Texte intégral
ORIANE MANCINI
D'abord, on accueille notre prochaine invitée, c'est Agnès PANNIER-RUNACHER qui nous rejoint. Et notre invitée politique ce matin, c'est Agnès PANNIER-RUNACHER. Bonjour.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup, Madame la Ministre, d'être avec nous, Ministre de la Transition énergétique. On est ensemble pendant 20 minutes pour une interview en partenariat avec la presse régionale représentée par Stéphane VERNAY, de Ouest-France. Bonjour Stéphane.
STEPHANE VERNAY
Bonjour Oriane. Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER. Bonjour, bonjour.
ORIANE MANCINI
On va parler évidemment de vos dossiers. Ils sont nombreux, Agnès PANNIER-RUNACHER, mais d'abord un mot de l'actualité. On l'a vu hier soir, en quatrième jour de trêve, ce sont ces trois enfants français qui ont donc été enfin libérés par le Hamas. La trêve a été prolongée de deux jours. Est-ce que vous savez si d'autres Français seront libérés dans les prochaines heures ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
D'abord, je veux dire mon immense soulagement pour ces trois Français. Et dire aussi que nous allons continuer à agir inlassablement, diplomatiquement, jusqu'à ce que les cinq autres Français qui sont aujourd'hui retenus en otages, et également l'ensemble des otages de différentes nationalités, que nous n'oublions pas, soient libérés. Je crois que c'est notre responsabilité. Donc un soulagement, mais une joie en demi-teinte parce qu'il y a encore beaucoup à faire, que ce soit pour les populations civiles de Gaza ou pour les otages.
ORIANE MANCINI
Et l'espoir qu'ils soient libérés prochainement, dans les prochaines heures en tout cas, d'ici la fin de la trêve ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bien sûr, l'espoir est toujours présent, mais nous sommes surtout concentrés sur notre action diplomatique pour faire avancer les choses.
ORIANE MANCINI
Un autre sujet d'actualité, votre collègue Olivier VERAN, était hier à Crépol pour rencontrer la famille de Thomas, ce jeune de seize ans qui a été tué. Olivier VERAN, il a dit que c'était un drame qui nous fait courir le risque d'un basculement de notre société. Vous êtes d'accord avec ça ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois qu'en tout cas, ce drame, il montre qu'il y a des tensions qui sont inacceptables dans la société, et que nous devons absolument agir avec autorité, ce que nous faisons, avec fermeté, mais également travailler sur le vivre ensemble. Et c'est tout l'enjeu du travail que nous menons depuis les émeutes de juillet. Pour nous, cette page des émeutes, elle ne s'est pas tournée lorsqu'elles se sont terminées. Au contraire, nous pensons qu'il faut agir dans l'école. C'est ce que fait Gabriel ATTAL. Nous pensons qu'il faut agir avec les forces de l'ordre. C'est ce qu'on fait en renforçant les forces de l'ordre. C'est ce qu'on fait aussi en les déployant sur des terrains en proximité. Je pense notamment aux plus de 200 brigades de gendarmerie qui ont été déployées sur le terrain. C'est un vrai changement par rapport aux mandatures de François HOLLANDE ou de Nicolas SARKOZY qui avaient replié ses forces de proximité. Et c'est ce que nous faisons avec la justice, avec Eric DUPOND-MORETTI, qui déploie une justice de proximité qui doit être rapide, et qui doit apporter…
ORIANE MANCINI
Mais c'est suffisant pour éviter un basculement, on a vu les réactions politiques après ce drame de Crépol, on a vu les représailles avec ces ministres de l'extrême droite qui y sont allés ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je regrette que certains font leur miel de ce type d'épisodes et soufflent sur les flammes du conflit au sein de notre société et avec un agenda clientéliste et électoral à peine transparent.
ORIANE MANCINI
Certains, c'est qui ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
On peut les nommer, l'extrême droite, l'extrême gauche, qui ne prennent pas leurs responsabilités dans ce type de situation, là où nous, nous agissons. Je rappelle que ce sont les mêmes qui ne votent pas, qui ne votent pas les projets de loi, qui nous permettent aujourd'hui de remettre des juges, des greffiers, des policiers, des gendarmes, et de renforcer l'autorité dans l'Education nationale.
