Texte intégral
Mme la présidente
L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : "Les fonds d'aides au développement internationaux".
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
(…)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement
Je vous remercie pour l'organisation de ce débat, qui va me permettre d'apporter des clarifications utiles sur certains aspects de notre politique d'investissement solidaire et de partenariats internationaux.
Dès le mois de mai 2017, le Président de la République a fait de la reconstruction de notre politique d'investissement solidaire une priorité au service de notre action extérieure.
Nous nous sommes donné les moyens d'être crédibles : l'aide publique au développement de la France est passée de moins de 10 milliards d'euros en 2016 à plus de 15 milliards d'euros en 2022 – un montant record qui fait de la France le quatrième bailleur à l'échelle mondiale. Cette progression, nous l'avons mise en œuvre en nous appuyant sur la volonté politique exprimée par le Parlement qui chaque fois a voté des crédits en hausse pour cette politique.
En effet, ces investissements représentent 0,56 % de notre richesse nationale, un peu au-delà de l'objectif de 0,55 % fixé par le Président de la République en 2017.
M. Jean-Paul Lecoq
Ce n'est pas respecté !
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
C'est fondamental car, sans moyens, il n'y a pas de politique. Ces moyens nous ont permis une montée en puissance sans précédent : nous avons pu investir massivement dans la transition verte, la santé, la réponse à la pandémie de covid, l'éducation et les droits des femmes.
Nous avons pu accompagner nos paroles et nos engagements d'actes concrets, comme l'annonce récente de mobiliser 250 millions d'euros en faveur des femmes, par le biais du fonds de soutien aux organisations féministes (FSOF).
Alors que les crises se multiplient et s'aggravent, les moyens financiers mobilisés au bénéfice de l'APD permettent également à la France d'être un acteur majeur de l'action humanitaire internationale.
D'ici à 2025, l'action humanitaire, représentant déjà quelque 850 millions d'euros, sera portée à 1 milliard d'euros. Ainsi, les ONG et les organisations internationales pourront agir avec notre soutien, partout où frappent les guerres, les crises et les catastrophes, accompagnées de leurs lots de tragédies et de misère.
En novembre dernier, un mois après le début de la guerre déclenchée par le Hamas le 7 octobre, nous pouvions ainsi annoncer 100 millions d'euros d'appui supplémentaire aux Palestiniens.
Que ce soit au Soudan, en Arménie ou face au tremblement de terre en Turquie et en Syrie, notre mobilisation financière a permis d'alléger les souffrances de ceux que la guerre chassait de Khartoum ou du Haut-Kharabagh. C'est une fierté pour notre pays.
Bien sûr, ces moyens nous obligent – et d'abord en matière d'efficacité. C'était l'objet du Conseil présidentiel du développement réuni le 5 mai 2023, et du Cicid qui s'est tenu au cours de l'été dernier, de manière dématérialisée.
Dans la continuité de la loi de 2021, nous avons voulu appliquer un choc de méthode à notre politique de solidarité internationale, afin de la rendre plus flexible. Monsieur le député Christophe Marion, le Soudan qui, en effet, n'était pas parmi les pays prioritaires, est intégré au nouveau mécanisme de concentration de nos efforts budgétaires, ciblant la catégorie des pays les moins avancés dont il fait partie.
Notre action, fondée sur dix objectifs politiques prioritaires, concrets et mesurables, s'attache ainsi résolument à l'impact produit. Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères en assurera personnellement le suivi avec Bruno Le Maire. Notre action sur le terrain doit être claire et organisée ; elle doit être lisible pour nos partenaires et nos concitoyens.
Dans l'objectif de mieux rendre compte de notre action, cette réorganisation nous permettra, dans l'esprit de la loi du 4 août 2021, de progresser en matière de transparence et de traçabilité – autant de sujets qui nous réunissent d'ailleurs aujourd'hui. À l'été 2022, nous avons ainsi, pour la première fois, mis en ligne l'intégralité des données relatives à notre aide publique au développement : l'ensemble des milliers de projets que nous menons sont désormais intégralement et directement accessibles à tous les Français. C'est un effort sans précédent que la société civile a d'ailleurs elle-même reconnu et salué.
Mais le choc de méthode qu'implique le Cicid concerne également notre organisation et notre pilotage – il y va de la crédibilité du dispositif tout entier. Le Gouvernement s'est ainsi engagé à assurer un double suivi à travers, d'une part, une réunion trimestrielle organisée avec les services de l'État et les opérateurs autour de la secrétaire d'État chargée du développement…
M. Jean-Paul Lecoq
Ah, on va avoir une secrétaire d'État !
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
…dont la première édition s'est tenue en novembre, conformément aux dispositions du Cicid, d'autre part, une réunion annuelle des ministres chargés de l'économie et des affaires étrangères, centrée sur l'atteinte progressive, concrète, des dix objectifs de politique prioritaire.
Sur le terrain, nos ambassadrices et nos ambassadeurs doivent, plus que jamais, organiser les travaux de tous au service de l'efficacité de notre action et du respect de nos intérêts. Le conseil local de développement, créé par la loi du 4 août 2021, lequel permet de définir une stratégie pour chaque pays partenaire et d'adapter l'aide au contexte local tout en assurant sa cohérence avec nos priorités, demeure l'élément central de la mobilisation de tous les acteurs de cette équipe France. Les députés représentant les Français de l'étranger y ont bien évidemment toute leur place.
M. Frédéric Mathieu
Ça s'appelle l'État !
M. Frédéric Petit
Mais non, pas du tout !
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
L'efficacité passera également par la mesure et l'évaluation des effets de nos actions : la mise en place d'une commission indépendante d'évaluation de l'aide publique au développement, que nous savons très attendue par l'Assemblée nationale, est le dernier point emblématique de la loi du 4 août 2021 qui n'ait pas encore été complètement mis en œuvre. Le ministère a désigné ses représentants au sein de cette enceinte, et nous devons désormais avancer ensemble – un impératif pour assurer l'acceptabilité de notre action par nos concitoyens, et un devoir envers la représentation nationale.
Soyez assurés que la volonté du Gouvernement – qui est donc aussi la mienne, en tant que porte-parole, et celle du ministre de l'Europe et des affaires étrangères – est de voir la commission commencer à travailler aussi vite et efficacement que possible. Il soutiendra donc toute solution en ce sens qui conviendrait au Parlement, notamment celle prévue par la proposition de loi relative à la mise en place et au fonctionnement de la commission d'évaluation de l'aide publique au développement instituée par la loi du 4 août 2021, qui sera examinée en séance jeudi, et qui prévoit que le secrétariat de cette instance sera hébergé par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Je tiens à souligner, car c'est important, que cela ne compromettra en aucun cas son indépendance : comme l'a rappelé le président de la commission des affaires étrangères, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères ne saurait être considéré comme une autorité de tutelle, et n'interviendra donc pas dans les travaux de la commission d'évaluation.
Vous le savez, les crises sont désormais multiples. En matière d'aide au développement, l'année 2023 aura été marquée à la fois par une succession de coups d'État au Sahel et par la guerre à Gaza. Ces événements ont suscité chez les élus des questionnements, et je voudrais donc rappeler les principes qui régissent la traçabilité de l'allocation des fonds – au Sahel, dans les territoires palestiniens et partout ailleurs.
