Texte intégral
SALHIA BRAKHLIA
Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER.
AGNES PANNIER-RUNACHER Bonjour Salhia BRAKHLIA
JEROME CHAPUIS
Bonjour.
SALHIA BRAKHLIA
La France devrait connaître demain mardi sa journée la plus froide depuis six ans. Qui dit " froid " dit " chauffage ". Vous dites quoi aux Français ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je leur dis que tout va très bien se passer. Nous avons beaucoup d'électricité que nous produisons. Et nous en avons tellement que nous exportons et que nous avons atteint un record d'exportation fin décembre. Nous avons du gaz dans nos stockages. Nous avons collectivement - et je veux en remercier les Français - baisser notre consommation de gaz et d'électricité. Alors, évidemment les grandes entreprises, les collectivités locales, les administrations mais également les Français et ces gestes « je baisse, j'éteins, je décale » qui permettent aujourd'hui d'être très confortable par rapport à ces vagues de froid.
SALHIA BRAKHLIA
Mais là, il fait froid. Vous leur dites " n'abusez pas sur le chauffage "?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non. Je leur dis de continuer à mettre leur chauffage à 19 degrés. Ce n'est pas parce qu'il fait froid qu'il faut baisser le chauffage. Et pour ceux qui, aujourd'hui, sont confrontés à la précarité énergétique, je leur dis aussi que c'est pour nous une priorité de faire en sorte d'accélérer la rénovation thermique et de leur permettre enfin de vivre dans des conditions dignes et de pouvoir se chauffer correctement.
JEROME CHAPUIS
De bonnes habitudes avaient été prises l'année dernière. On est sur la même tendance en termes de consommation d'électricité ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait. On est sur la même tendance. On le voit, on a une baisse de la consommation d'électricité et de gaz combinée de 12% par rapport aux années de référence avant le Covid.
JEROME CHAPUIS
Donc la même tendance que l'année dernière. Est-ce que ça veut dire que les deux centrales à charbon qui existent encore en France ne seront pas sollicitées aujourd'hui, jour de grand froid ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors ça, c'est le gestionnaire de l'électricité, c'est EDF et RTE qui en décideront. Mais effectivement, nous devrions avoir un recours extraordinairement limité au charbon cette année, mais comme l'année dernière. C'est-à-dire que le charbon avait été utilisé très strictement et à la pointe pour nous permettre de passer un cap qui était à l'époque beaucoup plus difficile en matière de production électrique.
SALHIA BRAKHLIA
Pour tout vous dire, Agnès PANNIER-RUNACHER, on est assez étonnés que vous soyez là ce matin, que vous ayez maintenu notre invitation et on vous en remercie. Parce que plusieurs de vos collègues ont annulé leurs invitations dans différents médias ce lundi matin parce qu'Emmanuel MACRON prépare un remaniement gouvernemental. Est-ce que votre présence aujourd'hui, ce matin, signifie que vous avez reçu des assurances ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, beaucoup de commentateurs politiques sont passionnés par cette question d'un possible remaniement ou pas. Moi, je vais dire trois choses très simples. La première chose, c'est que c'est le Président de la République qui prend les décisions. Il les prendra s'il doit les prendre en temps utile et je n'ai pas de commentaire à faire plus particulièrement. La deuxième chose, c'est que pendant la vente, les travaux continuent, c'est-à-dire que... Pendant les travaux, pardon, la vente continue. C'est-à-dire que nous sommes au travail auprès des Français. Les Français, ils ne s'intéressent pas au remaniement, ils s'intéressent au fait que le Gouvernement leur apporte des solutions. Moi, j'ai des chantiers, j'ai un projet de loi sur la souveraineté énergétique.
SALHIA BRAKHLIA
On en parlait, oui.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je dois aller en Tchéquie rencontrer mon homologue pour faire le point sur l'alliance du nucléaire, pour faire le point sur ce que nous allons porter comme vision pour la prochaine Commission européenne en matière énergétique.
