Interview de Mme Bérangère Couillard, ministre déléguée, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, à Sud Radio le 10 novembre 2023, sur la marche contre l'antisémitisme, l'aide médicale de l'État et les violences faites aux femmes.

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Média : Sud Radio

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN 
Notre invitée politique, ce matin nous recevons Bérangère COUILLARD. Bonjour.

BERANGERE COUILLARD
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.

JEAN-JACQUES BOURDIN Vous êtes ministre déléguée chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes et chargée de la Lutte contre les discriminations. Bérangère COUILLARD, marche civique contre l'antisémitisme dimanche, avec aussi des rassemblements devant les préfectures, à l'initiative des Maires de France. Je regardais ce sondage : 69 % des Français soutiennent cette marche, sondage Odoxa pour Le Figaro. Ce sont les électeurs du Rassemblement national qui sont les plus réticents, les plus hostiles à cette marche. Tous les partis sont, pensent que les Français sont légitimes d'y participer, c'est-à-dire que tous les partis sont derrière cette marche. Le RN, c'est un peu plus mesuré, les électeurs du RN, et les électeurs LFI aussi sont un peu plus mesurés. Bon. Bérangère COUILLARD, dimanche, est-ce que vous demandez à ce qu'aucun drapeau israélien ne soit brandi pendant la marche ?

BERANGERE COUILLARD
Ecoutez, alors, déjà, moi je marcherai dimanche...

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous marcherez, à Paris.

BERANGERE COUILLARD
Je marcherai pour la République et contre l'antisémitisme.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Entre Les Invalides et le Sénat.

BERANGERE COUILLARD
Exactement, et je répondrai à l'appel de Yaël BRAUN-PIVET et Gérard LARCHER. Concernant les drapeaux israéliens, écoutez, moi je n'ai pas d'avis sur le sujet, compte tenu que ce n'est pas le sujet de la marche, la marche c'est pour la République et contre l'antisémitisme.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Justement, pas de drapeaux, ni palestiniens et israéliens.

BERANGERE COUILLARD
Eh bien écoutez, sur le principe, je pense que, en fait, quand on défend la paix, je pense qu'il ne faut pas inciter à ce qu'il y ait des tensions. Donc je pense que c'est préférable qu'il n'y en ait pas. Voilà. Mais je n'ai pas, après, d'avis particulier sur la question.

JEAN-JACQUES BOURDIN Enfin, non, je vous pose la question, Bérangère COUILLARD, parce que, est-ce que manifester contre l'antisémitisme, c'est manifester son soutien à la politique de Benyamin NETANYAHOU ?

BERANGERE COUILLARD
Mais non, ça n'a rien à voir. Et d'ailleurs, je vous rappelle, en 2015, lorsqu'il y a eu une marche, évidemment, après les terribles drames, les attentats que nous avons vécus, lorsque la Communauté internationale est venue soutenir la France, elle est venue soutenir la France, elle n'est pas venue soutenir François HOLLANDE. Et de la même manière, nous soutenons le peuple israélien dans les pogroms qu'ils ont vécus, et l'atrocité des massacres qu'ils ont vécus, mais en aucun cas nous soutenons particulièrement la politique de l'État israélien et de Benyamin NETANYAHOU. Donc la question, elle n'est pas là. Le soutien, il doit être entier envers le peuple israélien qui a connu des actes terroristes effroyables. Nous venons appeler à la paix, au respect des valeurs de la République et à lutter contre l'antisémitisme. Je vous rappelle tout de même qu'il y a plus de 1 200 actes antisémites depuis le 7 octobre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
On en est à combien, là ?

BERANGERE COUILLARD
1 200, un peu plus de 1 200, en un mois, et ça représente trois fois plus que ce que nous avons connu l'année dernière. Donc on voit bien qu'il y a une flambée des actes antisémites. Les responsables politiques, engagés avec sincérité, doivent venir marcher, donc dimanche. C'est pourquoi je ne suis pas particulièrement favorable à marcher aux côtés du Rassemblement national, pour l'histoire du parti que nous connaissons.