ORIANE MANCINI
On parle de vos dossiers, on commence par nucléaire, Stéphane.
STEPHANE VERNAY
Eh oui, vous serez à l'inauguration officielle du Salon mondial du nucléaire civil, juste après l'émission, qui s'ouvre à Paris pour trois jours. Comment se porte la filière nucléaire française ? C'est mieux, notre parc nucléaire, est-ce qu'il a été remis en état par rapport à l'année dernière ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ah, on le voit aujourd'hui. Nous avons plus de 40 réacteurs qui sont aujourd'hui connectés au réseau. Nous sommes structurellement exportateurs d'électricité…
STEPHANE VERNAY
A nouveau ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
A nouveau, depuis le début de l'année. Donc, effectivement, nos réacteurs existants fonctionnent mieux. Mais ce qui est surtout très encourageant…
ORIANE MANCINI
... Il y a combien de réacteurs à l'arrêt ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
41 réacteurs qui fonctionnent, 15 réacteurs à l'arrêt, et ça, c'est normal. C'est-à-dire que tous les réacteurs ne fonctionnent pas en permanence…
STEPHANE VERNAY
C'est la maintenance...
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est tout à fait logique. Et la difficulté que nous avions l'année dernière de corrosion sous contrainte est en train d'être réparée progressivement, à un rythme industriel, qui nous permet d'être confiants sur le passage de l'hiver. Je veux être très claire, le passage de l'hiver, nous sommes confiants, nous allons continuer à faire des efforts de sobriété, parce que c'est bon pour la planète, et c'est bon pour la facture des Français. Mais effectivement, nous sommes en bien meilleure posture que l'année dernière. Ensuite, sur le nucléaire, moi, je trouve que c'est très encourageant parce qu'on voit que non seulement EDF avance dans ses projets, dans évidemment la maintenance du parc existant, mais dans la construction de nouveaux réacteurs, dans l'avancement d'un projet, d'un projet de SMR. C'est un petit réacteur modulaire de génération suivante, qui va permettre aussi d'élargir l'ensemble des solutions qu'on peut proposer pour produire de l'électricité compétitive et bas carbone. Mais nous accompagnons des startups, six nouvelles startups…
STEPHANE VERNAY
Que vous avez dévoilées hier…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Que j'ai annoncées hier, qui sont sur des technologies nouvelles…
STEPHANE VERNAY
Que vous mettrez en avant pendant le salon…
AGNES PANNIER-RUNACHER
De fusion, donc de réutilisation du combustible ou à usage de chauffage. Donc on le voit, la filière est en forme, elle produit, elle se construit, elle crée de l'emploi. Et notre grand sujet aujourd'hui, c'est de devoir mettre en place les formations parce que nous allons devoir recruter 100.000, 100.000 personnes dans les dix ans qui viennent. Et il faut avoir des personnes formées.
STEPHANE VERNAY
On sera dans les temps par rapport à vos objectifs. On aura vraiment des petits réacteurs nucléaires made in France en 2030, ou on va être obligé d'acheter du matériel américain ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, je crois qu'on n'achètera pas du matériel américain. Moi, je suis très confiante sur la capacité de notre filière à industrialiser ces solutions. Mais surtout, je le rappelle, nous sommes un des rares pays au monde à être capable de construire un réacteur de A à Z…
STEPHANE VERNAY
Y compris un petit réacteur de nouvelle génération ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Y compris un petit réacteur de nouvelle génération. Je l'ai indiqué, nous soutenons six nouveaux réacteurs. Nous avons EDF qui est assez avancée sur la construction d'un réacteur NUWARD. Et j'ai déjà soutenu deux premiers acteurs, donc nous avons neuf projets de réacteurs, petits réacteurs modulaires nouvelle génération, qui sont aujourd'hui…
STEPHANE VERNAY
De différents types…
AGNES PANNIER-RUNACHER
A des stades plus ou moins avancés. Certains sont vraiment encore du labo vers le prototype. D'autres, en revanche, sont proches de l'industrialisation. Donc notre filière est une des meilleures du monde, si ce n'est la meilleure du monde.