JEROME CHAPUIS
Mais ça ne vous pénalise pas dans ce travail justement d'être dans un Gouvernement manifestement en sursis ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Manifestement, vous le voyez, je suis sur ce plateau et je vais continuer à travailler. Mais comme tous mes collègues, la continuité de l'Etat, ce sont des ministres qui sont au travail jusqu'à la dernière minute et le Président de la République prend ses décisions en temps utile. Il est le maître des horloges. Rien de nouveau sous le soleil, j'ai envie de dire.
SALHIA BRAKHLIA
D'accord, mais on sait quand même que pendant ces périodes, il y a une certaine inquiétude dans les cabinets. J'imagine que chez vous, en ce moment, dans votre ministère, il y a des inquiétudes du côté de vos collaborateurs. Est-ce qu'on est en train de faire les cartons, pour le dire clairement ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ah non !
SALHIA BRAKHLIA
Pour se préparer à toute éventualité.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non mais pardon, aujourd'hui, on est au travail et il faut sortir de cette vision un petit peu caricaturale des ministres qui feraient leurs cartons. Non, la Première ministre a un agenda très nourri. J'ai un agenda très nourri. Bruno LE MAIRE va présenter ses voeux. On est tous au travail.
SALHIA BRAKHLIA
Non mais vous lisez la presse, comme nous. J'imagine que vous essayez d'avoir des informations. C'est votre avenir, pardon, ce n'est pas le mien, mais c'est votre avenir dont on parle là, ce matin.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Vous savez, quand on est ministre, on accepte une mission.
SALHIA BRAKHLIA
Vous préparez un plan B ou pas ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce n'est pas un emploi, ce n'est pas un contrat à durée indéterminée. On accepte une mission, on sait qu'elle peut s'arrêter à tout moment. C'est une fierté de faire cette mission. Moi, je suis passionnée de mon métier sur l'énergie comme je l'ai été lorsque j'étais en charge de l'Industrie. Et je dirai, j'irai jusqu'au bout tant que le Président de la République m'en donnera les moyens.
SALHIA BRAKHLIA
Et donc, vous le vivez comment…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je le vis très bien. Je ne peux pas vous dire mieux.
SALHIA BRAKHLIA
... ce moment d'attente ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je le vis très bien parce que j'ai accepté les règles du jeu qui est que ça commence de manière un peu surprenante. On vous appelle et on vous propose de rentrer dans le Gouvernement. Et ce, ça peut s'arrêter du jour au lendemain et ce n'est pas grave.
JEROME CHAPUIS
Et après les épisodes, les nombreux épisodes et notamment cette loi immigration juste avant les congés ; est-ce que vous pensez que ça aurait du sens que l'équipe gouvernementale soit remaniée ? Certains, comme François BAYROU, par exemple, le disent.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi, je pense que... plusieurs choses. D'abord, c'est comme dans une équipe de football, ce n'est pas à l'ailier gauche de dire comment doit être la feuille de match du prochain match. Et pas plus que de dire d'ailleurs qui est le capitaine. Moi, ce sur quoi je vais me concentrer, c'est de bien jouer. Bien jouer, c'est d'être au travail. De travailler la souveraineté énergétique de notre pays, de faire en sorte qu'on produise plus d'électricité, qu'on stocke plus de gaz.
JEROME CHAPUIS
Derrière cette question... Non mais, on va parler de tout ça.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais c'est important, c'est important et je pense que ça intéresse plus les Français très sincèrement...
JEROME CHAPUIS
Bien sûr. Et d'ailleurs, on va prendre le temps d'en parler mais…
AGNES PANNIER-RUNACHER
... que de savoir si c'est Pierre ou Paul qui, à tel moment, pourrait prendre telle responsabilité.
