas endosser, parce que les comptes publics, ça compte, et que si les économies ne sont pas certaines, on pourrait avoir une difficulté de finances publiques supplémentaires. Et il est perfectible en deuxième lieu, sur cette question de l'emploi des seniors. J'y attache beaucoup d'importance parce que c'est une question de représentation de la société française. Qu'est-ce que l'on fait des plus de 55 ans ? Quel message est-ce qu'on leur envoie ? Moi, le message que j'ai envie de leur envoyer, c'est : on a besoin de vous, on a besoin de votre expérience.

JEROME CHAPUIS
Bruno LE MAIRE, ministre de l'Economie et des Finances avec nous jusqu'à 9h, on vous retrouve juste après le Fil Info.

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SALHIA BRAKHLIA
Bruno LE MAIRE, l'agence de notation Standard & Poor's publie la semaine prochaine, vendredi 1er décembre, la notation financière de la France, qu'elle pourrait dégrader, comme a pu le faire une autre agence, Fitch, en avril dernier, vous êtes en train de retenir votre souffle là ?

BRUNO LE MAIRE
Non, je ne suis pas là pour retenir mon souffle, je suis là pour prendre les décisions nécessaires, pour que ça ne se produise pas, ça veut dire avoir des comptes publics bien tenus, et ça veut dire respecter nos engagements, vis-à-vis d'abord des Français, de nos partenaires européens, et des marchés.

SALHIA BRAKHLIA
Mais il se passe quoi concrètement si on est dégradé ?

BRUNO LE MAIRE
Concrètement ça veut dire que quand on dit qu'on fait 4,9% de déficit en 2023, on fera 4,9% de déficit. Quand je dis qu'on fera 1% de croissance, tout le monde s'est moqué de ce pourcent de croissance…

SALHIA BRAKHLIA
Trop optimiste.

BRUNO LE MAIRE
En disant « mais non, vous serez en récession, trop optimiste », parce que les gens ne croient pas assez dans la France, moi j'ai une foi inébranlable dans les capacités de l'économie française, et des Français tout court, on fait 1 % de taux de croissance, et donc quand je dis que nous ferons 4,4% de déficit public en 2024 et 1,4% de croissance en 2024, nous le ferons. Notre parole est crédible, et la parole du ministre des Finances est crédible, ce qui, je l'espère, emportera la conviction des agences de notation.

JEROME CHAPUIS
Mais quand on écoute Pierre MOSCOVICI, le président de la Cour des comptes, il considère que 3% en 2027 ce n'est pas assez ambitieux.

BRUNO LE MAIRE
On peut après discuter de l'ambition, bien entendu, et s'il y a des marges de manoeuvre pour aller plus loin, bien entendu que nous pourrons les exploiter, mais ce qu'on ne peut pas discuter c'est de la crédibilité de la parole du ministre des Finances, et du gouvernement français dans son ensemble, sur le rétablissement des finances publiques et sur les engagements qui ont été tenus. Après, pour répondre très concrètement à vos questions, bien sûr que le risque existe, j'en suis parfaitement conscient, c'est pour cela que je suis aussi intraitable sur la baisse de la dette publique, et sur la baisse des déficits, parce que si demain notre note devait être dégradée, eh bien ça veut dire que les taux d'intérêt, à nouveau, seraient plus élevés, qu'on emprunterait plus cher, et qu'on jette des milliards d'euros par la fenêtre pour les intérêts de la dette, c'est quand même dommage alors qu'on a tellement besoin d'argent pour les hôpitaux, pour les services publics, de le faire disparaître dans le service de la dette.

SALHIA BRAKHLIA
Alors justement, pour apparaître crédible auprès des agences de notation, mais aussi auprès de la Commission européenne, qui vous a mis en garde cette semaine en expliquant que la France risquait en 2024, je cite, " de ne pas être en ligne avec les recommandations budgétaires de l'Union européenne. " Vous cherchez des économies donc, ce que vous préparez, Bruno LE MAIRE, pour le pays dans les mois à venir, c'est quoi, c'est de la rigueur ou carrément de l'austérité ?