Conformément au dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, qui a été renforcé par le décret du 18 avril 2018, les activités menées par l'Agence française de développement et les financements qu'elle octroie répondent aux normes internationales de lutte contre le financement des organisations terroristes.
M. Jean-Paul Lecoq
Alors, monsieur Cormier-Bouligeon, vous avez menti ?
M. François Cormier-Bouligeon
C'est faux !
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
En Palestine comme au Soudan, ravagé par la guerre, en Syrie ou au Sahel, aucun fonds, aucun bien monétisable, n'est mis à disposition d'entités ou d'individus faisant l'objet de mesures restrictives de la part de l'ONU, de l'Union européenne ou de la France elle-même, car les groupes mafieux ou terroristes qui sévissent dans ces territoires sont bien souvent la cause des souffrances que nous devons alléger.
Parfois, le contexte nous impose de revoir à la baisse nos actions. Au Mali, au Burkina Faso et au Niger, l'agressivité des autorités locales à notre égard nous a conduits à réduire nombre de projets – à l'exception, évidemment, de l'aide humanitaire, en matière de santé et d'appui aux populations civiles : les régimes ne doivent pas pouvoir se financer à nos dépens s'ils nous sont hostiles au point de s'en prendre à nos ambassades, comme nous l'avons hélas vu à Niamey.
En résumé, le double renforcement de notre APD, à la fois en volume – ce qui était nécessaire pour que la France retrouve sa place de grande puissance solidaire – et en qualité, nous permettra d'orienter notre aide en direction des enjeux et des pays où notre action sera la plus utile à la planète et aux populations qui souffrent, et de réaffirmer la voix de la France.
Pour conclure, je suis ravie et honorée de représenter le ministre de l'Europe et des affaires étrangères pour ce débat très important pour la représentation nationale et tous nos concitoyens. Plus que jamais, nous devons rappeler que nous sommes une nation solidaire et unie pour faire avancer partout nos valeurs, en particulier là où les populations sont fragilisées. Mais cela nécessite d'examiner dans le détail les dossiers.
Pour une fois, vous avez décidé de sortir du silence, mesdames et messieurs les députés du groupe Rassemblement national. Or, si j'ai souvent eu l'occasion de rappeler qui vous étiez, je n'ai peut-être pas suffisamment insisté sur le fait que vous ne travailliez pas assez vos fiches !
(Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.)
Dans son intervention, Mme Hamelet a laissé entendre qu'à travers l'Agence française au développement, la France donnait de l'argent à la Chine, sans aucun contrôle.
M. Frédéric Petit
C'est faux !
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
Mais, encore une fois, vous vous êtes trompés : c'est absolument faux…
M. Jean-Paul Lecoq
Vous pourriez en dire autant au député du groupe Renaissance qui a affirmé tout à l'heure que l'aide au développement avait financé les tunnels du Hamas dans la bande de Gaza !
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
…et je ne laisserai plus proférer de tels mensonges, surtout au sein de l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Mme Danielle Brulebois
Très bien !
M. Jean-Paul Lecoq
Vous lancez des accusations mais vous ne nous répondez pas !
Mme la présidente
Monsieur Lecoq, vous pourrez vous exprimer lors de la phase de questions. Pour l'instant, seule la ministre a la parole.
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
Les députés du Rassemblement national peuvent répondre eux-mêmes, monsieur Lecoq, ils n'ont pas besoin que vous assuriez leur défense !
M. Jean-Paul Lecoq
Mais je ne les défends pas ! Je remets en cause les propos d'un député Renaissance et vous ne me répondez pas !
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
Soyons clairs : l'AFD ne donne pas d'argent, elle en prête. Les prêts consentis à la Chine, dépourvus de tout élément concessionnel, n'impliquent aucun apport budgétaire de l'État : leur objectif – que vous pouvez très légitimement questionner – est de favoriser l'émergence de pratiques visant à lutter contre le réchauffement climatique – un enjeu que vous semblez toujours être les seuls, au groupe RN, à ne pas partager.
(Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
M. Christophe Barthès
Merci pour la leçon !
Mme la présidente
Nous en venons aux questions. Je rappelle que leur durée, comme celle des réponses, est limitée à deux minutes, et qu'il n'y a pas de droit de réplique.
La parole est à M. Belkhir Belhaddad.
M. Belkhir Belhaddad (RE)
Avant de poser ma question, qui portera sur l'aide apportée aux territoires palestiniens, je tiens à avoir une pensée pour toutes les victimes de ce conflit, en particulier pour nos otages détenus depuis plus de 100 jours.
Alors que, depuis le début du conflit, les organisations non gouvernementales présentes sur le terrain ne cessent de sonner l'alarme, la situation humanitaire à Gaza a atteint des niveaux catastrophiques, nécessitant une réponse immédiate de la communauté internationale. Quelque 2,2 millions de personnes dépendent actuellement d'une assistance humanitaire d'urgence et la situation, déjà critique, est encore aggravée par l'état des hôpitaux de la région, dont les deux tiers sont hors service, privant la population d'un accès essentiel aux soins médicaux. Les infrastructures vitales, comme celles permettant l'approvisionnement en eau et en électricité, ont été coupées, accentuant la détresse des habitants. En outre, la suspension du traitement des eaux usées présente un risque majeur pour la santé publique.
Lors de la conférence humanitaire internationale pour la population civile à Gaza, en novembre, le Président de la République, Emmanuel Macron, a indiqué que la France augmenterait de 80 millions d'euros son soutien financier aux populations palestiniennes, portant l'enveloppe totale à 100 millions d'euros pour 2023. Afin de mieux évaluer la portée de cette contribution, pourriez-vous, madame la ministre déléguée, préciser la répartition prévue de ces fonds et les secteurs ciblés en priorité, et nous indiquer les mécanismes de contrôle qui permettront d'assurer une utilisation transparente et efficace de ces ressources ?
Il est évidemment impératif non seulement de maintenir cette aide à court terme, mais aussi de l'adapter face à l'explosion des besoins humanitaires. Au-delà, la reconstruction nécessitera également un soutien financier important à moyen et long termes. Comment la France envisage-t-elle d'y contribuer dans le cadre d'une coopération bilatérale efficace ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
Face à la détérioration de la situation humanitaire dans la bande de Gaza, la France a d'abord annoncé, dès le 16 octobre, une aide humanitaire supplémentaire de 10 millions d'euros à destination des populations palestiniennes, transmises par le biais des agences de l'ONU et plusieurs ONG humanitaires. Le 9 novembre, une conférence humanitaire internationale pour la population civile à Gaza réunissant plusieurs chefs d'État et de gouvernement des Proche et Moyen-Orient s'est tenue à l'Élysée, à l'initiative du Président de la République. Sur les 100 millions d'euros d'aide humanitaire que la France s'est engagée à fournir aux populations palestiniennes à cette occasion, 83 millions transitent par les agences des Nations unies et des organisations internationales. Au total, la France a acheminé plus de 550 tonnes d'aide humanitaire vers l'Égypte et la Jordanie.
