Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames et messieurs les sénateurs,
Je suis ravi de vous retrouver cet après-midi pour un débat sur la réforme du marché de l'électricité.
Je voudrais profiter de cette occasion pour saluer le travail effectué par Agnès Pannier-Runacher comme ministre de la Transition énergétique, en particulier sur l'obtention d'un accord décisif sur le marché européen de l'énergie.
Je voudrais surtout vous faire part d'une conviction : l'énergie est la grande question économique du XXIe siècle.
C'est pourquoi il était important que nous en récupérions la charge au ministère de l'Economie et des Finances, avec un objectif : faire de la France la première nation européenne décarbonée en 2040.
J'ai tenu à illustrer cette priorité en me rendant hier sur le site de la centrale nucléaire de Gravelines et de l'aciérie d'ArcelorMittal à Dunkerque, pour confirmer le soutien de l'Etat au projet de décarbonation de ce site majeur pour la sidérurgie française.
Cet investissement est une victoire majeure pour la France :
- C'est une victoire climatique, puisqu'il permettra de réduire de 6% l'ensemble des émissions industrielles françaises ;
- C'est aussi une victoire économique, puisque nous avons obtenu que le premier investissement d'ArcelorMittal en Europe, sur cette nouvelle technologie essentielle à l'atteinte de nos objectifs climatiques, se fasse sur le site de Dunkerque.
La transition écologique est une nouvelle révolution industrielle. Cette décarbonation, avec le président de la République, nous l'avons anticipée et nous souhaitons désormais accélérer grâce à une stratégie reposant sur quatre piliers.
Premier pilier : réduire notre dépendance aux énergies fossiles et renforcer notre indépendance, grâce aux énergies décarbonées.
Les énergies fossiles, venues de l'étranger, représentent encore 60% de notre consommation énergétique.
Notre dépendance est considérable, même si nous travaillons à la réduire.
C'est une vulnérabilité climatique, car ce sont autant d'émissions qui aggravent la situation et font que les sécheresses, les inondations et les tempêtes deviennent des épisodes ordinaires.
C'est une vulnérabilité géopolitique, comme nous l'avons vu depuis l'invasion russe en Ukraine, et comme nous le verrons peut-être en cas d'escalade au Proche-Orient. Elle complique les rapports de force et entraîne des difficultés majeures d'approvisionnement.
C'est une vulnérabilité économique, car nous sommes soumis aux prix demandés par les pays producteurs. Nous ne voulons plus que l'argent des Français et des Françaises les enrichissent.
Nous devons donc réduire au strict minimum la part des énergies fossiles dans notre économie et viser la neutralité carbone.
Pour cela, il faut faire passer la part d'électricité dans notre mix énergétique de 27 à 55% d'ici 2050 (selon RTE). Et il faut faire en sorte que cette électricité soit produite sur notre territoire.
C'est un défi industriel et financier.
Un défi industriel qui suppose :
- D'accélérer le déploiement de l'éolien offshore ;
- D'accélérer le déploiement de l'éolien terrestre ;
- D'accélérer le déploiement des panneaux solaires ;
- De réussir la construction des six nouveaux EPR voulus par le président de la République – soit le plus gros chantier industriel depuis plusieurs décennies et de retrouver un bon niveau de production du parc nucléaire ;
- D'investir dans l'hydrogène ;
- D'investir dans le réseau électrique.
Vous le voyez, je n'oppose pas les énergies décarbonées entre elles. Le seul objectif, c'est de sortir des énergies fossiles, et nous devons nous appuyer sur toutes les énergies décarbonées.
Un défi financier qui demande :
- D'utiliser intelligemment les budgets très significatifs qui ont été engagés, en particulier avec France 2030 et le budget 2024 (+7 Md€) ;
- De mieux mobiliser l'épargne privée, avec notamment la mise en place de l'Union des marchés de capitaux.
Deuxième pilier : la réindustrialisation verte
Depuis 2017, le ministère de l'Economie et des Finances a pris le virage de la transition climatique, en transformant notre outil de production.
Car la transition climatique est bien une révolution industrielle.
Je veux ici donner quelques exemples.