BRUNO LE MAIRE
Non, c'est de la responsabilité, ce n'est pas de la rigueur, ce n'est pas de l'austérité, l'avertissement d'ailleurs de la Commission européenne, je tiens à le signaler, ce n'est pas une lettre formelle, c'est simplement des remarques, donc il faut le prendre aussi avec toute la distance nécessaire, mais c'est juste tenir notre stratégie. Il y a eu la crise du Covid, nous avons protégé, c'était nécessaire et juste, il y a eu ensuite la crise inflationniste, la plus grave depuis les années 70, nous avons protégé, boucliers tarifaires, c'était nécessaire, c'était juste. Je rappelle, juste pour vous donner un exemple, si on n'avait pas mis en place ce bouclier sur l'électricité, votre facture moyenne à 1300 euros elle doublait, elle passait à 2600 euros, ça aurait été insupportable pour nos compatriotes, en particulier les plus modestes. Maintenant…

JEROME CHAPUIS
Ça c'était hier, mais aujourd'hui, maintenant ?

BRUNO LE MAIRE
Nous revenons à la normale, dans une situation normale, on retire les dispositifs exceptionnels. Nous retirons le bouclier tarifaire sur le gaz, nous retirerons le bouclier tarifaire sur l'électricité, aujourd'hui, je le rappelle, nous prenons encore à notre charge 34% de la facture d'électricité des ménages, il faut progressivement sortir de ce bouclier.

SALHIA BRAKHLIA
Donc c'est la fin du " quoi qu'il en coûte ", vous annoncez 16 milliards d'économies pour l'année prochaine, la droite vous dit " arrêtez de bluffer, il n'y a aucune réforme structurelle là-dedans ", elle a raison ?

BRUNO LE MAIRE
Mais elle n'avait qu'à la voter.

SALHIA BRAKHLIA
Vous êtes passé au 49.3.

BRUNO LE MAIRE
Non mais, elles n'avaient qu'à voter la réforme structurelle toutes les droites qui nous reprochent…

SALHIA BRAKHLIA
Non, ils considèrent que vous n'allez pas assez loin, 16 milliards, ce n'est rien du tout.

BRUNO LE MAIRE
Oui, mais c'est très sympathique de considérer que les réformes structurelles ne sont pas suffisantes, qu'elles ne sont pas là, mais dans ce cas-là qu'est-ce qui a empêché les Républicains de voter unanimement la réforme des retraites ? Qu'est-ce qui rapporte le plus d'argent aux comptes publics d'ici la fin 27 ? Qu'est-ce qui les empêcherait de nous proposer d'autres réformes de structure ? Et pourquoi, dans ce cas-là, nous proposent-ils au Parlement, 100 milliards d'euros, 100, de dépenses supplémentaires ? A un moment donné il y a deux fils qui se touchent. D'un côté on vous dit des réformes structurelles, on ne les vote pas, des économies supplémentaires, et on propose des dépenses, eh bien quand on a deux fils qui se touchent, on disjoncte.

JEROME CHAPUIS
En attendant, on est sur le point de vendre une partie du patrimoine immobilier de l'Etat, réduire de 25 %, c'est ça, ça la surface occupée par les administrations. Ça veut dire quoi, c'est juste un symbole ou ça peut vraiment rapporter de l'argent ?

BRUNO LE MAIRE
Non, ce n'est pas un symbole, tout ce qui nous permettra d'être plus efficace en dépensant moins d'argent, qui est, je le rappelle, l'argent des contribuables, sera fait. C'est une proposition qu'a faite Thomas CAZENAVE, le ministre délégué aux Comptes publics, c'est une très bonne proposition, nous ferons cela sur dix ans, nous ferons cela en créant une foncière pour cet immobilier de l'Etat, pour être plus efficace.

SALHIA BRAKHLIA
Vous avez un listing de monuments, de bâtiments à vendre, de bâtiments de l'Etat ?

BRUNO LE MAIRE
C'est Thomas CAZENAVE qui est responsable de cela, moi je trouve que l'idée est très bonne, qu'elle doit permettre de mieux employer l'argent du contribuable, éviter qu'il y ait des surfaces perdues, et faire en sorte qu'il y ait des rentrées nécessaires pour le budget de l'Etat.

JEROME CHAPUIS
Bruno LE MAIRE, on a un certain nombre de questions précises sur l'actualité économique. Il y a une mesure, par exemple, qui surprend, surtout à gauche, c'est votre volonté de ponctionner le livret A, en tout cas d'orienter le livret Développement durable pour financer des entreprises de l'industrie de défense française. Est-ce que vous comprenez que ce choix surprenne ?

BRUNO LE MAIRE
Mais ce n'est pas mon choix.

JEROME CHAPUIS
C'est le choix de qui alors ?

BRUNO LE MAIRE
Ce n'est pas mon choix, c'est une proposition qui est faite, qui va être débattue par les députés. Mais, vous savez, moi je suis un garçon simple, Le livret A il sert…

SALHIA BRAKHLIA
Que vous soutenez ou pas ?

