Texte intégral
BENJAMIN GLAISE
Mon invité politique ce matin, c'est le ministre délégué chargé du Numérique. Jean-Noël BARROT, bonjour.
JEAN-NOËL BARROT
Bonjour et bonne année !
BENJAMIN GLAISE
Bonne année à vous aussi. Merci d'être avec nous ce matin sur Sud Radio. Réseaux sociaux, cyberharcèlement, intelligence artificielle, les Jeux olympiques aussi qui se profilent, autant de sujets qui nous concernent tous. On va largement y revenir jusqu'à 09h. Mais pour commencer, quelques mots tout de même sur ces rumeurs de plus en plus persistantes de remaniement, le Conseil des ministres hier qui a été reporté à la semaine prochaine. L'ambiance, elle est comment dans les ministères en ce moment ? C'est une ambiance un peu pesante ?
JEAN-NOËL BARROT
Une ambiance de rentrée. Je crois que tout le monde est au travail, et c'est ce que l'on doit aux Français, tout simplement.
BENJAMIN GLAISE
Votre collègue aux Transports, Clément BEAUNE a dit finalement, c'est dans Le Parisien aujourd'hui, qu'il veut continuer d'agir au gouvernement, est-ce que selon vous, l'aile gauche a toujours sa place dans ce gouvernement après la loi Immigration ?
JEAN-NOËL BARROT
Je crois que c'est au président de la République qu'il faudrait poser la question, mais vous savez, le président a déjà dit l'essentiel, lors de ses voeux, l'essentiel, c'est que cette année 2024 soit consacrée au réarmement de la nation, son réarmement industriel et technologique, on va parler d'intelligence artificielle, son réarmement civique aussi. Une année consacrée à des grands choix, pour ou contre l'Europe, soutenir les Ukrainiens ou céder aux puissances autoritaires, et puis, une année consacrée à la célébration, et je crois que c'est très important, des fiertés françaises, de ce qui nous rassemble, de notre histoire d'abord, l'histoire de nos résistants, avec la célébration du 80ème anniversaire du Débarquement, la réouverture de Notre-Dame, et puis, la célébration de notre esprit de conquête français, avec les Jeux olympiques, et nos espoirs de médailles.
BENJAMIN GLAISE
Vous avez parlé des élections européennes, de l'intelligence artificielle. Alors, justement, le porte-parole de Renaissance, Loïc SIGNOR, a détourné, vous l'avez vu, les voeux de Marine LE PEN en russe, ce type de désinformation, c'est précisément ce que vous combattez. Est-ce que c'est bien raisonnable et responsable de la part d'un porte-parole du parti présidentiel de faire cela ?
JEAN-NOËL BARROT
C'était, je crois, une initiative personnelle, qui aurait peut-être mérité, pour éviter de créer la confusion, de préciser un peu mieux qu'il s'agissait, là, d'un montage, ce qu'on appelle un hyper trucage, c'est-à-dire un deepfake. Je recommande plutôt les voeux de mon collègue Fabien AUFRECHTER, maire de Verneuil, qui a créé, pour ses voeux à la population, une vidéo de lui-même, fabriquée par l'intelligence artificielle, mais à vocation pédagogique, c'est-à-dire pour expliquer : attention, soyons vigilants, il y a désormais des vidéos créées de toute pièce, il ne faut pas tomber dans le panneau. Mais cette histoire de forme ne doit pas masquer la question de fond. Et la question de fond…
BENJAMIN GLAISE
Oui, mais d'abord, alors juste…
JEAN-NOËL BARROT
C'est que le Rassemblement…
BENJAMIN GLAISE
Il n'a pas supprimé son tweet, est-ce qu'il devrait le faire ? Est-ce que vous l'appelez justement à supprimer ce tweet-là, Loïc SIGNOR ?
JEAN-NOËL BARROT
Moi, je n'appelle évidemment pas à s'abstenir de toute utilisation d'intelligence artificielle à des fins de discours politique, je parlais du maire de Verneuil qui utilise l'intelligence artificielle pour mettre en garde la population contre le risque de tomber dans le panneau. Mais il faut toujours veiller à ce qu'aucune confusion ne puisse s'introduire, et que le téléspectateur, l'utilisateur du réseau social soit bien conscient qu'il est face à un hyper trucage.
BENJAMIN GLAISE
Pour vous, Loïc SIGNOR doit supprimer son tweet, on l'a compris, c'est ce que vous dites très clairement ce matin ?