JEAN-JACQUES BOURDIN Je vais y revenir, Bérangère COUILLARD, mais le président de la République, Emmanuel MACRON, d'après mes informations, vous allez me dire si je me trompe ou pas, ne sera pas là dimanche.

BERANGERE COUILLARD
Ecoutez, je ne sais pas si c'est la place d'un président de la République de venir marcher pour cette marche. Il peut s'exprimer. Je ne sais pas s'il...

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il va s'exprimer. Il va s'exprimer probablement demain, à l'occasion des cérémonies du 11 novembre. Vous confirmez ?

BERANGERE COUILLARD
Oui, bien sûr. Et puis je vous rappelle qu'Elisabeth BORNE sera présente. Et c'est important que la cheffe du Gouvernement puisse être présente à cette marche. Je ne suis pas sûre que ce soit la place du président de la République.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, probablement. Il ne sera probablement pas là dimanche. Mais bon, ce n'est peut-être pas le sujet principal.

BERANGERE COUILLARD
Non.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous, vous vous disiez, "Je marcherai dimanche"…

BERANGERE COUILLARD
Oui

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le Rassemblement national marchera aussi dimanche entre les Invalides et le Sénat. Vous vous trouverez dans le cortège, loin du Rassemblement national, Bérangère COUILLARD ?

BERANGERE COUILLARD
Ecoutez, le plus loin possible. Ce n'est pas moi qui organise évidemment la marche, mais autant dire... Le sujet, ce n'est pas moi...

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais vous.

BERANGERE COUILLARD
Moi, je marcherai aux côtés des Français qui sont engagés avec sincérité. Et donc quand je dis ça, je dis aussi que les responsables politiques du Rassemblement national, je ne crois pas qu'ils soient engagés avec sincérité. Je ne parle pas...

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous regrettez qu'ils viennent ?

BERANGERE COUILLARD
Je ne parle pas des électeurs du Rassemblement national qui, en partie, évidemment, ne votent pas pour Marine LE PEN, parce qu'ils sont antisémites.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous regrettez qu'ils soient là, dans cette marche, qu'ils soient présents ?

BERANGERE COUILLARD
Je regrette qu'ils récupèrent ce sujet depuis maintenant plusieurs jours. Il n'y a pas que le sujet de cette marche, c'est aussi les multiples interventions de la part des responsables politiques du Rassemblement national, et pas que, de l'extrême droite en général, pour dire ô combien ils sont en soutien des Français de confession juive.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a une chose que je ne comprends pas. Vous luttez contre les discriminations. Lutter contre les discriminations, n'est-ce pas accepter le Rassemblement national dans cette marche ? Je vous pose franchement la question.

BERANGERE COUILLARD
Vous parlez de quoi ? La discrimination envers le Rassemblement national ou le fait que...

JEAN-JACQUES BOURDIN
La discrimination. Pourquoi ne pas appeler à l'unité nationale, Bérangère COUILLARD ?

BERANGERE COUILLARD
Mais j'appelle à l'unité nationale, mais je ne veux pas de récupération, et c'est pour ça que je parle de Français engagés avec sincérité. Et je pense qu'on est largement assez nombreux pour montrer l'unité du pays. La seule chose, c'est que quand vous avez le Rassemblement national qui récupère l'antisémitisme, à des fins, en fait, ce parti est né de la haine, de la haine de l'autre, et donc il récupère l'antisémitisme pour pouvoir mieux s'attaquer à l'islam et aux musulmans de France.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais, n'est-ce pas positif, le fait que le Rassemblement national soit présent dans cette marche ? Je ne vais pas consacrer toute l'interview au Rassemblement National, que les choses soient claires. Mais n'est-ce pas positif ? C'est ce que dit Serge KLARSFELD, par exemple.

BERANGERE COUILLARD
Ecoutez, moi...

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il dit : c'est positif, c'est positif, parce qu'au moins, au moins tout le monde est derrière cette lutte contre l'antisémitisme. Et le Rassemblement national est obligé de s'engager dans la lutte contre l'antisémitisme.