BRUNO LE MAIRE
Non, je pense qu'on peut trouver d'autres façons de financer l'effort de défense, qui est indispensable, je soutiens totalement cet effort de défense, je pense que ce qu'a proposé Sébastien LECORNU dans la loi de programmation militaire est indispensable, il faut redonner les moyens à nos armées de fonctionner bien, d'avoir les meilleurs matériels, et la loi de programmation militaire, voulue par le président de la République, permet de mettre nos armées au niveau, surtout face à la menace…

JEROME CHAPUIS
Mais donc ce n'est pas le rôle du Livret A…

BRUNO LE MAIRE
Surtout face à la menace qui est celle de la guerre en Ukraine, et du besoin qu'ont aujourd'hui les Ukrainiens, que nous les soutenions, mais prenons d'autres instruments, on peut réfléchir à un produit d'épargne dédié. Le livret A, pour moi, c'est le logement social, ça doit rester le logement social. Je me suis battu pour que le livret de Développement durable serve exclusivement les investissements verts, eh bien je souhaite qu'il continue à financer exclusivement les investissements verts. On verra ce que les parlementaires décideront…

JEROME CHAPUIS
Donc un produit d'épargne dédié à la défense nationale…

BRUNO LE MAIRE
Je préfère qu'il y ait un produit d'épargne dédié à la défense nationale plutôt qu'on fasse dévier le Livret A de son objectif, le logement social, chacun voit à quel point il est important aujourd'hui d'avoir le financement du logement social, même chose pour le LDDS.

SALHIA BRAKHLIA
Bruno LE MAIRE, le nouvel accord avec EDF doit permettre d'offrir des prix plus stables aux Français, stables, mais est-ce que plus hauts ?

BRUNO LE MAIRE
Il y a deux choses qu'il faut bien comprendre, stables ne veut pas dire nécessairement plus hauts, en tout cas ça permettra, cet accord, d'éviter la flambée des prix que nous avons connue au cours des années passées. Je le dis pour tous ceux qui disent l'ARENH, vous savez ce fameux dispositif, c'était formidable, ça n'a jamais empêché la flambée des prix que nous avons connue, pour les entreprises comme pour les ménages, qui nous a obligés à mettre en place des mesures comme le bouclier tarifaire. Vous avez deux choses, vous avez la période avant la réforme, 2024-2026, là ça ne change rien pour les ménages, simplement, je le dis très honnêtement, comme nous allons sortir du bouclier tarifaire sur l'électricité, il y aura, entre maintenant et la fin de l'année 25, le début de l'année 26, des augmentations progressives, et limitées, des tarifs de l'électricité.

JEROME CHAPUIS
De quel ordre ?

SALHIA BRAKHLIA
Ça veut dire quoi limitées ?

BRUNO LE MAIRE
Ça veut dire que l'engagement que je prends, c'est qu'à la rentrée prochaine, début 2024, février 2024, l'augmentation ne pourra pas dépasser les 10% sur les tarifs de l'électricité. J'espère que ce sera moins, ça dépendra des prix de l'électricité à ce moment-là, mais ça ne dépassera pas les 10%…

SALHIA BRAKHLIA
Pareil en 2025 ?

BRUNO LE MAIRE
Ce sera une sortie progressive des boucliers tarifaires sur l'électricité. Après, à partir de 2026, on rentre dans le nouveau système, et l'accord que nous avons trouvé avec EDF permet de garantir, stabilité des prix pour les ménages, ils ne connaîtront plus ces explosions que nous avons connues dans les années passées, compétitivité pour les entreprises, avec un prix de 70 euros le mégawatheure, sur l'intégralité de la production nucléaire d'EDF, pas sur un tiers, quand on dit " mais attendez, avant c'était 42 et demain ça va être 70 ", là je comprends que les gens s'inquiètent, sauf que 42 c'est sur 100 térawattheures, et 70 euros ce sera sur l'intégralité de la production d'EDF, c'est-à-dire trois fois plus, 300 térawattheures.

SALHIA BRAKHLIA
Oui, mais du coup est-ce que ce sera, pour le particulier, là, qui nous écoute, est-ce que ce sera plus cher l'électricité en 2026, avec ce nouvel accord ?

