Déclaration de Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur les relations franco-britanniques, à Paris le 19 décembre 2023.

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Circonstance : Conférence de presse conjointe de Mme Catherine Colonna et de M. David Cameron

Texte intégral

Bonjour à toutes et à tous, merci de votre présence.

Monsieur le Ministre, cher David, je suis très heureuse de te recevoir à Paris ce matin, pour une première visite bilatérale. Il faudra, si tu le veux bien, que je te rende la pareille, en venant à Londres, prochainement, faire également une visite bilatérale. C'est le premier déplacement à Paris, je crois, de Lord Cameron depuis qu'il est à la tête du ministère des Affaires étrangères de son pays. Nous avions déjà eu l'occasion d'échanger sur plusieurs dossiers, à plusieurs reprises, depuis sa nomination. Mais évidemment, rien ne remplace un contact direct. Nous l'avions eu, David, en marge de la réunion ministérielle de l'OTAN, il y a une quinzaine de jours. Mais merci vraiment d'avoir fait le déplacement à Paris, parce que c'est pour nous une façon de nous promettre de faire progresser encore plus les relations franco-britanniques, qui ont eu de très bons développements ces temps-ci, mais qu'il faut - je crois que nous sommes d'accord sur ce point également - pousser encore plus loin, dans plusieurs domaines. J'en parlerai.

Cette année 2023 a déjà été marquée par des moments importants dans les relations franco-britanniques évidemment, avec le sommet du 10 mars dernier, sommet bilatéral, premier sommet depuis cinq ans - nous n'en avions pas eu depuis trop longtemps -, grand succès, on s'en souvient, mais il a aussi donné des résultats concrets, notamment pour nos jeunes. J'y reviendrai dans un instant. Et puis évidemment, chacun a en tête la visite du Roi Charles III et de la Reine Camilla, qui a honoré notre pays au mois de septembre. À chacune de ces occasions, nous avons souligné l'importance de notre partenariat, celui de deux pays amis, alliés, voisins, qui partagent des valeurs communes, qui ont beaucoup d'intérêts partagés également et qui ont tout à gagner à travailler dans la même direction, ce que nous nous efforcerons de faire.

Beaucoup de travail a été accompli depuis ces quelques mois pour approfondir notre relation, notamment dans le domaine de la sécurité et de la défense, où la coopération est ancienne. Nous avons aussi progressé pour lutter contre l'immigration illégale, qui reste bien sûr une priorité de nos deux pays. Mais je crois que nous avons aussi progressé pour rapprocher nos vues sur les enjeux globaux : climat, énergie, mobilités. Et ce sont autant de points positifs. Mais je voudrais surtout saluer l'importance pratique et symbolique de la décision britannique de faciliter les voyages scolaires des jeunes Françaises et des jeunes Français au Royaume-Uni. Cela entrera en vigueur dans quelques jours, je crois. C'est une bonne nouvelle - même une très bonne nouvelle -, et c'était une décision très attendue par des milliers de familles des deux côtés de la Manche. Cela permettra que nos jeunesses restent en contact, cela permettra de continuer cette tradition des échanges scolaires franco-britanniques, la tradition des "correspondants anglais", comme on disait dans ma jeunesse, parce que j'ai fait partie de ceux qui ont pu bénéficier de cette tradition. Je crois que mon premier voyage à l'étranger, David, c'était, justement, chez ma correspondante à Londres. Cela m'a permis de découvrir ce beau pays. C'est plus que symbolique. C'est quelque chose qui va nous aider à faire que les relations reprennent, au-delà des gouvernements, de façon naturelle, comme elles doivent l'être, entre la France et le Royaume-Uni.

Je parlais de 2023. Nous avons aussi parlé de 2024, puisque 2024 va être une année importante pour les relations franco-britanniques. Les 120 ans de l'Entente cordiale, on va les préparer pour le fêter dignement. Un nouveau sommet bilatéral, ce sera chez vous, je pense, puisque nous avons eu le plaisir de vous recevoir à Paris. Et puis la prochaine réunion de la Communauté politique européenne, la CPE, réunion des chefs d'Etat ou de gouvernement, que le Royaume-Uni propose d'accueillir.

Merci pour tout cela, mais je voudrais ajouter quelques mots sur nos conversations de ce matin, qui étaient denses et confiantes, quoique trop rapides, - pardon de cela-, mais j'ai un programme, comme toi, qui dépasse nos capacités, bien souvent, et qui nous oblige à trop courir.

On a essentiellement parlé de deux sujets majeurs : les questions internationales et les questions bilatérales. Je voudrais dire quelques mots de l'Ukraine, juste après que le Conseil européen des 14 et 15 décembre a pris cette décision - très importante, historique et juste - d'ouvrir des négociations d'adhésion pour l'Ukraine, comme pour la Moldavie. Nous avons rappelé notre soutien à l'Ukraine. Par parenthèse, pour revenir sur le Conseil européen, la Hongrie n'a pas bloqué cette décision, comme il était imaginable qu'elle puisse le faire, vu quelques déclarations qui avaient été les siennes. Elle ne l'a pas fait. Elle s'est abstenue, en sachant que son abstention permettait de maintenir l'unité des Européens. C'est un bon signal, je voulais le faire remarquer. Mais pour revenir à l'Ukraine, nos deux pays, main dans la main et depuis le début, travaillent ensemble pour faire en sorte que l'agression russe ne puisse être récompensée, soit un échec, que l'Ukraine puisse recouvrer sa liberté, sa souveraineté, son intégrité territoriale. Nous souhaitons que cette coopération puisse se renforcer encore, assurer un soutien dans la durée à l'Ukraine, ce soutien dont elle a besoin pour tenir, pour résister, mais aussi pour se voir reconnaître ses droits et recouvrer sa souveraineté et son intégrité. Nous sommes au travail, en bilatéral avec nos partenaires ukrainiens, mais aussi ensemble, pour que sur tous les volets, humanitaire bien sûr, économique, militaire, politique, diplomatique, nous soyons aux côtés de l'Ukraine, parce qu'il en va évidemment du sort de l'Ukraine, mais aussi de la sécurité du continent européen, et même au-delà, c'est-à-dire de notre sécurité.