JEROME CHAPUIS
Oui, mais un Gouvernement, pour pouvoir agir, il a besoin d'être... de refléter d'une certaine manière fidèlement les équilibres politiques. Est-ce que c'est toujours le cas ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui. Oui, bien sûr. Moi, j'entends beaucoup les oppositions vouloir nous pousser à sortir l'aile gauche de la majorité mais ce serait faire le jeu des oppositions que de le faire. Ce qu'a fait le Président de la République, ce que fait le président de la République depuis sept ans, c'est le dépassement. C'est de dire que...
JEROME CHAPUIS
Donc ça, ça peut continuer ? En même temps, ça peut continuer ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Notre positionnement, c'est de prendre le meilleur de ce qui avait été dans des programmes de gauche et de droite. Et peu importe que ce soit étiqueté à droite et à gauche, pourvu que ce soit utile au pays.
SALHIA BRAKHLIA
Sauf que vous le savez, Agnès PANNIER-RUNACHER.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Les mesures qu'on a prises... Pardon, je vais y aller jusqu'au bout. Les mesures qu'on a prises en matière de lutte contre le chômage font qu'aujourd'hui nous avons un taux de chômage qui est bien plus bas qu'il y a cinq ans. Et c'était des mesures dont on nous a dit " C'est des mesures de droite, elles vont être catastrophiques pour le chômage. " ce n'est pas vrai. Le chômage a passé...
SALHIA BRAKHLIA
Agnès PANNIER-RUNACHER, il y a eu quand même l'épisode de la loi immigration où plusieurs de vos collègues ont fait part de leur malaise. Je pense à Rima ABDUL-MALAK, la ministre de la Culture, à Clément BEAUNE, le ministre des Transports. Aurélien ROUSSEAU, le ministre de la Santé, lui, a quitté le Gouvernement après ce projet de loi qui a été voté par l'Assemblée. Est-ce que ce n'est pas le moment pour ces personnes-là que je viens de citer (Rima ABDUL-MALAK, Clément BEAUNE, Roland LESCURE, ministre de l'Industrie) de profiter d'un remaniement pour sortir, pour être fidèle à leurs convictions ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je ne vais pas parler pour leur compte d'abord. Moi, je crois que ce projet de loi sur l'immigration, il a respecté strictement une ligne qui était importante pour nous, c'est d'avoir et une très grande fermeté à l'égard notamment des passeurs, à l'égard des personnes qui n'ont pas à être sur notre territoire et une humanité à l'égard des gens qui arrivent dans des situations de guerre sur notre territoire, qui déposent des demandes de droit d'asile et qui souhaitent avoir une réponse rapide. C'est la moindre des choses qu'on leur demande en tant que pays des droits de l'homme. Et par ailleurs...
SALHIA BRAKHLIA
Vous, vous êtes totalement à l'aise avec ce qui a été voté avant les fêtes ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je ne suis pas totalement à l'aise au sens où ce n'est pas un projet qui est parfait. C'est un projet qui est issu d'un compromis politique. Mais comme toutes les lois que nous avons passées cette année... Je rappelle que les Français nous ont donné la majorité, mais c'est une majorité relative. Donc les projets de loi sont le fruit de compromis. Moi, j'ai fait des compromis sur les énergies renouvelables, j'ai fait des compromis sur le nucléaire. Ce n'est pas forcément l'idée qu'on avait du projet parfait par rapport à ce que nous portons, mais c'est les projets de lois qui sont utiles aux Français. Et aujourd'hui, les Français demandent à avoir une loi sur l'immigration. Et ils sont soucieux des deux aspects. Ils comprennent très bien...
SALHIA BRAKHLIA
On va en reparler.
AGNES PANNIER-RUNACHER
... qu'il faut régulariser des travailleurs qui sont sur notre territoire depuis des années, qui rendent des services, qui sont dans la restauration, qui sont dans l'aide à l'aide aux personnes, qui sont dans le bâtiment et les travaux publics, qui payent leurs cotisations sociales et qui ne sont pas régularisés. Cette loi permet de le faire. Cette loi permet aussi d'interdire que des mineurs soient dans des centres de rétention. Ce sont des avancées. Je les prends pour ce qu'elles sont et voilà.