BRUNO LE MAIRE
Vous aurez forcément une augmentation des prix, comme tous les prix augmentent, ceux de l'alimentaire, ceux de vos habits, ceux des équipements électroménagers, elle sera mesurée, ce sera la sortie du bouclier tarifaire, et une fois que nous serons sortis du bouclier tarifaire, les prix seront stables pour les ménages, ils ne connaîtront plus cette explosion de tarifs que nous avons connue pendant la crise inflationniste, stabilité pour les ménages, compétitivité pour les entreprises, car je le redis, ces 70 euros portant sur toute la production, ce qui protégera aussi les entreprises contre les risques d'explosion des prix, et compétitivité pour EDF, parce que, enfin, il ne faut pas oublier EDF, qui est une grande entreprise nationale, qui a besoin de dégager des bénéfices pour réinvestir dans le nouveau nucléaire, réinvestir dans les énergies renouvelables, et pas se retrouver en situation économique difficile.

JEROME CHAPUIS
Donc une hausse à attendre sur les tarifs de l'électricité d'ici 2026, Bruno LE MAIRE, ministre de l'Economie…

BRUNO LE MAIRE
Mesurée, j'insiste…

JEROME CHAPUIS
Mesurée, on entend bien.

BRUNO LE MAIRE
Mesurée, limitée, pour sortir du bouclier.

JEROME CHAPUIS
Bruno LE MAIRE, ministre de l'Economie et des Finances, avec nous jusqu'à 9h, on vous retrouve juste après le Fil Info.

///

JEROME CHAPUIS
Bruno LE MAIRE, la presse régionale en parle depuis plusieurs jours maintenant : partout en France, des milliers de mineurs ont reçu un courrier du fisc qui les enjoint à payer la taxe d'habitation. C'est bien un bug de vos services ?

BRUNO LE MAIRE
Alors ce n'est pas un bug de la plateforme mais c'est effectivement un bug parce que les déclarations sont arrivées par erreur. Les contribuables en général ont mis le nom de leurs enfants dans des déclarations, il y a eu sans doute un excès de bonne volonté de leur part. Je veux les rassurer.

JEROME CHAPUIS
C'est le formulaire qui n'était pas clair ?

BRUNO LE MAIRE
Il y a certainement des erreurs qui ont été commises mais en tout cas, ce n'est pas celles de la plateforme. Je veux simplement rassurer les contribuables, c'est quelques milliers sur plusieurs millions de déclarations. La correction sera automatique, c'est la Direction générale des finances publiques qui va s'en charger donc les contribuables n'ont rien à faire. Quand il y a une erreur, c'est l'administration qui doit la corriger, ce sera le cas.

SALHIA BRAKHLIA
Demain c'est le Black Friday, jour pendant lequel les promos sont en forte hausse dans les magasins et sur Internet aussi. À cette occasion, une campagne de communication du ministère de l'Ecologie suscite la colère du secteur du commerce car elle incite à ne pas acheter pendant le Black Friday justement. Dans les différents clips, on voit un ‘dévendeur' qui vous conseille d'acheter un téléphone…

BRUNO LE MAIRE
Ce n'est pas très sympa pour les vendeurs.

SALHIA BRAKHLIA
Lui, il dit justement : achetez un téléphone reconditionné plutôt qu'un neuf, louez une ponceuse car vous ne l'utiliserez pas souvent au lieu de l'acheter donc, ou de faire réparer votre lave-linge. Vous qui êtes ministre de l'Economie, vous dites que c'est une bonne campagne ça ?

BRUNO LE MAIRE
Je dis que c'est une campagne maladroite. Je l'ai regardée, je la trouve maladroite. Je vais vous dire pourquoi. D'abord parce que vendeur, c'est un métier ; je ne trouve pas ça très sympa pour les vendeurs de se moquer, même indirectement, de leur métier. En deuxième lieu, c'est maladroit vis-à-vis du commerce, surtout le commerce physique. Aujourd'hui quand vous regardez les boutiques de centre-ville, les boutiques de vêtements, toutes les grandes marques comme CAMAÏEU qui ont connu ces difficultés, très franchement je ne trouve pas ça très habile vis-à-vis du commerce physique qui se bat, que nous soutenons en particulier en centre-ville. C'est une façon de faire une promotion indirecte du commerce dématérialisé sur les plateformes, donc je trouve ça regrettable.

SALHIA BRAKHLIA
Mais vous savez que cette campagne, elle a été validée par votre collègue Christophe BECHU.

BRUNO LE MAIRE
Oui, je sais bien. Ecoutez, je suis là pour vous dire avec simplicité et franchise ce que je pense.

JEROME CHAPUIS
Il y a quelque chose parce que ça a l'air anecdotique comme ça, mais en fait il y a quelque chose très profond derrière. On est à quelques jours de la COP28, est-ce que ce n'est pas le rôle du gouvernement d'inciter à moins consommer, à mieux consommer ?

