Interview de Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme, à Sud Radio le 6 décembre 2023, sur l'inflation, les Jeux Olympiques de 2024, l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur et le statut des indépendants.

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Média : Sud Radio

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bonjour à toutes et à tous. Merci d'être avec nous tous les matins. 08h30-09h00 pour l'interview politique. Les Français veulent savoir, parlons vrai ce matin, avec Olivia GREGOIRE, qui est ministre déléguée chargée des Petites et moyennes entreprises, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme. Olivia GREGOIRE, bonjour.

OLIVIA GREGOIRE
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. L'inflation baisse, quelle inflation à la fin de l'année 2023, on en sera où ?

OLIVIA GREGOIRE
C'est toujours délicat quand on est ministre et qu'on n'est toujours pas ni Madame Soleil ni Madame Irma, ce que je peux vous dire, c'est qu'on est sur la pente descendante, Jean-Jacques BOURDIN, on était au mois de mars, pour rappeler à ceux qui nous écoutent, à 16% d'inflation alimentaire. On est aujourd'hui à 7,6%. On a donc une inflation qui reflue, qui va continuer à refluer, possiblement, qui sera autour de 3,5% en fin d'année, et qui va continuer…

JEAN-JACQUES BOURDIN
3,5%…

OLIVIA GREGOIRE
Possiblement, possiblement…

JEAN-JACQUES BOURDIN
A la fin de l'année…

OLIVIA GREGOIRE
Et je prends des pincettes. Et je rappelle aussi que tout ça dépend du contexte international. Voilà, toute chose égale par ailleurs. Après, il y a une réalité, Jean-Jacques BOURDIN, vous venez de dire : on va parler vrai. Donc on va parler vrai.

JEAN-JACQUES BOURDIN
On va parler vrai, oui, j'adore ça, vous aussi…

OLIVIA GREGOIRE
Pour parler vrai, et les Français ne sont pas idiots, on ne retrouvera pas nécessairement le niveau d'inflation qu'on a pu connaître ces dernières années. En réalité, depuis dix ans, on est en période dite de déflation. C'est-à-dire que les prix baissent, baissent, baissent. Ce qui a créé d'ailleurs des problèmes chez nos agriculteurs, les producteurs, etc. La réalité, c'est que nous aurons une inflation qui va baisser, mais nous aurons un substrat d'inflation qui va rester. Pourquoi ? D'abord parce qu'il y a des investissements à faire pour tous ces acteurs économiques. La transition écologique, ce n'est pas un mythe, il faut investir. Et par ailleurs, c'est aussi pour ça que je le rappelle, notamment à l'endroit de l'extrême gauche qui l'oublie souvent, les acteurs économiques ont augmenté les salaires l'an passé, les acteurs économiques continuent à les augmenter, un peu plus de 4% d'augmentation de salaires l'an passé, 5% de prévu cette année. Tout ça, ça se retrouve dans le prix de vos produits alimentaires et non alimentaires. Donc, il y a une partie de l'inflation qui ne disparaîtra pas.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien sûr, bien sûr, mais les Français constatent tout de même une hausse des prix, hausse des prix pour les fêtes, j'ai vu l'UFC Que Choisir, 9,2% sur les produits de fêtes, je parle…

OLIVIA GREGOIRE
Alors, sur les produits de fêtes, il faut, là aussi, être très transparent avec les Français. On a un système de négociations commerciales entre les industriels, les producteurs et les distributeurs qui est assez rigide dans notre pays, sans être casse-pied, c'est une fois l'an qu'il y a une période dite de négociations…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Janvier, là ? Ça doit être en janvier…

OLIVIA GREGOIRE
Alors, ça va être en janvier, parce qu'on a décidé de l'avancer. Et la réalité, c'est qu'il faut dire aux gens pourquoi il y avait cette rigidité, il y avait cette rigidité parce qu'elle nous a protégés, et elle a protégé nos producteurs en période de déflation. La réalité, c'est que le contexte a changé, et qu'il va falloir changer les règles. C'est pour ça que l'année prochaine, nous aurons une loi portée par les parlementaires très probablement sur ces négociations. Les prix que vous aurez en rayon à Noël 2023 sont issus des négociations qui ont atterri en mars 2023. Donc effectivement, on était dans une période très fortement inflationniste, donc il est probable que certains produits, j'ai lu le papier que vous mentionnez et l'étude de l'UFC Que Choisir, notamment les produits sucrés, les produits avec du chocolat vont rester élevés. Il y en a dans les bûches. On ne va pas se mentir. Pourquoi ? Parce que le cours du sucre, le cours du cacao reste très élevé. A l'inverse, je peux vous dire, Jean-Jacques BOURDIN, que le cours du blé tendre, le cours du soja, le cours du maïs ont baissé entre 30 et 40 %. Donc, il y aura aussi des baisses de prix à mi-janvier.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, inflation alimentaire de 4 à 5% en 2024…

