Texte intégral
ANNE BOURSE
Bonjour Bérangère COUILLARD.
BERANGERE COUILLARD
Bonjour.
ANNE BOURSE
Tout d'abord, revenons sur l'attaque terroriste qui a eu lieu à Paris samedi soir. Les oppositions vous reprochent, je cite, votre faiblesse selon Jordan BARDELLA ou encore pour Eric CIOTTI, votre naïveté, que leur répondez-vous ?
BERANGERE COUILLARD
Que la critique est facile et que nous menons une lutte sans relâche contre l'islamisme radical. C'est une réalité et Gérald DARMANIN est évidemment sur le pont sur ce sujet. Nous agissons et d'ailleurs nous attendons qu'ils puissent nous aider aussi sur la loi immigration et qu'ils puissent prendre la responsabilité de nous accompagner sur cette loi et nous permettre notamment de nouveaux droits pour pouvoir faire en sorte d'expulser les plus délinquants.
ANNE BOURSE
Justement, est ce qu'il faut changer la surveillance des fichés S comme le réclament certains, y compris parfois dans la majorité ?
BERANGERE COUILLARD
Vous savez les fichiers S, c'est assez large, donc c'est surtout les personnes qui aujourd'hui ont des liens avec l'islamisme radical et évidemment, il y a une attention toute particulière sur ces profils-là. Nous les suivons de près. Et je rappelle dans ce cas précis que c'est une personne qui aussi a de troubles psychiatriques et qui n'avait plus d'accompagnement, ni de soins. Et donc c'est aussi cela que nous sommes en train de regarder. Et le ministre de l'Intérieur a notamment rappelé le fait qu'il fallait que, notamment les préfectures, le ministère de l'Intérieur puisse demander des injonctions de soins pour des personnes de ce profil.
ANNE BOURSE
Vous le disiez La loi immigration va arriver à l'Assemblée lundi prochain. Est-ce que cela ne va pas justement demander à durcir de la part des oppositions, notamment de la droite et de l'extrême droite, un durcissement du texte, ils vont sans doute le demander encore ?
BERANGERE COUILLARD
Ecoutez, le texte est déjà passé au Sénat. Il est passé en commission à l'Assemblée nationale. Un travail a été fait, des discussions ont été longues et je pense que le texte est déjà bien avancé et qu'il ne faut pas justement surréagir sur un fait ou sur un attentat dédié. Je pense que le sujet est pris évidemment avec beaucoup de sérieux, depuis maintenant plusieurs, des dizaines d'heures par les députés et les sénateurs.
ANNE BOURSE
Mais justement, Olivier VERAN a parlé d'un risque de basculement de notre société. C'était suite à la mort du jeune Thomas à Crépol dans la nuit du 18 au 19 novembre dernier. Est-ce que vous vous emploieriez les mêmes mots, ce basculement de notre société ?
BERANGERE COUILLARD
Oui, et c'est ce que ressentent aussi les concitoyens. J'échange. J'étais ce week-end auprès d'eux et je me rends compte qu'ils ont aussi ce sentiment et donc il faut y répondre. Et c'est bien pour cela justement que nous luttons contre l'islamisme radical avec fermeté et que nous souhaitons faire passer un certain nombre de nouvelles règles, de nouvelles lois pour faire en sorte que nous puissions agir sur ce sujet plus efficacement.
ANNE BOURSE
Vous êtes en quête de cette situation ? Vous disiez que vous étiez dans votre circonscription cette semaine, enfin ce week-end, ce n'est pas seulement les villes, c'est aussi aujourd'hui le milieu rural qui inquiet. Ça vous inquiète vous ?
BERANGERE COUILLARD
Oui, en tous les cas, ça touche les concitoyens et il faut aussi évidemment regarder l'actualité et ils ont des craintes sur le fait que ça puisse aussi les toucher, toucher leurs proches qui puissent être concernés. Donc bien sûr qu'on doit répondre à cette crainte-là.
ANNE BOURSE
Revenons sur vos sujets, cet après 12 h, à l'Assemblée sera examiné une proposition de loi qui vise à généraliser les tests pour lutter contre les discriminations, notamment à l'embauche ou pour accéder à un logement. Qui exactement pourra faire ce test et en quoi consisteront-ils ?