Nous avons fait passer une " loi industrie verte " qui met en place un crédit d'impôt pour l'industrie verte. Aucun autre Etat européen ne l'a fait.
En réponse à l'IRA américain, ce crédit d'impôt soutiendra très concrètement la production en France de panneaux solaires, de turbines, d'éoliennes, de batteries électriques ou encore de pompes à chaleur. Il devrait permettre de créer 40 000 emplois directs d'ici 2030 et de générer 23 Md€ d'investissements privés. Les panneaux solaires, éoliennes et centrales nucléaires que nous devons construire pour atteindre les 55% d'électricité bas carbone dans le mix énergétique doivent être made in France.
La France a aussi mis en place une obligation verte. Concrètement, dans le PLF 2024, vous trouvez 5 Md€ de prêts participatifs verts et d'obligations vertes. Le but, c'est d'inciter les banques et les assureurs à octroyer aux PME et aux ETI des financements de décarbonation qui sont souvent des financements de long terme, un peu plus risqués. L'État " dérisquera " ces financements en octroyant sa garantie.
La France est enfin l'Etat qui a apporté les soutiens export aux énergies renouvelables les plus importants. Nous avons multiplié par 13 ces soutiens export entre 2018 et 2022.
J'aurais également pu citer le bonus écologique, le label " investissement socialement responsable ", avec l'exclusion du financement des hydrocarbures, ou encore notre politique d'attractivité, qui nous a permis d'attirer toujours plus d'investissements – comme ceux de Mittal qui décarbone son site de Dunkerque et réduit les émissions industrielles françaises de 6% et les émissions totales françaises de 1%.
Troisième pilier : la sobriété et l'efficacité énergétiques.
Il n'y a pas seulement la relance du nucléaire et l'accélération des énergies renouvelables.
J'accorde une importance majeure à la sobriété et à l'efficacité dans notre politique énergétique. Elles sont absolument indispensables pour atteindre notre objectif de réduire de 40 à 50% la consommation d'énergie en 2050 par rapport à 2021.
Concrètement, qu'est-ce que cela implique ?
La " sobriété " consiste à lutter contre le gaspillage d'énergie, en adoptant de nouvelles habitudes. Nous avons commencé à le faire, avec le grand plan de sobriété à l'automne 2022, et nous avons obtenu des résultats : sur les 12 derniers mois, nous avons baissé la consommation de gaz et d'électricité d'environ 12%.
L'" efficacité " consiste à investir dans les nouvelles technologies pour consommer moins d'énergie à usage égal.
Je pense par exemple à la récupération de la chaleur fatale. La chaleur fatale, c'est cette chaleur qui se dégage dans les procédés industriels et qui est soit perdue, soit récupérée et réutilisée pour chauffer des bâtiments.
Le meilleur exemple, c'est le site d'Arcelor Mittal où je me suis rendu hier : il permet à lui seul d'approvisionner 40% de la chaleur du réseau urbain de Dunkerque.
Quatrième pilier : la politique européenne
Avec le Mécanisme d'Ajustement Carbone aux Frontières, qui fonctionnera à partir de 2027.
Avec le Net Zero Industry Act. Je vais demander un contenu européen dans les appels d'offre et les marchés publics sur la technologie couverte (photovoltaïque, éoliennes, pompes à chaleur, batteries, hydrogène).
Cela passe par deux articles du NZIA, en cours de discussion :
- Art 19
- Art 20
Concrètement, dans les marchés publics : pas plus de 50% qui aille à des produits issus de pays tiers à l'UE qui n'ont pas signé d'accord de réciprocité des marchés publics.
Conclusion :
Nous aurons l'occasion d'aborder la réforme du marché de l'électricité dans notre débat, mais je voulais profiter de cette occasion pour présenter la stratégie de Bercy pour l'énergie.
Avec ce nouveau portefeuille, nous intégrons pleinement les enjeux énergétiques à notre objectif de devenir la première nation décarbonée en Europe à horizon 2040, en jouant sur tous les leviers utiles : levier de l'industrie, levier des finances, levier de l'énergie.
Je le redis, cela marque une nouvelle ambition en matière de décarbonation, pour gagner la bataille du climat.
Source https://www.economie.gouv.fr, le 17 janvier 2024