L'Union européenne, pour sa part, a donné son accord, il y a quelques jours, au douzième paquet de sanctions contre la Russie. Douze, déjà, et nous continuerons la pression, si nécessaire, mais douze décisions qui manifestent l'unité des Européens sur ce sujet. Bien que le Royaume-Uni ne soit plus partie de l'Union européenne, je voudrais vous faire noter que le dispositif de sanctions européen et le dispositif de sanctions britannique sont très largement alignés, comme on dit en bon franglais, ce qui est une bonne chose, pour accroître la pression sur la Russie et pour entraver son effort de guerre. C'est important que nous soyons partenaires, là aussi, avec la même vigueur.

Nous avons aussi parlé de la situation au Proche-Orient. Le Ministre en revient. J'y étais moi-même, jusqu'à hier soir. Nos vues sont très proches et nos efforts, je crois, sont convergents, pour appeler à la libération de tous les otages, immédiatement, sans condition ; pour souhaiter une trêve immédiate, durable, et qui permette de progresser vers un cessez-le-feu ; pour lutter contre le Hamas et le terrorisme, notamment -mais pas seulement- au plan européen, en renforçant les dispositifs européens permettant de sanctionner des responsables du Hamas. Et au-delà de l'Union européenne, pour coopérer, -nous avons eu une première réunion-, de façon à pouvoir mieux lutter contre notamment les financements du terrorisme et aussi contre la propagande, la désinformation que pratiquent souvent les terroristes, qui est aussi l'une de leurs armes. Et puis même unité de vues et d'objectifs pour assurer une meilleure protection des civils à Gaza et permettre une plus grande entrée et une meilleure distribution dans toute la bande de Gaza de l'aide humanitaire. Je remercie le Royaume-Uni d'avoir participé à cet égard à la conférence qui s'est tenue le 9 novembre à Paris, et également à la conférence de suivi que nous avons eue le 6 décembre. Nous avons pris des engagements, il faut les mettre en oeuvre ; davantage d'aide va arriver. Pour notre part, nous avons demain un bateau qui partira avec plus de 300 tonnes, et un autre, une semaine après.

Au-delà de ce que j'ai déjà cité, le plus important est de travailler ensemble avec nos partenaires, les plus actifs et les plus intéressés, pour faire progresser une solution politique, restaurer un horizon politique, ce qui est indispensable. La seule solution viable, qui apportera la paix et la sécurité et aux Israéliens et aux Palestiniens, c'est la solution à deux Etats. Certains l'avaient peut-être trop oublié. La situation aujourd'hui fait qu'elle est devenue de nouveau à l'ordre du jour des diplomaties internationales. Nous devons avancer et aider les parties, qui n'y sont pas encore tout à fait prêtes, à réaliser que la solution de toutes ces difficultés, c'est la solution à deux Etats : un Etat pour les Palestiniens, la sécurité pour Israël. Sur ce point, je dois dire, parce que je reviens du Proche-Orient, que j'ai pu constater, de mes yeux, les violences commises par certains colons extrémistes en Cisjordanie. C'est non seulement regrettable, mais inadmissible. Nous avons demandé à Israël de prendre des mesures, d'utiliser le cadre de la loi israélienne pour les sanctionner comme il se doit. Mais j'ajoute, vous le savez peut-être, que la France a décidé de prendre des mesures, à titre national, contre certains de ces colons extrémistes, identifiés comme tels sur la base d'informations documentées. Nous travaillons aussi à des sanctions au niveau européen. Nous donnerons à nos partenaires européens toutes ces informations.

Dernier mot sur la région, parce que, au-delà de Gaza et des voisins immédiats d'Israël, on voit aussi dans la mer Rouge, dans le détroit et plus loin dans la mer Rouge, des attaques qui se sont multipliées, qui entravent la liberté de circulation, qui nuisent, de ce fait, au commerce international, et qui sont surtout autant de menaces à la liberté de navigation dans les eaux internationales. Les Houthis, pour ne pas les nommer, on sait qu'ils sont souvent soutenus par l'Iran, ont procédé, depuis quelques semaines, à la fois à des tirs de missiles, à l'utilisation de drones, à l'arraisonnement de navires. Cela doit cesser. Vous avez vu que nous avons décidé de renforcer notre coopération pour lutter contre la menace terroriste dans cette zone. Des mesures seront prises en coordination avec nos alliés. Cela va dans le sens de ce que nous avions souhaité, par la voix du Président de la République, il y a déjà plusieurs jours : renforcer nos capacités opérationnelles dans la zone pour mettre un terme à ces attaques.

Voilà, Mesdames et Messieurs, quelques-unes des thématiques que nous avons abordées, ce matin. J'ai insisté à la fois sur les questions bilatérales, parce qu'elles ont un bel avenir devant elles, et sur tous ces sujets internationaux qui nous occupent et vont continuer, je le crains, cher David, de nous occuper encore quelque temps. Merci d'être là.

Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 décembre 2023