Interview de Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé, à France Bleu le 7 novembre 2023, sur la semaine de la dénutrition et le manque de moyens dans les EHPAD.

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Intervenant(s) : 
  • Agnès Firmin Le Bodo - Ministre déléguée, chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé

Média : France Bleu

Texte intégral

JOURNALISTE
Et c'est une ministre qui est dans les studios de France Bleu Paris pour en parler. Agnès FIRMIN LE BODO, bonjour.

AGNES FIRMIN LE BODO
Bonjour.

JOURNALISTE
Vous êtes ministre déléguée en charge de l'Organisation territoriale et des Professions de santé. Pour être honnête, quand j'ai préparé cette interview, j'ai été assez sidérée par les chiffres, la dénutrition, ça concerne 40 % des malades du cancer, plus d'un tiers des résidents en Ehpad, jusqu'à un quart des personnes de plus de 70 ans qui vivent seules. Ces chiffres, ils sont énormes, comment ça se fait que la dénutrition, Agnès FIRMIN LE BODO n'est pas un enjeu de santé numéro un au même titre que l'obésité dont on parle énormément ?

AGNES FIRMIN LE BODO
EH bien justement, c'est l'objet de cette semaine de la dénutrition, c'est bien de faire comprendre que tout d'abord, la dénutrition est une maladie. Je crois que c'est vraiment l'objectif que nous nous sommes fixés avec le Collectif de la dénutrition. Ça touche en moyenne 2 millions de nos concitoyens, des personnes âgées, des personnes malades atteintes d'un cancer mais aussi des enfants. Je crois qu'il est important et les chiffres que vous venez de rappeler sont assez édifiants à cet égard. Donc l'objectif de cette semaine de la dénutrition, c'est bien de faire rentrer, j'allais dire dans le viseur de tous, des professionnels de santé mais aussi de nos concitoyens, que maigrir, ce n'est pas normal.

JOURNALISTE
Après, c'est déjà la quatrième édition de cette semaine de la dénutrition, pourtant, je n'ai pas l'impression qu'on en parle beaucoup plus qu'avant. On parle plutôt de malbouffe, on parle plutôt d'obésité. Donc est ce que ce message y passe vraiment ? Pourquoi il ne passe pas ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Il commence vraiment à passer, La preuve, je suis là. C'est à dire qu'on voit bien que d'éditions en éditions et la troisième édition, celle de l'année dernière, a aussi permis, j'allais dire, d'embarquer plus de professionnels, notamment les pharmaciens, notamment la Caisse nationale d'assurance maladie, donc des partenaires nous rejoignent de plus en plus, ils rejoignent ce collectif pour permettre justement cette prise de conscience auprès des professionnels, auprès, j'allais dire de nos concitoyens, que la dénutrition c'est une maladie et qu'il est important au moindre, j'allais dire signal d'amaigrissement d'en parler en professionnel de santé et à son médecin.

JOURNALISTE
On l'entendait à 8h00, vous, ministre Agnès FIRMIN LE BODO, vous étiez dans un Ehpad d'Aulnay-sous-Bois hier où il y a de gros efforts dans cet Ehpad qui sont faits pour mieux manger. Après globalement on ne mange pas bien globalement dans un Ehpad, c'est pareil à l'hôpital, les rations parfois sont très maigres, ce n'est pas bon, c'est de mauvaise qualité. On le constate aussi quand on rend visite à un résident dans un Ehpad. Est-ce que ce n'est pas ça d'abord le problème ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Alors tout d'abord, je ne vais pas vous laisser dire qu'on ne mange pas bien dans un Ehpad.

JOURNALISTE
Souvent quand même.

AGNES FIRMIN LE BODO
Voilà, l'enjeu, l'enjeu du bien manger il est, j'allais dire c'est une problématique constante partout et d'ailleurs les slogans qui sont c'est « manger, bouger et se peser » parce que le mot peser et on a vu hier beaucoup d'échanges autour du fait qu'on ne se pèse plus et qu'on ne pèse plus nos concitoyens. Donc on voit bien que le fait de ne pas se peser ne permet pas de savoir si quelqu'un maigri ou pas. Donc l'enjeu du bien manger, bien sûr, c'est l'enjeu prioritaire, c'est aussi le bon repas, la bonne proportion, la bonne texture, notamment en Ehpad pour les personnes pour pouvoir justement bien se nourrir et avoir, j'allais dire la ration nécessaire pour ne pas maigrir.

JOURNALISTE
Il n'y a pas toujours la bonne proportion, il n'y a pas toujours la bonne qualité, des auditeurs témoignent, Romain.