OLIVIA GREGOIRE
Donc, inflation glissante…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est ce que je disais, oui, 9,2 pour les fêtes, les produits de fêtes dit l'UFC Que choisir. Mais Michel-Edouard LECLERC était avec moi il y a une dizaine de jours. Il disait que 4 à 5%, l'inflation alimentaire en 2024.

OLIVIA GREGOIRE
Oui, mais il est plus dans son rôle que moi, parce que c'est eux qui sont en train de négocier. Moi, qu'est-ce que je sais, et que je peux partager ce matin avec nos auditeurs. Il y a des auditeurs qui font du commerce. Bon, quand on commence une négociation, Jean-Jacques BOURDIN, on commence à la hausse. L'année dernière, les prix en début de négociation, les demandes de hausses de prix, c'était plus 15 à 20%, au moment où on se parle, les acteurs sont en train de négocier. En moyenne, les hausses de prix demandées, c'est plus 5% en démarrage de négociation. Ce n'est pas le début qui compte, c'est la ligne d'arrivée. Quand on veut atterrir à 0% d'augmentation, on démarre à + 5. Donc il y a ce jeu de négociations qui est en cours…

JEAN-JACQUES BOURDIN
On peut finir à + 2, + 3...

OLIVIA GREGOIRE
Voire moins 1, on n'est pas à l'abri de quelques bonnes surprises, Jean-Jacques BOURDIN…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Voire moins 1... c'est vrai ?

OLIVIA GREGOIRE
Oui, oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, eh bien, Olivia GREGOIRE, nous verrons bien.

OLIVIA GREGOIRE
Mais, à dispo pour en reparler début février, on aura les nouveaux prix…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec grand plaisir. Pourquoi la majorité n'a-t-elle pas voté l'amendement qui était un amendement, je crois, LFI, sur les marges de la grande distribution, encadrant les marges de la grande distribution et des industriels de l'agroalimentaire ?

OLIVIA GREGOIRE
Très bonne question. Alors, ce n'était pas un amendement, c'était plus que ça, c'était…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'était une proposition de loi, exact…

OLIVIA GREGOIRE
Une proposition de loi, dans le cadre de la niche parlementaire de la semaine dernière, de jeudi dernier, où je siégeais d'ailleurs, portée par Manuel BOMPARD…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, et vous, vous y étiez là ?

OLIVIA GREGOIRE
Leur proposition à l'origine, c'est quoi ? A l'origine, c'est une proposition de loi qui dit : il faut encadrer et bloquer les marges, en réalité, des entreprises de l'agroalimentaire, sans faire aucun distinguo entre nos petites entreprises, nos petits producteurs et les grands groupes. Et la réalité, c'est que leur proposition, elle n'était fondée sur rien. Je ne vais pas enquiquiner les gens à 8h30, mais, ils sont allés proposer un coefficient, il faut être précis, multiplicateur de 1,74. Rien dans l'étude d'impact, dans ce qui motive cette proposition de loi, n'a justifié ce chiffre. Par ailleurs, dans ce texte, il n'y avait aucune finesse par rapport à l'immense majorité des entreprises de ce pays qui font de l'agroalimentaire et qui sont des PME qui sont des petits. Donc, ils voulaient encadrer, bloquer les marges de nos entreprises en France, continuant à penser que la France est une île et continuant à penser que les distributeurs n'auraient pas la possibilité d'aller chercher des produits ailleurs qu'en France. Donc en fait, qu'est-ce que ça aurait créé ? Ça aurait mis par terre des centaines, voire plus de PME de l'agroalimentaire qui étaient mélangées avec les grands groupes. Deuxièmement, il faut qu'ils ouvrent les yeux. La France n'est toujours pas une île. Et donc, quand vous avez des prix ou des marges bloqués dans un pays européen, qu'est-ce qu'ils font les distributeurs ? Ils s'achalandent ailleurs et ils importent.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, Olivia GREGOIRE, les Jeux olympiques, bientôt, il y a déjà des contrôles, par exemple, bon, le prix des transports, je ne vais pas vous parler des transports, ce n'est pas votre domaine, augmenteront. Beaucoup de prix augmentent, les hôteliers multiplient par 2, 3, 4, 5, parfois 6, le prix d'une nuitée à Paris, mais pas qu'à Paris. Qu'est-ce que vous faites ? Il y a déjà des contrôles, j'imagine ?