Le 6 novembre, les Nations unies ont lancé un appel à financement pour répondre à la situation humanitaire de 2,2 millions de Gazaouis et 500 000 personnes en Cisjordanie. Les 1,2 milliard d'euros sollicités doivent contribuer à répondre à leurs besoins en matière de santé – y compris de santé mentale –, de sécurité alimentaire, de nutrition, d'eau, d'hygiène, d'assainissement des abris et d'éducation, et couvrir les coûts logistiques et de coordination.
Comme vous le savez, nous avons considérablement renforcé notre aide et mobilisons tous les moyens possibles pour soutenir la population gazaouie.
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne-Laurence Petel.
Mme Anne-Laurence Petel (RE)
Le 19 septembre, les Arméniens du Haut-Karabakh ont été contraints de fuir en masse vers l'Arménie après une attaque de l'armée azerbaïdjanaise ayant entraîné ce qui s'apparente à un nettoyage ethnique : plus de 100 000 hommes, femmes et enfants ont depuis trouvé refuge chez leurs voisins de la République démocratique d'Arménie. Face à ce drame, la France a fait preuve non seulement d'une grande clarté diplomatique, mais également d'un soutien fort et immédiat en matière humanitaire et politique, mais aussi en matière de sécurité, notamment par la signature de contrats de défense.
Néanmoins, le soutien économique et financier est le talon d'Achille de notre aide à l'Arménie. En effet, cette aide accordée à travers l'AFD est avant tout composée de prêts et facilités financières pour des projets de grande ampleur de long terme, qui ne verront le jour que dans plusieurs années. Or l'Arménie, petit pays de 3 millions d'habitants, fait face à un défi : intégrer 100 000 réfugiés et pourvoir à leurs besoins en matière de logement, de formation et d'emploi.
Ma question est donc simple : compte tenu de la gravité et de l'urgence de la situation à laquelle l'Arménie doit faire face, pouvons-nous envisager de la rendre éligible aux interventions de sortie de crise proposées par l'AFD au titre du programme 209, Solidarité avec les pays en développement, qui se présentent sous forme de bonifications et subventions – une option également étudiée par la Banque mondiale ? Ce programme concentrant les moyens d'intervention en dons afin d'améliorer les conditions de vie des populations les plus vulnérables, je pense que l'Arménie, qui accueille 100 000 nouveaux réfugiés, devrait pouvoir en bénéficier.
(Mme Laetitia Saint-Paul applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
Résolument engagée aux côtés des populations arméniennes du Haut-Karabakh et en soutien à l'Arménie, la France a décidé de tripler son aide humanitaire, qui atteint désormais 12,5 millions d'euros pour l'année 2023. À cette aide s'ajoutent les efforts de la société civile et des collectivités territoriales françaises : une aide médicale d'urgence a été remise aux autorités arméniennes et quatre grands blessés ont été pris en charge par les hôpitaux français. En outre, la France a versé une contribution additionnelle de 1 million d'euros au Programme alimentaire mondial (PAM), en faveur de l'Arménie, qui a permis à quelque 70 000 réfugiés de recevoir une aide, non seulement dans la zone frontalière, mais aussi, plus largement, dans tout le pays. Enfin, à travers l'Agence française de développement, la France soutient l'Arménie à hauteur de 251 millions d'euros. L'AFD y intervient principalement dans les secteurs de l'énergie et de l'agriculture, en particulier en matière d'irrigation et de gouvernance financière.
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
Par ailleurs, l'entretien de janvier 2021 entre le Premier ministre arménien et le Président de la République française a permis une reprise de l'activité souveraine de l'AFD en Arménie. En septembre 2022, un financement budgétaire de politique publique de 100 millions d'euros, dédié à la gouvernance financière, a été octroyé à l'Arménie. Avec nos partenaires européens, nous bâtissons un plan européen d'appui à l'Arménie indépendante, souveraine et démocratique. Notre objectif est de parvenir à l'établissement d'une paix juste et durable, fondée sur le respect du droit international au bénéfice de toutes les populations du sud du Caucase.
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Yadan.
Mme Caroline Yadan (RE)
L'OCDE a publié, le 12 avril 2023, les données de l'APD mondiale pour l'année 2022. Pour la première fois – et c'est heureux – la France se classe en 2022 parmi les dix premiers acteurs en matière d'aide humanitaire. Forte de sa culture universaliste, c'est l'honneur de la France de concourir au développement des pays les moins favorisés. Néanmoins, notre aide ne doit pas tomber entre les mains des mauvaises personnes. Une aide efficace est une aide juste.
Depuis les massacres du 7 octobre 2023 perpétrés par le Hamas, plusieurs ONG palestiniennes récipiendaires de fonds publics européens font l'objet d'allégations d'incitation à la haine et à la violence. Ces faits choquants et d'une extrême gravité ont conduit la Commission européenne à annoncer, le 21 novembre 2023, "l'inclusion de clauses contractuelles de non-incitation à la haine et la violence dans tous les nouveaux contrats et la surveillance de leur application stricte à tout moment". En ce qui concerne les ONG soutenues par l'aide publique française, le cas du Palestinian Medical Relief Society (PMRS), partenaire d'un projet subventionné à hauteur de 865 000 euros par l'AFD pour la période 2021-2024, est le plus flagrant. En effet, le président du PMRS Mustafa Barghouti, décoré des insignes d'officier de la Légion d'honneur, a qualifié le pogrom antisémite du 7 octobre de "jour glorieux aux proportions historiques" et a nié à plusieurs reprises, sur les réseaux sociaux et les chaînes de télévision, les viols et mutilations commis contre les femmes le 7 octobre.
Les moyens engagés et que vous avez rappelés, madame la ministre déléguée, visant à s'assurer que l'argent des Français à destination de l'aide au développement ne finance pas l'islamisme, l'incitation à la haine et à la violence, la provocation à la haine raciale et l'antisémitisme, ne sont, selon toute vraisemblance, pas suffisants. Ma question est donc la suivante : que comptez-vous faire pour que cette assurance devienne effective ? (Mme Laetitia Saint-Paul et Mme Anne-Laure Petel applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
La France accorde évidemment un soin particulier au choix des projets de solidarité internationale qu'elle finance. Chaque contribution doit être pleinement conforme à notre législation et en cohérence avec les valeurs que nous défendons, en particulier notre engagement ferme dans la lutte contre l'antisémitisme – toutes les formes d'antisémitisme – et contre le terrorisme. Les autorités françaises veillent en particulier à ce que ces financements ne soient pas détournés de leur objet et de leur cible : il s'agit de promouvoir une culture de paix et la défense des droits de l'homme, une solution juste et durable au conflit israélo-palestinien dans le cadre du droit international.
Depuis 2018, le centre de crise et de soutien (CDCS) a appliqué une politique d'exigence renforcée à l'égard de ses partenaires, dans le cadre de ses opérations humanitaires. Ainsi a-t-il été établi une cartographie des ONG bénéficiaires de subventions, décidé un contrôle de l'utilisation des crédits publics par la réalisation d'évaluations et d'audits
ex post sur site et sur pièces, enfin sont menées des actions de sensibilisation et de formation de nos postes aux exigences de conformité, pour assurer localement le bon suivi des projets. Des mécanismes d'alerte des autorités ont également été créés, lorsque les ONG identifient un risque de financement du terrorisme.
