Texte intégral
SALHIA BRAKHLIA
Bonjour Olivier VERAN.
OLIVIER VERAN
Bonjour.
JEROME CHAPUIS
Bonjour.
SALHIA BRAKHLIA
Trois premiers otages français ont enfin été libérés hier soir par le Hamas, trois adolescents, Olivier VERAN, que pouvez-vous nous dire sur les conditions de leur libération ?
OLIVIER VERAN
Je peux vous dire d'abord que c'est une bonne nouvelle que nous saluons et qu'ensuite les premières pensées, immédiatement, sont évidemment pour les cinq Français, ressortissants Français, qui manquent encore à l'appel, dont certains, nous le savons, sont retenus otages, et pour les autres il y a de l'incertitude. Ces trois enfants ont été libérés parce que la France a usé de son influence diplomatique pour peser et faire en sorte qu'il y ait des ressortissants Français, notamment ces enfants, parmi les otages libérés.
JEROME CHAPUIS
Est-ce qu'il est prévu qu'ils viennent sur le sol français ?
OLIVIER VERAN
Je n'ai pas la réponse à cette question encore.
JEROME CHAPUIS
Est-ce que vous avez des informations sur les autres Français, parce que vous nous disiez que certains sont portés disparus, combien restent aujourd'hui disparus, pour combien a-t-on des preuves de vie ?
OLIVIER VERAN
Je vous fais la même réponse que ce que nous faisons depuis des semaines, à savoir que nous savons qu'il y a cinq Français qui manquent encore à l'appel, et qu'on se mobilise pour pouvoir les identifier et les libérer s'ils étaient retenus otages.
SALHIA BRAKHLIA
Olivier VERAN, la trêve a été prolongée de deux jours pour permettre la libération de nouveaux otages, la société israélienne elle-même semble plus que tout désireuse de libérer ces otages, plutôt que de poursuivre la guerre, est-ce que vous diriez que le Hamas est en train de remporter la guerre psychologique ?
OLIVIER VERAN
Nous saluons la prolongation de la trêve, que nous avons demandée, nous souhaitons que cette trêve soit durable et qu'évidemment l'ensemble des otages puissent être libérés, qu'on puisse sortir de cette période de très vives tensions pour les sociétés concernées.
JEROME CHAPUIS
François HOLLANDE hier sur ce plateau se demandait pourquoi ne pas avoir affiché, par exemple sur les murs de nos institutions, les photos des Français enlevés ou assassinés lors de l'attaque du 7 octobre, alors on vous pose cette question, pourquoi ?
OLIVIER VERAN
J'ai eu l'occasion de le dire d'ailleurs, qu'il y a encore d'autres… dans d'autres épisodes avec des otages Français, l'identité, les photos, de ces otages, ouvraient les 20h à la télévision et qu'il y avait une très forte mobilisation. Alors, cette mobilisation elle existe pour une grosse partie de la société française, beaucoup de médias s'en sont faits le relais, un grand quotidien d'ailleurs publiait à sa Une, il y a une semaine, les noms et les photos des otages, après peut-être que justement ces conditions, qui nécessitent de la discrétion, dans un contexte de conflit très dur, ont pu changer un peu la donne par rapport à ce qu'on a pu connaître par le passé, mais moi je pense très fort…
JEROME CHAPUIS
Parce que les preneurs d'otages nous observent et observent l'opinion publique française ?
OLIVIER VERAN
Je pense très fort à eux, comme je pense très fort, par exemple, à Offer, qui est le qui est le père de Erez et Sahar, qui viennent d'être libérés, le papa on pense qu'il est potentiellement encore lui retenu captif.
SALHIA BRAKHLIA
Olivier VERAN, vous vous êtes rendu hier à Crépol, dans la Drôme, neuf jours après la mort du jeune Thomas, tué à coups de couteau lors d'un bal du village, hier, lors de votre prise de parole vous avez dit "ce n'est pas une bagarre qui a mal tourné, ce sont des personnes qui ont agressé gratuitement d'autres personnes qui étaient venues pour se retrouver", qu'est-ce qui vous fait dire ça ?
