Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bonjour à toutes et à tous. Les Français veulent savoir, parlons vrai ce matin avec Aurore BERGE qui est ministre déléguée chargée de l'Egalité entre les hommes et les femmes et de la lutte contre les discriminations. Aurore BERGE, bonjour.
AURORE BERGE
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vous ai vue hier soir à la conférence de presse du président de la République, Aurore BERGE. Je ne vais pas commenter les propos du président de la République, ce qui m'intéresse ce sont les faits, les actes. Qu'allez-vous faire au pouvoir pendant trois ans et demi. C'était l'objet de cette conférence de presse. Quels sont vos engagements ? Je vais commencer avec le congé de naissance. La natalité baisse, nous avons eu les chiffres hier. Le congé parental sera remplacé par le congé naissance, vous avez porté cette mesure. Il s'agit d'un réarmement démographique, il faut absolument relancer la natalité dans ce pays. Alors est-ce que ce congé de naissance remplacera le congé parental ?
AURORE BERGE
Oui, ç'a été annoncé par le président de la République. Moi je suis très fière de cette mesure. Je l'ai portée parce que je crois que c'est un progrès formidable à la fois pour les familles, pour les parents, pour l'égalité entre les femmes et les hommes évidemment, le partage des responsabilités et des rôles, pour garantir que les deux parents puissent être impliqués dans la vie de leurs enfants, et puis c'est bon aussi pour nos enfants. L'idée c'est de laisser plus de liberté, plus de choix. Personne ne sera obligé évidemment de s'arrêter s'il ne le souhaite pas. Il ne faut pas culpabiliser non plus les hommes ou les femmes qui ne veulent pas s'arrêter après une naissance, mais c'est donner la possibilité d'avoir plus de temps auprès d'un enfant.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc un couple pourra s'arrêter six mois, homme et femme.
AURORE BERGE
Exactement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Six mois payés combien ?
AURORE BERGE
Alors quand vous cumulez en fait congé paternité et maternité, et que vous ajoutez ce nouveau congé qui sera créé, ça fait à peu près en effet six mois par parent qui pourra être pris.
JEAN-JACQUES BOURDIN
En même temps ?
AURORE BERGE
Oui, c'est au libre choix en fait. L'objectif, c'est de laisser le plus de liberté possible aux hommes et aux femmes. Et donc soit ils pourront le prendre ensemble, c'est-à-dire être ensemble auprès de leur enfant. C'est aussi permettre que le père s'implique dès le plus jeune âge et soit auprès de sa compagne, parce qu'il y a aussi des sujets qui existent sur la question de la santé des femmes, la question du post-partum par exemple qui peut apparaître plusieurs semaines, plusieurs mois après. Ou alors ça peut être successivement. L'objectif, c'est tout simplement… On le voit bien, les parents ont changé, les familles ont changé et on a besoin de créer des libertés. On a besoin en fait de porter des progrès nouveaux dans ce pays.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais plus court que le congé parental ; mieux rémunéré que le congé parental ? Le congé parental, c'est 429 euros je crois.
AURORE BERGE
Au plus, au plus. Mais surtout ça ne marche pas. Il y a eu une réforme sous François HOLLANDE du congé parental qui est dit : on va obliger à un partage du congé parental entre père et mère. Résultat, ç'a été divisé par dix. Le nombre de recours, le taux de recours au congé parental, le nombre d'hommes ou de femmes qui s'arrêtent a été divisé par dix depuis cette réforme donc ça ne marche pas. Quand on oblige, ça ne marche pas. Quand on veut promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes, il faut laisser plus de choix et offrir plus de droits en fait aux parents. Et surtout, ç'a un effet assez pervers : c'est que vous éloignez aussi un peu durablement les femmes potentiellement du marché du travail. Moi ma profonde conviction, c'est qu'il faut laisser le choix. Il ne faut pas obliger, il ne faut pas que ce soit une contrainte si vous voulez. On ne peut pas avoir des femmes qui disent : écoutez, j'aurais aimé m'arrêter, je n'ai pas pu parce que ce n'était pas assez indemnisé, parce que 429 euros maximum. Et à l'inverse, on ne peut pas avoir des femmes qui disent : moi j'aurais aimé m'arrêter juste quelques semaines et ensuite reprendre mon activité professionnelle, mais je n'ai pas eu de mode de garde donc je n'ai pas eu d'autre choix que de m'arrêter. Donc c'est contre ça qu'il faut lutter, garantir d'avoir des modes de garde qui soient efficaces et garantir d'avoir des progrès supplémentaires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, parce qu'à partir de six mois, comment faire avec les enfants à partir de six mois. Donc évidemment, trouver systématiquement une place en crèche.
