Texte intégral
YVES CALVI
Amandine BEGOT, vous recevez ce matin le ministre délégué chargé du Renouveau démocratique et Porte-parole du Gouvernement, Olivier VERAN.
AMANDINE BEGOT
Olivier VERAN, l'auteur de l'attaque de samedi soir à Paris, est toujours en garde à vue ce matin ; il s'agit (on le rappelle pour nos auditeurs) d'un individu bien connu des services de police, fiché S, condamné en 2018 pour un projet d'attentat, libéré en 2020 après avoir fait quatre ans de prison ferme, soumis à un suivi psychiatrique. Comment expliquez-vous qu'il ait pu passer à l'acte ?
OLIVIER VERAN
D'abord, mes premières pensées vont vers les victimes, les proches des victimes. Mes pensées vont aussi vers les forces de police qui sont intervenues extrêmement vite, et ça, il faut le souligner, c'est qu'on a une police qui est extrêmement efficace et qui a sauvé bien d'autres vies très probablement. Je comprends qu'il y ait beaucoup de questions qui se posent. Il y a une attaque terroriste qui a retenti dans Paris, commise par quelqu'un qui est connu, vous l'avez dit, par les services de police et sanitaires. Les premiers éléments qui sont préliminaires de l'enquête dont on dispose montrent que le parcours médical, administratif, pénal de cet individu est conforme à ce qui a été prescrit et conforme à l'état du droit. À savoir que cette personne est diagnostiquée pour une pathologie psychiatrique, et qu'il a été mis en place un traitement, une obligation de suivi qui a respecté ce que prévoit la loi, c'est-à-dire trois ans de suivi psychiatrique et qu'il y avait toujours un lien qui était fait avec les services de médecine. Les éléments montrent aussi que cette personne qui a été condamnée à quatre ans de prison parce qu'il avait projeté de partir réaliser le djihad à l'étranger, il a fait ses quatre ans de prison ferme, a ensuite été suivi évidemment étroitement par les services de renseignement. Et pour autant, cette personne a pu, avec un couteau et un marteau, décider de commettre un attentat dans les rues de Paris.
AMANDINE BEGOT
Ça veut dire pas de défaillance d'un point de vue médical, si je vous comprends bien, pas de défaillance dans la surveillance. C'est ce que vous nous dites ce matin ?
OLIVIER VERAN
Ça veut dire que chaque fois qu'un drame comme celui-ci retentit, d'abord, il faut savoir qu'il y a énormément, beaucoup de ces actes sont prévenus par l'état du droit, par l'intervention de la santé et de la police, c'est-à-dire qu'il y a des projets d'attentats qui sont interrompus, des projets de meurtres aussi, qui sont qui sont prévenus et fort heureusement. Mais à chaque fois qu'un drame comme celui-ci survient, ça soulève à nouveau la question de l'adaptation du droit et de nos services d'action à l'état de la menace. Par exemple, se pose que dit le ministre de l'Intérieur, Gérald DARMANIN hier, se pose la question d'avoir une prolongation de l'injonction de soins lorsqu'il s'agit de personnes qui cumulent à la fois la pathologie psychiatrique et la radicalisation. Parce que cet individu était radicalisé.
AMANDINE BEGOT
Sauf que l'injonction de soins, elle a eu lieu, jusqu'en avril 2023. À l'issue de ça, le rapport du médecin expert dit qu'a priori, cet individu n'est pas dangereux, en tout cas sur le plan psychiatrique. Autoriser les préfets, par exemple, à prendre une injonction de soins, c'est ce que voudrait le ministre de l'Intérieur, ce qu'il évoquait hier soir chez nos confrères de TF1. Ça suppose aussi de faire appel à un médecin ; et là, le psychiatre aurait rendu sans doute la même décision.