Aussi, afin de se mettre en conformité avec les exigences des bailleurs institutionnels, y compris européens et internationaux, les ONG investissent-elles progressivement dans des systèmes de gestion du risque, qui tendent à diminuer le risque de financement du terrorisme auquel elles sont potentiellement exposées dans le cadre de leur activité, en particulier pour les plus importantes.
Mme la présidente
La parole est à Mme Laurence Robert-Dehault.
Mme Laurence Robert-Dehault (RN)
Ces dix dernières années, la France a octroyé 145,6 milliards d'euros d'aide bilatérale en faveur des pays dits en développement, majoritairement sous la forme de dons. Mais – et c'est étonnant – après l'Allemagne, la France est le plus gros contributeur de l'aide publique destinée à la Chine, avec près de 400 millions d'euros versés entre 2018 et 2020. La situation risque d'ailleurs de perdurer puisque la Chine ne devrait pas sortir de la liste des bénéficiaires de l'aide publique avant 2026 ou 2027. La France apporte donc son aide au développement de la Chine, deuxième puissance mondiale, ainsi que de l'Inde, cinquième puissance mondiale, la liste des pays admissibles au bénéfice de l'APD étant fixée par l'OCDE en fonction du PIB par habitant.
Nous ne sommes pas opposés à l'aide internationale, mais elle doit passer après l'aide nationale. Je pense à nos agriculteurs, dont beaucoup peinent à se verser un salaire. La France incarne à leurs yeux des normes, des contraintes et une forme d'abandon. Ils ne peuvent comprendre que la France se transforme en généreux donateur en faveur de pays plus riches qu'elle et séparés d'elle par un vaste continent. En outre, quand la France investit en Chine, c'est pour y construire des infrastructures, mais quand la Chine investit en France c'est pour y racheter nos infrastructures, nos édifices et nos entreprises. Quel est ici l'intérêt de la France, des entreprises françaises et des Français ?
En parallèle, la politique de développement que nous avons menée en Afrique, au lieu de renforcer nos liens avec nos partenaires africains, est perçue par eux, soit comme de la cupidité, soit comme de la charité malvenue. Des milliards d'euros versés par la France au continent africain n'ont pas permis d'éviter l'apparition de mouvements haineux à notre égard, ni au Niger, ni au Burkina Faso, ni au Mali, ni en Centrafrique. Madame la ministre déléguée, pouvez-vous nous expliquer quel est notre intérêt à persister dans une telle politique d'aide au développement, qui navigue en eaux troubles, les yeux fermés ?
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
J'avoue être un peu déstabilisée… J'ai été parlementaire et je comprends, bien évidemment, qu'on prépare ses questions avant d'arriver en séance : c'est sain et serein, respectueux du fonctionnement des institutions. Pourtant, force est de constater que votre question contient les mêmes propos que ceux tenus par la représentante de votre groupe lors de la première partie du débat. J'y ai donc déjà répondu : la France ne fait pas de dons à la Chine par le biais de l'AFD. Je veux bien le répéter inlassablement mais cela ne fera pas avancer le débat qui porte sur un sujet aussi important.
Mme Marine Hamelet et Mme Caroline Colombier
On a parlé d'aides !
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
Ensuite, vous évoquez, de façon générale, les fonds de l'AFD destinés à aider des pays qui en ont besoin, dans le cadre des valeurs que nous défendons en tant que Français, en particulier eu égard aux grands défis qui concernent notre pays mais également le monde, notamment le réchauffement climatique. Soyons très clairs : cet argent, nous ne le prenons pas à nos agriculteurs. En revanche, quand le Rassemblement national fait campagne contre l'Europe, il met en difficulté nos agriculteurs : c'est une réalité concrète.
Mme Marine Hamelet
Bien sûr, c'est nous qui les mettons en difficulté !
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
Enfin, vous dites que la Chine vient en France pour capter notre richesse et mettre la main sur nos entreprises. Travaillons effectivement à protéger la souveraineté économique et l'attractivité de nos entreprises. Reste qu'entre vos paroles et vos actes dans cet hémicycle, il existe un grand écart qui commence à se voir ! Il y a quelques semaines, alors que ma collègue Olivia Grégoire était sur les bancs des ministres, vous étiez main dans la main avec cette partie de l'hémicycle (Mme la ministre déléguée désigne la gauche de l'hémicycle), pour tenter d'adopter une proposition de loi qui aurait mis à mal la compétitivité et l'attractivité de nos entreprises, notamment des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME), en contrôlant leurs marges, et les aurait exposées ainsi à la concurrence mondiale. Je veux bien parler de tout, mais il faut travailler les sujets avec sérieux et en profondeur, et cesser le grand écart entre vos paroles et vos actes.
Mme la présidente
La parole est à Mme Stéphanie Galzy.
Mme Stéphanie Galzy (RN)
Le rapport d'information remis par la commission des affaires étrangères le 8 novembre 2023 sur les relations entre la France et l'Afrique fustige parfois le manque de respect perçu par les acteurs africains ainsi que l'existence d'un double standard qu'ils peuvent également dénoncer. Ne pensez-vous pas, madame la ministre déléguée – puisque vous remplacez le ministre, absent, dès le premier débat –, qu'impliquer plus encore les ambassadeurs dans l'attribution et la gestion de l'APD aurait pour bénéfice de faciliter leur travail et de mieux appréhender les aspects culturels, permettrait également de ménager la susceptibilité de ces pays quant à l'intention qu'ils dénoncent dans notre volonté d'exporter nos valeurs et notre modèle politique ?
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
Effectivement, il faut que nos ambassadeurs et nos ambassadrices soient investis plus encore dans la gestion et le contrôle des aides au développement.
M. Frédéric Mathieu
Il faut leur en donner les moyens !
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
Je parle au RN, et c'est la gauche qui me répond, ce qui produit un double écho assez étonnant. Il se passe vraiment des choses étonnantes dans cet hémicycle ! Donc, madame la députée, vous avez raison et nous agissons d'ailleurs en ce sens.
Mme la présidente
La parole est à Mme Élise Leboucher.
Mme Élise Leboucher (LFI-NUPES)
En ce moment même, affluent dans la petite station de Davos les jets privés de centaines de PDG soucieux de se ménager un siège auprès des chefs d'État et de gouvernement. Pendant ce temps, Oxfam nous alerte : alors que la fortune des milliardaires a augmenté de 3 300 milliards de dollars depuis 2020, près de 60 % de la planète s'est appauvrie ; au rythme actuel, il faudrait plus de deux siècles pour mettre fin à la pauvreté. Cette situation n'est même plus injuste, elle est indécente. Elle appelle un engagement renouvelé en faveur de la solidarité internationale, une action concrète pour réduire les inégalités, lutter contre la pauvreté et garantir l'accès pour toutes et tous aux droits fondamentaux.