AURORE BERGE
Place en crèche, assistante maternelle, il y a plein de solutions évidemment qui existent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, des solutions de garde. Une solution de garde, Aurore BERGE.
AURORE BERGE
C'est l'engagement qui a été pris.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais rémunéré combien ?
AURORE BERGE
C'est ça qu'on est en train de déterminer. Evidemment, bien au-delà des 429 euros. L'objectif, c'est que ce soit proportionné au salaire. Alors évidemment, ce ne sera pas maintien à 100 % de votre salaire pour des raisons évidentes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça peut être quoi ? 80 % du salaire ?
AURORE BERGE
On est en train de le déterminer. Moi, j'avais lancé tout le travail avec les partenaires sociaux aussi pour les concerter, parce que l'idée c'est que ce soit l'État qui prenne sa part.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous pensez qu'il faut que ça soit rémunéré combien pour que ça soit bien suivi ?
AURORE BERGE
Là tout de suite, je ne pourrais pas vous dire, parce qu'on va encore réunir les partenaires sociaux sur le sujet.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais au-delà des 429 euros.
AURORE BERGE
On ira bien au-delà des 429 euros maximum – maximum – qui étaient accordés aux parents chaque mois. Parce que sinon, encore une fois, ça veut dire que les classes moyennes, elles ne peuvent pas. Quand vous gagnez 2 000 ou 3 000 euros par mois, que vous venez d'avoir un enfant, ça coûte cher tout simplement d'avoir un bébé qui vient de naître. C'est un bouleversement dans vos vies. Si on vous dit : vous avez le droit de vous arrêter mais c'est 429 euros par mois, en fait vous ne pouvez pas. Et donc ça veut dire que ce congé, c'est un congé qui malheureusement prenait le risque d'être réservé soit à ceux qui avaient énormément d'épargne et de moyens, soit à ceux qui avaient très peu d'écart avec leur niveau de revenus. En clair, ça pénalisait les classes moyennes. Donc l'idée c'est qu'on crée un progrès nouveau, on offre un droit nouveau aux parents et on favorise l'égalité entre les femmes et les hommes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Aurore BERGE, la natalité baisse. Certains, et notamment le Rassemblement national, proposent un ministère de la Famille. Il y aura un Ministère de la Famille, un ministre délégué à la Famille ?
AURORE BERGE
La question des familles de toute façon, je l'ai portée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est transversal.
AURORE BERGE
C'est transverse et c'est évidemment à la fois l'enjeu de l'égalité entre les femmes et les hommes. C'est un enjeu évidemment de politique familiale, c'est un enjeu de solidarité. C'est aussi à Bercy parce que c'est concrètement la politique économique que vous menez pour garantir d'être en soutien évidemment, toutes les familles, c'est la parentalité dans le monde professionnel. Bref, ça doit être partout et ça doit être un engagement très fort. Il ne vous a pas échappé que le mot famille est revenu très souvent hier dans l'intervention du président de la République.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, très souvent.
AURORE BERGE
Donc c'est au cœur de ses préoccupations.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Très, très souvent et ça me fait plaisir que vous le souligniez parce que j'ai écouté attentivement le président de la République hier soir et j'ai retenu une chose. Pour moi, sa principale promesse : nos enfants vivront mieux demain ; c'est pour moi sa principale promesse. Alors je vais m'appuyer sur cette promesse, nos enfants vivront mieux demain. Comment ? D'abord si la France reste la France. C'est ce qu'a dit hier soir Emmanuel MACRON. À propos de l'école. Cérémonie de remise des diplômes dans chaque collège et lycée, généralisation de la tenue unique à l'école à partir de 2026. Vous m'arrêtez si je dis des bêtises.