STEPHANE VERNAY
On vous pose la question parce que cette nouvelle technologie, on sent, on pressent qu'elle sera indispensable pour développer la production d'hydrogène vert à grande échelle en France. Comment faire sans ces petits réacteurs ? Où en est le plan hydrogène qui avait été annoncé en 2020 ? Là aussi, vous tiendrez les objectifs ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, Nous, nous avons un plan hydrogène qui se déploie sur les territoires. Il y a des dizaines de projets qui sont aujourd'hui soutenus pour construire des électrolyseurs, je pense à GENVIA par exemple, à Béziers. Je pense au projet dans le Grand-Est. Nous avons également des projets d'utilisation d'hydrogène vert pour décarboner nos industriels. J'étais encore la semaine dernière avec Roland LESCURE, le ministre en charge de l'Industrie, pour signer des contrats avec les grands industriels qui émettent du CO2. Je pense à l'acier, je pense à l'aluminium, je pense au ciment, et qui vont avoir besoin d'hydrogène vert. Et eux investissent pour récupérer cet hydrogène bas carbone. Et nous déployons aujourd'hui non seulement plus de nucléaire, mais plus aussi d'énergies renouvelables, car l'hydrogène bas carbone que nous allons utiliser, il est sur base nucléaire ou sur base renouvelable. Et dernier point, avec mon collègue Roland LESCURE, je serai le 5 décembre prochain à l'inauguration de SYMBIO. Et nous annoncerons la prochaine mise à jour de notre stratégie nationale hydrogène, et notamment des dispositifs de soutien pour permettre aux industriels d'utiliser de l'hydrogène vert et de se passer de ce qu'on appelle l'hydrogène gris, c'est-à-dire l'hydrogène qui est produit à partir d'énergies fossiles.
ORIANE MANCINI
On va revenir aux renouvelables, mais juste, puisque vous parliez de la construction de nouveaux réacteurs, on en est où de l'EPR de Flamanville ? Est-ce que vous avez un calendrier de mise en route plus précis ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
2024, vous savez que nous sommes maintenant désormais en phase de tests…
ORIANE MANCINI
Mais 2024, premier trimestre, 2024 automne ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
2024, et nous sommes en phase de tests aujourd'hui. Ce qui compte pour moi, c'est qu'à la fin de l'année 2024, le réacteur de Flamanville soit connecté.
ORIANE MANCINI
A 100 % ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait.
STEPHANE VERNAY
Juste une dernière question sur l'électricité, vous disiez : on est confiant pour l'hiver. Le PDG d'EDF, Luc REMONT, dit la même chose, confiance, même s'il faut rester vigilant. Du coup, si la production est suffisante et les planètes bien alignées, pourquoi est-ce que vous avez décidé de mener une expérience qui viserait à brider les compteurs de la puissance électrique de 200.000 foyers ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Parce que, moi, j'anticipe. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à une transformation en profondeur de notre système énergétique. Nous allons devoir augmenter notre production d'électricité massivement. Nous allons en avoir besoin pour baisser nos émissions de gaz à effet de serre, remplacer le pétrole, remplacer le charbon dans les années qui viennent. Et plutôt que de me laisser surprendre en phase de crise, puisque finalement, nous nous sommes aperçus que personne n'avait travaillé réellement sur ce système de délestage et n'avait pas prévu la manière de le faire. Nous avons mis un dispositif en place. Nous n'avons pas eu à l'utiliser l'année dernière, et c'est heureux. Mais il faut toujours préparer les crises, et ce dispositif sur lequel nous travaillons, qui est un test, qui est de se dire, au fond, plutôt que de couper l'électricité chez les gens si on a un problème de tension, pourquoi tout simplement ne pas baisser la tension chez eux, ce qui leur permet de continuer à charger leurs portables, à avoir de l'électricité et à surtout avoir leur frigidaire qui fonctionne ou leur congélateur…
STEPHANE VERNAY
Mais plus de chauffage pendant deux heures…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors pas plus de chauffage, nécessairement, mais par exemple plus la machine à laver ou le four micro-ondes, qui fonctionne en même temps, ça sécurise les gens, et nous, ça nous permet d'avoir une mesure supplémentaire dans notre boîte à outils en cas de tension sur les réseaux. Et les tensions sur les réseaux, ça peut arriver en cas de problème de production générale, mais ça peut arriver tout simplement si vous avez un poste source qui a une difficulté technique. Ça, c'est des choses qui arrivent.