BERANGERE COUILLARD
Moi, je trouverais intéressant et responsable de la part de Marine LE PEN, de revenir sur l'histoire de son parti. Elle n'a pas coupé, elle n'a pas coupé, bon, elle a coupé avec son père, peut-être en 2015, lorsqu'il commençait à vraiment être gênant, et qu'elle a voulu continuer la dédiabolisation du parti...

JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle a exclu son père de son parti.

BERANGERE COUILLARD
Mais c'était stratégique. Elle continue à avoir des liens avec le GUD, elle continue à avoir des liens avec un certain nombre de responsables politiques européens qui sont eux aussi très proches des idées du troisième Reich. Enfin, à un moment donné, on n'oublie pas. Et donc moi je trouve très important qu'elle puisse s'exprimer sur ce sujet. Elle ne l'a jamais fait, et elle avait dit à vos confrères qu'elle ne le ferait pas, qu'elle est toujours en fait en soutien de son père, même dans l'adversité.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle devra le faire pour être élue présidente de la République ?

BERANGERE COUILLARD
Je pense qu'elle devra le faire pour être élue présidente de la République. Mais elle s'est toujours interdit de le faire et on lui rappellera qu'elle a toujours, elle s'est toujours interdit de le faire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Cette marche, cette marche est-elle salie par les querelles politiciennes, franchement ? Parce que depuis que cette marche est annoncée, a été annoncée, à l'initiative des deux présidents, et de l'Assemblée nationale et du Sénat, on a l'impression qu'on ne parle que de querelles politiciennes, alors que l'on devrait parler de quoi ? De la lutte contre l'antisémitisme.

BERANGERE COUILLARD
Bien sûr. Et c'est mon quotidien. Là vous m'interrogez, Jean-Jacques BOURDIN, sur cette question. Je vous réponds.

JEAN-JACQUES BOURDIN

Oui, bien sûr, si vous êtes là, c'est parce qu'il y a cette actualité. Bien sûr.

BERANGERE COUILLARD
C'est bien pour parler de cette actualité, avec les actes antisémites qui, je vous le disais, se multiplient, et des Français de confession juive qui ont peur, et sur lesquels l'État évidemment est au rendez-vous pour pouvoir les protéger et pouvoir faire en sorte qu'ils puissent vivre plus sereinement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Un mot sur, quelques mots sur la France insoumise. Ambiguïté ? Ambiguïté permanente à la France Insoumise ?

BERANGERE COUILLARD
Ecoutez, il n'y a plus d'ambiguïté. Je veux dire...

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire, "il n'y a plus d'ambiguïté" ?

BERANGERE COUILLARD
Jean-Luc MELENCHON a été un fervent défenseur des valeurs de la République pendant des années, et quand il était au sein de la gauche, la gauche laïque, aujourd'hui, il ne fait que cliver, du coup, la France...

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il ne défend plus la République ?

BERANGERE COUILLARD
Il ne défend plus la République.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'est plus Républicain ?

BERANGERE COUILLARD
Les qualificatifs ne s'appliquent pas toujours, parce qu'on ne défend plus les valeurs de la République.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il ne défend plus les valeurs de la République.

BERANGERE COUILLARD
Je dis juste que pour chérir son électorat des Français de confession musulmane, je pense qu'il trahit une partie des valeurs qu'il a défendues pendant longtemps.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'à vos yeux, il est devenu même un allié du Hamas ?

BERANGERE COUILLARD
Il est surtout devenu un allié des extrêmes et quels qu'ils soient. Et pour le coup, il ne fait les choses que par, enfin, dans une, il veut conflictualiser. Il veut conflictualiser en permanence et jusqu'à même renier ses propres engagements qu'il a eu pendant des années. Et donc savoir s'il fait le jeu du Hamas, je crois qu'il fait surtout le jeu du conflit en France et je pense qu'il est temps qu'il se qu'il se calme et que les choses reprennent un peu de sérénité. C'est pour ça que je pense qu'il est important de se réunir pour cette marche, de parler de l'antisémitisme, de la question du vivre ensemble. Je crois que c'est important de le rappeler...

JEAN-JACQUES BOURDIN
De la défense des valeurs républicaines.

BERANGERE COUILLARD
Voilà, bien sûr. Bien sûr que c'est important de marcher pour la République.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Que tout le monde marche pour la République.