AURORE BERGE
Non, non.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous confirmez tout cela. Cours de théâtre obligatoire au collège à la rentrée ; éducation civique, enseignement renforcé dès la 5e ; apprentissage de La Marseillaise en primaire, c'est-à-dire apprentissage de La Marseillaise ? C'est-à-dire qu'on va chanter La Marseillaise en primaire ?
AURORE BERGE
On va apprendre l'origine parce qu'avant de la chanter, il faut comprendre les mots qu'on prononce.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, apprendre les mots et les comprendre.
AURORE BERGE
Comprendre le sens historique que ça veut dire évidemment. Et puis c'est surtout, encore une fois c'est ce qu'il a dit, recréer des rites, recréer des rituels. Que l'école recrée des rites pour garantir que tous nos enfants passent tout simplement par l'école de la République. Et donc que cette école de la République, elle garantisse, elle ait la même promesse en fait pour tous nos enfants. Moi, je suis en charge de la lutte contre les discriminations. Si on veut à un moment sortir de ce sujet des discriminations, évidemment l'école c'est le cœur de la bataille qu'on doit mener pour garantir que chacun, quelle que soit son origine sociale, quelle que soit son adresse, que vous soyez dans l'hyper ruralité, que vous soyez dans un quartier prioritaire de la ville, que vous soyez en Outre-mer, en Hexagone, à un moment ait encore une fois la même promesse républicaine. Donc c'est à la fois la transmission des savoirs fondamentaux bien sûr, mais c'est aussi dans les savoirs fondamentaux ce qu'ait notre République, ce qu'ait notre histoire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que nos enfants vivront mieux demain s'ils vont dans une école privée ?
AURORE BERGE
Mais c'est un libre choix des parents. Moi, j'ai fait les deux. Comme le président de la République, il l'a dit hier, j'ai été et à l'école publique et à l'école privée, c'est un libre choix des parents. Et moi, je ne veux pas qu'on rouvre… Certains ont tenté de rouvrir la guerre avec l'école privée ; en général ça s'est mal fini et les Français leur ont dit stop assez vite et sont allés manifester. Donc moi, je pense qu'il ne faut pas rouvrir ce sujet. Il faut encore une fois quand on parle de progrès, quand on parle de liberté, laisser le libre choix aux parents. Après, il faut que la République et l'État soient évidemment extrêmement exigeants. À partir du moment où l'État finance, où les Français financent l'école privée quand elle est sous contrat, alors de manière évidente il y a des règles qui sont posées, qui doivent être respectées, il y a des inspections qui sont réalisées. Évidemment, les écoles privées sous contrat doivent s'y conformer très strictement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Doivent s'y conformer très strictement. Je vais revenir sur le cas de Stanislas, puisque le rapport de l'Inspection générale de l'Éducation nationale rendu à Gabriel ATTAL l'été dernier a été révélé par Mediapart. Je vais y revenir mais auparavant, 15 % seulement des enseignants remplacés lors d'absences de courte durée dans le public. 15 % seulement.
AURORE BERGE
C'est un enjeu majeur.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors que dans le privé, les enseignants sont remplacés beaucoup plus rapidement.
AURORE BERGE
L'enjeu majeur, c'est ce que le président de la République a porté avec le pacte justement pour l'école, c'est l'enjeu d'attractivité des métiers pour garantir qu'on ait plus d'hommes et de femmes qui aient envie de s'engager dans ces métiers, parce que ce sont des métiers qui ont évidemment du sens.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc on revoit la formation.
AURORE BERGE
Il n'y a pas de République que vous pouvez bâtir si vous n'avez pas une école qui est solide, tout simplement. Et donc pour que l'école soit solide, vous avez besoin d'enseignants. D'enseignants qui soient mieux rémunérés – c'est ce qu'on fait – mieux reconnus, mieux valorisés dans la société, mieux respectés aussi y compris des parents. Parce qu'on voit aussi de plus en plus de conflictualité à l'école, y compris quand les parents contestent l'autorité qui est portée par les enseignants. Tout le monde dit qu'il y avait besoin d'autorité dans notre pays, je suis la première à le dire. L'autorité évidemment dans les familles, l'autorité dans la rue, l'autorité à l'école, il faut aussi que l'autorité de l'enseignant et les savoirs délivrés par les enseignants soient respectés.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors on attend du concret parce que Gabriel ATTAL avait parlé d'un enseignant devant chaque élève, c'était à la rentrée, ce qui n'est pas le cas encore une fois lorsqu'il y a des absences – les absences de courte durée, je précise. Nous verrons. Là encore, j'attends des actes, je ne suis pas dans le commentaire, nous verrons les actes. Le collège, plus que collège, école-collège-lycée Stanislas. Faut-il mettre fin au conventionnement de cet établissement ?