OLIVIA GREGOIRE
Oui…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous allez... je ne sais pas, augmenter les taxes de séjour, est-ce que vous allez... Qu'est-ce que vous allez faire ?

OLIVIA GREGOIRE
Alors la taxe de séjour, pour le coup, a déjà été augmentée lourdement de 200%, je le rappelle pour ceux qui nous écoutent…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle n'augmentera plus ?

OLIVIA GREGOIRE
Eh bien, je pense…

JEAN-JACQUES BOURDIN
A l'occasion des Jeux ?

OLIVIA GREGOIRE
D'abord, je n'y étais pas favorable pour être claire, et là aussi, un peu de finesse, un peu de nuance. On tape de la même façon en hôtellerie, un petit hôtelier indépendant de la région parisienne, et un grand palace de la rue de Rivoli. Bon, moi, j'ai demandé, je suis encore en train de travailler, qu'on puisse affiner les choses pour que les petits, peut-être, payent moins parce que quand vous avez…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire qu'il y aura des taxes de séjour en fonction du nombre d'étoiles par exemple ?

OLIVIA GREGOIRE
Eh bien, c'est ce que j'essaie de faire, je suis en train de pousser cette idée que les très grands, qui ont parfois des chambres à 1.500 euros la nuit, il y a des palaces dans Paris, aient une taxe de séjour élevée, et des petits qui aient une taxe beaucoup plus petite, ne me semblerait pas idiot.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc taxe de séjour modulée ?

OLIVIA GREGOIRE
Après... je suis en train de le proposer…

JEAN-JACQUES BOURDIN
En fonction du nombre d'étoiles…

OLIVIA GREGOIRE
Après, on a deux axes, d'abord, j'ai quand même une chose à vous dire, c'est que ni à Londres, ni à Rio, ni même à Pékin, qui est quand même une économie purement administrée, et quand même connue pour ça, jamais il n'y a eu d'encadrement ou de régulation des prix dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques. Donc je rappelle, d'ailleurs, en lien avec ce que vous disiez avant sur l'encadrement des marges, on n'est toujours pas, et c'est tant mieux dans une économie administrée. Moi, j'ai un levier efficace, c'est d'augmenter considérablement les contrôles. J'ai quelques chiffres à partager avec vous. En 2023, sur Paris-Ile-de-France, vous avez eu un peu plus de 600 hôtels parisiens qui ont été contrôlés. Il y en a 1.600. L'intégralité de ces 1.600 établissements seront contrôlés d'ici aux Jeux olympiques. Premièrement. Si les prix ne sont pas affichés, c'est possiblement une erreur, et c'est condamnable. Si les prix affichés ne sont pas ceux payés, là aussi, le consommateur est en droit de le faire savoir et de s'en plaindre. Et il y a derrière ça un arsenal d'amendes et de sanctions extrêmement lourdes pour les hôteliers qui le savent. Donc l'important, c'est que les informateurs soient informés du prix qu'ils ont à payer, et donc au-delà des contrôles en Ile-de-France, en 2023, on a eu 4.300 établissements contrôlés en France. Je vous annonce ce matin qu'il y en aura 10.000 établissements contrôlés d'ici aux Jeux olympiques et paralympiques…