OLIVIER VERAN
D'abord c'est très important pour la population de Crépol, et pour ces villages aux alentours, qu'on leur reconnaisse le statut de victime, et une partie d'entre eux m'ont dit que ça avait été très dur dans les premiers jours de voir qu'il s'agissait peut-être d'une bagarre qui aurait mal tourné, ou d'une rixe, ce que je peux parfaitement comprendre. Je me suis entretenu avec plus d'une centaine d'entre eux, avec les élus locaux, des responsables, des associations locales, des blessés, des victimes, des témoins, directs ou indirects, de ce déferlement de violence, et j'ai compris un certain nombre de choses en les écoutant, et notamment j'ai pu répondre à des questions qu'ils se posaient, et je leur ai dit "vous avez le statut de victime et vous avez le droit à la reconnaissance du statut de victime." J'ai d'ailleurs annoncé la création d'un comité local d'aide aux victimes, j'y étais allé, accompagné de Madame Alexandra LOUIS, qui est déléguée interministérielle à l'aide aux victimes, pour les accompagner dans la durée, y compris lorsque les caméras auront quitté ce village de Crépol, que le calme sera revenu, les habitants resteront avec leur douleur, ils ne seront pas seuls, c'est l'engagement que j'ai pris…
SALHIA BRAKHLIA
Mais vous parlez d'une agression gratuite, selon vos termes, "ce n'est pas parce que Thomas était là, à cette fête de village, sur ce parking, qu'il a été poignardé, c'est parce qu'il y avait, sur ce parking, des hommes qui étaient prêts à le tuer", en disant cela est-ce que vous n'allez pas un peu vite en besogne ?
OLIVIER VERAN
Le procureur, qui était avec moi également, le procureur de Valence, a retenu la notion de crime en bande organisée, ça veut dire un crime passible de la prison à perpétuité. Le procureur a eu l'occasion de souligner, lors de la réunion que j'ai eue avec les habitants hier, qu'à l'inverse de certaines situations où lorsqu'une personne est tuée par un couteau, à coups de couteau, eh bien l'ensemble du groupe assaillant s'en va, or là, manifestement, ils sont restés sur place et ont continué, et ont blessé d'autres personnes, notamment des vigiles qui se sont interposés et qui ont pu prendre des coups de couteau. C'était une scène violente. Vous savez, quand vous venez dans une fête de village pour vous amuser, en général vous ne prenez pas sur vous des couteaux et des armes.
JEROME CHAPUIS
Mais Olivier VERAN, le président de la République lui-même a parlé de "terrible assassinat", c'est un mot qui, en droit, a un sens, il s'agit d'un homicide volontaire, prémédité, avec une intentionnalité, là encore quels éléments permettent d'affirmer que le ou les meurtriers de Thomas étaient venus avec l'intention de tuer ?
OLIVIER VERAN
Je vous redis ce que le procureur a expliqué hier, retenir le motif de crime en bande organisée, d'ailleurs c'était une crainte de la famille qui disait "pourquoi est-ce que ce n'est pas l'assassinat qui a été retenu en termes juridiques, mais crime en bande organisée ?", le procureur a eu l'occasion d'expliquer, ça permettait d'avoir une extension de la durée de garde à vue à 96 heures – Il faut quand même souligner la mobilisation extraordinaire des gendarmes, plus de 150 gendarmes ont été mobilisés pour identifier et arrêter en moins de trois jours des fuyards qui avaient pris la route de l'Espagne, il a fallu pour ça borner les téléphones, mettre en place des écoutes, en quelques heures seulement ils étaient identifiés, ont pu être arrêtés dans des bonnes conditions – et bande organisée permet aussi d'avoir, d'atteindre, c'est-à-dire la plus grande sévérité pénale, la prison à perpétuité, ce qui était un élément d'ailleurs…
JEROME CHAPUIS
Mais pas assassinat.
OLIVIER VERAN
Qui rassurait ; mais ça c'est le choix du procureur…
SALHIA BRAKHLIA
Sur la préméditation.
OLIVIER VERAN
Le procureur a bien expliqué, aussi, c'est important que chacun le comprenne parce que, vous voyez, ça fait partie des idées reçues ou des craintes que j'ai pu entendre et qui sont toutes totalement légitimes, mais auxquelles j'ai pu apporter des réponses, et le procureur, notamment, a bien rappelé qu'au cours de l'instruction les motifs, les mobiles, les facteurs aggravants éventuels, s'il y en a, pourront entraîner des modifications des termes employés à l'encontre des prévenus.