BERANGERE COUILLARD
Que beaucoup marchent pour la République, évidemment, mais sans récupération et avec sincérité.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Bérangère COUILLARD, Campagne nationale de lutte contre l'antisémitisme.

BERANGERE COUILLARD
Oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Quand ? Comment ?

BERANGERE COUILLARD
Ecoutez, bientôt. On est en train de travailler sur un certain nombre de choses. Vous savez...

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura bientôt une Campagne nationale de lutte contre l'antisémitisme.

BERANGERE COUILLARD
Il y aura une campagne de lutte contre l'antisémitisme. J'aurai l'occasion d'en parler dans quelques semaines. On est en train de travailler sur le sujet pour faire en sorte de sensibiliser le grand public. Et puis après, il faudra qu'on travaille aussi sur un certain public, notamment les jeunes. Et donc on est en train de...

JEAN-JACQUES BOURDIN
J'allais y venir.

BERANGERE COUILLARD
... regarder ce qu'on va faire.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui prendra quelle forme, cette campagne ?

BERANGERE COUILLARD
C'est un petit tôt pour vous en parler Jean-Jacques BOURDIN, mais…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais vous savez, puisque vous travaillez dessus.

BERANGERE COUILLARD
Oui, bien sûr, mais…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous avez quelques informations à nous donner.

BERANGERE COUILLARD
J'ai quelques informations.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je ne vais pas vous demander le détail, mais sous quelle forme cette campagne ?

BERANGERE COUILLARD
C'est une campagne de sensibilisation, qui va être présente sur un certain nombre de contenus…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire ?

BERANGERE COUILLARD
Sur les réseaux sociaux, et l'idée c'est un petit peu de sensibiliser, de choquer.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans les médias ?

BERANGERE COUILLARD
Voilà, et puis aussi d'interpeller, voilà, nous souhaitons interpeller…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire interpeller ?

BERANGERE COUILLARD
Interpeller sur la question de l'antisémitisme avec des propos un petit peu, pas chocs, mais en tout cas de ne pas être…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans des clips, par exemple, à la télé ou à la radio.

BERANGERE COUILLARD
Exactement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Des clips, donc campagne contre l'antisémitisme, et à l'école, et à l'école, comment allez-vous faire à l'école ?

BERANGERE COUILLARD
Alors, vous savez déjà qu'il y a eu un engagement qui a été pris, c'est de prévoir un séjour mémoriel pour l'ensemble des élèves, c'est-à-dire au cours de leur scolarité, l'idée c'est favoriser au collège et donc d'avoir un séjour mémoriel ou historique, donc ça c'est déjà extrêmement important. Et puis après il faut combattre aussi l'antisémitisme contemporain et ne pas rester que sur le mémoriel, et pour ça on travaille, et particulièrement dans les universités, avec la nomination de référents dans l'ensemble des universités. Ces référents ils ont un rôle essentiel, ils ont un rôle essentiel parce qu'ils ont un rôle de sensibilisation des étudiants, et également d'accompagnement des victimes, c'est-à-dire qu'ils repèrent des actes antisémites, ou racistes, ou également LGBTphobes, parce qu'il y a plus large, c'est toutes les discriminations, et accompagnent les victimes pour justement qu'ils puissent obtenir réparation.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, des référents, dans chaque université il y aura un référent ?

BERANGERE COUILLARD
Alors il y a déjà un certain nombre de référents…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça existe déjà ? Oui.

BERANGERE COUILLARD
Ça existe déjà.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça va être généralisé.

BERANGERE COUILLARD
Ça va être généralisé et on va renforcer leurs missions, et on travaille, avec Sylvie RETAILLEAU, sur le sujet.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vous dis ça parce que vous avez vu, comme moi, mieux que moi-même, les sondages, et ce sondage IFOP récent, 91 % des jeunes juifs victimes d'un acte antisémite, des jeunes étudiants juifs.

BERANGERE COUILLARD
Un acte antisémite et plus de 40 % d'entre eux victimes de violences physiques et verbales.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi, l'islamogauchisme progresser dans les universités ?