Avec le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial, la France semblait afficher cet engagement, en défendant le souhait ambitieux de réformer l'architecture et le fonctionnement des grands fonds d'aides au développement internationaux. Pourtant, les dernières décisions prises au niveau national contredisent les belles déclarations faites sur la scène internationale. Cet été, lors d'un Cicid organisé en catimini et sans en informer le Parlement, le Gouvernement a remis en cause la trajectoire de l'APD, inscrite dans la loi de 2021, repoussant de cinq ans l'objectif d'allouer 0,7 % du RNB à l'APD et retirant ainsi 11 milliards d'euros à la solidarité internationale.
À l'automne, lors de l'examen du budget, ce fut pire. Pour la première fois depuis des années, le Gouvernement a présenté des crédits en stagnation. En tant que rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, j'ai alerté sur ce recul pour la solidarité internationale, qui s'apparente plus à une réduction des crédits compte tenu de l'inflation. La suite, vous la connaissez : malgré les nombreuses alertes des acteurs du développement et nos amendements visant à donner à la solidarité internationale les moyens qu'elle mérite, c'est un budget rabougri qui a été adopté par un énième 49.3.
Alors que nous devons renforcer les systèmes de santé mondiaux et nous préparer aux prochaines pandémies, les derniers documents budgétaires prévoient de réduire les engagements en matière de santé mondiale : un signal d'autant plus alarmant que nous ne consacrons que 8 % de notre APD à la santé quand 4,5 milliards de personnes ne peuvent toujours pas accéder aux services de soins essentiels. Madame la ministre déléguée, alors que les actions du Gouvernement ont jusqu'ici contredit ses déclarations, quelles seront ses ambitions pour prendre part à la lutte contre l'extrême pauvreté et les inégalités de santé ?
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
Vous m'interrogez sur la trajectoire de l'APD. Je rappelle simplement, comme je l'ai dit à la tribune, que depuis 2017 les moyens engagés au service de notre politique d'investissement solidaire et durable ont été substantiellement accrus. La France est ainsi passée d'un volume d'APD de près de 10 milliards d'euros en 2017, à plus de 15 milliards d'euros en 2022, faisant ainsi de notre pays le quatrième bailleur à l'échelle mondiale. Ces moyens supplémentaires, conformes aux ambitions du Président de la République depuis 2017 en matière de lutte contre les inégalités mondiales et pour la préservation des biens publics mondiaux, nous ont permis d'atteindre l'objectif intermédiaire de 0,55 % du RNB en 2022, respectant ainsi les dispositions de la loi de programmation du 4 août 2021.
Dans les années à venir, et malgré un contexte de forte pression sur nos finances publiques, les moyens consacrés à la solidarité internationale vont continuer à augmenter. À ce titre, l'ambition française d'atteindre 0,7 % du RNB a été réaffirmée par le Président de la République à l'occasion du conseil présidentiel du développement le 5 mai 2023, puis par les conclusions du Cicid du 18 juillet 2023.
M. Frédéric Mathieu
Sans le Parlement !
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
Cet horizon de 2030 reste cohérent avec l'ambition fixée avec l'ensemble de nos partenaires européens, et cohérent avec l'agenda 2030.
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont.
M. Pierre-Henri Dumont (LR)
Depuis les attaques terroristes perpétrées par le Hamas le 7 octobre dernier, le voile se lève sur le scandale du détournement massif de l'aide publique au développement octroyée par les pays occidentaux, dont la France, aide censée aider la Palestine et les Palestiniens mais qui finance, en réalité, le terrorisme islamiste.
Nous savions déjà que le Hamas utilisait les conduites d'adduction d'eau financées par l'Agence française de développement pour les transformer en corps de roquettes lancées depuis Gaza contre les civils israéliens. Nous savons désormais que des professeurs rémunérés par l'agence des Nations unies opérant en Palestine, l'Unrwa – Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient –, ont célébré les massacres du 7 octobre.
Nous avons également appris avec effroi qu'en plus d'abriter des caches d'armes du Hamas, les écoles et les collèges opérés par l'Unrwa sont des lieux où l'on enseigne aux enfants qu'un attentat à la bombe incendiaire contre un bus rempli de Juifs est "un barbecue de fête" et que les exercices sur lesquels les élèves travaillent glorifient le caractère divin et sacré de la lutte armée contre Israël.
Enfin, nous constatons que la France a financé, pour plusieurs centaines de milliers d'euros, de nombreux projets soutenus par l'UAWC – Union of Agricultural Work Committees –, organisation affiliée au Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), classé par l'Union européenne comme terroriste.
Pas un euro d'argent public, français ou européen, ne doit remplir les poches des dirigeants du Hamas ni financer le terrorisme, de façon directe ou indirecte. Il y a quelques semaines, alors qu'il était encore président du groupe macroniste au Parlement européen, le nouveau ministre de l'Europe et des affaires étrangères se réjouissait publiquement du triplement de l'aide financière à la Palestine, feignant d'ignorer que l'autorité palestinienne octroie aux familles des terroristes du Hamas tués ou emprisonnés depuis le 7 octobre des pensions mensuelles cinq à dix fois supérieures au salaire moyen.
Alors que quarante de nos compatriotes ont été massacrés par le Hamas, pouvez-vous nous assurer, madame la ministre déléguée, que pas un seul euro des contribuables français n'a financé, ne finance ou ne financera le terrorisme islamiste au Proche-Orient ? Pouvez-vous également nous préciser quels sont les moyens de contrôle appliqués par le Gouvernement concernant l'utilisation de l'aide publique au développement française octroyée à la Palestine ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
Je trouve blessant de devoir répondre à cette question qui me paraît indigne, compte tenu du pays dans lequel nous vivons et qui a, lui-même, été frappé par le terrorisme. Affirmer mot pour mot – et non pas simplement insinuer ou sous-entendre – que la France participe à financer des terroristes est abject.
M. Pierre-Henri Dumont
C'est un fait, madame !
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
Nous pouvons débattre de tout, à condition que ce soit dans la dignité et le respect de ce que nous sommes, c'est-à-dire des Françaises et des Français fiers de nos valeurs.
M. Pierre-Henri Dumont
Mais c'est un fait !
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
Aider implique aussi d'être en mesure de contrôler ; je vous rejoins sur ce point, auquel j'ai eu l'occasion de répondre précédemment. Je l'affirme : jamais aucun euro français ne financera le terrorisme ni des organisations qui se battent contre nos valeurs. Que vous prononciez cette phrase, tout juste digne d'un tweet ou d'un réseau social, n'est pas à la hauteur de nos débats dans cet hémicycle ni de notre pays.
M. Pierre-Henri Dumont
Vous pouvez le nier, mais c'est un fait !
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Blanchet.
M. Christophe Blanchet (Dem)
En ma qualité de président du Comité national anticontrefaçon (Cnac), je me suis rendu il y a deux mois en Côte d'Ivoire afin d'ouvrir, en partenariat avec l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi), un bureau de l'Union des fabricants (Unifab) à Abidjan. L'objectif est de mener une politique de prévention et de contrôle de la contrefaçon, qui nuit aux pays dans laquelle elle s'exerce ainsi qu'à la France – j'y reviendrai dans ma conclusion.