ORIANE MANCINI
Mais est-ce que vous êtes confiante au point de dire aux Français : il n'y aura pas de black-out cet hiver ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais il n'a jamais été question qu'il y ait un black-out, un black-out, je vous rappelle que c'est un effondrement généralisé de notre système électrique. Nous ne sommes pas le Texas. Effectivement, aux Etats-Unis, il y a des risques de black-out, il y en a eu. En France, avec le travail du gouvernement, nous nous sommes précisément mis en situation de ne pas avoir de black-out.
ORIANE MANCINI
Aujourd'hui, a lieu une conférence sur les prix de l'énergie. Ce sera cet après-midi, vous réunirez des parlementaires, des élus locaux, pour faire le point sur les tarifs de l'électricité, du gaz, du pétrole. Est-ce que les Français peuvent espérer voir leur facture d'énergie baisser ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, la promesse que nous tenons aujourd'hui, c'est de faire en sorte que les Français paient la réalité de leurs coûts de l'électricité. C'est ce que j'ai porté au niveau européen, avec une négociation historique où nous avons eu gain de cause, face notamment à l'Allemagne, qui ne souhaitait pas reconnaître l'énergie nucléaire comme étant sur le même pied d'égalité que les énergies renouvelables. Ça, nous l'avons fait le 17 octobre. Tout le monde nous disait : c'est impossible, vous n'y arriverez pas. Nous l'avons fait, nous l'avons fait avec le président de la République. Et la deuxième chose, c'est la négociation que j'ai menée avec EDF et Bruno LE MAIRE pour préparer la suite de ce qu'on appelle l'ARENH, qui est une régulation qui permet aujourd'hui aux Français d'avoir une partie de leurs factures qui est fondée sur les coûts du nucléaire tout en étant exposés, et on l'a vu l'année dernière malheureusement et de manière trop importante, au prix du marché. Avec cette nouvelle régulation, ce ne sera plus le cas, puisque dès que le prix passera l'équivalent de 110 euros d'argent d'aujourd'hui, alors, nous prélèverons sur le EDF tout le complément de recettes qu'obtiendrait EDF dans le paiement de ses factures, et nous le redonnerons aux consommateurs de façon à ce que cet élément d'augmentation des prix ne pèse pas sur leurs factures...
ORIANE MANCINI
Mais concrètement, sur leur facture, parce que, là, le prix de l'électricité, il est annoncé à la hausse pour l'année prochaine ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, peut-être remettre les choses en perspective. Nous, on a très clairement dit, et je le redis, le prix de la facture doit évoluer en fonction de la réalité des coûts de l'électricité, de notre mix électrique, des coûts de notre système nucléaire, des coûts de nos réseaux. C'est ce que nous faisons, et c'est ce que nous allons faire l'année prochaine. Et on l'a dit très clairement avec Bruno LE MAIRE, les augmentations délirantes de factures, c'est terminé ! Au maximum, la facture augmentera de 10%, ça, c'est très clair, sur l'augmentation du 1er février 2024. Et après, je vois que le Sénat souhaite augmenter la fiscalité sur la facture. Ce qui est un autre propos, ce n'est pas le coût de l'électricité en propre, c'est la question de la fiscalité. Ça, c'est une discussion budgétaire qui est en cours. Je ne suis pas sûr qu'il faille, comme le propose le Sénat, et comme l'a voté le Sénat, hier, augmenter de 20% la fiscalité sur la facture de l'électricité. Mais ça, c'est autre chose…
ORIANE MANCINI
Sans bouclier, ça augmenterait de 20%, le gouvernement souhaite un bouclier pour les limiter à 10%, juste pour tout le monde…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, non, ce n'est pas ça…
ORIANE MANCINI
Mais le Sénat…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, non, juste, juste, le bouclier énergétique protégera au maximum à 10%. Ça n'a rien à voir avec le fait de mettre plus de taxes sur l'électricité. Ça, c'est un choix du Sénat…
ORIANE MANCINI
Le Sénat dit : ce n'est pas grave que les Français les plus aisés paient leur facture 20 % de plus. En revanche, il faut protéger les plus modestes et faire des aides ciblées…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi, j'aimerais savoir ce que c'est que les Français les plus aisés. Je rappelle que, aujourd'hui, le revenu médian en France, il est de 1.700 euros par mois. Je ne suis pas sûre qu'à 1.700 euros par mois, vous soyez aisé, donc je pose cette question très simplement. Je comprends la logique du Sénat, mais 20% d'augmentation de la facture…
ORIANE MANCINI
Vous ne la partagez pas…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça me paraît déraisonnable.