JEAN-JACQUES BOURDIN
10.000 établissements contrôlés d'ici les Jeux…

OLIVIA GREGOIRE
Parfaitement. On va faire plus que doubler les contrôles. Et j'ajoute, pour ceux qui s'amuseraient à mentir au consommateur ou à lui donner de fausses informations ou à ne pas donner d'informations sur les prix, que la Direction de la concurrence et la répression des fraudes, il y a des femmes et des hommes qui y travaillent, 900 personnes à la Direction des fraudes, c'est-à-dire un tiers de l'effectif total de cette administration, va être mobilisé sur le contrôle des prix, le sanitaire et le bon déroulement des Jeux olympiques. Un tiers de cette administration, quasiment 1.000 agents, qui vont faire des contrôles d'ici aux Jeux olympiques. Donc j'appelle tout le monde à la responsabilité. J'appelle les hôteliers, les restaurateurs. J'ai une seule chose à leur dire : c'est formidable qu'on ait les Jeux olympiques, il y aura sûrement 15 à 16 millions de visiteurs, mais il est indispensable que les touristes, qu'ils soient français ou internationaux, en aient pour leur argent. Si ça n'est pas le cas, ils pourront être sanctionnés lourdement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, nous allons parler du statut des indépendants, des commerçants, des artisans, des professions libérales avec vous, Olivia GREGOIRE, mais j'ai juste une question qui concerne le consommateur indirectement évidemment, l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur, Brésil, Brésil, l'Argentine, Paraguay, Uruguay n'a jamais été ratifié. La Commission européenne pousse et s'apprête à le faire. Emmanuel MACRON va-t-il céder ? Est-ce que la France, est-ce que vous vous engagez ? Est-ce que la France va... je ne sais pas, s'opposer par tous les moyens à cet accord ?

OLIVIA GREGOIRE
Pour le coup, ce n'est pas moi qui suis en ligne, en première ligne sur cette négo…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, ça concerne les PME de l'agroalimentaire…

OLIVIA GREGOIRE
Bien sûr, bien sûr…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça concerne les agriculteurs, et pas que de l'agroalimentaire d'ailleurs…

OLIVIA GREGOIRE
Bien sûr. Emmanuel MACRON n'a jamais tremblé pour dire et pour soutenir les PME et nos producteurs. Donc, si cet accord est présenté comme tel, le président de la République prendra ses responsabilités. Il l'a déjà fait d'ailleurs au mandat précédent.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire quoi ?

OLIVIA GREGOIRE
Eh bien, ça veut dire qu'il s'opposera si on estime que les risques sont réels…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et la France peut s'opposer, peut ne pas appliquer cet accord ?

OLIVIA GREGOIRE
Je pense qu'elle le peut, est-ce qu'elle le veut ? Je ne sais pas où en est exactement la négociation…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne savez pas si la France le veut ?

OLIVIA GREGOIRE
Eh bien, c'est mon collègue, c'est un de mes collègues, pour le coup, qui est en charge de ce sujet. Je ne peux pas être sur toutes les balles, et c'est un sujet qui est suivi directement par le président de la République…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais vous avez conscience que de nombreuses PME françaises sont sensibles à ce sujet…

OLIVIA GREGOIRE
Bien sûr, bien sûr, oui, mais vous voyez, pour tout vous dire, puisque, encore une fois, le hashtag qui est parlons vrai…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Dites-moi, on ne va pas être mis en concurrence avec des marchandises qui ne sont pas soumises aux mêmes règles environnementales quand même ?!

OLIVIA GREGOIRE
Non, c'est l'objectif, et c'est pour ça qu'on se bat. Ce n'est pas pour rien que le président de la République est en première ligne sur des législations comme le devoir de vigilance en Europe, et que la France se bat en première ligne. Donc on prend nos responsabilités. Mais vous voyez, les PME, là, par exemple, il y avait leur salon la semaine dernière, leur angoisse, là, leur angoisse, c'est les délais de paiement. C'est plutôt la directive qui est portée à l'Europe sur les délais de paiement. Bon, donc, moi, je me suis occupée de ça. Et Olivier BECHT, notamment, est sur le sujet du Mercosur.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et alors ?