JEAN-NOËL BARROT
Je crois qu'il ne faut pas que ce défaut... que cette question de forme masque la question de fond. Et la question de fond, c'est la suivante : le Rassemblement national entretient des liens étroits avec la Russie de Vladimir POUTINE ; pour un parti qui se gargarise toute la journée d'être patriote et qui courbe l'échine devant les régimes autoritaires et en particulier celui de Vladimir POUTINE, voilà ce qui me pose le plus problème.
BENJAMIN GLAISE
C'est-à-dire que, clairement, il y a une inquiétude de votre part sur une possible ingérence russe avec ces élections européennes qui approchent ?
JEAN-NOËL BARROT
Pour les élections européennes, mais pour d'autres, vous savez que cette année, c'est dans plus de 50 pays que des élections vont se tenir, qui vont appeler aux urnes 2 milliards de personnes dans des très grandes démocraties de l'Europe, les Etats-Unis ou l'Inde. Et évidemment que la menace de la désinformation est une menace démocratique majeure. Alors, il se trouve qu'en Europe, nous nous y préparons depuis quelques années, à la fois pour pouvoir détecter les ingérences étrangères, c'est-à-dire la volonté, au travers des réseaux sociaux d'Etat, de venir déstabiliser ou perturber des processus démocratiques…
BENJAMIN GLAISE
Qui surveille tout ça, très concrètement ?
JEAN-NOËL BARROT
C‘est une agence que le Président de la République a créée en 2021 qui s'appelle VIGINUM, qui est équipée de tous les moyens d'analyse, qui est armée de plusieurs dizaines de spécialistes qui ont déjà, lors des élections législatives et présidentielles de 2022, identifié une soixantaine d'ingérences dont six ont été qualifiées comme des ingérences étrangères, et dès lors qu'elles sont qualifiées, dès lors qu'elles sont identifiées…
BENJAMIN GLAISE
Majoritairement, de Russie ou d'autres...
JEAN-NOËL BARROT
Non, pas nécessairement, vous avez aussi l'extrême droite, des réseaux d'extrême droite américaine qui viennent régulièrement tenter de perturber des élections démocratiques, et dès lors qu'elles sont détectées, parce que ça n'est que la première partie de la réponse, il faut qu'ensuite elles puissent être prises en compte. Et cela, c'est la responsabilité des réseaux sociaux. Depuis l'été dernier, depuis le 25 août dernier, les grandes plateformes de réseaux sociaux en Europe ont désormais des obligations très claires et très fermes de lutte contre la désinformation. Si elles ne s'y conforment pas, alors, elles peuvent s'exposer à des amendes extrêmement lourdes, voire même au bannissement…
BENJAMIN GLAISE
6 % du chiffre d'affaires…
JEAN-NOËL BARROT
6 % du chiffre d'affaires mondial…
BENJAMIN GLAISE
Est-ce qu'on peut en arriver-là véritablement ? Est-ce que l'Europe serait capable d'imposer ces sanctions ?
JEAN-NOËL BARROT
Eh bien, écoutez, suite à l'attentat terroriste du Hamas sur Israël et au conflit au Proche-Orient, une enquête a été ouverte par la Commission européenne sur le réseau X, Twitter, qui peut effectivement conduire à des amendes pour défaut de lutte active contre la désinformation.
BENJAMIN GLAISE
Combien de temps peut durer une enquête comme celle-ci, une telle procédure ? Ça peut durer longtemps ?
JEAN-NOËL BARROT
C'est la première fois qu'une telle enquête s'ouvre. C'est donc à la Commission européenne d'agir désormais. Je crois que l'intention est là pour que l'Europe démontre que ces règles qu'elle s'est donnée, sous influence française, sous impulsion du Président de la République, eh bien, soient appliquées le plus vite possible pour que tous les réseaux sociaux, dans cette année électorale majeure pour l'Europe et pour la planète, prennent les mesures qui s'imposent.
BENJAMIN GLAISE
Parce qu'il y a encore aujourd'hui trop de désinformations sur X, Twitter ?
JEAN-NOËL BARROT
Evidemment, non seulement, il y a trop de désinformations, mais tous les signaux que nous avons reçus depuis une petite année de la part de X, Twitter et de ses dirigeants, c'est un relâchement sur ce que l'on appelle la modération, c'est-à-dire la capacité, y compris humaine, à traiter des contenus illicites et à les retirer de la plateforme. Grâce à ces règles européennes, on connaît désormais le nombre de professionnels recrutés ou employés par X pour traiter de ces contenus illicites lorsqu'ils sont signalés par les internautes ou par les autorités. Il y en a 52 en langue française. C'est évidemment totalement insuffisant au regard du nombre de ces contenus.