OLIVIER VERAN
Mais l'injonction de soins est prévue par le code de santé publique. Elle était limitée à trois ans ; nous l'avons, dans une loi en 2021, réhaussée à cinq ans, ce qui était le maximum de ce qu'il nous était autorisé à faire par le Conseil Constit à l'époque. La question qui se pose, c'est dans des situations spécifiques à un individu à la fois radicalisé et souffrant de pathologies psychiatriques ; est-ce que cette prolongation... est-ce qu'on doit envisager une prolongation sous conditions et lesquelles, d'une injonction de soins ? Ensuite, il nous faut encore des éléments, j'ai parlé d'éléments préliminaires. Le médecin que je suis vous dit qu'on a besoin aussi de savoir ce qu'en pensent les médecins sur le profil précis de cet individu. Est-ce que c'est quelqu'un... parce qu'il faisait montre d'une déradicalisation lorsqu'il s'adressait aux forces de sécurité. Il disait même qu'il voulait dénoncer des djihadistes et qu'il avait changé, etc. Est-ce qu'il masquait les choses ? Dans l'état de sa pathologie ou non ?
AMANDINE BEGOT
Est-ce qu'il y avait une volonté de dissimuler ou pas ?
OLIVIER VERAN
Voilà. Quelle est la part de la maladie ? Quelle est la part de la radicalisation ? Encore une fois, il y avait les deux facteurs. Donc il nous faut encore davantage de réponses. Mais je vous le dis, à chaque fois que le niveau de menace évolue, nous faisons évoluer le niveau d'intervention et de sécurité.
AMANDINE BEGOT
Mais juste pour qu'on comprenne bien, a priori, ce matin, vous nous dites qu'il n'y a pas eu de défaillances ?
OLIVIER VERAN
Je vous dis que les éléments... Et c'est trop tôt pour faire une conclusion définitive.
AMANDINE BEGOT
Bien sûr, mais…
OLIVIER VERAN
Les éléments préliminaires montrent que les parcours encore une fois médical, administratif et pénal pour cet individu, ont été conformes à ce qui était possible avec l'état du droit. Et toutes les décisions, que ce soit la justice ou médicale, c'est-à-dire les quatre ans de prison, l'obligation de suivi pendant trois ans, la surveillance au long cours ; ces obligations-là ont été remplies. Et pour autant, il a pu tuer. Donc cela pose la question de : comment a-t-il pu tuer ? Est-ce qu'il aurait pu, est-ce qu'il faudrait pouvoir renforcer le droit de manière à éviter que ce type de drame ne réapparaisse ?
AMANDINE BEGOT
Jordan BARDELLA, le président du Rassemblement national demande la réouverture du débat sur la rétention de sûreté et le fait de priver de liberté quelqu'un après sa peine s'il présente une dangerosité. Ce serait ça la solution ?
OLIVIER VERAN
Mais encore une fois, le RN, l'extrême droite a cette capacité à analyser avant les faits. C'est facile pour eux. Ils ont des réponses à toutes les questions qu'on se pose encore.
AMANDINE BEGOT
Mais est-ce qu'on peut enfermer quelqu'un parce qu'il est potentiellement dangereux ? C'est la question que je vous pose.
OLIVIER VERAN
Mais en théorie, de toute façon, c'est possible d'enfermer quelqu'un parce qu'il présente... L'individu dont on parle a fait quatre ans de prison parce qu'il prévoyait de partir faire le djihad. Il n'était pas parti faire le djihad, mais la présomption de son départ avait été un critère suffisant pour le maintenir en prison, quatre ans. Et il l'a fait ces quatre ans. Donc cela existe. La question qui se pose, là, et vous l'avez dit vous-même : si le médecin vous dit que le patient, si tenté (il me faut les éléments définitifs) mais si le médecin dit que le patient ne présentait plus de dangerosité, qu'il ne présentait plus de signe de décompensation et si l'individu, lorsqu'il était surveillé, ne montrait pas de symptômes laissant à penser qu'il passerait à l'acte ; là-dessus, les libertés, la sécurité, tout ça est mis en tension.
AMANDINE BEGOT
Donc c'est un faux débat ?
OLIVIER VERAN
Il n'y a pas de faux débat parce que quand un drame survient comme celui-ci et on n'a pas de tabou avec ces questions-là. Et on l'a déjà montré parce qu'on a déjà plusieurs fois changé la loi et renforcé la loi. Notre objectif de toute façon est très clair, c'est de protéger la population. Ce n'est pas de protéger les individus comme lui, c'est protéger la population des individus comme lui.
AMANDINE BEGOT
Concernant la surveillance, au mois d'octobre dernier, sa mère s'est inquiétée de son comportement ; le procureur l'a dit hier. Et il indique, le procureur, par ailleurs que sur son compte Twitter créé justement au mois d'octobre, il y a un certain nombre de publications de soutien au Hamas à Gaza. Est-ce que ça (l'alerte de la maman plus le compte Twitter), ça n'aurait pas dû alerter les services ?