JEROME CHAPUIS
Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre de la Transition énergétique. Vous êtes avec nous jusqu'à 9h sur France Info. On vous retrouve juste après " Le Fil Info ".
/// Fil Info ///
JEROME CHAPUIS
Et Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre de la Transition énergétique. On vous a posé beaucoup de questions politiques depuis le début, c'est que c'est important parce que les dossiers que vous portez sont importants, il en va de la souveraineté énergétique de la France, de sa capacité à honorer ses engagements de réduction de gaz à effet de serre, autrement dit, on parle de long terme. Il est important de savoir si vous serez encore là dans quelque temps, que ce soit vous ou un autre ministre, est-ce qu'il y aura bien une loi sur la souveraineté énergétique dans les prochaines semaines ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je vous confirme que je présenterai en Conseil des ministres un projet de loi sur effectivement cette question de la souveraineté énergétique.
JEROME CHAPUIS
Et vous actez le fait que les six réacteurs EPR prévus ne suffiront pas à assurer la souveraineté énergétique de la France à moyen terme ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, ça, c'est le résultat de la concertation que j'ai lancée depuis maintenant plus d'une année, sur quel doit être notre mix énergétique en 2030 et en 2050, avec trois objectifs essentiels, le premier objectif, c‘est de baisser nos émissions de gaz à effet de serre, trois quarts de ces émissions, ce sont des énergies fossiles. Et donc cette loi nous donne un objectif de sortie des énergies fossiles, progressive, il va falloir s'en passer. Ça veut dire qu'en 2030, nous aurons 45% d'énergie décarbonée, en 2035, 60%. Nous aurons plus de la moitié de notre énergie qui ne sera pas d'origine fossile…
JEROME CHAPUIS
Et ça, ça passe par le nucléaire. Et donc plus d'EPR ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, alors…
JEROME CHAPUIS
Et donc plus d'EPR que prévu actuellement ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, si je puis me permettre, ce n'est pas les EPR qui permettront d'atteindre ces objectifs en 2030 ou en 2035, pour une simple raison, c'est que les nouveaux réacteurs nucléaires ne seront pas connectés au réseau avant 2035. C'est donc les renouvelables qui le permettront. Et c'est là que c'est important de le mettre en avant, nous avons une loi qui dit : on sort des fossiles, une loi qui prend l'objectif ou qui soutient l'objectif de produire plus d'électricité que nous en consommons, c'est un objectif très fort. Nous ne voulons pas être dépendants des importations de nos voisins en matière électrique…
JEROME CHAPUIS
Et on veut pouvoir exporter…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça veut dire qu'il va falloir produire beaucoup plus d'énergie sur notre territoire. Et nous avons un troisième objectif, qui est de dire qu'on ne veut pas dépendre de la météo pour produire. Donc, soit, on a des énergies qui sont de type nucléaire, pilotables, soit, on a des énergies renouvelables, qui dépendent de la météo, c'est le cas de l'éolien, qui dépend du vent…
JEROME CHAPUIS
Et du solaire…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Du photovoltaïque qui dépend du soleil, mais dans ce cas-là, c‘est couplé à du stockage ; et donc, nous pouvons garantir à tout moment que quand on appuie sur le bouton, on a l'électricité qui est produite.
SALHIA BRAKHLIA
Donc, il n'est pas question de construire plus de six réacteurs EPR déjà annoncés ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça, c'est pour 2030, 2035. 2030, 2035, nous avons pris la décision de construire six réacteurs. Ces réacteurs arriveront sur le réseau électrique après 2035. En revanche, lorsqu'on parle de nucléaire, et c'est le deuxième élément de ce projet de loi, il faut regarder sur le nucléaire quasiment au-delà de 2050. Les décisions que nous prenons aujourd'hui ont un impact en 2050. Ce n'est pas le cas pour les énergies renouvelables, puisque les modalités, les temps de construction sont beaucoup plus réduits.