ROMAIN AMBRO
Oui 01.42.30.10.10, on vous laisse vraiment la parole. C'est la remontée du terrain, votre quotidien, vos témoignages. C'est le principe chaque matin sur France Bleu Paris.

(Auditrice)

JOURNALISTE
Et on entend aussi votre émotion et on va demander sa réponse à la ministre Agnès FIRMIN LE BODO, ministre déléguée en charge des Professionnels de santé. Vous entendez ce témoignage de Nicole, il est quand même assez poignant et comme le dit Romain, ça parle à tout le monde. Il y a un problème dans les Ehpad quand même ?

AGNES FIRMIN LE BODO
Bien sûr. Bien sûr que ce témoignage est poignant et que tout l'enjeu de cette semaine, c'est notamment à travers l'opération cuisine ouverte qui est menée par les fédérations des Ehpad, c'est aussi j'allais dire de faire rentrer les familles dans les Ehpad, de cuisiner avec elles et de montrer l'importance. Et tout le monde est bien conscient que le repas, les repas sont les moments importants pour les résidents, les résidents en Ehpad.

JOURNALISTE
C'est un problème d'argent aussi, un problème de moyens puisque si on n'a pas assez de moyens pour les Ehpad, on ne peut pas cuisiner correctement et aussi un problème d'effectifs puisque s'il n'y a pas assez de soignants pour s'occuper d'un résident âgé qui est dénutris, qui ne prend pas le temps avec lui, forcément c'est gravissime.

AGNES FIRMIN LE BODO
C'est une histoire, c'est une histoire globale. Mais on l'a bien vu hier dans l'Ehpad d'Aulnay-sous-Bois dans lequel j'étais, la volonté de l'Ehpad était bien d'abord de faire aussi, je le redis parce que on voit bien que l'enjeu autour de la dénutrition, il réside bien sûr dans ce qu'il y a dans l'assiette, mais aussi dans ce que la personne âgée en l'occurrence, lorsqu'il s'agit d'un Ehpad peut manger. On voit bien que les textures et la façon dont est présentée le repas permet ou pas aux résidents de manger. Parfois, il y a des problèmes de dents, parfois des problèmes de déglutition.

JOURNALISTE
Oui c'est multiple.

AGNES FIRMIN LE BODO
C'est multiple et donc l'importance de travailler avec les résidents autour de la texture, on peut cuisiner de sept façons différentes, c'est l'objet de ces opérations cuisine ouverte avec des chefs cuisiniers qui vont dans les Ehpad et pendant toute cette semaine qui avec les résidents, avec les professionnels aussi de l'Ehpad, échangent autour de ces différentes façons de cuisiner et de présenter et aussi, je le redis, de mettre la bonne proportion dans l'assiette, la bonne proportion en termes de quantité, mais surtout en termes de qualité nutritionnelle. Je crois qu'il faut le répéter parce que, comme l'a dit et le témoignage de Nicole le montre bien, ne pas être bien nourrit, a des conséquences à la fois sur l'autonomie, sur le corps, sur l'immunité et donc la possibilité d'attraper des maladies ou pas.

JOURNALISTE
Je vous repose quand même la question Agnès FIRMIN LE BODO, est ce que tout ça, cette opération cuisine ouverte, ce n'est pas un pansement sur une jambe de bois ? Est-ce que le problème numéro un, c'est à quand plus de moyens dans les Ehpad, plus d'effectifs et plus de moyens aussi pour mieux manger ?

ROMAIN AMBRO
Ou de contrôle.

JOURNALISTE
Ou de contrôle.

AGNES FIRMIN LE BODO
Il y a plusieurs objets dans votre question. D'abord, je rappelle que la semaine de la dénutrition concerne les personnes âgées, ce n'est pas la semaine de la dénutrition dans les Ehpad et ce n'est pas le sujet que des Ehpad, c'est une partie du sujet. Je vous rappelle qu'on a aussi des sujets à la maison tout simplement parce que je vous le redis aussi que la dénutrition concerne aussi les personnes âgées qui sont isolées à la maison bien que isolées, le bien manger, c'est quelque chose qui nous concerne tous puisqu'un certain nombre d'adultes aussi sont dénutris. Donc je pense qu'il est important de replacer le débat dans un contexte global. Le sujet autour des Ehpad, il est traité par ma collègue en charge des solidarités et de la famille. On le sait très bien. Vous parlez des contrôles et le gouvernement a réagi suite à l'affaire ORPEA, des contrôles sont faits dans tous les Ehpad et un plan de contrôle des Ehpad est effectué et que l'objet des moyens j'allais dire est un objet global sur lequel Aurore BERGE a apporté des réponses. Mais là aussi je le répète, qu'un budget c'est la volonté de l'Ehpad de consacrer tel budget ou tel budget à la nourriture par rapport à d'autres budgets d'un prix de journée consacré aux résidents.