BERANGERE COUILLARD
Ecoutez, je pense surtout qu'il y a, sur les 90 % dont on parle, c'est surtout aussi des habitudes, on voit une forme de… c'est décomplexifié, enfin c'est assez facile d'avoir une phrase malheureuse envers les juifs par habitude, avec des blagues potaches, c'est un certain nombre de choses qui sont dénoncées. Sur le reste, et notamment les violences physiques et verbales, nous avons un certain nombre de débordements notamment, et d'actes antisémites, qui sont en effet issus de jeunes de confession musulmane, c'est une réalité, mais aussi pas qu'eux, l'antisémitisme est présent dans notre pays, bien plus large.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous faites un lien entre le wokisme, l'islamogauchisme et l'antisémitisme ?

BERANGERE COUILLARD
Pas vraiment non.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, pas vraiment ?

BERANGERE COUILLARD
Non, pas vraiment.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bérangère COUILLARD, projet de loi immigration, je tenais à en parler parce que vous êtes issue de la gauche, la suppression de l'AME c'est une bonne idée ou pas ?

BERANGERE COUILLARD
Non, j'y suis défavorable. Après, là il y a un travail qui est en cours, pour justement voir comment les choses peuvent être améliorées. Je suis défavorable à sa suppression parce que je pense que nous devons absolument conserver l'Aide Médicale d'État, non pas par principe de gauche, c'est simplement en fait une question médicale, c'est-à-dire que les médecins disent qu'il faut conserver l'Aide Médicale d'État. Pourquoi ? parce que ça protège évidemment les concitoyens français d'un certain nombre de maladies qui peuvent être diffusées et donc il faut soigner les personnes présentes sur notre territoire. Alors, qu'il faille regarder à améliorer l'Aide Médicale d'État, à mieux contrôler l'Aide Médicale d'État, même si je crois que c'est déjà très bien contrôlé par l'Assurance maladie, pourquoi pas, donc regardons ce que vont faire les personnes qui sont en charge de ce rapport et puis nous regarderons comment les choses peuvent évoluer, mais par contre je ne suis pas d'accord pour la suppression.

JEAN-JACQUES BOURDIN
L'Aide Médicale d'État ne sera pas supprimée ?

BERANGERE COUILLARD
Alors, c'est ce qu'a dit Gérald DARMANIN et c'est ce qu'a dit très clairement, aussi, Elisabeth BORNE en questions au Gouvernement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle ne sera pas supprimée.

BERANGERE COUILLARD
Elle ne sera pas supprimée, mais par contre il y a un travail en cours pour voir comment on peut améliorer.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et si elle l'est ?

BERANGERE COUILLARD
Eh bien écoutez elle ne le sera pas, je crois à l'engagement politique qu'a pris Elisabeth BORNE

JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle ne le sera pas, très bien, très bien. L'article 3 sur les métiers en tension, qui lui a été supprimé par le Sénat, d'ailleurs le Sénat a réécrit le texte, il a réécrit la loi.

BERANGERE COUILLARD
Oui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura débat à l'Assemblée nationale à partir du 11 décembre, vous allez donc pouvoir réécrire vous-même la loi, enfin pas vous, mais les députés de la majorité. Les métiers en tension donc, article 3 supprimé, remplacé par un article permettant à un travailleur de demander lui-même sa régularisation auprès de la préfecture, ça vous va ?

BERANGERE COUILLARD
Ecoutez, moi je pense qu'il fallait garder le texte comme il était, le texte comme il était, il prévoyait de régulariser toutes les personnes qui travaillent dans des métiers en tension.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors là encore, l'article 3 ne sera pas supprimé ?

BERANGERE COUILLARD
Ça je ne sais pas, là c'est le travail parlementaire, et je suis respectueux du travail parlementaire, vous savez, Jean-Jacques BOURDIN, j'ai été députée moi-même…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais je sais.

BERANGERE COUILLARD
Donc là-dessus je suis…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je sais. Je sais.

BERANGERE COUILLARD
On a aujourd'hui, et en plus on va avoir un travail important aussi à l'Assemblée nationale, je vous rappelle que nous sommes dans une majorité relative, et donc nous devons aussi travailler avec l'ensemble des collègues…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, notamment avec LR.