SALHIA BRAKHLIA
Mais alors du coup, il faudrait combien d'EPR en plus pour répondre à nos besoins ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et donc pour 2050, nous avons besoin de huit réacteurs additionnels ou l'équivalent de la puissance de huit réacteurs, parce que le projet de loi ne dit pas quelle technologie nous utilisons. Là aussi, principe de neutralité technologique.
JEROME CHAPUIS
Pardon, mais ce n'est pas un peu hypocrite de dire en fait, on a besoin de l'équivalent de huit EPR, mais on ne dit pas que ce sera du nucléaire ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, parce qu'en fait, on peut avoir aussi des petits réacteurs modulaires…
JEROME CHAPUIS
Et nucléaires, nucléaires aussi, donc…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Nucléaires aussi, tout à fait. Mais non, alors, qu'on soit clair, on rajoute de la production nucléaire. Cette production nucléaire, elle doit être décidée en 2024-25 pour être effective en 2050. C'est ça la…
SALHIA BRAKHLIA
Mais ces gigawatts qui nous manquent...
AGNES PANNIER-RUNACHER
Encore une fois, nous, ce que nous faisons, c'est que nous relevons la tête de la copie. Moi, je veux sortir de ce débat stérile qui a totalement paralysé notre production énergétique ces dernières années de l'opposition du renouvelable et du nucléaire, et ce n'est pas le sujet…
JEROME CHAPUIS
Parce qu'on a tendance à dire, oui, que tout l‘argent qu'on met dans le nucléaire…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce n'est pas le sujet…
JEROME CHAPUIS
C'est de l'argent qu'on ne met pas dans les renouvelables…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et c'est le contraire qu'on montre. Regardez l'année dernière, nous avons augmenté notre production d'électricité nucléaire à deux chiffres, de l'ordre de 15%. Les chiffres définitifs devraient venir. Nous avons augmenté notre production d'électricité sur base de photovoltaïque de 15%. Nous avons augmenté notre production d'électricité sur base éolien de 30%.
JEROME CHAPUIS
Donc là encore, on peut faire du " en même temps " ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi, je fais et du nucléaire et des renouvelables, et au maximum. Et je ne prends aucun risque, parce que, ce qui est important pour les Français, c'est d'avoir de l'électricité abondante produite sur leur territoire à un prix compétitif.
SALHIA BRAKHLIA
Sauf que vous parlez du mix électrique. C'était 50% de nucléaire d'ici à 2025, et même si ça a été revu, c'était la dernière loi de programmation. Là, la part du nucléaire, elle va augmenter alors ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, parce que la part du nucléaire, elle est de 70%, aujourd'hui, dans notre mix énergétique…
SALHIA BRAKHLIA
Non, mais l'objectif, c'était de 50%…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et donc notre part du nucléaire va baisser mécaniquement, mais elle va baisser, pas parce qu'on fera moins de nucléaire…
SALHIA BRAKHLIA
On oublie l'objectif du 50%, c'est ça ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
En fait, cet objectif…
SALHIA BRAKHLIA
L'objectif de sobriété et tout ça ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, l'objectif de sobriété, il est dans la loi. Là aussi, je veux m'inscrire en faux sur ce que j'ai pu lire sur les réseaux sociaux. C'est moi, la ministre, qui ai lancé le plan sobriété. Ce plan sobriété, on en a parlé en début de discussion. Il nous a permis d'économiser 12% de gaz et d'électricité sans dommage pour notre économie. Il faut continuer, ça serait quand même idiot...