STEPHANE VERNAY
D'une manière générale, on peut dire qu'on est entré dans un monde où tout le prix de l'énergie, les prix de l'énergie, que ce soit le carburant, gaz, électricité, etc, toute source d'énergie a augmenté et ne baissera plus. Est-ce que nos entreprises sont…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, je vais m'inscrire en faux contre ça. Regardez les évolutions récentes, le prix du carburant est en train de baisser. Le prix du gaz a baissé par rapport à l'année dernière, et le prix de l'électricité, qui avait atteint des sommets sur les marchés internationaux, est en train de re-rentrer... la rivière re-rentre dans son lit, ce qui nous permet, nous, de lever le bouclier électricité l'année prochaine, puisque nous n'aurons plus à compenser l'écart entre le prix plafonné, que nous avons mis pour les Français, et ce prix délirant que nous devions payer sur les marchés.
STEPHANE VERNAY
Il n'y a pas de fatalité…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, il n'y a pas de fatalité. Et puis, surtout, si on veut baisser le prix de l'énergie, en fait, il faut agir, et c'est ce que nous faisons. Agir, c'est baisser notre consommation d'énergie, et c'est augmenter notre production d'énergie décarbonée. Aujourd'hui, nous sommes dépendants à 99 % des importations de pétrole, 99 %. Nous ne décidons pas des prix du pétrole. Si nous voulons demain ne plus avoir à subir les augmentations de prix du carburant, il faut produire notre propre carburant, en quelque sorte. Notre propre carburant, c'est l'électricité, l'électricité, ça coûte trois fois moins cher que le pétrole dans un plein de voiture. Et ce que nous portons avec le gouvernement, le président de la République et la Première ministre, c'est d'avoir des solutions d'accès à des voitures électriques qui soient réellement à des prix à la portée du portefeuille des Français moyens et des Français modestes, avec le bonus écologique, que je souhaite renforcer, avec la prime à la conversion, ou avec le dispositif de leasing à 100 euros. Ça, ce sont des solutions concrètes. Et une fois que les Français seront équipés de ces voitures, derrière, ils économiseront du carburant, puisque vous savez que par année d'utilisation d'une voiture électrique, je parle d'une petite voiture électrique, un modèle type C3 ou R5, c'est à peu près 1.000 à 1.200 euros d'économie chaque année. Ce n'est pas l'épaisseur du trait pour les Français.
STEPHANE VERNAY
Vous avez du mal à convaincre le grand public de ça ? Je vous pose la question, parce qu'on a vu que votre ministère était partenaire d'une grande campagne de pub qui s'appelle " Je roule en électrique ", qui vise justement à convaincre les Françaises et les Français de s'équiper de véhicules électriques ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, tout à fait, parce qu'il y a beaucoup de fake news qui circulent. Il y a une première fake news qui consiste à expliquer que la voiture électrique serait plus polluante que la voiture thermique. Alors, ça, il suffit de se tourner vers les experts. Ce n'est pas moi qui le dis évidemment, ce sont les experts scientifiques. Vous pouvez le prendre comme vous voulez. Une voiture électrique est 2 à 5 fois moins polluante qu'une voiture thermique, sur le cycle de vie, c'est-à-dire, non seulement la production, mais également le temps d'utilisation de cette voiture, lorsqu'on roule avec. Ça, c'est une première chose qui est importante. La deuxième chose, c'est que la voiture électrique, il y a encore un an, deux ans, avait des prix inaccessibles pour les trois quarts des Français, je veux dire, qui peut se payer aujourd'hui une voiture neuve à plus de 40.000 euros, c'est inaccessible. Heureusement, on commence à voir sortir en Europe et en France des modèles qui sont encore chers…
STEPHANE VERNAY