SALHIA BRAKHLIA
Sauf que le président de la République lui-même parle d'assassinat, est-ce qu'il y a eu préméditation, est-ce qu'on peut le dire aujourd'hui ?
OLIVIER VERAN
Elle est suspectée, elle est suspectée, les gens n'ont pas encore été jugés…
SALHIA BRAKHLIA
Donc le président a parlé un peu vite ?
OLIVIER VERAN
Non, le président n'a pas parlé un peu vite, et quand vous écoutez les termes du procureur, la communication qu'a eu le procureur sur la question, je vous redis que quand vous allez dans une fête de village, armé de couteau, et que vous tuez une personne, et que vous en blessez grièvement beaucoup d'autres, ce n'est pas un accident, ce n'est pas un accident, et le fait de venir avec des armes sur place ce sont des scènes qui, hélas, émaillent parfois les soirées dans nos villes, et désormais aussi parfois dans nos villages. Encore une fois, ça fait partie des questions qui étaient posées. La population avait beaucoup de questions, je voudrais quand même en rappeler quelques-unes ici. D'abord ils ont dit "pourquoi est-ce que l'État ne vient qu'aujourd'hui ?", je leur ai dit qu'il y avait une période de deuil qui avait été souhaitée par les principaux intéressés et que je m'étais rendu disponible pour venir, sitôt les obsèques passées, à la demande, notamment de la famille. L'autre question c'était "pourquoi est-ce que vous avez, vous, cherché à cacher l'identité des auteurs ?" Le procureur a rappelé que dans ce type d'affaire l'identité des auteurs, lorsqu'elle est révélée, l'est au cours de la lettre de saisine de la justice et pas avant, parce que des personnes peuvent être interpellées et les enquêtes préliminaires peuvent ensuite conduire à une relaxe parce qu'il n'est pas impossible que certaines personnes arrêtées n'aient pas participé et leur nom ne doit pas être jeté en pâture, mais il n'y a aucun intérêt à masquer l'identité des auteurs. L'autre question qui était…
SALHIA BRAKHLIA
Sauf que vous avez bien vu que certains politiques, d'extrême-droite normalement…
OLIVIER VERAN
Mais c'est de la polémique, c'est de la polémique. Le droit, je vous rappelle juste le droit, ce que j'ai rappelé hier à Crépol, et je vous assure que donner ces réponses, avoir cet échange, a pu créer de l'apaisement. Une autre question qui était posée c'est "pourquoi est-ce que vous ne voulez pas retenir le facteur aggravant de racisme, alors même qu'un certain nombre de témoins rapportent que des personnes, des assaillants, auraient eu des remarques, des réflexions racistes à l'encontre des blancs ?" Le procureur l'a dit très simplement, s'il devait y avoir la reconnaissance de facteur aggravant, de nature raciste, il serait évidemment pris en compte, il n'y a aucune raison de ne pas le prendre en compte. Donc voyez, cette crainte que la justice, que l'État de droit, faiblirait, ou que les personnes ne seraient pas punies à hauteur de la gravité des faits, ou qu'on chercherait à étouffer des choses, non, je le dis ici, nous devons à Thomas, nous devons aux victimes, nous devons à notre État de droit, et nous devons à la cohésion de la nation, de rendre la justice, dans des conditions évidemment apaisées, mais dans des conditions de grande sévérité, parce que les faits qui se sont produits à Crépol sont d'une extrême sévérité.
JEROME CHAPUIS
Olivier VERAN, on va continuer de parler du meurtre de Thomas, de ses répercussions politiques, vous restez avec nous, vous êtes avec nous jusqu'à 9h00, on vous retrouve juste après le Fil info.
(…)
JEROME CHAPUIS
Toujours avec Olivier VERAN, de retour de la Drôme, où vous étiez hier, neuf jours après le meurtre de Thomas. En représailles à ces événements, samedi soir, une centaine de militants d'ultra droite, encagoulés, venus de différentes villes de France, s'en sont pris à un quartier de Romans-sur-Isère, six d'entre eux ont été jugés en comparution immédiate hier, jusqu'à un an de prison ferme. De quelles informations disposez-vous sur ces personnes qui ont défilé ce week-end à Romans-sur-Isère ? Quel est leur profil, leur organisation ?