JOURNALISTE
On a, Madame la Ministre, on a une personnel de santé, justement qui est en ligne avec nous. On va lui donner la parole.

(auditrice)

JOURNALISTE
Agnès FIRMIN LE BODO, ministre déléguée en charge des Professions de santé, on entend à nouveau avec ce témoignage, cette fois ci dans l'envers du décor, que oui, quand même dans les hôpitaux, dans les Ehpad, il y a un souci avec l'alimentation.

AGNES FIRMIN LE BODO
Non, il y a un souci avec, ce n'est pas tout à fait ce qu'a dit Chantal, il y a un souci avec la problématique des professionnels de santé. Vous savez que l'enjeu autour des professionnels, il est à la fois dans le secteur médico-social, dans celui des Ehpad, mais aussi dans celui de la santé. L'enjeu, ce n'est pas, c'est le recrutement et l'attractivité des métiers. Le gouvernement a annoncé un plan dans les Ehpad de recrutement de 50 000 infirmiers avant la fin de la législature. Le sujet, ce n'est pas le manque de moyens, c'est de donner envie aux professionnels de venir et de se réengager dans ces métiers. Les moyens sont là, mais il manque des professionnels pour pouvoir, j'allais dire accompagner.

JOURNALISTE
Ça va se résoudre, ça va aller mieux dans les années qui viennent, c'est ce que vous dites.

AGNES FIRMIN LE BODO
C'est tous les moyens qu'on met en oeuvre pour rendre ces métiers attractifs. Je présenterai aux côtés d'Aurélien ROUSSEAU un plan sur l'attractivité du métier d'infirmier, une refonte du métier d'infirmier et comment on redonne envie aux jeunes de s'engager dans ces métiers de la santé dont nous avons besoin. C'est un enjeu. Enjeux importants à la fois dans le secteur du médico-social, donc des Ehpad, mais aussi dans les hôpitaux, il faut plus de professionnels, nous le savons, et nous mettons tout en oeuvre pour attirer dans ces métiers de la santé qui malheureusement pour l'instant n'attirent plus.

ROMAIN AMBRO
Et qu'est ce qui s'est passé d'ailleurs parce qu'il y a énormément de gens qui voulaient travailler dans le monde de la santé, des services à la personne ?

AGNES FIRMIN LE BODO
C'est un sujet très complexe. Il faudra plus que trois minutes pour pouvoir y répondre. On voit bien que tout d'abord, le système de santé, globalement, a connu depuis quelques années, j'allais dire un problème démographique. Et quand vous avez moins de professionnels, vous usez, plus, les professionnels sont plus usés. Donc c'est une espèce de spirale négative qui s'est un peu accélérée avec la crise sanitaire sur laquelle, je le redis, les professionnels de santé ont tenu bon. Le système de santé a tenu grâce à l'engagement et à la résilience des professionnels de santé. Et puis la crise sanitaire s'est aussi trouvée confrontée à un système, je le redis, de société où le rapport équilibre-vie personnelle- vie professionnelle s'est trouvé, j'allais dire, interpellée par chacun de nous. Et c'est aussi toutes ces raisons qui nous mènent aujourd'hui à ce que nous devons réenchanter et redonner du sens aux professionnels de santé pour qu'ils s'engagent dans tous ces métiers de la santé qui sont importants.

JOURNALISTE
Projet difficile. Merci. Agnès FIRMIN LE BODO, ministre chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé, d'être venue dans les studios de France Bleu Paris. C'est donc la semaine de la dénutrition et c'est vrai que le débat a beaucoup tourné sur les Ehpad, les auditeurs avaient beaucoup de choses à dire là-dessus. Mais c'est aussi à l'hôpital et c'est aussi les personnes seules, vous avez raison, les personnes qui vivent seules, qui n'ont pas de famille forcément peut être à proximité et qui sont en difficulté.

AGNES FIRMIN LE BODO
Mais aussi les enfants.

ROMAIN AMBRO
Et dans les écoles, mais on est un peu plus vigilant quand même sur les enfants, sur ce qu'on leur donne à manger. Oh, vous avez fait la moue.

AGNES FIRMIN LE BODO
Non mais il ne faut pas oublier les enfants.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 novembre 2023