AURORE BERGE
Déjà, ce n'est pas à moi de me prononcer sur le sujet.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, ce n'est pas à vous.
AURORE BERGE
Mais je comprends. Moi je n'ai pas eu le rapport de l'inspection, j'ai lu.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors lisez-le, le rapport.
AURORE BERGE
J'ai lu l'article qui est paru dans la presse. Il y a évidemment des choses qui ne me conviennent pas pour des raisons évidentes. Je suis en charge de l'Egalité entre les femmes et les hommes, lutte contre les discriminations, lutte contre l'homophobie, donc évidemment il y a des choses qui ne me conviennent pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pardon, je résume pour ceux qui ne sauraient pas. Cours d'enseignement catholique obligatoire, c'est non conforme à la loi.
AURORE BERGE
Mais c'est pour ça qu'il y a des inspections en fait et que notre pays fonctionne avec des inspections, et ensuite ça veut dire que ça doit être tenu.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Propos homophobes, anti-avortement, promotion des thérapies de conversion, propos anti-IVG. Un catéchiste aurait parlé d'interdiction de relations sexuelles avant le mariage. Je n'en rajoute pas.
AURORE BERGE
Je ne suis pas en charge, vous le savez, de ce sujet donc ce n'est pas à moi de dire s'il faut conventionner ou pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je suis d'accord, Aurore BERGE, mais ce qui me gêne…
AURORE BERGE
Moi ce que je dis, c'est que la République, elle doit être très claire ; Il y a une inspection qui a été menée par les plus hautes autorités de l'Éducation Nationale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et le rapport était sur le bureau du ministre de l'Éducation nationale dès cet été.
AURORE BERGE
Le rapport, je crois qu'il fait des préconisations très claires qui doivent donc être suivies d'effet, point barre. Donc la seule nécessité aujourd'hui, c'est que cet établissement comme tous les établissements de France se conforme à ses obligations. Et rassurez-vous, les inspections sont très solides, sont très bien organisées entre pays et donc vont aller vérifier. En plus je crois que, vous comme d'autres, vous allez aller vérifier sinon dans un mois, dans deux mois, dans six mois comment les choses se passent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, nous ferons notre boulot.
AURORE BERGE
L'établissement a été largement commenté, il y en a bien d'autres dans notre pays, donc ça veut dire tout simplement qu'encore une fois, les préconisations doivent être mises en place. En tout cas moi, en tant que ministre en charge de lutte contre les discriminations, je n'accepterai jamais que des établissements scolaires, que des services publics En vérité, quels que soient les types de services publics, puissent être des lieux d'accueil de paroles homophobes, de paroles dégradantes pour nos enfants et nos filles parce que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si c'est le cas, faut-il mettre fin au conventionnement de cet établissement ?
AURORE BERGE
Encore une fois, si c'est le cas il y a des préconisations très claires qui doivent être suivies, point barre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc on met fin au conventionnement.
AURORE BERGE
Non. Ils doivent se conformer aux demandes qui ont été faites par les inspecteurs qui sont indépendants, qui sont qualifiés pour ça. Moi, je ne sais pas inspecter un établissement, vous non plus. Ce n'est pas notre rôle, ce n'est pas notre fonction, c'est un métier. Donc les inspecteurs y sont allés, ils ont relevé ce qu'ils notent comme étant des dysfonctionnements par rapport à la manière avec laquelle ce type d'établissement doit fonctionner, donc maintenant ils doivent s'y conformer comme tous les établissements de notre pays.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors nos enfants vivront mieux demain, mais comment est-ce que nos enfants vivront mieux demain dans cette France de l'angle mort ? Je reprends une expression du président de la République "cette France de l'angle mort". Comment faire pour que le travail paie mieux ? Parce que c'est l'un des vastes problèmes : les classes moyennes travaillent, souvent gagnent correctement leur vie mais à la fin du mois, ces hommes et ces femmes s'aperçoivent que finalement, se demandent finalement pourquoi ils ont travaillé.