BERANGERE COUILLARD
Des députés, donc…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour faire passer la loi.

BERANGERE COUILLARD
LR et pas que, parce que vous savez…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et pas que, oui.

BERANGERE COUILLARD
Et pas que, parce que…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et des socialistes.

BERANGERE COUILLARD
Et d'ailleurs les socialistes veulent conserver l'article 3, donc…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils veulent conserver l'AME et ils veulent conserver l'article 3.

BERANGERE COUILLARD
Exactement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Comme vous.

BERANGERE COUILLARD
Donc nous allons pouvoir travailler avec un certain nombre de députés pour faire évoluer le texte qui, et ça a été clairement dit par le sénateur RETAILLEAU, que c'est un texte de droite qui est sorti du Sénat, et je pense qu'il y a un rééquilibrage et que le texte du Gouvernement était beaucoup plus équilibré pour pouvoir passer notamment et pouvoir trouver consensus à l'Assemblée nationale.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bérangère COUILLARD, les violences faites aux femmes, Journée nationale le 25 novembre, combien de féminicides depuis le début de l'année ?

BERANGERE COUILLARD
Nous sommes à 88 féminicides depuis le début de l'année, donc les chiffres ne sont pas…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Trop, évidemment beaucoup trop.

BERANGERE COUILLARD
Beaucoup trop, les chiffres ne sont pas bons.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, je vous pose une question toute simple parce que j'ai lu tout un tas d'articles sur ces violences faites aux femmes, où est la stratégie globale ?

BERANGERE COUILLARD
La stratégie globale, Jean-Jacques BOURDIN, elle est depuis maintenant quatre ans, nous nous engageons depuis quatre ans de façon déterminée dans la lutte contre les violences…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Quel est le budget consacré, par exemple, dans le budget 2024 de l'État quel est le budget consacré aux violences faites aux femmes ?

BERANGERE COUILLARD
Alors, c'est beaucoup plus large que ça. Moi j'ai un budget qui augmente cette année de 10 millions d'euros, je suis à 76 millions d'euros et c'est pour un certain nombre de politiques. Vous savez, quand on lutte contre les violences conjugales, il ne s'agit pas de mettre de l'argent uniquement sur les violences conjugales, c'est aussi sur une culture de l'égalité, parce que quand vous avez une société patriarcale, vous avez des violences faites aux femmes, et vous avez des violences conjugales, donc c'est important de lutter plus largement. Il y a évidemment aussi du budget sur beaucoup d'autres ministères, vous avez le ministère de l'Intérieur, le ministère de la Justice, ministère du Logement, ministère de la Santé, donc vous avez beaucoup de budget, et c'est d'ailleurs ce que je vais tâcher de savoir plus justement parce que je mets en place un budget sensible aux genres, à partir de 2025, nous travaillons avec Bercy pour justement bien regarder ce que nous mettons en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, et ça ce sera effectif à partir de 2025.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi est-ce que le terme féminicide n'est pas reconnu dans le code pénal français ?

BERANGERE COUILLARD
Parce qu'on n'a pas fait la distinction, jusqu'alors, dans le code pénal, vous savez il est très large…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'on devrait ?

BERANGERE COUILLARD
Pas forcément, il est très largement utilisé, il est aujourd'hui très largement utilisé.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et une loi contre les violences faites aux femmes, une loi spécifique ?