OLIVIER VERAN
Le ministre de l'Intérieur a eu l'occasion de communiquer. D'abord, je salue le fait qu'il ait demandé au préfet la plus grande fermeté à l'encontre de ces bandes, qui harcèlent, je le dis, les forces de sécurité intérieure sur place. Au-delà des faits qui se sont produits, très graves, à Romans-sur-Isère, samedi, il continuait d'y avoir des velléités de rassemblement de factions d'ultra droite sur place dans la Drôme, les jours qui ont suivi, mobilisant les effectifs de police, avec efficacité, je le dis. C'est extrêmement grave, évidemment. Et le ministre de l'Intérieur a parlé de dissolution de ces associations, de ces factions d'extrême droite et d'ultra droite, qui n'ont pas leur place dans la République.
JEROME CHAPUIS
Qu'est-ce que ça apporte une dissolution à l'heure des réseaux sociaux ? Est-ce que ce n'est pas un coup d'épée dans l'eau ?
OLIVIER VERAN
Non. D'abord, c'est un facteur aggravant devant la justice. Et ensuite vous étêtez une organisation qui peut, sinon se structurer davantage.
JEROME CHAPUIS
Pendant un temps, le président des Républicains, Eric CIOTTI, a refusé de condamner cette expédition punitive de l'ultra droite, avant, hier, de modifier son propos. Est-ce qu'il rajoute de l'huile sur le feu ?
OLIVIER VERAN
Nous devons tous condamner, avec fermeté et sans transiger, ces violences commises par l'ultra droite.
JEROME CHAPUIS
Est-ce que vous voyez une porosité entre ces ultras dont on parle et une partie de la classe politique ?
OLIVIER VERAN
C'est-à-dire ?
JEROME CHAPUIS
Avec notamment la droite ou l'extrême droite. En tout cas, le fait que ces personnes qui sont clairement identifiées comme appartenant à des mouvances, certains sont fichés S, est-ce que vous sentez qu'on assiste à une ultra droite d'atmosphère, si on peut dire ?
OLIVIER VERAN
Il y a des liens évoqués entre ces membres d'ultra droite et le GUD, qui lui-même peut avoir des liens avec l'extrême droite. Il faut être prudent. La justice devra statuer là-dessus. Par contre, il y a la velléité d'opposer, de créer l'idée qu'il y aurait deux France qui seraient vouées à s'opposer, à se faire la guerre, la France des cités et l'autre France. Et cette idée selon laquelle deux France ne seraient plus compatibles, elle est portée par l'extrême droite qui, par définition, généralise l'insécurité à l'ensemble d'une communauté. Et l'ultra droite, elle, va beaucoup plus loin, en organisant des expéditions punitives dans le but de faire mal et voire, pourquoi pas, de tuer…
JEROME CHAPUIS
C'est ce récit, ce narratif que vous voulez éviter.
OLIVIER VERAN
Moi j'ai parlé hier de risque de basculement de la société. Mes mots, ils sont pesés, ils sont réfléchis. Je les assume. D'ailleurs, je note que lorsque des mots, pris parmi d'autres, ont une telle résonance, c'est que quelque part, ils renvoient à une conviction, ou en tout cas une perception collective, sinon partagée.
SALHIA BRAKHLIA
C'est quoi le basculement de la société ?
OLIVIER VERAN
Qu'est-ce que je veux dire par là, je veux dire le basculement de la société, ce serait considérer que la Loi du talion devrait l'emporter sur la justice dans un État de droit. Ce serait considérer qu'il n'y aurait plus de cohésion nationale possible et qu'il faudrait désormais se faire la guerre. Je n'y crois pas et nous luttons contre et toute la politique que nous menons avec le président de la République depuis six ans, va à l'encontre de cette idée du basculement. Par exemple…
SALHIA BRAKHLIA
Mais justement, ce n'est pas le signe d'un affaissement de l'autorité de l'État ?