SALHIA BRAKHLIA
Donc la part du nucléaire, elle ne va pas réduire davantage ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
De continuer à gaspiller de l'énergie. Et donc, sur la part du nucléaire, en fait, ce n'est pas important la part du nucléaire, ce qui est important…
SALHIA BRAKHLIA
Eh bien, quand même si…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais non, mais non, Salhia BRAKHLIA. Ce qui est important, c'est la part des fossiles…
SALHIA BRAKHLIA
Ces énergies renouvelables, Madame la Ministre, bien sûr que si…
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est la part... Mais je ne suis pas d'accord avec vous, c'est la part de fossiles, c'est de faire le maximum de nucléaire et de renouvelables pour diminuer notre part de fossiles. Et donc peu importe, je dirais, peu importe cette répartition, en fait, elle variera de manière assez limitée, parce qu'il y a nos capacités de production. Ce qui est aujourd'hui structurant, que ce soit pour le renouvelable ou pour le nucléaire, c'est nos capacités industrielles…
SALHIA BRAKHLIA
Oui, non, mais je croyais que c'était important parce que vous l'aviez inscrite dans une loi dans une programmation, mais du coup…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, je l'ai effacée d'une loi de programmation. Et donc je reviens sur un principe qui a consisté à opposer le renouvelable au nucléaire, ce qui n'est pas une bonne idée. Ce qui est une bonne idée, c'est de dire : on sort des fossiles et on rend notre pays totalement souverain en matière d'électricité, et le moins dépendant possible sur les autres formes d'énergie.
JEROME CHAPUIS
D'un mot parce que vous n'avez pas parlé d'une énergie renouvelable, l'hydroélectricité, qui est la deuxième source…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Majeure…
JEROME CHAPUIS
D'énergie d'électricité en France, il y a des capacités non exploitées. C'est ce qu'a dit à votre place le PDG d'EDF quand il est venu sur France Info fin novembre, capacité bloquées pour des questions juridiques. C'est ce qu'avait dit Luc REMONT. Il n'a pas donné plus de détails. C'est possible de développer encore davantage l'hydraulique ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est essentiel, parce que l'hydraulique, c'est une énergie qui est compétitive, qui est totalement pilotable. C'est l'énergie la plus pilotable et qui a le bilan carbone le plus faible.
JEROME CHAPUIS
Mais ça veut dire qu'on va construire de nouveaux barrages ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, ça veut dire qu'on va probablement surtout rééquiper un certain nombre de barrages avec une augmentation de capacités sur ces barrages, on peut aussi faire des petites installations, ce qu'on appelle des STEP, des installations de stockage hydraulique. Mais l'essentiel de la puissance qu'on peut installer d'un point de vue, je dirais technique, elle vient du fait qu'on peut probablement augmenter de 10, 15, jusqu'à 30% la capacité de traitement des barrages existants, en les mettant au meilleur standard industriel.
JEROME CHAPUIS
Agnès PANNIER-RUNACHER, la ministre de la Transition énergétique, est avec nous jusqu'à 9h sur France Info. 8h51, " Le Fil Info ", Sophie EYCHENNE.