BERANGERE COUILLARD
Il y en a eu cinq, et j'en ai porté une, pendant que j'étais députée, c'était la loi issue du Grenelle des violences conjugales, qui a permis un certain nombre de choses. Vous savez, on a beaucoup légiféré sur ce sujet pour faire en sorte de mieux protéger les femmes et de mieux sanctionner les auteurs, mais on a mis aussi beaucoup de dispositifs en place, il ne suffit pas de voter des lois, on le sait malheureusement, c'est aussi un certain nombre de dispositifs. Lorsque vous augmentez, vous doublez même les places d'hébergement depuis 2017, nous en avions 5 000 lorsque nous sommes arrivés, nous aurons plus de 11 000 à partir de l'année prochaine. Lorsque vous mettez en place des bracelets antirapprochement, des téléphones "grave danger", lorsque vous créez des centres de prise en charge pour auteurs, pour lutter contre la récidive, tout ça ce n'est pas issu de lois, c'est bien des politiques publiques que nous engageons, avec du budget également de l'État, pour permettre justement de faire baisser les violences conjugales en agissant sur la protection des femmes et en faisant en sorte aussi qu'elles puissent partir plus facilement du domicile. Voyez, quand vous dites "quand est-ce que nous allons mettre en place vraiment une politique ?", nous la mettons en place et nous continuons. Moi, lorsque je suis arrivée en responsabilité sur ce portefeuille, et sur particulièrement l'égalité entre les femmes et les hommes, en juillet, il n'était pas question de faire un bilan des quatre ans du Grenelle des violences conjugales, parce que ça fait déjà quatre ans, c'était de dire comment on continue à faire évoluer les dispositifs avec les remontées du terrain. Je vous donne un exemple, notamment le fait que les femmes mettent, en moyenne, font sept allers-retours avant le départ définitif du domicile, parce qu'il y a une emprise de la part du conjoint, mais aussi parce qu'il y a des difficultés pour le départ, des difficultés dans les démarches administratives, financières, la garde des enfants, les démarches juridiques, et donc nous allons mettre en place, nous mettons en place, le pack nouveau départ, c'est en fait un agent de la CAF qui va coordonner le départ des femmes victimes de violences, ce qui va permettre donc de réduire le nombre d'allers-retours. Pourquoi c'est important ? Parce que ces allers-retours, malheureusement, font qu'il y a une montée en tension au sein du domicile et que c'est souvent le moment de la séparation qui crée le passage à l'acte, c'est-à-dire justement les féminicides, et donc nous souhaitons, par ce dispositif, permettre des départs plus rapides et donc réduire le risque de féminicides.

JEAN-JACQUES BOURDIN
L'égalité femmes-hommes, l'égalité salariale femmes-hommes, les écarts existent encore, on est de quoi, un peu plus de 15 %, je crois, en moyenne, enfin ça dépend des secteurs, évidemment, ça dépend, privé, public, enfin bon, etc., etc.

BERANGERE COUILLARD
Exactement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais j'ai vu, 15,4 %, les femmes sont payées 15,4 % de moins que les hommes.

BERANGERE COUILLARD
Oui, pour diverses raisons. Donc en moyenne 15,4…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour le même travail.

BERANGERE COUILLARD
Non.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah !

BERANGERE COUILLARD
Alors, pour le même emploi on est à 4,2 %…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.

BERANGERE COUILLARD
C'est une baisse qui est, on ne la comprend pas parce que pourquoi les femmes sont payées 4 % de moins.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, pourquoi ?

BERANGERE COUILLARD
Parce que les femmes, en général, on leur propose moins quand elles arrivent à un poste et que du coup il faut davantage se battre pour avoir des augmentations de salaire. Mais vous parliez du 15 % qui est, je crois, important, parce qu'en fait c'est une moyenne, une moyenne sur l'ensemble des femmes, mais aux mêmes, c'est-à-dire aux mêmes qualifications, vous avez - 24 % de salaire, en moyenne, entre les femmes et les hommes. Pourquoi ? Parce que les femmes représentent 30 % des temps partiel, et nous, ce que nous souhaitons faire, c'est lutter contre les temps partiels subis. Nous avons déjà annoncé la création du service public de la petite enfance, pourquoi ? Parce que nous devons faciliter la garde d'enfants pour permettre aux femmes de reprendre un emploi plus facilement, mais aussi leur permettre de pouvoir avoir une évolution de carrière, lorsque vous avez une évolution de carrière vous avez besoin d'avoir parfois des horaires plus extensibles, avec des horaires moins définis, et donc vous avez besoin d'avoir davantage de garde d'enfants pour pouvoir faire en sorte de pouvoir faciliter l'emploi des femmes. Il y a aussi, évidemment le sujet de la rémunération. Vous savez, on a mis en place l'index égalité, qui permet donc de regarder l'écart salarial dans les entreprises, entre les femmes et les hommes, et regardez aussi leur progression de carrière. La différence entre les femmes et les hommes. Les entreprises sont notées, elles doivent déclarer leurs résultats, et en fonction des résultats, si elles ont moins de 75 sur 100, elles doivent à ce moment-là mettre des actions correctrices. Si ce n'est pas le cas, elles sont sanctionnées. C'est le cas pour celles qui ne déclarent pas...