BERANGERE COUILLARD
Alors déjà rappeler qu'il y a 20 % de nos concitoyens, français donc, qui déclarent avoir été discriminé majoritairement en fonction de leur origine ou de leur couleur de peau. Et donc il y a beaucoup de nos concitoyens qui se sentent résignés. Et donc ça concerne principalement le milieu de l'emploi et également de l'accès au logement. Donc, on a choisi d'agir, le président de la République a rappelé cet engagement en juin dernier à Marseille. Donc maintenant, on concrétise cela. Comment on va faire ? C'est que déjà on va mettre en place des tests statistiques, c'est à dire des tests massifs auprès d'entreprises et administration, il s'agit d'envoi de CV et donc de candidatures fictives. C'est donc la DILCRAH qui va réaliser cela, on élargit ses missions, elle existe déjà, c'est la délégation interministérielle de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti LGBT. Et donc l'idée c'est d'envoyer des CV fictifs qui vont être, qui vont se démarquer en fait en fonction de critères de discrimination. L'objectif c'est de tester 500 entreprises avant la fin de l'année.
ANNE BOURSE
La fin de l'année ?
BERANGERE COUILLARD
2024.
ANNE BOURSE
Donc dans un an.
BERANGERE COUILLARD
Pour 2025, on en aura testé 500, et donc l'idée c'est de demander à l'entreprise, si elle s'avère discriminante, de faire des actions correctrices, ça peut être de la formation, de la sensibilisation…
ANNE BOURSE
Justement, ça peut s'accompagner d'une sanction, on donne le nom de l'entreprise, quelles peuvent être les conséquences une fois que c'est acté ?
BERANGERE COUILLARD
C'est ça, si elle s'avère discriminante, on lui demande des actions correctrices, si elle n'opère pas ces actions correctrices, alors…
ANNE BOURSE
Avec un délai pour opérer ces actions ?
BERANGERE COUILLARD
Trois ans pour réaliser ces actions correctrices, qui demandent aussi un travail de fond, de formation, de sensibilisation, de mentorat ou diverses actions qui peuvent modifier le comportement justement d'embauche, et, dans ces cas-là, il y aura des sanctions qui peuvent aller jusqu'à 1 % de la masse salariale, donc c'est conséquent, parce qu'on souhaite vraiment rappeler aux entreprises et aux administrations que ce comportement n'est pas normal et qu'il faut lutter contre les discriminations.
ANNE BOURSE
Justement, il existe des sanctions déjà possibles à travers le code pénal, pourquoi est-ce qu'il n'y a pas d'action, pourquoi est-ce qu'il n'y a pas de sanctions, déjà ?
BERANGERE COUILLARD
En fait aujourd'hui c'est vrai, vous le dites, on a un arsenal législatif qui est très fort, qui est important, mais jusqu'alors ça ne fonctionne pas. Rien que pour vous donner un exemple, en 2020, il y a eu zéro condamnation, zéro condamnation pénale pour cause de discrimination, et donc ça montre bien qu'en fait il y a la loi, mais ça ne fonctionne pas, et donc pour ça…
ANNE BOURSE
Parce que les gens n'osent pas, se disent ça ne vaut pas le coup ?
BERANGERE COUILLARD
Ne savent pas où demander, et aujourd'hui ce n'est pas assez effectif, on n'y a pas assez de moyens, et donc pour ça on fait en sorte d'agir déjà, donc avec des tests statistiques, et aussi, pour permettre la réparation, on va également déployer des tests individuels, c'est-à-dire qu'une personne discriminée peut demander, donc demain, aujourd'hui il y a le défenseur des droits, ça peut être demain aussi la DILCRAH, pour réaliser clairement un test individuel, c'est-à-dire d'aller auprès de l'entreprise, se rendre compte s'il y a eu discrimination, lui permettre de constituer un dossier pour aller en justice, parce qu'il n'est pas normal que nos concitoyens discriminés puissent se sentir résignés, ils doivent pouvoir obtenir réparation, et jusque-là ça ne marche pas.
ANNE BOURSE
118 féminicides en 2022, en 2023, à ce jour, on en compte déjà 99, pourquoi il n'y a pas d'amélioration, pourquoi est-ce qu'on n'arrive pas à faire baisser ?
