Interview de Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée, chargée du Renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement, à France Inter le 15 janvier 2024, sur la composition du nouveau Gouvernement.

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Média : France Inter

Texte intégral

SONIA DEVILLERS
Elle est une "marcheuse" de la première heure, son entrée en politique c'était en 2016 avec Emmanuel MACRON, pour Emmanuel MACRON, dans le précédent gouvernement elle était secrétaire d'État à la Jeunesse, avant que Gabriel ATTAL ne la choisisse comme porte-parole, bonjour Prisca THEVENOT.

PRISCA THEVENOT
Bonjour.

SONIA DEVILLERS
Vous l'avez entendu dans la bouche de Yaël GOOSZ, et pas seulement, Gabriel ATTAL, cinq jours, cinq déplacements, quand le chef du Gouvernement se déplace tous les jours, il prend la parole tous les jours, comment être la porte-parole de quelqu'un qui prend la parole tous les jours ?

PRISCA THEVENOT
Comment être la porte-parole d'un Gouvernement qui est à l'action, est résolument à l'action ? ce qu'on aurait pu reprocher à Gabriel ATTAL c'est de changer une fois arrivé à Matignon, et je peux vous dire qu'en fait Gabriel ATTAL a toujours été un homme engagé, un responsable politique, baskets aux pieds, qui a toujours été là où on avait besoin de lui, c'est-à-dire sur le terrain, c'était le cas hier à Caen, ça sera aussi le cas ce soir aux côtés du président de la République et des députés de la majorité présidentielle, c'est le cas cette semaine où il reçoit l'ensemble des représentants syndicats, des organisations patronales, mais également les associations d'élus, et puis c'est le cas aussi en ce moment, soyons très clairs, en train de suivre l'évolution du cyclone à l'île de La Réunion. Nous avons besoin d'un Premier ministre qui surtout ne change pas ses habitudes et qui reste un homme de proximité.

SONIA DEVILLERS
Prisca THEVENOT, sont débarqués du Gouvernement Rima ABDUL-MALAK, Clément BEAUNE, venus de la gauche, entrent au Gouvernement Rachida DATI, Catherine VAUTRIN, venues de la droite, sont maintenus dans leurs fonctions Bruno LE MAIRE, Gérald DARMANIN, je ne les cite pas tous, Sébastien LECORNU, Christophe BECHU, il y a Aurore BERGE, il y a Marie LEBEC aussi, qui sont issus de la droite, s'agit-il d'un moment de clarification politique, s'agit-il d'un gouvernement de droite ?

PRISCA THEVENOT
Je n'ai pas l'impression que ce soit un gouvernement de droite. Moi je le dis encore une fois, et vous l'avez très justement dit dans votre traduction, nous sommes unis et soudés derrière un homme qui s'appelle Emmanuel MACRON. Je pense que ce qui nous a unis depuis le début et qui continue à rallier des personnalités engagées, des acteurs politiques, c'est cette volonté d'agir, d'agir de façon pragmatique, dans un pays qui évolue extrêmement vite au regard du contexte qui est le nôtre, un contexte européen, un contexte international, avec des grandes démocraties qui sont fragilisées par la montée des extrêmes.

SONIA DEVILLERS
Ça je comprends bien, mais est-ce qu'il y a une place encore, dans ce Gouvernement, pour une sensibilité de centre gauche ?

PRISCA THEVENOT
Il y a une sensibilité d'action depuis le début. Moi je vous dis franchement…

SONIA DEVILLERS
Je vous parle d'une sensibilité de centre gauche.

PRISCA THEVENOT
Mais non… alors, de quoi parle-t-on, de la sensibilité de centre gauche, qu'est-ce que la gauche aujourd'hui, qu'est-ce que la gauche aujourd'hui, c'est celle qui s'assoit dans la gauche de l'hémicycle, mais qui n'en porte pas les valeurs ? c'est celle qui s'est opposée à la majorité présidentielle en juillet 2022, parce qu'elle ne voulait pas qu'on vote un pacte pouvoir d'achat qui allait protéger les Français ? c'est celle qui refuse de voter des lois, qui fait avancer sur la lutte contre les discriminations, c'est ça la gauche aujourd'hui, c'est cette gauche dont on est en train de parler ? je suis désolée, je pense qu'aujourd'hui les Français veulent qu'on avance.