Y compris les modèles construits en France ou par des constructeurs français…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et y compris des modèles construits en France. Je pense évidemment à la R5 qui sortira l'année prochaine, qui se rapproche en termes de prix de prix un peu plus acceptables, et qui, avec le bonus écologique, et la prime à la conversion, vont arriver dans une zone entre 10.000 et 15.000 euros. Tout le monde ne peut pas se payer une voiture neuve entre 10.000 et 15.000 euros, mais ce n'est pas la même chose que 40.000 euros. Et surtout, quand ces voitures, elles-mêmes, rejoindront le marché de l'occasion, dans 3, 4, 5 ans, alors, elles seront réellement accessibles au tout venant. Et ça, c'est essentiel. Je veux juste dire qu'en Norvège, 80 % des immatriculations aujourd'hui sont en électrique. Donc ce qu'on nous disait impossible, il y a quelques années, est en train de se réaliser. A nous d'en tirer le maximum. Moi, je veux travailler pour les Français, donc je travaille pour leur pouvoir d'achat. Je travaille aussi pour leur emploi. Ce que nous faisons avec la voiture électrique, c'est de déployer des emplois autour de toute la chaîne de valeur électrique. Les Gigafactory de batteries électriques dans le Nord de la France, dans le Pas-de-Calais, c'est des dizaines de milliers d'emplois autour de ces voitures électriques. Donc tout l'argent que nous investissons, il a vocation à revenir en France, en Europe, pour créer de l'emploi et pour créer des sites industriels…
ORIANE MANCINI
Un mot sur une autre campagne gouvernementale. Elle a été lancée cette fois par votre collègue Christophe BECHU, pour inciter les Français à la sobriété, avec des dévendeurs qui incitent à ne pas surconsommer, à ne pas acheter du neuf, mais plutôt à recycler. Ça n'a pas plu à Bruno LE MAIRE, qui défend le commerce et dit ne pas croire à la culpabilisation du consommateur. Vous êtes plutôt LE MAIRE, ou plutôt BECHU ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, moi, je n'aime pas quand on pose le sujet comme ça, parce que la réalité, c'est que, cette campagne, elle a peut-être un tort, c'est dans un de ses spots, ça se passe dans ce qui pourrait apparaître comme un petit commerce de centre-ville. Et on sait combien on se bat dans le gouvernement pour maintenir ces commerces dans nos centres-villes qui sont menacés notamment par les plateformes. Mais poser la question du réemploi, poser la question de la réparation, ce sont des bonnes questions. Ce sont des bonnes questions pour le pouvoir d'achat des Français. Aller faire réparer un équipement ménager pour quelques dizaines d'euros plutôt que de payer quelques centaines d'euros pour le remplacer, c'est une bonne gestion et c'est de l'emploi pour les Français à nouveau. Ces équipements ménagers, on en produit très peu en France. Par contre, on les répare en France. Et donc, c'est cette vision que nous portons avec Christophe BECHU. C'est moi qui ai fait de la sobriété, je crois, un élément important du débat public. Et on a vu combien les Français ont adhéré, les Français, ils ne nous disent pas : je veux me priver, mais ils disent : je ne veux pas gaspiller, je ne veux pas utiliser inutilement des ressources dont je n'ai pas besoin. Donc aidez-moi à avoir une consommation qui finalement combine mon portefeuille et un impact réduit sur la planète.
ORIANE MANCINI
Stéphane, on parle des Assises de l'économie de la mer. C'est organisé par Ouest France.
STEPHANE VERNAY
Oui, Ouest France, le marin, le cluster maritime, c'est à Nantes, ça commence demain, vous serez présente pour lancer les débats publics sur la planification de l'éolien marin. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus ? Et de quoi s'agit-il et quel est l'enjeu ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
L'enjeu, c'est que pour produire plus d'électricité, et de l'électricité abondante et compétitive, en prix, accessible en prix, nous avons besoin de l'éolien marin. L'éolien marin, c'est une des énergies qui dans son mode de fonctionnement, en termes de facteur de charge, parce que, en gros, ça fonctionne quasiment tout le temps, et de puissance, se rapproche le plus du nucléaire, et surtout, c'est très compétitif en prix. Et donc notre objectif, dans les dix ans qui viennent, c'est de faire en sorte de lancer l'équivalent d'une vingtaine de nouveaux parcs éoliens marins, de façon à ce que l'on puisse avoir de l'électricité pas chère à partir de 2030.