BENJAMIN GLAISE
Est-ce que ça veut dire que, directement ou indirectement, Elon MUSK serait une forme de menace pour la démocratie ? Est-ce qu'on peut aller jusque-là ?
JEAN-NOËL BARROT
Dans la mesure où nous avons désormais des règles, c'est à X, Twitter, et donc à Elon MUSK de s'y conformer, sinon, il devra payer des amendes extrêmement lourdes, voire même quitter l'Union européenne s'il ne parvient pas à se conformer à ces règles-là. Donc, je dirais que nous avons désormais un cadre clair, un cadre d'ailleurs qui intègre la nécessité pour ces plateformes de lutter contre ces phénomènes qu'on vient d'évoquer, qui sont ceux des hyper trucages et des deepfakes. Ce n'est pas parce que les règles européennes qu'on a prises ont été adoptées en 2022 qu'elles n'embrassent pas, si l'on peut dire, la problématique nouvellement émergente des deepfakes et des hyper trucages. Les hyper trucages, il appartient aux réseaux sociaux dès qu'ils en ont connaissance et qu'ils sont utilisés à des fins de désinformation, eh bien…
BENJAMIN GLAISE
De signaler ou de bloquer ?
JEAN-NOËL BARROT
Bien sûr, bien évidemment de faire échec aux tentatives de désinformation par ingérence ou par hyper trucage.
BENJAMIN GLAISE
On parle de X, Twitter. Il y a aussi le cas TikTok, qui est très important aussi à évoquer. Il y a moins d'un an, vous avez déclaré que vous seriez intransigeant avec le réseau social chinois, notamment sur le traitement des données et les moyens de modération. On en parlait. Est-ce que vous avez obtenu un gain de cause à ce sujet ?
JEAN-NOËL BARROT
TikTok n'était pas conforme à nos règles sur deux dimensions, la première, c'est effectivement les questions qu'on vient d'évoquer, les mêmes que celles de Twitter sur la désinformation, etc. TikTok, comme Twitter, comme Facebook et Instagram, est désormais soumis à ces règles européennes très fortes, et la Commission européenne a d'ailleurs, cet automne, suite aux événements du Proche-Orient, mais aussi suite à certaines évaluations de l'impact de ces plateformes sur les enfants engagés, non pas des enquêtes, mais sollicité des informations de la part de ces plateformes pour savoir comment est-ce qu'elles limitent ces risques. Et puis, le deuxième sujet, c'était celui de la protection de nos données, parce qu'il y avait, de manière avérée, des fuites de données des Européens vers des pays avec lesquels nous n'avons pas d'accord de transfert des données, comme la Chine. TikTok s'est engagé à conserver les données des Européens dans des centres de données, des data centers basés en Europe. Les travaux de construction de ces données, de ces data centers, ont commencé, et nous…
BENJAMIN GLAISE
Ça sera pour quand ?
JEAN-NOËL BARROT
Il y a un premier data center qui doit devenir opérationnel, je crois, en Irlande, très prochainement, il y en a un deuxième qui sera mis en service en Norvège. Nous veillons attentivement à ce que, je dirais, ce projet avance dans les délais qui nous avaient été donnés, qui, à mon sens, à mon goût, étaient trop longs. Mais il faut quand même admettre que la construction de…
BENJAMIN GLAISE
C'est-à-dire, trop longs ?
JEAN-NOËL BARROT
Eh bien, ça prenait des mois. Mais construire des centres de données pour que les données des Européens utilisateurs de TikTok ne sortent pas de l'Europe, c'est évidemment des investissements qui sont quand même assez lourds, assez considérables.
BENJAMIN GLAISE
Vous parliez de l'Irlande, c'est là où on a le siège social de TikTok. Le chiffre d'affaires, il est passé de 2 à 44 millions d'euros en deux ans. Des revenus qui ont explosé, mais pas les impôts de TikTok. Est-ce que vous trouvez ça normal ?