SONIA DEVILLERS
C'est ce qui fait que, donc, vous gouvernez avec la droite.

PRISCA THEVENOT
C'est ce qui fait qu'on gouverne, excusez-moi, et qu'on avance, et surtout qu'on agit, avec des gens qui ont envie de travailler, et ce sont des forces républicaines et démocratiques qui sont engagées pour un pays dans lequel aujourd'hui, effectivement, nous sommes pris en silos par des forces extrêmes qui n'ont qu'une ambition, c'est de préparer les prochaines élections et pas préparer le quotidien des Français.

SONIA DEVILLERS
Alors, à peine nommée, la ministre de l'Education nationale, vous l'avez entendue, justifie le choix de scolariser ses enfants dans le privé catholique par des paquets d'heures non remplacées, face à la bronca elle dit regretter, d'aucuns auraient préféré qu'elle s'excuse, le quotidien "Libération" interroge l'ancienne institutrice de son fils, il en ressort que l'enfant n'a passé que quelques mois dans le public, dans une école où il n'y a pas eu de problèmes d'absences et de remplacements, elle a menti la ministre ?

PRISCA THEVENOT
Ecoutez, je ne sais pas si elle a menti, je dis simplement qu'elle a effectivement expliqué pourquoi son fils a été, son aîné, a été scolarisé dans le privé. Maintenant, ce que je retiens aussi, c'est que depuis samedi on parle beaucoup des enfants et de la vie privée du ministre, or nous sommes là, nous, engagés pour parler des Français et des Françaises en général. Donc je pense que le plus important…

SONIA DEVILLERS
Justement, vous avez raison, et est-ce qu'Amélie OUDEA-CASTERA sera audible, est-ce qu'elle sera audible, est-ce qu'on pourra l'entendre ?

PRISCA THEVENOT
Je vous le dis en tant que porte-parole du Gouvernement aujourd'hui, mais je pourrais vous le dire en tant qu'ancienne députée ou en tant que militante engagée du quotidien, nous sommes là pour répondre à des questions, moi je veux bien qu'on réponde à la question de comment on travaille sur les heures non remplacées. Aujourd'hui, je suis moi-même mère de famille, on se le disait avant, de deux enfants, 7 et 9 ans, et, oui, nous sommes confrontés à ces heures non remplacées. Ce n'est pas pointer du doigt les enseignants et les professeurs, au contraire, c'est grâce à eux que l'école publique tient, et nous devons continuer à les soutenir et à travailler sur l'attractivité de ces métiers-là. Et donc, c'est ce que nous avons fait, notamment avec Gabriel ATTAL et Pap NDIAYE, avant, et Jean-Michel BLANQUER avant, à redonner les moyens de notre école à être au centre, au centre des villages.

SONIA DEVILLERS
Alors, dans ce nouveau Gouvernement, Prisca THEVENOT, il n'y a pas de ministre des Transports, pas de ministre du Logement, alors que le transport et le logement représentent le cœur même des préoccupations des Français, le cœur même de nos préoccupations quotidiennes. Est-ce que les Français doivent entendre que les calculs politiques sont plus importants que leurs difficultés quotidiennes ?

PRISCA THEVENOT
Non, ils doivent simplement entendre une évidence, c'est que le président de la République l'a dit, le Premier ministre l'a aussi rappelé, le Gouvernement n'est pas encore entièrement formé. Il y a effectivement eu une première vague de nominations, et les autres nominations vont suivre, bien évidemment.

SONIA DEVILLERS
Donc, ce sont des sujets secondaires ?

PRISCA THEVENOT
Ce ne sont pas des sujets secondaires, ce sont des préoccupations majeures. Toutes les préoccupations sont importantes, le pouvoir d'achat, l'école, les entreprises, les transports, le logement. Tous les sujets sont importants. Mais attention, j'aimerais le rappeler, c'est qu'il y a une continuité de l'État, et je le dis aussi aujourd'hui, parce que j'étais secrétaire d'État à la Jeunesse, au Service national universel et à la Vie associative. C'est des sujets qu'on continue à suivre de façon évidente. Nous sommes une équipe resserrée, mais une équipe qui peut s'étendre sur l'ensemble des périmètres.