AURORE BERGE
Je pense que c'est l'une des plus grandes injustices. En tout cas, c'est ce qui est ressenti comme l'une plus grandes injustices de dire : je bosse mais finalement, est-ce que si je ne travaillais pas, je n'aurais pas une vie plus facile ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Exactement.
AURORE BERGE
Déjà, je pense que personne n'est au chômage de gaieté de cœur, donc il faut toujours faire très attention à ce qu'on dit sur ces sujets-là et qu'en général, les gens se battent évidemment pour pouvoir retrouver une activité professionnelle. J'appartiens à une génération qui pensait d'ailleurs que le chômage de masse était son avenir, et on a vu que c'était l'inverse et qu'on pouvait sortir durablement du chômage de masse. Ça veut dire qu'on peut avoir un avenir professionnel dans notre pays, qu'on peut avoir de la mobilité professionnelle, qu'on peut progresser. Ce qu'il faut, c'est non seulement qu'on puisse progresser mais qu'on puisse progresser socialement, salarialement de manière évidente, que les inégalités aussi de revenus entre les femmes et les hommes soient réellement corrigées. Là-dessus, on a un travail majeur à conduire que j'entends évidemment mener. Il y a ce qu'on fait avec la prime d'activité, on l'a largement revalorisée. La prime d'activité, c'était quoi ? C'était exactement ça, c'était de dire : il faut qu'il y ait un gain à reprendre une activité professionnelle, parce que parfois ça peut même avoir un coût de reprendre une activité professionnelle, donc c'est ça qu'on fait. Mais il faut aussi envoyer ce signal à nos entreprises, l'enjeu c'est aussi que ce soient nos entreprises, parce que c'est elles qui sont en première ligne pour rémunérer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que je pense à une femme ou un homme qui gagne 2 000, 2 500 euros, 3 000 euros nets. Ce sont ces Français-là, ces Français-là qui ne voient pas le bout du tunnel. Ce sont ces Français-là qui souffrent le plus.
AURORE BERGE
Ces Français-là, ils ont vu leur taxe d'habitation être supprimée, ils ont vu leur impôt sur le revenu être diminué, ils ont vu souvent leur prime d'activité être augmentée, ils ont vu la revalorisation aussi d'un certain nombre d'allocations dont ils bénéficient. Les allocations familiales par exemple qui ont été revalorisées, vous savez bien que ce n'est pas plafonné. On n'empêche pas un certain nombre de Français de bénéficier de ce soutien à nos familles, donc ils ont aussi vu cela. Et je crois que ce sont aussi des mesures qui ont été extrêmement importantes en termes de pouvoir d'achat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ils voient aussi l'inflation, ils voient aussi l'inflation qui a été très forte, qui se calme un petit peu, ils voient aussi le prix de leur électricité qui augmente, ils voient que tout augmente.
AURORE BERGE
Une des inflations qui est l'une des plus basses d'Europe et un des prix de l'électricité, dont vous le savez, qu'on a tenu, qu'on a tenu, c'est-à-dire que si l'État n'avait pas mis en place un bouclier tarifaire ; alors j'entends toujours que quand ça augmente, ça augmente trop, et ça augmente trop pour ceux, évidemment, qui sont les plus fragiles, les plus modestes, et notamment qui bossent…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais l'État va récupérer cet investissement.
AURORE BERGE
Mais pour quoi faire ? Pour quoi faire ? Pour investir dans le nucléaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien l'État, en augmentant la taxe de 10 %, l'État va récupérer ses 40 et quelques milliards injectés pour soutenir…
AURORE BERGE
Non, non, l'État ne va pas récupérer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour empêcher que le prix de l'électricité ne s'envole.