OLIVIA GREGOIRE
Et alors, j'ai dit au nom de la France, parce que, là, on est en plein dans mon sujet, que nous étions contre cette directive, l'article 3 de cette directive…

JEAN-JACQUES BOURDIN
De 60 à 30 mois... (sic)…

OLIVIA GREGOIRE
A 30 jours…

JEAN-JACQUES BOURDIN
A 30 jours…

OLIVIA GREGOIRE
On est contre les retards de paiement, on ne veut pas qu'on vienne enquiquiner les PME sur les délais de paiement. Surtout que la France n'est pas un mauvais élève. Les PME sont les premières à payer, les dernières à l'être. Il est indispensable qu'on sanctionne les retards et qu'on ne vienne pas les enquiquiner sur les délais. C'est la position…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous dites non à l'Europe, là ?

OLIVIA GREGOIRE
Je dis, et j'ai fait dire à la représentation à Bruxelles que nous ne voterons pas l'article 3 tel qu'il est présenté, parce qu'il n'était pas étayé, analysé et qu'il avait un impact immense sur nos plus PME, ça, c'est la voix des PME…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ne pas le voter, ça veut dire qu'il ne s'appliquera pas en France.

OLIVIA GREGOIRE
Ça veut dire qu'on travaille, parce que les textes à l'Europe prennent un peu de temps, vous le savez…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, je sais.

OLIVIA GREGOIRE
Et donc notre position aujourd'hui est de faire savoir à la Commission et au Parlement que sur l'article 3, nous ne sommes pas favorables et que nous demandons à le retravailler. C'est la position française.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous allez réformer le statut des indépendants, des travailleurs non-salariés, indépendants, commerçants, artisans, professions libérales ?

OLIVIA GREGOIRE
Merci de dire travailleurs non-salariés. Vous voyez, Jean-Jacques BOURDIN, les mots ont un sens. On définit ces quasi 4 millions de travailleurs de notre pays par ce qu'ils ne sont pas. Ça veut dire quelque chose quand même. Travailleurs non-salariés, c'est privatif. Peut-être déjà, on peut réfléchir à leur nom un jour. Bref, on a déjà fait beaucoup, 2017, 2022. On a fait beaucoup de choses. On a créé l'allocation pour les indépendants qui avaient des difficultés et se retrouvaient en cessation d'activité. On a réformé le RSI, vous le savez. On a exonéré des cotisations d'assurance-maladie. On a fait une chose extrêmement importante, et les indépendants en parlent mieux que moi, on a enfin séparé leur patrimoine personnel de leur patrimoine professionnel. C'est quand même fantastique, dans ce pays, jusqu'à ce qu'on arrive, on pouvait venir chercher votre voiture personnelle avec laquelle vous emmenez vos enfants à l'école sous prétexte qu'en tant qu'indépendant, vous aviez oublié de payer l'URSSAF. Bon, ça c'était une injustice, on a rétabli ça. Est-ce que pour moi, c'est suffisant ? Non. Ce qu'on a fait était nécessaire, mais je pense qu'il faut aller plus loin. Il faut aller plus loin. Pourquoi ? Parce qu'il y a déjà de plus en plus d'indépendants dans notre pays. C'est une tendance lourde. De plus en plus de jeunes. 35 % des Français ont des velléités d'indépendance, il faut mieux les accompagner relativement à leur salut.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, comment les aider, par exemple, à devenir locataires propriétaires, à faire garder leurs enfants, à leur permettre d'accéder à tous les services publics, comment ?

OLIVIA GREGOIRE
Vous faites bien de parler de garde d'enfants, parce que, vous voyez, les indépendants qui sont à la fois des petits patrons de TPE, qui sont aussi des infirmières libérales, des vignerons indépendants, des auto-entrepreneurs, votre nounou ou la dame qui s'occupe peut-être de votre papa, qui est dépendant. Voyez, ces indépendants, c'est eux qui nous permettent de pouvoir travailler. C'est eux qui nous permettent, par exemple, nous, les parents, de venir bosser le matin. C'est eux qui vous permettent peut-être d'avoir l'esprit plus tranquille…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Aux salariés d'aller travailler...

OLIVIA GREGOIRE
Eh bien oui, et alors, eux, c'est quand même un formidable paradoxe, eux qui nous aident à travailler en gardant nos enfants ou nos aînés, eux, personne ne garde leurs enfants.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors qu'allez-vous faire pour eux ?