OLIVIER VERAN
Par exemple, et je le redis ici, je l'ai dit hier aux habitants, le président de la République avait annoncé, sur proposition du ministre de l'Intérieur, il y a deux mois, l'ouverture d'une nouvelle brigade de gendarmerie à quelque 20 km de Crépol, pour restaurer la sécurité. J'ai dit tout à l'heure, la peur de ces Français que j'ai vus, que la justice soit laxiste, par essence, et que ces jeunes des cités s'en sortent. La réponse est non. La justice de notre pays, elle est ferme. Mais il faut aussi pouvoir dire les choses, et il existe, dans un certain nombre de quartiers de nos villes, une minorité agissante, violente, arrogante, avec un esprit d'impunité, et qui d'abord sème la terreur dans les quartiers populaires, eux-mêmes, prenant en otage la population, nous le disons depuis des années, mais qui parfois étend cette violence jusque dans les centres villes, à l'origine de faits divers qui font parfois la Une de la Presse et qui désormais peuvent aussi parfois toucher à la ruralité, ce qui crée un traumatisme supplémentaire. Les habitants de Crépol me disent, une mère de famille me disait "Nous étions le village des Bisounours. Chez nous, nous n'avions pas besoin de fermer la porte des maisons, et chez nous, nos enfants pouvaient sortir librement le soir en toute sécurité". Et ces habitants me disaient "Est-ce que désormais nous sommes voués à avoir peur ?". Je leur réponds non, d'abord la justice passera, et l'ordre républicain. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir, pour pouvoir le restaurer. Mais, mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde. Et vous avez d'un côté…
SALHIA BRAKHLIA
Mais Olivier VERAN, on a quand même l'impression que vous êtes arrivés hier au pouvoir alors que vous y êtes depuis 2017. Cet ensauvagement de la société, comme le dit votre collègue Gérald DARMANIN, on a l'impression que vous le découvrez. Qu'est-ce que vous mettez en place pour lutter contre ?
OLIVIER VERAN
Mais, nous avons voté au Parlement depuis six ans les plus fortes augmentations de moyens accordés à la justice et à la police de notre pays. Nous rouvrons 200 brigades de gendarmerie. Des milliers de policiers supplémentaires sont en école de formation, pour restaurer du bleu. Là où il y avait dans une grande ville une voiture de la BAC en nuit profonde, pour faire face à toute la violence, il y en a désormais cinq ou six et il y en aura encore davantage à l'avenir. Ça, c'est quelque chose qui fonctionne. Nous avons modifié le Code pénal, notamment le Code pénal sur les mineurs, pour tenir compte de l'évolution de la menace, puisque la violence peut être désormais exercée par des mineurs. Ce que je veux dire, c'est que vous avez d'une part d'un côté la gauche qui refuse de nommer cette insécurité pour ce qu'elle est, et ça ajoute au malheur des gens. Et vous avez de l'autre côté une extrême droite qui voudrait faire croire que parce que vous êtes originaire d'un quartier et parce que votre patronyme correspondrait au patronyme de ceux qui sèment l'insécurité, vous seriez à ranger dans le camp de cette France qu'il nous faudrait combattre. Et ça, je le conteste. Et d'ailleurs, hier, au lycée dans lequel j'étais, dans la Drôme, figurez-vous que cohabitent des jeunes de Crépol et des jeunes du quartier de la Monnaie dont sont originaires une grande partie des suspects. Et moi, ça me fend le cœur d'avoir le témoignage de jeunes filles, qui, parce qu'elles habitent dans ce quartier de la Monnaie, hésitent à se rendre au lycée ou ont peur de prendre le transport scolaire de peur d'être ostracisées, voire violentées. Et ça me fend le cœur d'avoir des jeunes de ces villages de la Drôme qui se demandent s'il n'y aura pas des représailles à leur encontre en provenance de jeunes qui viennent de ce quartier. Cette idée selon laquelle deux France devraient se faire face, elle est dangereuse pour la cohésion nationale. Nous devons l'éviter et toute l'action que nous menons avec le président de la République, avec le ministre de la Justice, avec le ministre de l'Intérieur, vise à pouvoir maintenir, restaurer la sécurité et lutter contre ces bandes qui parfois sont armées, parfois sans violence, qui ne datent pas d'aujourd'hui, mais dont les modes de fonctionnement et l'âge moyen, pour ceux qui en font partie, ont évolué, et nécessite donc que nous ayons adapté le droit.
JEROME CHAPUIS
Olivier VERAN, porte-parole du Gouvernement, avec nous jusqu'à 9h00, on vous retrouve juste après le Fil Info.