La contrefaçon représente en Côte d'Ivoire, comme dans de nombreux pays africains, un véritable fléau car elle concerne la fabrication de faux médicaments qui tuent – il n'y a pas d'autre mot – des citoyens africains, qui polluent et financent le crime organisé ainsi que les filières du terrorisme. C'est ce que nous avons dénoncé dans le rapport sur l'évaluation de la lutte contre la contrefaçon que nous avons publié il y a deux mois avec mon collègue Kévin Mauvieux.
Lorsque j'étais en Côte d'Ivoire, 500 000 faux médicaments avaient été saisis et entreposés – ce qui nécessite de la place. Toutefois, au bout de quinze jours, faute d'incinérateurs pour les détruire, la moitié de ces médicaments avaient disparu pour être réintégrés dans le circuit.
Je sais qu'il n'est pas possible de conditionner l'aide française au développement, toutefois, ne pourrions-nous pas favoriser un investissement solidaire, pour aider les pays qui s'engagent dans la lutte contre la contrefaçon, parce qu'elle les menace, à financer cette lutte ? Ce faisant, nous nous protégerions aussi puisque la France perd 15 milliards d'euros de recettes fiscales du fait de l'importation de produits contrefaits, qu'il s'agisse de faux médicaments, de cigarettes, de produits de luxe, de crèmes de beauté, de produits de soins ou encore de jeux ou de jouets. Protéger ces pays face à la contrefaçon, c'est aussi nous protéger et préserver notre économie. Car, en ne luttant pas plus efficacement contre elle, nous accompagnons, en quelque sorte, le système.
Il faut revenir à la source. Comment l'AFD pourrait-elle mener une politique d'information dans les pays d'Afrique, d'Asie ou autres, qui nous menacent en fabriquant des produits contrefaits et mettent en danger leurs populations ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
Vous avez raison. Permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour les travaux que vous avez menés et le rapport que vous avez publié sur la lutte contre la contrefaçon, qui représente non seulement un enjeu économique mais également un enjeu de santé publique.
Vous le savez, la conditionnalité de l'aide française au développement n'est pas possible ; on ne va pas se mentir, nous sommes ici pour parler sans totem ni tabou, mais dans le respect des règles et des valeurs qui sont les nôtres.
Je vous propose de travailler sur ce sujet, en tenant compte des cadres que je viens de rappeler et qu'il n'est pas question de remettre en cause. Nous devons néanmoins mener un travail plus approfondi et méticuleux en matière de lutte contre la contrefaçon. Comme vous le savez, je représente ce soir le ministre de l'Europe et des affaires étrangères à qui, je m'y engage, je ferai part de ce point, afin qu'il revienne vers vous dans les plus brefs délais.
Mme la présidente
La parole est à Mme Isabelle Santiago.
Mme Isabelle Santiago (SOC)
Entre mai 2023 et janvier 2024, l'agence NewsGuard notait une augmentation de 1 200 % des sites internet générés par l'intelligence artificielle et relayant des informations erronées ou volontairement fausses. En novembre 2023, la représentation permanente de la France à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) dénonçait l'ingérence numérique russe, l'accusant d'exploiter les crises internationales pour semer la confusion et créer des tensions dans le débat public et les États démocratiques.
Cette ingérence numérique est d'autant plus efficace et significative dans les pays dits en développement, dans lesquels l'instabilité est, par définition, plus grande et où la désinformation s'oppose frontalement aux efforts de coopération et de partenariat, de la France notamment.
De 2018 à 2023, le comité interministériel de la coopération internationale et du développement avait défini une liste de dix-huit pays prioritaires de l'aide française au développement. Parmi ceux-ci, cinq se sont abstenus ou ont voté contre les résolutions du retrait des troupes russes en Ukraine à l'ONU en 2022 et en 2023 ; d'autres, comme le Niger, ont entériné cet été un refus en bloc des échanges bilatéraux avec la France, souvent au profit de relations accrues avec des régimes autoritaires.
Comment expliquer que, depuis des années, la France n'ait pas redoublé d'efforts budgétaires pour soutenir ses pays partenaires, alors que la désinformation contribuait directement à l'érosion de l'influence française ? Quelle sera désormais notre stratégie d'influence et de choix dans l'aide au développement ? Nous savons que les populations en ont besoin pour répondre à des enjeux tels que le climat ou l'éducation, des jeunes filles en particulier, face à des systèmes qui participent à la désinformation. L'aide au développement est aussi victime de la guerre numérique menée grâce à l'intelligence artificielle contre les États.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
Vous avez raison, nous devons lutter contre la désinformation en France, en Europe et partout dans le monde, car elle constitue une menace pour nos démocraties et met en danger nos jeunes enfants qui sont souvent confrontés, seuls, à ces fléaux.
La France est bien sûr fortement mobilisée pour renforcer la résilience des États et des sociétés francophones face au désordre et au chaos de l'information. Elle apporte une réponse globale aux manipulations de l'information, grâce à la création de réseaux de médias et d'organisations de vérification de l'information, au développement de l'éducation aux médias, à la promotion d'une norme Journalism Trust initiative, au renforcement du dialogue avec les plateformes ou encore à l'aide aux journalistes en exil.
L'Agence française de développement médias, Canal France international (CFI) joue également un rôle majeur dans ce contexte. La France soutient aussi financièrement Reporters sans frontières, ainsi que le Forum sur l'information et la démocratie.
J'en profite pour saluer également la mobilisation de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), qui a pris l'initiative de créer une plateforme innovante en ligne, réunissant tous les acteurs concernés par la lutte contre la désinformation à l'échelle de la francophonie. À l'OIF, les États membres doivent poursuivre leurs efforts pour mutualiser les ressources et instaurer les systèmes d'alerte permettant une réponse rapide et coordonnée contre les fausses informations.
Nous nous sommes également engagés aux côtés de l'OIF à apporter un soutien financier important à l'IFPIM, le fonds international pour les médias d'intérêt public. Ce fonds a pour objectif d'aider les médias indépendants en difficulté, notamment les médias francophones, à construire un modèle économique soutenable. La décision du Fonds de s'installer à Paris montre également l'engagement de notre pays sur ce point.
Nous devons non seulement avancer pour eux, mais aussi chez nous car ce qui participe à la désinformation en France traverse malheureusement très rapidement les frontières du numérique pour gangrener au-delà. Cela permettra aussi, dans le cadre de nos institutions, de débattre davantage sur le fond.
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Taché.
M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES)
Je vous remercie, madame la ministre déléguée, d'avoir rétabli l'honneur de la France à l'instant, face à la propagande de notre collègue Pierre-Henri Dumont, même si cela ne suffira pas.
Les massacres en cours à Gaza nécessitent une augmentation immédiate de l'aide française au développement envers la Palestine. Depuis le 7 octobre et les attaques terroristes du Hamas, que je condamne fermement, Israël a décidé de punir l'ensemble du peuple palestinien et détruit les infrastructures vitales déjà précaires dans ce territoire, laissant des milliers de civils sans accès aux soins, à l'éducation ou à des conditions de vie dignes.