OLIVIA GREGOIRE
Alors, j'ai trois axes de travail. Je suis en train de travailler, et je prendrai des décisions au premier semestre, et je les porterai. D'abord, je travaille main dans la main avec la ministre des Solidarités, Aurore BERGE, qui est en charge de la Famille, pour permettre aux indépendants d'avoir plus accès aux crèches. Donc je suis en train de travailler pour qu'avec les ordres, qui représentent les indépendants, et avec aussi un financement et une participation de l'Etat, on puisse garantir aux indépendants et aux indépendantes qu'ils aient des berceaux, comme on dit, dans les crèches pour faire garder leurs enfants. On a aussi un sujet sur lequel je suis en train de travailler pour améliorer leur condition de paternité et de maternité. Il y en a qui nous écoutent. On continue à légiférer en ce moment pour améliorer le congé paternité des salariés. On n'a toujours pas garanti un congé maternité aux indépendantes.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura ?

OLIVIA GREGOIRE
Je me bats, je sais qu'Aurore BERGE m'entend, et je sais que la Première ministre m'écoute là-dessus.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura donc un congé…

OLIVIA GREGOIRE
On est en train de la construire, il faut le construire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Un congé parental pour les indépendants.

OLIVIA GREGOIRE
C'est une question d'équité.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour les indépendants, et les indépendantes.

OLIVIA GREGOIRE
Il faut qu'elles soient mieux protégées et il faut surtout, vous savez ce qui se passe, vous en connaissez, elles ne prennent pas de congés avant pour pouvoir garder du temps après. Après, pourquoi ? parce qu'elles n'ont peu ou pas de solution de garde, donc il faut, et je veux qu'il y ait dans les crèches de France un quota garanti, réservé, aux indépendants. La deuxième chose, qui est très injuste, encore une fois ce n'est pas une question de revenu, c'est une question de statut. Je vais prendre un exemple très concret de restaurateurs. Vous avez des restaurateurs, je prends Paris Ile-de-France ou dans les grandes villes, qui ont des bulletins de salaire à 7000, 8000, parfois 9000 euros, ils bossent beaucoup, ils gagnent un peu de sous.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas de crédit.

OLIVIA GREGOIRE
Mais ce n'est même pas ça, ils n'arrivent même pas à louer. Qu'est-ce qu'on leur dit, quand vous allez dans une agence, et je peux vous dire que c'est étayé, ils arrivent avec leurs fiches de paie, ils ont trois mois de salaire à 7000 euros par exemple, on leur dit " mais c'est très bien votre salaire, mais Monsieur, ou Madame… "

JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans six mois.

OLIVIA GREGOIRE
Première lame, " ah, vous êtes indépendant ", " vous n'êtes pas en CDI. " Deuxième lame, " ah, vous êtes restaurateur, donc ça nous inquiète, et donc on ne prend pas votre dossier parce qu'on n'a pas de garantie d'emploi. "

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, quelle garantie allez-vous leur offrir ?

OLIVIA GREGOIRE
Là je finis mon travail avec Action Logement, que je vais mobiliser, pour qu'on puisse…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire, comment allez-vous faire ?

OLIVIA GREGOIRE
Je viendrai vous le dire dès que je l'annoncerai.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, Olivia GREGOIRE, quelle garantie allez-vous leur offrir, ils attendent là, ils sont impatients ?

OLIVIA GREGOIRE
La réponse est dans la question, c'est drôle, la répons elle est dans votre question.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, une garantie.

OLIVIA GREGOIRE
Voilà.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils auront une garantie.

OLIVIA GREGOIRE
Ils auront une garantie et je travaille depuis des mois avec Action Logement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que l'Etat sera garant ?

OLIVIA GREGOIRE
Ça veut dire qu'il y a des dispositifs qui existent pour les salariés qu'on va étendre aux salariés (sic), et la réponse elle est dans votre question.

JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord.

OLIVIA GREGOIRE
Ça commence par un " G ", c'est une garantie.

JEAN-JACQUES BOURDIN
La transmission…

OLIVIA GREGOIRE
Il y a un autre sujet aussi…

JEAN-JACQUES BOURDIN
La transmission

OLIVIA GREGOIRE
Il y a un dernier petit sujet. Quand on est indépendant et qu'on est, au fond…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les papiers, vous parlez des papiers…

OLIVIA GREGOIRE
Les services publics.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah, les services publics !