/// Fil Info ///
SALHIA BRAKHLIA
Toujours avec la ministre de la Transition énergétique, Agnès PANNIER-RUNACHER. L'inflation a subi un léger rebond le mois dernier, notamment à cause des prix de l'énergie. Les Français vont devoir faire face à une nouvelle augmentation de maximum 10% des prix de l'électricité dès le 1er février prochain ; il faut s'attendre à d'autres augmentations encore durant l'année ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, ce que nous avons fait avec le Président de la République, en obtenant un accord inédit au niveau européen sur la réforme du marché de l'électricité, dont je rappelle d'ailleurs qu'il y a un an, tout le monde nous disait que c'était impossible et que jamais les Allemands, jamais la Commission européenne nous permettraient d'avoir un tel accord. Nous l'avons fait, nous avons tenu cette promesse. Ce que nous avons fait également en négociant avec EDF une nouvelle forme de régulation, je ne rentre pas dans le détail, mais en gros, jusqu'en 2025, les Français bénéficiaient d'un prix bas, du prix bas historique de l'électricité nucléaire, et nous avons prolongé cela. Et ça sera d'ailleurs un des volets du projet de loi que je porterai…
SALHIA BRAKHLIA
Donc pour être claire…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ces éléments-là vont permettre de stabiliser les prix de l'électricité et de faire en sorte qu'ils soient beaucoup plus compatibles avec ce que nous avons connu par le passé. Et donc, c'est notre objectif, de stabiliser ces prix. Aujourd'hui, l'électricité est cotée sur les marchés pour les années 25-26, 27-28 sur des prix qui sont inférieurs à ceux d'aujourd'hui ; je parle pour les entreprises et les collectivités locales, parce que les Français, ils bénéficient de ce qu'on appelle un tarif réglementé. Donc à un moment, on a bloqué les prix, ce qui fait que les prix ont augmenté. Mais la hausse absolument délirante qu'on a connue en 2022, fort heureusement, ils ne l'ont pas connue, et du coup, là, nous sommes dans le moment où le prix diminue…
SALHIA BRAKHLIA
Oui, mais là…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Donc, on re-rentre progressivement dans les niveaux du bouclier énergétique. Mais je peux vous dire que l'électricité n'a pas vocation à augmenter de manière délirante comme on l'a connu, mais plutôt au rythme naturel de l'inflation et des coûts de production.
JEROME CHAPUIS
Le gouvernement a lancé le mois dernier un leasing social de voitures électriques, 100 euros par mois, c'est destiné aux 50 % des ménages les plus modestes qui effectuent plus de 8.000 kilomètres par an. Est-ce que tous ceux qui en font la demande pourront avoir un véhicule ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors aujourd'hui, 80.000 personnes se sont inscrites sur la plateforme pour demander à être recontactées. Ce que nous avons fait...
JEROME CHAPUIS
Il y a 25.000 véhicules disponibles…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Nous avions effectivement réservé 25.000 véhicules, et je peux vous dire que j'ai recontacté les constructeurs. STELLANTIS m'a confirmé qu'ils étaient prêts à mettre des véhicules complémentaires si effectivement les Français étaient au rendez-vous de cette promesse. Et évidemment, nous ferons notre maximum pour que le maximum de Français puisse avoir accès à ces véhicules s'il s'avère qu'ils sont plus nombreux que ce qu'on estimait initialement à profiter de cette offre, je le rappelle, vous dites, effectivement, 100 euros, en pratique, suivant la nature du véhicule, puisqu'il y a des très petites citadines, et ça va jusqu'à des familiales, de 50 à 150 euros, pour bénéficier d'un véhicule, sans apport initial, 100 euros, 50 à 100 euros par mois…
JEROME CHAPUIS
Et la condition, 8.000 kilomètres par an, ça veut dire par exemple que quelqu'un qui est au chômage, et donc qui ne peut pas justifier d'un certain nombre de trajets aura moins de chances de bénéficier de cette offre que quelqu'un qui a un emploi ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est des véhicules que nous destinons en priorité à des gens qui ont besoin de leur véhicule pour aller travailler, des gens qui sont dans la ruralité, des gens qui sont à plus de quinze kilomètres de leur travail ou des gens qui par leur travail sont itinérants.
JEROME CHAPUIS
Mais quand on n'a pas de travail, ça se passe comment, alors ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh bien, c'est ce que je vous dis, c'est-à-dire que ce sont des véhicules qui sont réservés aux gens qui travaillent. Et quand vous êtes effectivement en recherche…
SALHIA BRAKHLIA
Mais on a besoin d'une voiture pour chercher du travail…
AGNES PANNIER-RUNACHER
En recherche d'emploi et que vous obtenez un emploi, vous pouvez vous inscrire sur la plateforme…
JEROME CHAPUIS
Il faut obtenir un emploi pour pouvoir ensuite bénéficier de cette offre…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Très clairement, le choix que nous faisons, c'est de favoriser les gens qui aujourd'hui ont un emploi et qui ont besoin d'un véhicule et qui sont plutôt dans la périphérie, plutôt dans la ruralité.