Gaza, où les bombardements incessants ont déjà fait au cours des cent derniers jours plus de 20 000 morts, dont 5 000 enfants, est aujourd'hui confrontée à une crise humanitaire sans précédent. Les Nations unies rapportent que plus de 80 % des personnes qui y habitent dépendent de l'aide humanitaire pour survivre. Face à cette urgence, nous devons agir concrètement. Si la première livraison par voie aérienne effectuée par la France est une bonne nouvelle, cela reste insuffisant.
Pouvez-vous nous exposer, madame la ministre déléguée, le plan d'action prévu pour aider les populations à Gaza et pour lutter contre les blocages israéliens ? La France envisage-t-elle des sanctions contre le gouvernement de Netanyahu et va-t-elle s'associer à la plainte déposée par l'Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice pour violation de la convention sur le génocide ?
Tout comme à Gaza, les pays du Sahel, en particulier le Mali, le Burkina Faso et le Niger, subissent de plein fouet les conséquences de décisions politiques concernant l'aide internationale. Vous nous avez expliqué que les versements avaient été interrompus pour ne pas financer les régimes ; toutefois, ce sont les peuples qui sont punis pour les actes de leurs dirigeants et le développement des pays concernés en est directement affecté. Selon l'indice de développement humain, le Mali est classé au 186e rang, le Burkina Faso au 184e et le Niger au 189e.
Le Gouvernement compte-t-il revenir sur cette décision aussi inefficace qu'injuste ? À défaut, les populations francophones de ces pays, qui ont connu l'horreur de la colonisation mais restaient pourtant francophiles, risquent de devenir francophobes.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
J'ai déjà répondu sur le sujet de l'aide à Gaza et aux Gazaouis, et vous me permettrez de ne pas répéter ce qui a été dit et que vous avez dû entendre.
M. Aurélien Taché
Je n'appelle pas cela y avoir répondu.
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
En revanche, je vous répondrai concernant la suspension de l'aide publique au développement au Mali et au Niger, sujet qui n'a pas encore été évoqué. À la suite du putsch survenu en juillet dernier à Niamey et du soutien affiché par la junte burkinabè, nous avons été contraints de suspendre notre aide au développement au Niger et au Burkina Faso. Au Mali, nous avions prévu de mettre fin à l'APD, mais ce sont les putschistes qui ont décidé de la fin de l'aide humanitaire, décision que nous avons publiquement regrettée.
La France est et restera de loin le premier bailleur bilatéral au Sahel : elle a octroyé 415 millions d'euros d'APD en 2022. Ceux qui nous reprochent de suspendre certaines aides et certains financements font souvent beaucoup moins.
Permettez-moi d'ajouter que cette décision difficile a été prise dans des conditions très spécifiques, que vous connaissez et que vous avez d'ailleurs rappelées : d'abord, dans un contexte de déchaînement de violences et d'hostilités contre les autorités légitimes – je pense notamment au président Bazoum qui est toujours retenu en otage – mais aussi contre la France, notre ambassade et nos ressortissants.
Ensuite, nous étions dans une stratégie de pression maximale à court terme, afin de mettre en échec la tentative de coup d'État. La quasi-totalité des bailleurs a pris des mesures similaires.
Enfin, nous venions en soutien aux décisions de sanctions prises par ailleurs. Je rappelle que l'on dénonce parfois la suspension de l'aide en oubliant les mesures infiniment plus strictes décidées par les gouvernements africains eux-mêmes, notamment la suspension des livraisons d'électricité ou l'arrêt des transferts financiers.
Je vous garantis que nous continuons à soutenir les populations : partout, nous différencions les régimes politiques des populations. Il n'est pas question d'appliquer des punitions – je ne me souviens plus du terme que vous avez employé – à l'encontre des populations civiles, mais d'être justes et pragmatiques par rapport au contexte qui évolue très vite dans certaines zones.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Victor Castor.
M. Jean-Victor Castor (GDR-NUPES)
L'aide publique au développement n'a de sens que si la France la considère comme ce qu'elle est : une réparation du pillage des ressources des États aidés. En ce sens, ces aides ne peuvent être que des dons. Il ne peut en être autrement : à défaut, les rapports entre les nations resteront des rapports néocoloniaux. Mais l'aide au développement, même sous la forme de dons, n'a pas vocation à durer. En effet, l'objectif est que les États qui en ont besoin parviennent peu à peu à s'en affranchir.
Pour que les États concernés puissent se passer de l'aide, il faut que l'Occident cesse de participer à la spéculation sur les ressources de ces pays. Il faut cesser de favoriser la mono-industrie et la monoculture dans ces pays pour avantager, égoïstement vos économies et vos besoins. Il faut cesser de soutenir – voire de participer à – l'installation de gouvernements fantoches. La France doit tendre vers une politique d'aide publique sincère, qui favorise un réel développement.
Peut-on parler d'une politique sincère quand le franc CFA est, encore aujourd'hui, imposé par la France à des États souverains ? Cette aide n'est pas sincère si, parallèlement, les politiques économiques et militaires menées par la France entravent la pleine souveraineté de ces États.
Le débat d'aujourd'hui devrait être celui d'une révolution de pensée : quand l'Occident arrêtera d'organiser le sous-développement de ces pays, l'aide publique au développement ne sera plus nécessaire et des questions comme celle de l'immigration – qui fait frémir beaucoup d'entre vous – deviendront secondaires.
Mais nous ne sommes pas dupes. Telle n'est pas la politique menée par la France. Les gouvernements néolibéraux préfèrent se donner bonne conscience et débattre du montant des aides qu'ils prêteront, car ils ont bien plus à y gagner, et la politique d'aide internationale n'est qu'une illusion. Mais les illusions ne durent qu'un temps, et il ne faut donc pas être surpris du réveil des peuples concernés.
La politique française d'aide au développement en Afrique compte-t-elle enfin sortir du néolibéralisme et du néocolonialisme ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
J'ai essayé de prendre en note l'intégralité de votre propos. J'ai été heurtée par quelques termes que j'attribue aux effets de l'émotion – une émotion tout à fait légitime et que j'entends. Avec tout le respect que je vous dois, il est assez étonnant d'affirmer, au sujet de l'aide publique au développement, dont la France est le quatrième bailleur mondial, que nous menons une politique tendant à favoriser le sous-développement des pays que nous aidons. Non ! Si nous contribuons en permanence à augmenter les aides à destination des pays en développement, c'est bien justement pour qu'ils sortent eux-mêmes de ce sous-développement, pour qu'ils puissent s'affranchir et se développer, notamment grâce à des programmes spécifiques, par exemple dans le domaine de l'agriculture.
Ensuite, vous avez mentionné la question de l'immigration. Pardonnez-moi, je ne vois pas quel est le rapport avec le débat. Étant moi-même fille d'immigrés, je n'ai pas le sentiment d'être un problème ni d'être l'objet de la discussion. Nous devons pouvoir scinder les sujets et les regarder dans leur globalité. Mais attention à ne pas dire n'importe quoi au sujet de l'aide au développement française, si importante pour permettre à certains pays de surmonter leurs difficultés, dans le contexte mondial que nous traversons. Nous risquons de perdre de vue le fond et l'étendue des sujets…
M. Jean-Victor Castor
La politique d'aide au développement s'inscrit dans une politique générale. Que faites-vous du franc CFA ?