JEAN-JACQUES BOURDIN
Beaucoup de sanctions ? Il y a eu beaucoup de sanctions ?

BERANGERE COUILLARD
Alors, il y a eu. Il y a eu plusieurs dizaines de sanctions, notamment pour celles qui n'ont pas déclaré, parce qu'il y en a certaines qui se sont permises de ne pas déclarer. Donc là pour le coup, on est intraitable. Et là on est en train de regarder, justement, parce qu'on est au bout des 3 ans de la mise en œuvre de ce premier index, pour justement sanctionner celles qui n'ont pas mis en place d'actions correctrices, alors qu'elles ont été accompagnées, notamment par les services du ministère du Travail. A côté de ça, évidemment, c'est l'engagement qu'a pris Elisabeth BORNE lors de la Conférence sociale, elle s'est engagée à remettre à plat l'index égalité pour corriger les biais. Moi, en échangeant avec les organisations syndicales, j'ai pu, avec la CGT, avec la CFDT, j'ai pu en effet remarquer un certain nombre de biais, notamment dans les modes de calcul et dans le fait que cet index égalité n'est pas forcément extrêmement transparent, et ce qui ne permet pas de s'en servir comme une base de négociations dans les entreprises. Et donc c'est quelque chose que nous allons faire évoluer, parce que nous souhaitons que ce soit extrêmement efficace et surtout que ce soit accessible dans un très grand nombre d'entreprises françaises, parce que vous savez que les entreprises françaises sont en grand nombre des PME, et que dans beaucoup de PME, jusqu'à lors, on ne pouvait pas mettre en place l'index égalité.

JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai une dernière question : est-ce que vous allez généraliser le congé menstruel ?

BERANGERE COUILLARD
Alors, c'est un sujet... Déjà le terme de "congé" me gêne. C'est plutôt un arrêt.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, un arrêt. Employeurs privés et publics sont sensibilisés à la question. Est-ce que vous souhaitez une généralisation ?

BERANGERE COUILLARD
Je suis partagée sur cette question. Et c'est pour ça que c'est quelque chose qui doit encore évoluer. L'arrêt pour des menstruations qui sont incapacitantes, parce que c'est bien les règles douloureuses sur lesquelles il faut agir, m'interroge, parce que je ne souhaite pas...

JEAN-JACQUES BOURDIN
Arrêt d'une journée ou deux journées, aujourd'hui, dans le privé ou le public.

BERANGERE COUILLARD
Voilà. Je ne souhaite pas que... Pour les femmes, c'est déjà assez difficile dans le monde de l'entreprise. Je ne veux pas que ce soit stigmatisant pour les femmes, mais je crois que nous devons accompagner les femmes lorsqu'elles ont des règles incapacitantes, et le fait de ne pas avoir à demander un arrêt maladie tous les mois. Je crois que c'est important, et donc de les accompagner, peut-être sur un arrêt maladie qui durerait sur une année qui permettrait comme ça de pouvoir s'arrêter à bon escient quand les douleurs sont incapacitantes, qui sont insupportables. Vous savez, c'est déjà le cas aujourd'hui. Elles vont chez leur médecin et malheureusement elles vont tous les mois parce qu'elles sont en difficulté. Donc c'est quelque chose sur lequel j'aurais l'occasion d'échanger. J'ai déjà commencé à discuter avec un certain nombre, notamment de parlementaires issus de groupes politiques, particulièrement issus de la gauche, et donc j'aurai l'occasion de réaborder cette question.

JEAN-JACQUES BOURDIN Bien. Merci beaucoup Bérangère COUILLARD.

BERANGERE COUILLARD
Merci à vous.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être venue nous voir ce matin


Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 novembre 2023