(…)
JEROME CHAPUIS
Toujours avec Olivier VERAN, le porte-parole du Gouvernement. L'examen du projet de loi immigration a commencé en commission à l'Assemblée nationale, 17 députés Les Républicains se disent prêts à le voter si la version, qui a été durcie par le Sénat, était maintenue, ça veut dire qu'il ne faut pas retoucher ce texte tel qu'il est arrivé du Sénat ?
OLIVIER VERAN
Non, ça veut dire que le Parlement il a cette magie qui permet de débattre et de sortir d'un débat avec des consensus et des accords, c'est ce que nous ont demandé les Français il y a un an en nous accordant une majorité relative, donc on avance…
JEROME CHAPUIS
Est-ce qu'il faudra recourir à la magie du 49.3 ?
OLIVIER VERAN
Mais non, non, et vous voyez d'ailleurs bien que les conditions d'un accord se dessinent. Souvenez-vous, il y a quelques semaines vous me posiez la question, ici même, en disant "c'est foutu, jamais le Sénat ne votera", bon, eh bien le Sénat a voté, certes pas le texte qu'on souhaite…
SALHIA BRAKHLIA
Pas du tout le même texte.
OLIVIER VERAN
Je vais y venir, certes pas le texte qu'on veut, mais enfin ils ont quand même fait un pas vers nous.
JEROME CHAPUIS
C'est important, les conditions d'un accord se dessinent, vous êtes très optimiste ?
OLIVIER VERAN
Moi je suis par essence optimiste parce que je crois dans la vertu du Parlement, et je crois que la prise de conscience, dans l'ensemble de la classe politique, qu'il nous faut agir avec efficacité sur la question migratoire, le consensus est là, maintenant…
JEROME CHAPUIS
Le consensus est là, parce qu'on a l'impression, depuis le début, qu'à chaque fois que vous gagnez un petit peu de voix à droite, vous les perdez à gauche ?
OLIVIER VERAN
…Vous savez, à chaque fois que je me déplace, première chose que je fais, je demande, je suis dans la voiture avec le préfet du département, et je lui dis "est-ce que cette loi elle vous est utile ou pas ?" Tous les préfets…
JEROME CHAPUIS
Non, mais ça c'est sur le terrain, mais en l'occurrence à l'Assemblée nationale ?
OLIVIER VERAN
Tous les préfets me disent "oui." Non, mais attendez, pardon…
JEROME CHAPUIS
À l'Assemblée nationale ?
OLIVIER VERAN
Mais, vous êtes en train de me poser la question de savoir si un parlementaire, parce que ça ne va pas dans le sens de son intérêt politique, ne devrait pas suivre l'intérêt général, je suis ministre de la démocratie, je vous dis, par essence…
SALHIA BRAKHLIA
Ne faites pas comme si vous découvrez la politique, franchement…
JEROME CHAPUIS
…À l'Assemblée nationale, ça ne se passe pas dans les…
OLIVIER VERAN
Oui enfin, pardon, si on creuse un peu plus on va tomber sur de la lave en fait, en termes de… non, mais en termes de climat politique, donc je crois qu'à un moment donné, je crois au sursaut, voilà, et ce texte il est efficace.
JEROME CHAPUIS
Non mais, je vous repose la question, tout ce que vous gagnez sur la droite, en général ça vous fait perdre des voix sur la gauche, donc à quelles conditions le consensus est possible ?
OLIVIER VERAN
Mais pardon, est-ce que la gauche a fait montre d'un intérêt pour voter un texte qu'elle aurait pu elle-même porter si elle avait été au pouvoir ? Hélas non, bon ! Si la gauche, et je discute parfois avec mes anciens camarades socialistes, la gauche de gouvernement, pas LFI évidemment, eux ils sont perdus pour la cause, là pour le coup on n'est pas dans la lave, on est dans le magma, mais ceux qui sont de la gauche du Gouvernement, ils ont vocation à voter ce texte, parce que leur propre préfet leur dit, parce qu'ils ont besoin de ces outils.
SALHIA BRAKHLIA
Et ils veulent négocier sur certains points, sur le fond, parmi les éléments qui pourraient bouger avec la majorité, donc Renaissance et ses alliés à l'Assemblée. Il y a la régularisation des travailleurs sans papiers, qui a été donc mise de côté par la droite sénatoriale, transformée en pouvoir discrétionnaire…
OLIVIER VERAN
Mais encore, vous voyez toujours…
SALHIA BRAKHLIA
…des préfets.