JEAN-NOËL BARROT
Alors, je vous remercie de me poser cette question, pardon, parce qu'il y a quelque chose qui change en ce 1er janvier 2024, et qu'on n'a pas beaucoup entendu ce début de semaine, qui est pourtant absolument fondamental, c'est la concrétisation d'un engagement que la France a porté de toutes ses forces sous l'impulsion du Président de la République, avec l'instauration d'un impôt minimum sur les sociétés dans plus de 150 pays dans le monde. Donc, dans ces 150 pays, quel que soit les lieux d'implantation de l'entreprise, eh bien, les entreprises seront assujetties à un impôt sur les sociétés minimum de 15%. Et ça, c'est une avancée formidable pour toutes celles et ceux qui, comme moi, considérons que l'évasion fiscale et les paradis fiscaux sont une atteinte inadmissible au contrat social.
BENJAMIN GLAISE
L'intelligence artificielle, Jean-Noël BARROT, ne sert pas qu'à la désinformation, on le voit aussi avec ChatGPT, c'est une révolution technologique qu'il ne faut pas louper, rater ?
JEAN-NOËL BARROT
Absolument. Il faut que la France soit aux avant-postes de cette révolution. Il faut, comme le président de la République l'a dit…
BENJAMIN GLAISE
C'est le cas déjà ou pas, est-ce qu'on a des champions français ?
JEAN-NOËL BARROT
On a évidemment des champions français. Ça n'est pas nouveau. Ça fait longtemps que la France est très en avance sur les mathématiques, les statistiques, et qui lui ont permis d'avoir de l'avance sur cette révolution qui vient. Nous avons des chercheurs parmi les meilleurs du monde. Nous avons des entreprises qui se sont créées ces derniers mois, qui sont en train de rivaliser avec les géants de l'intelligence artificielle mondiaux, et nous nous donnons les moyens en investissant sur les talents, en investissant sur nos capacités de calculs, c'est-à-dire les ordinateurs qui sont nécessaires pour la conception de ces modèles d'intelligence artificielle. Et puis, sur les données aussi, parce que nous ne voulons pas faire rentrer dans nos vies, dans nos entreprises, dans nos administrations, des intelligences artificielles qui ne seraient pas forgées au feu de la langue et de la culture française. Et ça, ça suppose d'avoir des données françaises.
BENJAMIN GLAISE
... Nos services publics utilisent déjà en partie l'intelligence artificielle et ils utilisent bien des champions français ou pas ?
JEAN-NOËL BARROT
On utilise tous de l'intelligence artificielle au quotidien et depuis longtemps. Lorsqu'on se déplace et qu'on utilise une application qui va nous indiquer la route, on utilise déjà de l'intelligence artificielle. Lorsqu'on va streamer de la musique et qu'on va utiliser des recommandations, on utilise déjà de l'intelligence artificielle…
BENJAMIN GLAISE
Mais est-ce qu'on utilise des solutions françaises…
JEAN-NOËL BARROT
Oui, entre autres, mais là il y a une nouvelle révolution qui arrive, qui est celle que vous avez nommée ChatGPT, l'intelligence artificielle générative. Est-ce que celle-là on l'utilise déjà ? Eh bien on l'expérimente, parce que c'est comme ça qu'il faut faire pour le service public. Avant de généraliser ces technologies-là, il faut les expérimenter pour savoir si effectivement elles permettent d'améliorer la qualité du service public et ensuite si elles sont bien accueillies par les agents publics. Et c'est ce que nous faisons…
BENJAMIN GLAISE
On a déjà un premier bilan de ça ?
JEAN-NOËL BARROT
Il y a une expérimentation avec 1 000 agents du service public, sur l'une de leurs tâches, qui consiste à répondre à certains des commentaires des usagers du service public, qui s'appelle Services Publics +. Et ce que ce que l'on sait, ce que l'on a constaté, après quelques mois, c'est d'abord que dans leur très grande majorité, les agents qui ont pu utiliser cette aide à la réponse aux usagers, en sont très satisfaits. Et deuxièmement, que le temps de réponse a été divisé par deux. Donc, on voit bien là une promesse de l'intelligence artificielle générative : améliorer la qualité du service public et réduire les délais dans lesquels il peut être fourni.
BENJAMIN GLAISE
Autre sujet. Jean-Noël BARROT, c'est l'accès des mineurs aux sites pornographiques. Ça fait longtemps qu'on en parle. Il n'y a toujours pas de système de vérification de l'âge sur ces sites. Ce sera pour quand ?