BRUNO LE MAIRE
Si. Mais moi, je crois profondément à la sobriété. Consommer moins, consommer mieux, oui, mais pas en prenant les vendeurs ou les commerces physiques comme cibles. Et en deuxième lieu, pas en culpabilisant mais en incitant. Je crois à l'incitation à la sobriété, je ne crois pas à la culpabilisation du consommateur. Regardez ce qui a été fait par Agnès PANNIER-RUNACHER, par le gouvernement sur la campagne d'économies d'énergie l'année dernière. Ça remarquablement marché. On n'a pas dit : attendez, ce n'est pas bien ce que vous faites de laisser votre télé…

SALHIA BRAKHLIA
C'était une incitation.

BRUNO LE MAIRE
C'est de dire : écoutez, si vous voulez économiser de l'énergie, voilà les solutions qu'on vous propose, voilà les bons gestes à suivre. C'était des recommandations, ça a très bien marché. Il y a eu un effort de sobriété remarquable qui a été fait par les consommateurs comme par les entreprises. Moi, je recommande vivement que sur la consommation de vêtements, de produits électroménagers, on suive cette voie de l'incitation plutôt que celle de la culpabilisation.

SALHIA BRAKHLIA
Ça, c'est pour votre collègue. Christophe BECHU va vous entendre ce matin.

BRUNO LE MAIRE
Non, ce n'est pas pour mon collègue, c'est pour cette campagne. Je suis là pour dire avec franchise et sincérité ce que je pense. Je trouve cette campagne maladroite.

JEROME CHAPUIS
D'un mot Bruno LE MAIRE, le débat a agité beaucoup, notamment le milieu de la restauration. Est-ce qu'il faut pérenniser la prolongation en 2024 de la dérogation qui permet de faire ses courses avec le ticket-restaurant ?

BRUNO LE MAIRE
Oui, je pense que c'est important pour les 5 millions de salariés qui utilisent ces titres-restaurant. Nous sommes là pour leur faciliter la vie. Les habitudes de consommation, vous parliez de sobriété tout à l'heure, elles ont changé. Vous avez beaucoup de salariés, ils ne vont pas forcément au restaurant, ils vont s'acheter de quoi faire leur repas le lendemain chez un distributeur, un grand distributeur ou dans leurs commerces de proximité. Je veux leur laisser la possibilité d'utiliser le titre-restaurant pour cela. On va le faire sur 2024. Nous avons ouvert la réflexion avec les restaurateurs.

SALHIA BRAKHLIA
Ils sont en colère.

BRUNO LE MAIRE
Ils sont en colère, je les ai soutenus massivement pendant la crise du Covid, nous continuons à les soutenir, nous allons continuer à retirer toute charge fiscale et sociale sur les pourboires. Nous sommes là pour les aider et je pense que ça vaut le coup d'ouvrir cette réflexion pour faciliter la vie des salariés. Moi je pense aux 5 millions de salariés qui utilisent ces titres-restaurant pour s'acheter des produits alimentaires et faire leurs déjeuners du lendemain. Je trouve que c'est une bonne démarche et je la soutiens.

SALHIA BRAKHLIA
Bruno LE MAIRE, c'est le Duo Day, une journée spéciale pour l'inclusion des personnes handicapées dans le monde du travail. Et vous ce matin, vous êtes venu accompagné d'un jeune homme qui s'appelle Raphaël. Il va rester avec vous toute la journée pour voir à quoi ressemble véritablement un emploi du temps de ministre ?

BRUNO LE MAIRE
Exactement. Donc Raphaël est malvoyant, il va m'accompagner toute la journée donc je suis très heureux de l'accueillir. Et de manière globale, vous voyez, on parlait de modèle social à améliorer tout à l'heure, ce n'est pas uniquement toucher l'indemnisation du chômage, c'est aussi se battre pour l'inclusion la plus large possible de tous nos compatriotes dans nos vies quotidiennes et les personnes qui souffrent d'un handicap. Raphaël, en plus, a un parcours qui est exceptionnel, il va devenir avocat. Franchement, c'est impressionnant son parcours. On va pouvoir lui faire vivre une vie de ministre, une journée de ministre. Moi, ça me fait vraiment plaisir.

JEROME CHAPUIS
Bonne journée à vous, bonne journée à Raphaël également. Bruno LE MAIRE, ministre de l'Economie et des Finances, était l'invité du 8.30 France Info.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 novembre 2023