SONIA DEVILLERS
Alors, à cette équipe, lors de votre premier Conseil des ministres, Emmanuel MACRON a utilisé un langage fleuri, il a dit, je cite "Le 21e siècle est le siècle de la régénération, et cette régénération vous ordonne de renouer avec l'esprit de la Révolution française". Régénération suppose que quelque chose a dégénéré. Qu'est ce qui a dégénéré depuis sept ans qu'Emmanuel MACRON est président ? L'État de la France ou le macronisme ?

PRISCA THEVENOT
Alors, je ne le voyais pas comme ça, mais ok pour dire que tout est de la faute d'Emmanuel MACRON, si vous voulez, si ça vous fait plaisir. Moi, je le vois plutôt…

SONIA DEVILLERS
Non, qu'est-ce qui a dégénéré et qu'il faut régénérer ?

PRISCA THEVENOT
Je dis plutôt qu'on pense beaucoup plus large. Regardons ce qui se passe aujourd'hui. On a la guerre qui revient. On a effectivement ce réchauffement climatique dont on parle depuis de nombreuses années, mais ça y est, il est là. Ses conséquences sont fondamentalement là. Nous avons aussi des grandes puissances mondiales qui réaffirment leur volonté d'être importantes sur la scène internationale. Voilà ce qui nous guette aujourd'hui et ce qui est devant nous. Et c'est face à cela que nous devons lutter contre l'effacement de la France et faire en sorte que l'ensemble des forces républicaines et démocratiques de notre pays continuent à se lever et à se mobiliser pour faire avancer le pays et travailler au quotidien des Français.

SONIA DEVILLERS
Alors, Bruno LE MAIRE a averti, je le cite lui aussi : "Nous devons trouver au minimum 12 milliards d'euros d'économies en 2025. Appelons un chat un chat, en matière de finances publiques, le plus dur est devant nous." Une fois que le ministre de l'Economie a posé cela, Gabriel ATTAL est-il crédible lorsqu'il promet, par exemple, de mettre en œuvre les 2 milliards de baisses d'impôts ?

PRISCA THEVENOT
Vous savez, de façon extrêmement claire, et là je vais me permettre de citer Gabriel ATTAL, non pas Premier ministre, mais ancien ministre du Budget. Nous devons économiser là où l'on peut et investir là où on doit. Et je pense que ce n'est pas antinomique de dire cela. Oui, nous devons continuer à valoriser le travail et notamment à l'endroit des classes moyennes. Ces hommes et ces femmes qui travaillent dur tous les jours, mais qui gagnent trop peu pour être aidés et... qui gagnent trop pour être aidés et pas assez pour vivre correctement. Nous avons commencé à le faire depuis 2017, avec un certain nombre de mesures, la suppression de la taxe d'habitation, la suppression de la redevance audiovisuelle, la baisse des premières tranches sur l'impôt sur le revenu. Nous devons continuer à avancer sur cela. Et, oui, nous devons continuer à travailler sur la baisse de la pression fiscale pour ces hommes et ces femmes qui travaillent dur.

SONIA DEVILLERS
Prisca THEVENOT, secrétaire d'État à la Jeunesse. Vous avez plaidé pour la généralisation d'un service national universel afin d'inculquer, je vous cite, un sens du devoir à la jeunesse. Comment expliquer aux jeunes qu'il leur faut un sens du devoir, quand vous faites le choix de nommer comme ministre de la Culture, une personne qui est mise en examen ?

PRISCA THEVENOT
Ouh là ! Justement, il y a deux choses. Il y a effectivement avoir ce sens du devoir et avoir ce sens du respect du fonctionnement de nos institutions et notamment du respect de la présomption d'innocence. Donc attention à ne pas faire de trait d'union. Je ne m'attendais pas à ce lien là, mais très bien. Je pense qu'il est plus important aujourd'hui, à l'heure où justement nos démocraties sont fragilisées, de respecter dans quelles institutions nous sommes et le respect qu'il en est. Etre mis en examen n'est pas être coupable.

SONIA DEVILLERS
Merci Prisca THEVENOT.

NICOLAS DEMORAND
Et merci Sonia DEVILLERS.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 janvier 2024