JEAN-NOËL BARROT
Il y a des systèmes de vérification de l'âge, mais les sites ne les utilisent pas. Je dois dire que je suis désolé et navré de voir les manoeuvres judiciaires de tous ces sites pornographiques, qui exposent massivement nos enfants à des contenus totalement inappropriés pour leur âge, avec des conséquences assez dramatiques sur leur santé et sur leur développement, tout cela pour préserver leurs profits. Mais la pression monte, les mailles du filet se resserrent. Dans quelques semaines, le projet de loi que j'ai porté à l'Assemblée nationale et au Sénat, fera l'objet d'une Commission mixte paritaire, d'une rencontre entre députés et sénateurs pour s'accorder sur les détails, qui sera je l'espère, conclusive, et qui créera un pouvoir nouveau pour l'ARCOM, qui est le gendarme des médias et de l'audiovisuel, de bloquer les sites qui exposent des mineurs à la pornographie. Parce que je le rappelle très simplement, que l'on soit un particulier ou un site pornographique, il est interdit en France, depuis 94, d'exposer un mineur à la pornographie.
BENJAMIN GLAISE
On sait quand cela sera effectif, le décret à peu près, on a une idée ?
JEAN-NOËL BARROT
Vous savez, dans ce genre de combat, il faut s'armer de détermination et de patience. Cela fait trois ans que la France est engagée sur ce sujet. La France est aux avant-postes de ce combat, j'échange beaucoup avec mes homologues européens pour qu'ils suivent la même voie. Nous y parviendrons, j'en suis convaincu, mais c'est un combat de haute lutte.
BENJAMIN GLAISE
La cybersécurité, ça va être un enjeu capital, central pour ces Jeux olympiques qui arrivent. Est-ce qu'on est prêt à faire face à cette menace ?
JEAN-NOËL BARROT
On s'y prépare activement et depuis longtemps, grâce à notre Agence nationale des systèmes de la sécurité des systèmes d'information. C'est une agence que nos concitoyens ne connaissent pas tous, mais qui est reconnue dans le monde entier pour son savoir-faire. Qui depuis la crise Covid a accompagné des centaines, un millier en réalité, de grands établissements publics, de grandes collectivités, dans leur montée en gamme pour se protéger contre les cyberattaques, et qui, dans le cadre de la préparation des JO, est au contact quotidien de tous les sites accueillant les compétitions, pour veiller à ce qu'il n'y ait aucune brèche, aucune faille dans laquelle des assaillants puissent s'introduire. Car, nous le savons, la France sera au centre de l'attention mondiale pendant quelques semaines l'été prochain, et donc…
BENJAMIN GLAISE
Les derniers JO au Japon, 450 millions de tentatives…
JEAN-NOËL BARROT
De tentatives d'intrusion, et on s'attend à des chiffres encore plus élevés. Donc, il y a évidemment, pour les sites accueillant les compétitions, le travail remarquable réalisé par notre Agence nationale de sécurité des systèmes d'information. Et puis il y a notre responsabilité à chacun. Vous savez, pour lutter contre la cybersécurité, il nous faut adopter... contre la cyber insécurité, des gestes barrières, c'est-à-dire être très attentif, être toujours vigilant, JO ou pas JO, à avoir des mots de passe qui sont robustes…
BENJAMIN GLAISE
Bien sûr.
JEAN-NOËL BARROT
... à veiller à ne pas communiquer ses données personnelles de manière trop facile. Bref, à être très attentif à ne pas devenir l'instrument d'un assaillant.
BENJAMIN GLAISE
D'un mot, pour ces JO, l'objet de la sécurité numérique, c'est moins de 4 % du budget global de la sécurité pour ces Jeux olympiques. Ça semble un peu dérisoire dit comme ça, non ?
JEAN-NOËL BARROT
Oh, c'est un ordre de grandeur qui me paraît, non qui me parait…
BENJAMIN GLAISE
Illogique.
JEAN-NOËL BARROT
Sur les budgets de sécurité, en général, on est sur des ordres de grandeur comme ceux-là, mais je le répète, nous avons renforcé les moyens de notre Agence nationale de sécurité des systèmes d'information, à la fois ses moyens humains, mais aussi avec Sébastien LECORNU lors de l'examen de la loi de programmation militaire, nous avons permis à l'ANSSI d'utiliser de nouveaux moyens d'enquête et de détection des attaques. Et tout ça va nous permettre d'éviter que les Jeux olympiques soient perturbés.
BENJAMIN GLAISE
Jean-Noël BARROT, est ce que vous avez désinstallé WhatsApp, Telegram et Signal ?