AURORE BERGE
Non, mais un, on a fait en sorte, vous le dites vous-même, que le prix de l'électricité et du gaz ne s'envole, sinon on a des Français qui juste n'auraient pas pu payer leurs factures d'électricité et des entreprises aussi, puisqu'on a protégé nos artisans, nos commerçants, nos entreprises, c'est majeur, il n'y a aucun autre pays qui a autant protégé le pouvoir d'achat, aucun autre pays n'a autant protégé le pouvoir d'achat, donc il faut quand même à un moment l'avoir en tête. Et puis à un moment, oui, les prix vont sans doute devoir un peu augmenter, c'est ce qu'a annoncé le président de la République. Mais pourquoi ? Parce que, à un moment on n'est pas un État soviétique, enfin, à un moment on ne peut pas non plus en permanence tenir les prix. Notre responsabilité, par contre, c'est de faire en sorte que les entreprises puissent augmenter les niveaux de rémunération, parce que le sujet de l'inflation c'est d'abord que les rémunérations suivent. Nos parents ils ont vécu avec des taux d'inflation bien supérieurs à ce qu'on vit, bien supérieurs, sauf que leurs salaires suivaient, et donc c'est aussi ça qu'il faut à un moment remettre sur la table, c'est ce qu'on avait lancé avec la Conférence sociale, j'y étais, notamment, encore une fois, sur les enjeux d'égalité entre les femmes et les hommes, parce que, vous savez, quand ça ne suit pas, ça suit encore moins pour les femmes, et donc c'est ces sujets-là qu'on doit continuer à porter.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Nos enfants vivront mieux demain, avec quoi, avec la généralisation du SNU en seconde, toute une classe d'âge, filles et garçons, filles et garçons, toute une classe d'âge ?
AURORE BERGE
Le président de la République a dit qu'il se prononcerait prochainement sur le sujet, vous avez entendu dans ses propos qu'il souhaite, lui, avancer dans la voie de la généralisation, mais parce que, je crois qu'on a encore besoin de rites, de rituels, de passages, et se dire que tous les Français, tous nos enfants, encore une fois, quelles que soient leurs orientations, quelles que soient leurs conditions, quelles que soient leurs origines, sociale, géographique, mais à un moment ils ont le même rituel, ils ont le même accueil dans la République, eh bien je crois que ça a du sens. On n'arrête pas de dire qu'on est en perte de repères, qu'on est une France fracturée, individualisée, morcelée, etc., eh bien je crois que ça a du sens.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'était l'objectif hier soir, redonner des repères, c'était l'objectif hier soir ? c'est ce que j'ai ressenti.
AURORE BERGE
Oui, c'est redonner du sens, du sens, des repères, de l'enthousiasme aussi, je suis désolée, mais on vit dans un pays dans lequel on a de la chance, on a de la chance de vivre dans ce pays, de vivre dans un pays qui va bien, dans un pays où on a un taux de chômage qui est extrêmement bas, on a un taux d'emploi qui est extrêmement haut, on a des opportunités qui existent pour l'ensemble de nos concitoyens, on a des services publics qui sont puissants, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas des réformes majeures à conduire, donc c'est aussi ça, c'est sortir de cette morosité ambiante.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est aussi dans un pays où l'insécurité progresse, on est aussi dans un pays où nos enfants sont à la merci de trafiquants de drogue, on est aussi dans un pays, si, ça existe Aurore BERGE.
AURORE BERGE
Ok, on peut tout dépeindre en noir, je veux aussi être honnête sur la réalité…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, je ne dépeins en noir, je dépeins la réalité des choses.
AURORE BERGE
Oui, mais la réalité des choses n'est pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas partout.
AURORE BERGE
Heureusement que tous nos enfants en allant au collège ou au lycée le matin se font violenter ou kidnapper, ça ne se passe pas comme ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais il y a deux France Aurore BERGE.
AURORE BERGE
Non, il y en a sans doute beaucoup plus d'ailleurs que deux, il y a évidemment…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, il y en a plus que deux.
AURORE BERGE
Des territoires qui sont extrêmement divers, la question c'est comment la République elle ait la réponse partout et tout le temps, pour qu'il n'y ait jamais de repli identitaire, pour qu'il n'y ait jamais de repli communautaire, et pour qu'à un moment tout le monde se dise Ok, la République elle est là, elle est solide, elle est fraternelle, elle est généreuse, mais elle pose aussi des règles qui sont extrêmement claires, elle ne laisse rien passer, rien passer sur les discriminations, rien passer sur les enjeux d'égalité entre les femmes et les hommes, rien passer sur les enjeux de laïcité, mais je crois que c'est ça qu'on doit absolument réaffirmer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, discriminations, la lutte contre les discriminations, vous avez déjà réfléchi aux premières mesures que vous allez engager ?