JEROME CHAPUIS
Mais les demandeurs d'emploi qui nous écoutent peuvent vous dire : mais, moi, j'ai justement besoin d'une voiture pour pouvoir retrouver un emploi.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je rappelle que Pôle emploi fait des aides pour les chômeurs qui ont besoin d'un véhicule pour se déplacer. Et par ailleurs, comme vous le savez, les situations sont extraordinairement diverses. Tout le monde n'est pas dans la ruralité privé de véhicule. Il y a des demandeurs d'emploi qui sont dans des villes, qui sont bien organisées en termes de transports en commun. Donc c'est aussi une possibilité. Mais oui, Pôle emploi accompagne les demandeurs d'emploi. C'est une autre politique.
SALHIA BRAKHLIA
Agnès PANNIER-RUNACHER, dans le dernier top 50 des personnalités préférées des Français, Jordan BARDELLA, président du Rassemblement national, est bien placé, à la trentième place. Seul politique à figurer dans le classement. Quelle est votre réaction ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je crois que ce n'est pas le seul politique, mais peu importe. Ma réaction, elle est très simple. C'est un classement des personnalités du JDD et préférées des Français. Vous avez des artistes, vous avez des chanteurs, des acteurs, des sportifs, ce n'est pas un classement de responsables politiques…
SALHIA BRAKHLIA
Et il y a des politiques comme Jordan BARDELLA…
JEROME CHAPUIS
Mais qu'est-ce que ça dit du Rassemblement national ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce n'est pas un classement de personnes qui ont vocation à prendre des responsabilités politiques. Et s'agissant de monsieur BARDELLA, je dirais que c'est le monsieur qui fait tellement peu de... ou a tellement peu d'idées, que le matin de vote de la loi Immigration, il exprime sur un plateau qu'il ne votera pas cette loi parce qu'elle n'est pas bonne…
SALHIA BRAKHLIA
Non, mais quand même, Agnès PANNIER-RUNACHER…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Et qui l'après-midi…
SALHIA BRAKHLIA
Le président de la République, Emmanuel MACRON, il est à la 63ème place…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Donc il est bien dans le classement, c'est intéressant de l'entendre…
SALHIA BRAKHLIA
Oui, mais je parlais du top 50, 63, c'est après 50. 63ème place pour Emmanuel MACRON, 30ème pour Jordan BARDELLA. Qu'est-ce que ça dit quand même de la vie politique française ? Comment vous le percevez ? Comment vous le traduisez, ça ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je vous le redis, si ce type de classement faisait les élections, ça se saurait. Ce qu'on attend d'un responsable politique, ce n'est pas d'être sympathique ou joli sur la photo. Ce qu'on attend, c'est qu'il soit capable de prendre des décisions et qu'il soit capable de dire quel est le programme qu'il porte. Moi, je ne sais pas quel est le programme que porte Jordan BARDELLA…
SALHIA BRAKHLIA
Ce n'est pas le signe de la dédiabolisation du RN qui a marché ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Jordan BARDELLA et le RN, ce sont des gens qui vous expliquent qu'il y a quelques années, le nucléaire, c'est dangereux et qui aujourd'hui vous expliquent qu'il faut absolument ne faire que du nucléaire. Dans un cas comme dans l'autre, ils disent n'importe quoi. Ce sont des gens qui, je le redis, le matin, vous expliquent que le projet de loi Immigration est abominable, et qu'il ne faut pas le voter et l'après-midi, vont le voter en disant que c'est très bien, et que c'est eux qui ont fait le projet de loi. Donc, ils ne sont pas fiables, voilà, ils n'ont pas d'idées, et je ne suis pas sûre que ce soit une bonne chose pour la France qu'ils soient dans des rôles de responsabilité.
JEROME CHAPUIS
Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre de la Transition énergétique. Merci d'avoir été notre invitée sur France Info
source : Service d'information du Gouvernement, le 9 janvier 2024