OLIVIA GREGOIRE
Quand on est indépendant on ne rentre jamais dans les cases, vous savez ce sentiment de, on gagne un peu trop pour avoir accès à ça, mais pas assez pour avoir accès à ça. Vous voyez ce sentiment de, " vous êtes salarié ou fonctionnaire ? ", " eh bien aucun des deux, je ne rentre pas dans la case. " Les indépendants ils doivent avoir accès aux services publics, notamment dans tous les territoires, donc là je travaille avec Stanislas GUERINI, le ministre de la Fonction publique, pour expérimenter en 2024 l'ouverture d'une partie des Maisons France services sur ce sujet.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez aussi aider les commerçants et les artisans à remplir leurs papiers, si je puis dire, indirectement. L'administration, ils croulent sous l'administration, ils passent leurs dimanches à travailler dans leurs papiers.

OLIVIA GREGOIRE
Bien sûr.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bah oui, il faut les aider !

OLIVIA GREGOIRE
Alors, il faut les aider…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura un choc, c'est ce que nous disait Bruno LE MAIRE.

OLIVIA GREGOIRE
Là c'est pareil. Deux sujets, les gens ne sont pas idiots, le stock de normes et de soucis administratifs, et le flux, la vérité, Jean-Jacques BOURDIN, c'est que chaque jour qui passe, chaque jour qu'un texte est voté au Parlement, chaque jour qu'un amendement passe, chaque jour que le Parlement européen légifère, ça fait de nouvelles normes, de nouvelles obligations, donc le sujet, bien sûr c'est de s'attaquer à un certain nombre de normes qui les empêchent de bosser, on leur demande quatre fois le même papier alors qu'ils ont déjà donné leur numéro de SIRET, c'est absurde, ça on doit s'améliorer, mais moi ce qui m'obsède ce n'est pas tant aujourd'hui, c'est demain, parce que les mêmes causes produiront les mêmes effets. Qu'est-ce qu'on peut faire pour que, quand on fait une loi, on considère l'impact, le poids, le fardeau, que ça peut être pour les toutes petites boîtes, eh bien ça c'est quelque chose qui s'appelle « le test PME », que je porte, que j'appelle de mes voeux, je souhaite que nous le mettions en place dans le cadre de la loi annoncée par Bruno LE MAIRE ce week-end, pour que, à chaque fois qu'il y a un texte de loi on se pose la question, non pas de l'impact sur les entreprises, 99 % des entreprises de ce pays sont des PME, 95% des TPE, et donc moi ce qui m'intéresse c'est quel impact sur les TPE et sur les PME, les Allemands l'ont fait, la Hollande l'a fait, la France doit se le faire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et la France le fera, si j'ai bien compris.

OLIVIA GREGOIRE
Oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai trois questions, écoutez-moi bien. Pour les salariés, le délai de recours d'un salarié contre son entreprise en cas de licenciement sera-t-il réduit à 2 mois au lieu de 12 ?

OLIVIA GREGOIRE
Réduit, c'est une de nos volontés, en tout cas c'est une volonté portée par Bruno LE MAIRE, la moyenne que vous mentionnez, 2 mois, c'est la moyenne des pays de l'OCDE, je ne sais pas si on atterrira à 2 mois…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il y aura réduction.

OLIVIA GREGOIRE
Mais je pense qu'il faut le réduire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il faut le réduire, et il y aura réduction ?

OLIVIA GREGOIRE
Je pense que, connaissant un peu Bruno LE MAIRE et Elisabeth BORNE, s'il y a une volonté il y aura un chemin, oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, il y aura réduction. Allez-vous rendre plus difficiles les ruptures conventionnelles ?

OLIVIA GREGOIRE
C'est un vrai sujet, il y a une grande appétence aujourd'hui pour les ruptures conventionnelles, moi il y a un sujet, dans les ruptures conventionnelles, qui me préoccupe, c'est les ruptures conventionnelles à l'endroit des salariés de plus de 55 ans, je ne dis pas que c'est tout le temps le cas, ni même majoritairement, mais parfois il est des employeurs qui passent par la rupture conventionnelle pour s'éviter le licenciement, c'est difficile de licencier à 56 ans quelqu'un, donc on fait comme si c'était d'un commun accord, mais en fait le salarié, dans le fond de son âme, il n'a pas très envie de quitter son boulot, et donc ce sont des ruptures conventionnelles un peu masquée. Donc moi je pense que les ruptures – pardon d'être un peu précise – les ruptures conventionnelles elles doivent faire l'objet d'une autorisation préalable, vous le savez, par les Directions de l'emploi, je pense qu'il faut peut-être plus de temps et plus de questionnements sur les autorisations préalables des ruptures conventionnelles à l'endroit des salariés de plus de 55 ans, pas d'automaticité de l'autorisation préalable de rupture conventionnelle pour les salariés seniors.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc rendre les ruptures conventionnelles un peu plus difficiles.