AURORE BERGE
La discrimination c'est très très large…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, bien sûr.
AURORE BERGE
Discrimination c'est, par exemple, votre adresse. Aujourd'hui on a beaucoup de Français qui, au regard de leur adresse, qu'elle soit dans la grande ruralité, qu'elle soit dans des quartiers prioritaires, eh bien à un moment se disent qu'ils n'ont pas les mêmes opportunités, ça, ça participe à un profond sentiment de déclassement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors que faire ?
AURORE BERGE
C'est ce qu'on doit faire. Quand le président de la République a parlé de réarmement civique, c'est typiquement ça, c'est comment vous réarmez l'ensemble des services publics pour que partout ils soient au niveau, comme on leur redonne des moyens, que ce soit évidemment sur la santé, que ce soit sur l'éducation, c'est exactement ce qu'on est en train de faire, comment on met en responsabilité aussi toutes les parties prenantes, y compris les entreprises, beaucoup s'engagent. On a mis en place, par exemple l'index professionnel entre les femmes et les hommes, tout le monde a ricané, on a été les premiers en Europe à le faire, pour mesurer les inégalités concrètes qui existent au sein des entreprises, entre les entreprises, eh bien résultat, ça a tiré toutes les entreprises vers le haut parce qu'il n'y en a aucune qui avait envie de dire aux Français "eh bien vous savez quoi, nous, dans l'index, entre les femmes et les hommes, on est bon dernier", donc ça a aussi des effets qui sont extrêmement positifs d'arriver à tirer tout le monde vers le haut.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, quelles mesures pour lutter encore mieux contre l'inégalité entre les femmes et les hommes ?
AURORE BERGE
Alors, typiquement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
À quoi réfléchissez-vous Aurore BERGE ?
AURORE BERGE
Il y a un gros sujet qui est d'abord l'enjeu de l'égalité professionnelle, tout n'est pas gagné sur la question des violences, et je ne veux pas donner le sentiment que ce n'est pas une priorité, ça restera toujours une priorité, mais il y a aussi un enjeu qui est l'enjeu du quotidien, de ce que vivent aujourd'hui beaucoup trop de femmes, ce qu'ont vécu nos mères et ce que vivent malheureusement aujourd'hui encore les femmes dans notre pays, c'est que, à travail égal, salaire égal, pour beaucoup d'entre elles c'est resté un slogan et qu'on n'a pas réussi, à un moment, à franchir le cap.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors comment faire pour réussir ?
AURORE BERGE
Donc moi je veux qu'on réunisse l'ensemble des entreprises pour avancer sur ce sujet-là, parce qu'en fait la vraie rupture, la vraie rupture qui se passe dans les carrières, et ça rejoint notre premier sujet sur le congé de naissance, c'est quoi ? C'est l'arrivée d'un enfant, et le fait que l'arrivée d'un enfant elle pénalise qui aujourd'hui ? Elle pénalise beaucoup plus les femmes et les mères qu'elle ne pénalise les pères, et donc ça veut dire qu'à un moment on a un double effet pervers, on a des femmes qui renoncent à leur désir d'enfant…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors comment lutter concrètement ?
AURORE BERGE
Ou qui retardent leur désir d'enfant.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais alors concrètement ?
AURORE BERGE
Eh bien c'est tout le travail que je veux conduire, avec les entreprises, avec les partenaires sociaux, pour dire que tout en haut de l'agenda social…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec des mesures coercitives…
AURORE BERGE
Peut-être, peut-être, il ne faut peut-être pas commencer tout de suite par des mesures coercitives, moi ce n'est pas en tout cas l'état d'esprit, je viens d'être nommée, dans lequel j'ai envie de m'inscrire, mais je veux tout de suite que, au cœur de l'agenda social il y ait la question de l'égalité entre les femmes et les hommes, de l'égalité salariale, et ça répondra aussi aux enjeux de natalité qu'on a évoqués, je crois.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Hier soir le président de la République a été interrogé sur le cas Gérard DEPARDIEU, "je n'ai aucun regret d'avoir défendu la présomption d'innocence" a-t-il dit, "j'ai le regret de ne pas avoir assez dit que la parole de ces femmes victimes de ces violeurs était importante." Avez-vous été choquée par les propos d'Emmanuel MACRON sur France 5 ?