OLIVIER VERAN
Mais ça a alerté les services, ça a alerté les services. Vous aurez... Le procureur a eu l'occasion de communiquer hier. Je laisserai le procureur continuer de communiquer sur le déroulé des faits et sur le niveau d'information dont il dispose.
AMANDINE BEGOT
Mais ce que vous nous dites, c'est qu'on ne peut pas mettre un policier derrière chaque individu.
OLIVIER VERAN
Ce n'est même pas ce que je vous dis ; je vous dis que l'individu était surveillé.
AMANDINE BEGOT
Mais il a pu avoir un marteau et un couteau en plein Paris.
OLIVIER VERAN
Malgré la surveillance, il a décidé un soir de week-end, de sortir dans Paris et de s'en prendre à des passants de la plus terrible des manières.
AMANDINE BEGOT
Là, ce drame intervient un peu plus de sept mois du coup d'envoi des JO ; est-ce qu'il faut revoir quelque chose, un plan B ? C'est ce que demandait notamment Frédéric PECHENARD, vice-président de la région Ile-de-France.
OLIVIER VERAN
La sécurité qui est mise en place pour les JO, comme la sécurité qui a été mise en place pour la Coupe du monde de rugby, est une sécurité qui fait en sorte que tous les événements susceptibles de rassembler des foules soient des événements dans lesquels vous n'aurez pas de risques de tomber sur des individus comme lui.
AMANDINE BEGOT
Il n'y aura pas d'attaque pendant ces JO, c'est-ce que vous…
OLIVIER VERAN
Tout est mis en place pour éviter les attaques pendant les JO. Mais nous ne pensons pas en termes de J.O ; nous pensons en termes de vie quotidienne pour les Français. Nous ne voulons pas d'attaques comme celle-ci. Et encore une fois, une immense majorité de ces projets d'attaque sont interrompus par les services de sécurité avant qu'ils aient lieu.
AMANDINE BEGOT
Une question encore, Olivier VERAN, avec cette réaction de Jean-Luc MELENCHON qui voit dans cet attentat, je le cite, les conséquences de l'effondrement du système psychiatrique tout en évoquant, non pas un attentat ni une attaque, mais pour lui, un meurtre et des blessures au motif délirant de la religion. Il se trompe de combat, Jean-Luc MELENCHON ?
OLIVIER VERAN
Non mais Jean-Luc MELENCHON fait exactement la même chose désormais. Je le dis désormais, je le regrette, que l'extrême droite, ce que je disais tout à l'heure, c'est-à-dire analyser avant les faits, ne plus attendre de chercher à comprendre, ne plus s'autoriser de permettre aux Français de juger par eux-mêmes en fonction des éléments factuels, leur donner des réponses toutes faites, préfabriquées, lapidaires. De toute façon, Jean-Luc MELENCHON, dont on disait qu'il était sorti du giron républicain, a encore montré hier soir, en attaquant de la manière la plus ignoble qui soit, une journaliste.
AMANDINE BEGOT
Ruth ELKRIEF. Manipulatrice, dit-il, si on n'injurie pas les musulmans, cette fanatique s'indigne, quelle honte, écrit-il.
OLIVIER VERAN
Traiter Ruth ELKRIEF qui est une très grande journaliste, à qui j'apporte tout mon soutien, de fanatique, c'est extrêmement grave. Je vous le dis, ces derniers mois, de toute façon, Jean-Luc MELENCHON nous explique que les patrons sont des salauds, que les policiers tuent et que maintenant les journalistes sont des fanatiques. Je pense qu'à un moment donné, il faut se poser la question de la place qu'occupe Jean-Luc MELENCHON et qu'il occupait dans le débat public, en tout cas dans…
AMANDINE BEGOT
Et disqualifié.
OLIVIER VERAN
Dans la vie des Français, ce serait (pardon de l'expression et de la métaphore) cet oncle très gênant qu'on a plus envie d'inviter au repas de famille parce qu'il raconte strictement n'importe quoi.
AMANDINE BEGOT
Merci beaucoup, Olivier VERAN.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 décembre 2023