JEAN-NOËL BARROT
Eh bien écoutez, moi j'utilise depuis longtemps avec mon équipe, une application de messagerie que je vous recommande en ce début d'année, c'est le moment des bonnes résolutions, elle s'appelle Olvid. C'est une application…
BENJAMIN GLAISE
Qui est française.
JEAN-NOËL BARROT
... 100 % française, qui est l'une des plus sécurisées du monde, qui a reçu les qualifications de sécurité de notre Agence nationale pour la sécurité des systèmes d'information, et qui fonctionne parfaitement. Il y a un petit coup d'entrée, puisqu'il faut s'échanger un code avec un interlocuteur, de la même manière que lorsqu'on enregistre le numéro de téléphone, lorsque j'enregistre votre numéro de téléphone, eh bien il faut que je fasse une petite marge, mais une fois que cette démarche est faite, eh bien c'est totalement fluide, c'est totalement souverain, et je le recommande chaudement.
BENJAMIN GLAISE
Mais vous avez toujours WhatsApp, Telegram et Signal. Pour quelles raisons ? Vous les utilisez toujours ou pas, au quotidien ?
JEAN-NOËL BARROT
Sur mon téléphone personnel, il m'arrive d'utiliser WhatsApp et Signal pour communiquer avec mes proches ou avec mes amis, mais pour mes communications professionnelles, et notamment avec mon cabinet, nous utilisons Olvid. Je constate que d'autres cabinets s'y sont mis d'ailleurs, et notamment mes collègues de Bercy, et ça fonctionne parfaitement.
BENJAMIN GLAISE
Le mois dernier, le Service National Universel, le SNU, a été victime d'une cyberattaque. Enormément de données de volontaires, parents, qui ont été volées. Est-ce que vous avez pu déjà identifier l'auteur de cette attaque ou pas ?
JEAN-NOËL BARROT
Alors ça, c'est une prérogative de l'ANSSI, qui est au quotidien aux côtés des grands établissements publics ou des grandes collectivités qui se font attaquer, à la fois pour attribuer, c'est ce qu'on appelle, attribuer dans le jargon, c'est-à-dire désigner le responsable, mais aussi accompagner les établissements en question dans le rétablissement des services publics par exemple. Vous savez, dans ma ville de Versailles, l'hôpital Mignot a été attaqué il y a plus d'un an, ce qui a eu des conséquences dramatiques sur le fonctionnement de l'hôpital, qui a dû revenir à un fonctionnement papier crayon. On est en train de retrouver un fonctionnement plein et entier de l'hôpital grâce à la mobilisation des équipes et du directeur et grâce à l'aide de l'ANSSI, mais ça a pris beaucoup de temps. Il faut désormais, et nous aurons cette année à transposer des règles européennes nouvelles, qui vont relever le niveau de cybersécurité d'un certain nombre d'établissements et d'entreprises.
BENJAMIN GLAISE
Jean-Noël BARROT, d'un mot pour conclure, on a beaucoup parlé des cyberattaques, on parle maintenant du cyber enlèvement. Est-ce que vous en avez entendu parler ? Ça a été le cas notamment aux Etats-Unis très récemment. Est-ce que c'est une source d'inquiétude pour vous ? Est-ce que ça pourrait arriver en France ?
JEAN-NOËL BARROT
Vous savez, avec le numérique émerge un certain nombre de risques, et la responsabilité qui est la nôtre n'est pas de pousser le numérique pour le numérique, mais de tirer le meilleur profit du numérique au service des Français, d'en tirer le meilleur profit, parce que le numérique nous permet de nous rapprocher de ceux qui sont éloignés de découvrir le monde, nous permet possibilités de créativité, nous permet par exemple d'accéder aux antennes de Sud Radio par des moyens qui n'étaient pas accessibles auparavant. Mais le numérique vient aussi avec un certain nombre de risques, et ma responsabilité, c'est de faire en sorte de les réduire et voire de les éliminer, dès qu'ils émergent, avant même qu'ils émergent. Nous regardons attentivement ces phénomènes, celui que vous avez évoqué n'est pas encore, ne s'est pas encore manifesté en France, mais nous nous y préparons.
BENJAMIN GLAISE
Jean-Noël BARROT, ministre délégué chargé du Numérique, un grand merci d'avoir été avec nous ce matin, sur Sud Radio.
JEAN-NOËL BARROT
Merci à vous.
BENJAMIN GLAISE
Et très bonne journée à vous.
JEAN-NOËL BARROT
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 janvier 2024