STEPHANE VERNAY
On en est où pour l'instant, il y a le parc éolien de Saint-Nazaire, qui a 80 éoliennes, qui marche depuis un an, celui de Saint-Brieuc qui est en train de se terminer…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement, en fait, nous allons avoir Fécamp qui va venir ensuite dans la foulée, donc quasiment un parc éolien marin connecté par année. Et notre objectif, c'est de passer à deux parcs éoliens connectés. Simplement, ce qu'on est en train de faire, c'est qu'on accélère, c'est-à-dire, on organise, façade maritime par façade maritime, il y a la Méditerranée, il y a le Nord, il y a Bretagne Sud, Bretagne Nord, Atlantique d'un côté, enfin, vous vous représentez la carte de France, donc façade maritime par façade maritime. Une discussion avec tout le monde autour de la table. Les pêcheurs…
STEPHANE VERNAY
Parce que votre difficulté, c'est de trouver des emplacements qui fassent consensus, c'est ça ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait, les pêcheurs, les communes, l'ensemble des collectivités locales, les transporteurs aussi, tous ceux qui ont besoin de la mer, qui utilisent la mer, pour définir les meilleures zones. Et puis, il faut évidemment prendre en compte la biodiversité. C'est ce que nous faisons aussi. Et lorsqu'on aura cette planification, en pensant à 2050, et en ne regardant pas juste les prochains parcs…
STEPHANE VERNAY
Parce que votre objectif, c'est 50 parcs d'ici 2050 ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
D'ici 2050, et c'est de projeter où on pourra les mettre de façon à anticiper et à régler ces problèmes d'acceptabilité collective.
STEPHANE VERNAY
On va rattraper notre retard parce que le grand paradoxe, c'est qu'on a toute la filière, tous les savoirs faire, tout ce qu'il faut pour produire de l'éolien en mer, mais on est très peu avancé par rapport à d'autres pays, notamment nos voisins…
AGNES PANNIER-RUNACHER
On est moins avancé que d'autres pays. Là, on est en train de rattraper, je l'indiquais, un parc connecté chaque année, deux parcs à partir des années 2030. Mais moi, mon objectif, il est très clair, c'est de lancer un très gros appel d'offres à la suite de cette concertation, qui permettra de préciser où nous pouvons poser des parcs éoliens en mer, et notamment où nous pouvons les poser de manière rapide, puisqu'on a besoin de production rapidement, de pouvoir lancer ce méga appel d'offres en 2025, de façon à ce que les opérateurs, les fournisseurs d'énergie investissent massivement, soutiennent notre filière de production, et qu'on donne de la visibilité à tout le monde.
ORIANE MANCINI
Une dernière question, Stéphane…
STEPHANE VERNAY
Une question dans l'actualité. La COP28 démarre jeudi. Vous vous y rendrez ce week-end…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Avec le président de la République, tout à fait.
STEPHANE VERNAY
Quelles sont les positions et les ambitions françaises que vous allez défendre au cours de ce sommet ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Les ambitions françaises, elles s'articulent autour de deux sujets, c'est le financement. Comment on revoit en profondeur le financement du climat par rapport au développement. Et c'est ce que le président de la République a apporté au mois de juin dans le sommet qu'il a organisé avec des dizaines de pays, pour justement moderniser la manière dont la Banque mondiale, le FMI, les banques multilatérales de développement et les pays interviennent pour développer des projets dans les pays en développement, et les protéger du changement climatique. Ça, c'est le premier point. Et le deuxième point, c'est la sortie des fossiles. La sortie des fossiles, c'est notamment un effort sur le charbon, puisque nous, nous estimons qu'il faut, là aussi, respecter les indications des scientifiques. Nous sortirons du charbon avant 2030. C'est ce que nous disent les scientifiques pour tenir la trajectoire du 1,5 degré, et nous voulons que tous les pays en responsabilité puissent s'organiser pour faire de même, qu'on arrête de développer de nouveaux projets de centrales à charbon. Mais il ne faut pas oublier le gaz et le pétrole. C'est une sortie organisée sur ces énergies fossiles. On ne peut pas le faire du jour au lendemain. Mais plus on anticipe et plus on se donne des trajectoires, moins ça coûtera aussi aux citoyens.
ORIANE MANCINI
Merci. Merci Agnès PANNIER-RUNACHER.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Merci.
ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'avoir été notre invitée. Merci Stéphane.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 1er décembre 2023