BERANGERE COUILLARD
C'est un travail de fond que nous menons depuis maintenant plus de quatre ans. Vous savez, moi, quand je compare avec notre voisin espagnol, il a fallu sept ans pour qu'il y ait une inversion des courbes…
ANNE BOURSE
Vous nous dites qu'il faut attendre sept ans ?
BERANGERE COUILLARD
Non, ce n'est pas mon objectif, bien sûr, et nous travaillons justement à ce que ça aille plus vite, c'est pour ça qu'on continue de déployer des dispositifs, je pense notamment, là nous avons annoncé le pack "Nouveau départ", il s'agit d'avoir un agent coordinateur qui organise le départ des femmes, parce que vous savez, aujourd'hui, elles mettent en moyenne sept allers-retours, il y a sept allers-retours en moyenne, pour le départ définitif, et donc ce qu'on souhaite c'est limiter ce nombre d'allers-retours parce qu'on sait que c'est ce moment, particulièrement de la séparation, qui amène à des féminicides.
ANNE BOURSE
Ce pack c'est quoi, c'est un référent, une personne… ?
BERANGERE COUILLARD
C'est ça, un coordinateur à la CAF, qui pour le coup organise le départ des femmes, avec l'aide des associations locales, et donc ça permet de tout mettre en place au bon moment pour faciliter le départ des femmes, parce qu'en fait, souvent…
ANNE BOURSE
Avec un accompagnement financier aussi, parce que c'est aussi un frein souvent pour le départ ?
BERANGERE COUILLARD
Egalement. Alors, aujourd'hui il y a plusieurs freins, il y a des freins administratifs, parce qu'il y a des démarches à faire, et en effet aussi des démarches financières, il y aura donc aujourd'hui, donc à partir du 1er décembre, on a débloqué l'aide universelle, c'est-à-dire dans l'ensemble des départements français, aujourd'hui une femme qui est victime de violences conjugales, qui donc peut montrer une plainte ou une ordonnance de protection, pourra être accompagnée en fonction de sa situation familiale ou de sa situation financière. Un exemple. Une femme, qui aujourd'hui est au SMIC, qui a trois enfants, pourra toucher une aide de 1 337 euros pour l'aide au départ, pour faire les premières dépenses, parce qu'on sait que ce sont souvent des freins financiers, ou également administratifs, qui peuvent empêcher les femmes de quitter le domicile, même si évidemment nous souhaiterions davantage les laisser à leur domicile et que ce soit l'auteur des violences qui quitte le domicile.
ANNE BOURSE
La semaine prochaine sera présenté en Conseil des ministres le projet de loi qui vise à inscrire dans la Constitution la liberté des femmes à recourir à l'IVG, pourquoi en 2023 est-ce nécessaire d'en faire un droit fondamental ?
BERANGERE COUILLARD
Ecoutez, nous ne sommes pas à l'abri, moi je le dis maintenant depuis plusieurs semaines, depuis plusieurs mois, je reste persuadée que nous avons un risque parce que tous les partis politiques en France n'ont pas le même discours, ou n'ont pas toujours eu le même discours, et donc je crois qu'il faut sanctuariser ce droit, on le voit dans d'autres pays, 14 États américains ont perdu ce droit, ça veut dire qu'il y a des femmes américaines qui doivent quitter leur État pour aller avorter dans de bonnes conditions, et donc ça, il n'est pas possible de prendre ce risque en France, c'est pour ça que nous avons choisi de sanctuariser ce droit et donc ce sera possible, donc le projet de loi sera déposé en Conseil des ministres la semaine prochaine, le 13 décembre, pour que nous arrivions à le voter définitivement, donc ce sera courant du printemps, mars, on l'espère.
ANNE BOURSE
Juste une réaction. On vient d'apprendre que le parquet général ne se pourvoit en cassation dans l'affaire d'Eric DUPOND-MORETTI, une réaction ?
BERANGERE COUILLARD
Ecoutez, satisfaite de pouvoir avoir un collègue qui puisse travailler sereinement. Je travaille très bien avec Eric DUPOND-MORETTI, notamment sur les sujets de protection des femmes victimes de violences conjugales, et donc je suis ravie qu'il puisse reprendre ses fonctions sereinement.
ANNE BOURSE
Merci beaucoup Bérangère COUILLARD…
BERANGERE COUILLARD
Merci à vous.
ANNE BOURSE
D'avoir été notre invitée ce matin.
BERANGERE COUILLARD
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 décembre 2023