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
D'où l'importance, je pense, d'avoir un débat de fond en employant les termes précis pour ne pas générer ici des discussions sans lien avec le sujet de l'aide au développement. Étant moi-même originaire du continent africain, je peux le dire : cette aide est importante et elle et est appréciée.
M. Jean-Victor Castor
Tout est lié, madame la ministre, il faut abandonner le franc CFA !
Mme la présidente
La parole est à Mme Estelle Youssouffa.
Mme Estelle Youssouffa (LIOT)
Je veux aborder avec vous, madame la ministre déléguée, la question de l'aide au développement des Comores, qui concerne directement Mayotte du fait de son voisinage immédiat et des enjeux migratoires.
En 2019, l'accord-cadre entre la France et les Comores a octroyé à ce pays 150 millions d'euros d'aides sur trois ans. Le contribuable français avait précédemment consenti 150 millions d'aides sur dix ans pour le développement des Comores, ce qui n'a eu aucun impact, puisque ce pays se trouve toujours dans une situation de grande pauvreté.
Cette aide était conditionnée à la lutte contre l'immigration clandestine, là encore, sans aucun effet : l'immigration comorienne à Mayotte augmente constamment depuis plus de dix ans. Le rapport de la Cour des comptes "La politique de lutte contre l'immigration irrégulière", publié le 4 janvier 2024, signale que le principe de conditionnalité de l'aide "n'a jamais été mis en œuvre en France. Ainsi, en 2020, les Comores ont unilatéralement interrompu les éloignements pendant six mois, alors même que le plan de développement France-Comores de 2019, doté de 150 millions, prévoyait en contrepartie le maintien des éloignements depuis Mayotte. Les versements de cette aide publique n'ont pas cessé pour autant."
Je rappelle que l'an dernier, les Comores, pour protester contre l'opération Wambushu, ont de nouveau bloqué le retour de leurs ressortissants en situation irrégulière. Moroni exerce un chantage migratoire pour déstabiliser Mayotte, de manière pleinement assumée. Faut-il que nos impôts financent ce chantage ? Quand la France tirera-t-elle les conclusions de l'inefficacité de sa politique d'aide aux Comores et la remettra-t-elle en question ?
Quel est, madame la ministre déléguée, le montant de l'aide actuellement versée aux Comores, et quelles sont les perspectives financières de cette aide ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
Je vous remercie madame la députée pour votre question et pour votre engagement – je tenais à le dire parce qu'il est important de temps en temps de dire tout haut ce que nous pensons tous tout bas.
En 2019, après une période de tensions entre la France et les Comores, le Gouvernement a mis en place un système pour lutter contre l'immigration clandestine vers Mayotte : une opération de reconduite par jour, qui permet de reconduire 25 000 clandestins par an. Il a également institué un appui à la lutte contre les départs de kwassa-kwassa au large d'Anjouan et instauré un grand plan de développement des Comores visant à lutter contre les causes profondes de départ et de migration. Celles-ci sont importantes également à avoir en tête, sinon, nous parlerons toujours des mêmes sujets sans jamais trouver de solutions stables et pérennes.
Ce grand plan de développement d'un montant de 150 millions d'euros, mis en œuvre par l'AFD, cible en particulier l'île d'Anjouan d'où sont issus la majorité des clandestins vers Mayotte. Il cible les secteurs à même de dissuader l'émigration : il s'agit de construire des écoles, des hôpitaux, d'améliorer le système de santé et de renforcer les filières économiques qui emploient de nombreux jeunes, notamment dans l'agriculture. Un fort accent est mis également sur la formation professionnelle.
Pour éviter tout risque de détournement de l'aide, l'AFD s'appuie sur des procédures très strictes, comme c'est la règle pour l'aide au développement partout ailleurs dans le monde. C'est pourquoi la mise en œuvre des projets prend parfois du temps. Mais ce sont des projets de qualité, décidés et mis en œuvre avec les bénéficiaires comoriens afin de garantir l'efficacité de l'aide, son appropriation et sa pérennité.
Mme la présidente
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard (NI)
L'Union européenne est le premier soutien financier des Palestiniens. Elle a déjà distribué 50 % de l'enveloppe de 1,2 milliard d'euros visant à assurer le développement de la Palestine entre 2021 et 2024. Une nouvelle enveloppe de 691 millions d'euros devrait être débloquée en 2024.
Comment être certains qu'une partie de cet argent public n'a pas été détournée par des organisations terroristes – le Hamas, pour ne pas le nommer. Où va l'argent ? Après avoir annoncé la fin de l'aide allouée aux Palestiniens, le lundi 9 octobre 2023, la Commission européenne a rétropédalé et annoncé qu'elle allait effectuer des vérifications pour voir où allait l'argent. Les gouvernements autrichien et allemand, quant à eux, ont annoncé l'arrêt provisoire de leurs aides au développement en attendant le traçage des fonds.
Ce n'est pas le cas de la France. En 2022, Paris a alloué 95 millions d'argent public aux Palestiniens. Une partie de ces 95 millions a été versée à la population palestinienne de Gaza par le biais de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient. Par la voix de l'ancienne Première ministre Élisabeth Borne, le Gouvernement français a affirmé être très attentif à ce qu'aucun euro d'aide française n'aille à une organisation terroriste. Or on se souvient des accusations portées contre l'agence onusienne et les manuels scolaires qu'elle distribue aux enfants palestiniens, qui contiendraient des incitations à la violence et à la haine envers les juifs.
Autre interrogation : avec quel argent le Hamas a-t-il bien pu construire tant de kilomètres de tunnels ? Avez-vous pu vérifier où allaient véritablement l'argent français et l'argent européen ? Pouvez-vous nous assurer qu'aucun euro n'est en réalité redistribué au Hamas, organisme terroriste islamiste ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée
Cette question a été soulevée à plusieurs reprises au long de ce débat, depuis plus d'une heure et demie. Je n'entrerai pas dans le détail de toutes les réponses apportées, puisque vous avez pu les entendre.
Je vous remercie néanmoins pour cette interpellation tout à fait légitime. Comme je l'ai répété tout à l'heure à votre collègue du groupe LR, il est évident que l'État ne finance et ne financera pas de quelque manière que ce soit des actions terroristes, au vu de nos valeurs et de notre histoire ; la France a elle-même été frappée par ce drame, et le Gouvernement continue à s'engager pour combattre les actions terroristes partout où elles se trouvent – vous avez adopté des lois en la matière.
Cela ne doit toutefois pas nous empêcher de continuer à aider les populations qui en ont besoin. Je ne fais évidemment pas référence aux terroristes, mais aux populations gazaouies. Pour cela, nous devons avoir un contrôle efficace et précis des fonds qui sont apportés. Voilà ce que j'ai rappelé tout à l'heure dans mon propos liminaire en discussion générale et dans mes réponses aux questions posées par plusieurs de vos collègues sur différents bancs de cet hémicycle.
Je me tiens à votre disposition comme l'ensemble du cabinet du ministre de l'Europe et des affaires étrangères pour davantage de détails, si vous voyiez des éléments particuliers sur lesquels préciser notre contrôle.
Mme la présidente
Le débat est clos.
Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 18 janvier 2024