OLIVIA GREGOIRE
Pour les plus de 55, oui, je suis acquise à cette idée.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Deux mots encore. L'argent de notre épargne, Livret A, va-t-elle financer les industries de défense ? je dis ça parce que Bruno LE MAIRE se bat contre, alors que le gouvernement et Emmanuel MACRON sont pour.

OLIVIA GREGOIRE
Bruno LE MAIRE on peut le critiquer pour plein de raison, mais il y a une chose que moi j'aime chez lui, c'est sa cohérence, ce n'est pas l'origine de la raison d'être du Livret A, pardonnez-moi, on a un petit sujet logement social, on a un petit sujet de financement du logement social, donc, au-delà du fait que j'ai l'honneur d'être sa ministre déléguée, je comprends sa résistance. Si on commence à mettre les financements qui sont prévus pour le logement social sur la défense, comment on va financer le logement social qui souffre cruellement de sous-investissements.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et puis dernière chose, projet de loi immigration 49.3 ?

OLIVIA GREGOIRE
On verra. Je ne sais pas. J'ai vu ce matin que madame LE PEN, comme à son habitude, avant même que le texte soit en discussion, le rejette semble-t-il.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il est passé en commission, maintenant, il est écrit, ce texte.

OLIVIA GREGOIRE
Il est passé en commission. Mais le débat arrive à l'Assemblée…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, le débat arrive, oui…

OLIVIA GREGOIRE
Moi ce que je vois, c'est les incohérences crasses du Rassemblement National qui vient sur des plateaux pérorer et qui depuis 2017 n'a toujours pas voté pour une loi de sécurité intérieure. Ce que je vois, c'est que pour aller pérorer sur des plateaux télé, il y a Jordan BARDELLA, quand on est au Parlement pour voter oui ou non le renvoi de 4.000 étrangers délinquants. Madame LE PEN, elle chipote, elle fait de la poloche, elle fait de la politique politicienne. Alors que si c'était leur combat véritablement viscéral, la sécurité des Français, ils ne piperaient pas mot, ils la prendraient cette mesure. Elle est de bon sens, cette mesure. Mais comment voulez-vous, ils n'ont pas voté le doublement des effectifs de la Direction de la sécurité intérieure. Ils n'ont aucun des textes, quasiment 3 milliards d'euros qui ont été alignés pour renforcer la sécurité des Français depuis cinq ans. Pas une seule fois le Rassemblement national l'a voté. Donc en réalité, cette insécurité sert les intérêts du Rassemblement national et d'un certain nombre de députés au coeur de l'hémicycle. Et je regrette…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les LR aussi.

OLIVIA GREGOIRE
Je regrette, c'est pour ça que je dis un certain nombre de députés au sein de l'hémicycle…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, j'ai compris…

OLIVIA GREGOIRE
Je regrette que le vrai sujet et la vraie question posée par Gérald DARMANIN ne trouve pas de réponse. Ce n'est semble-t-il quand même pas un sujet sur lequel les Français attendent de la politique politicienne. La question, elle est simple : est-ce que oui ou non, on donne la possibilité au ministère de l'Intérieur de renvoyer par exemple 4.000 délinquants étrangers ? Il eût été de bon aloi de répondre oui, si tant est que la sécurité soit vraiment leur priorité, ce que je ne crois pas. Ils dansent autour du volcan et ça fait leurs affaires.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Olivia GREGOIRE d'être venue nous voir ce matin. Vous êtes en réaction, je le sais, à ce qui vient d'être dit. Ce n'est pas compliqué pour réagir après 9h. 0826 300 300.


source : Service d'information du Gouvernement, le 7 décembre 2023