OLIVIER VERAN
Vous voyez toujours le verre à moitié vide. Il y a quelques semaines le Sénat disait "jamais nous, Sénat de droite, ne voterons un texte qui irait vers la régularisation, même sous conditions, de travailleurs, même s'ils sont là depuis des années en France, même s'ils ont un boulot, même s'ils ne posent pas de problème, même s'ils sont intégrés", et à la fin des fins ils ont voté quoi ? Un texte qui dit à peu près ça, qui dit à peu près ça, donc nous l'objectif c'est de passer d'un texte qui dit à peu près ça à un texte qui dit ça, mais ça veut dire qu'ils ont fait ce pas, ils ont fait ce geste. Des parlementaires, de LR, qui estiment, qui éprouvent le besoin de dire qu'ils seraient prêts à voter un texte, ça montre bien que le métal est en train de bouger.
JEROME CHAPUIS
Et comme ministre de la démocratie, pendant très longtemps vous êtes venu défendre le référendum, sur ce sujet de l'immigration il n'est plus du tout question d'une réforme constitutionnelle qui serait adoptée par référendum ?
OLIVIER VERAN
Non mais là pardon, là, pour le coup, on marche sur la tête, c'est-à-dire que vous avez le PS, et les LR, qui vous disent, l'un, "on veut simplifier les conditions du RIP", et l'autre…
JEROME CHAPUIS
Le Référendum d'Initiative Populaire.
OLIVIER VERAN
Voilà, et l'autre "on veut changer le périmètre de l'article 11 pour faire des référendums sur l'immigration". Le président leur dit "Ok, venez on va en discuter. Moi je vous propose qu'on le fasse." Et qu'est-ce qu'ils disent eux ? "Ah bah non, on ne vient pas, on ne vient pas." Du coup, autour de la table, du président, il y avait des gens qui disaient "eh bien nous on ne veut pas bouger, ni le RIP, ni l'article 11 de la Constitution", et donc maintenant vous voulez que les LR en question, qui ne sont pas venus, nous disent, nous fassent la leçon en disant "on veut un référendum" ? "Mais les amis, il fallait venir, vous avez eu la possibilité de le faire." Vous voyez la politique politicienne parfois elle peut être mortifère pour ceux-là mêmes qui la pratiquent, et je pense que, honnêtement, dans la situation que connaît notre pays, avec les tensions que nous connaissons, avec la désaffection des Français pour nos institutions et pour la classe politique, encore une fois, on ne peut pas tomber plus bas aujourd'hui, on aurait intérêt collectivement, à un moment donné, à se dire "halte au feu, on se disputera pendant les élections, sur des idées programmatiques, mais quand on est d'accord, on est capable d'avancer."
SALHIA BRAKHLIA
Vous dites "il faut éviter de tomber plus bas, puisque la politique aujourd'hui elle n'a pas une très belle image…"
OLIVIER VERAN
Bah non !
SALHIA BRAKHLIA
Aujourd'hui on a deux membres du Gouvernement, deux qui ont des portefeuilles importants, celui de la Justice et celui du Travail, qui sont devant la justice pour des raisons différentes et qui sont par définition pas pleinement dédiés à leur tâche, qu'est-ce que vous dites aux Français qui s'étonnent qu'ils soient toujours en poste ?
OLIVIER VERAN
D'abord je ne ferai aucun lien entre ce que je vous disais tout à l'heure et ce que vous amenez perfidement…
JEROME CHAPUIS
Perfidement, c'est la réalité.
OLIVIER VERAN
Mais non, mais ce n'est pas ça qui fait que les Français n'ont pas confiance dans les politiques. Ils n'ont pas confiance dans les politiques parce qu'ils considèrent majoritairement aujourd'hui que les gens qui sont élus ne sont pas élus pour faire le bien général, de l'intérêt général, mais pour d'autres motivations. Et c'est ça qui est grave en démocratie.
SALHIA BRAKHLIA
Mais des ministres qui sont pour l'injustice, c'est grave aussi.