AURORE BERGE
Non, parce que je crois qu'il a eu l'occasion d'ailleurs de les clarifier hier, pour ceux qui n'avaient pas envie de les comprendre, il a été très clair sur à la fois la présomption d'innocence, et moi je ne peux pas être ministre des Droits des femmes et en même temps donner le sentiment que, il faut arriver à tenir un équilibre, et c'est toujours difficile de le tenir, mais extrêmement exigeant et nécessaire. Il y a une présomption d'innocence qui doit être garantie et refuser tout tribunal médiatique. Ça, c'est le premier point. Parce que la seule vérité qui doit pouvoir exister, c'est la vérité judiciaire. Mais quand je dis ça, je sais aussi que pour les femmes qui portent plainte et qui ont le courage de porter plainte, il n'y a que 1 % des plaintes pour viol ou violences sexuelles, qui aboutissent à une condamnation. Et ça, ça doit changer. Et il faut tenir les deux bouts, la présomption d'innocence, mais aussi…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'il faut mettre fin à la prescription ?
AURORE BERGE
On a élargi déjà les délais considérablement. Est-ce qu'il faut aller au-delà ? Je ne suis pas certaine.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, quel est votre sentiment ?
AURORE BERGE
Est-ce que c'est une réponse ? Je n'en sais rien. Ce que je crois, c'est que, par exemple, typiquement le travail qui a été conduit par la CIVIS, vous le savez sur la question des violences faites aux enfants, ce que ça a démontré, au-delà même du débat qu'ils ont posé, qui est très intéressant sur la prescription, c'est comment vous faites pour qu'à un moment il y a un accueil qui soit possible d'une parole, quand bien même elle se dévoile, 20 ans, 30 ans, 40 ans plus tard, et que cette parole puisse être entendue puisse être acceptée. Et donc c'est parfois plus ça que vous disent d'ailleurs les victimes, ce n'est pas tant j'ai besoin aujourd'hui d'un traitement judiciaire, parce que 40 ans après, est ce que ce serait possible ou même souhaitable ? Mais au moins j'ai besoin d'un lieu, et la CIVIS a été ce lieu-là, où ma parole est vue comme étant légitime et importante. Et ça, je crois que c'est essentiel. Et donc il faut que l'on tienne, et moi je tiendrai ce discours-là, que oui, la parole des femmes s'est libérée, et tant mieux. Des choses qui faisaient ricaner il y a dix ou quinze ans, j'entends notamment ce qui s'est passé, par exemple pour Judith GODRECHE, et je pense que c'est majeur ce qu'elle a, ce qu'elle dit et la manière avec laquelle elle le dit. Heureusement, tout ça, la société ne l'accepte plus. La société, elle est devenue très intolérante vis à vis des violences faites aux femmes, très exigeante vis à vis de la lutte contre toutes les formes de violences faites aux femmes et à nos enfants. Tant mieux. Mais on doit réussir à le faire dans un cadre où la seule vérité qui peut exister, est la vérité judiciaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dernière question, très vite. Rachida DATI, candidate à la mairie de Paris. Elle l'a annoncé ce matin.
AURORE BERGE
Ce n'est pas un scoop.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n'êtes pas surprise. Non ?
AURORE BERGE
Ce n'est pas un scoop. Elle a toujours dit.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas un scoop.
AURORE BERGE
Elle l'a toujours dit, elle a cette ambition et elle a le droit d'avoir de l'ambition pour Paris.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, merci. Il n'y a pas eu d'accord, là, il n'y a pas eu d'accord avec…
AURORE BERGE
Ah, écoutez, je ne crois pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah oui…
AURORE BERGE
Je ne crois pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, écoutez…
AURORE BERGE
Mais comme le président l'a dit, il n'y en a pas eu, mais personne ne nous croit si on le dit. Donc moi, je peux réaffirmer qu'il n'y a pas d'accord, mais je suis fière qu'elle soit au Gouvernement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, merci Aurore BERGE d'être venue nous voir ce matin sur l'antenne de Sud Radio.
AURORE BERGE
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 janvier 2024