OLIVIER VERAN
Quand j'étais médecin neurologue et que je deviens député, une patiente en fin de consultation me dit : "Vous étiez si gentil, docteur, pourquoi vous êtes devenu député ?" Bon. Je suis resté le même au fond. Voyez. Ce week-end à Grenoble, j'étais avec mes enfants en train de faire des courses et les gens me regardaient en disant "Où sont les caméras ?", mais en fait, il n'y a pas de caméras. "Mais pourquoi vous faites vos courses ?", en fait je mange et voilà. Bon bref, on a une vie, on a une vie comme les autres et on est des justiciables comme les autres.
JEROME CHAPUIS
Est-ce qu'on peut être un ministre comme les autres, quand on est devant un tribunal ? On est un peu accaparé quand même.
OLIVIER VERAN
Je ne sais pas, est-ce que vous, si vous étiez interrogé, rendu coupable de rien, vous devriez quitter votre poste à Radio France ? Je vous souhaite que non.
JEROME CHAPUIS
Mais ce n'est pas la question. En l'occurrence, on parle de deux ministres et on parle notamment d'une pratique démocratique qui était en cours depuis des décennies.
OLIVIER VERAN
Enfin, pardon, il y a beaucoup de saisines de la justice et beaucoup de saisines qui aboutissent à une relaxe complète des intéressés.
SALHIA BRAKHLIA
Mais vous voyez bien que la justice est en train de changer, on parle de mise en examen.
OLIVIER VERAN
Honnêtement, la période où vous aviez des ministres qui devaient partir parce qu'ils étaient suspectés et à la fin on dit "Ah ben c'est dommage, vous étiez innocent, eh bien votre vie politique est terminée et on avait besoin de vous et on a dû se priver de votre talent". C'est dommage. Voilà. Maintenant, la justice elle est sereine dans sa capacité à travailler, à exercer son mandat. On a les mêmes droits et les mêmes devoirs. On a sans doute plus de devoirs que les autres, mais on a droit a minima aux mêmes droits.
SALHIA BRAKHLIA
Rapidement, Olivier VERAN, parce que vous êtes ministre du Renouveau démocratique, Anne HIDALGO a annoncé hier sa décision de quitter le réseau social X, anciennement Twitter, est-ce qu'il vous arrive aussi, à vous aussi, de rêver de faire comme elle ?
OLIVIER VERAN
Oui. Oh oui ! Oui, parce que c'est devenu, enfin, vous savez, tous les dimanches j'ai les antivax qui se réveillent. Donc c'était encore le cas ce dimanche, vous regardez mon compte, il doit y avoir 3, 4, 5 000 tweets…
JEROME CHAPUIS
Pourquoi vous restez alors ?
OLIVIER VERAN
Parce que d'abord, c'est un moyen de communiquer envers une communauté qui me suit, plus de 450 000 qui me suivent, donc ça permet de faire passer des messages directs. Ensuite, parce qu'on y trouve quand même, entre le bon grain et l'ivraie, on peut faire la différence et on y trouve de l'information de façon rapide et pertinente. Et ensuite parce qu'il y a de l'interaction, et que moi je ne renonce pas à l'idée que dans notre société, on puisse trouver le moyen de communiquer par les réseaux sociaux sans que ce soit un déferlement de haine, bien lâche, derrière les réseaux sociaux, bien anonymes, bien graveleux, pour donner le sentiment. Vous savez, des fois, je regarde Twitter, je me dis : si je sors dans la rue, je suis mort.
JEROME CHAPUIS
Ami ou ennemi de la démocratie, X Twitter ?
OLIVIER VERAN
Et en fait, je sors dans la rue et les gens sont adorables. Donc il faut juste faire la part des choses. Voilà.
JEROME CHAPUIS
Ennemi de la démocratie, Twitter ?
OLIVIER VERAN
Pas ennemi de la démocratie, mais un petit problème avec Elon MUSK, quand même, avec les règles qu'il met, voir le retour des complotistes en force, avec le petit macaron bleu qui dit que ce serait des comptes certifiés, je trouve ça dangereux, stupide. Et je pense qu'à terme Twitter sera remplacé par un autre outil.
JEROME CHAPUIS
Merci beaucoup Olivier VERAN, porte-parole du Gouvernement. Vous étiez l'invité de France Info ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 1er décembre 2023