Déclaration de Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités, sur "Les salaires en France", à l'Assemblée nationale le 16 janvier 2024.

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Texte intégral

Mme la présidente
L'ordre du jour appelle le débat sur « Les salaires en France ». La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.

(…)

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités
Notre débat est au coeur des préoccupations de nos concitoyens, et donc au coeur de mes priorités. Comme beaucoup d'entre vous, avant d'entrer au Gouvernement, j'étais une élue de terrain et, comme vous, j'ai pu mesurer l'importance du pouvoir d'achat.

M. Pierre Dharréville
Ah oui ?

Mme Catherine Vautrin, ministre
Nous le vivons au quotidien, la crise sanitaire et l'invasion de l'Ukraine par la Russie ont provoqué une inflation que les pays européens n'avaient pas connue depuis près de quarante ans. Cette inflation a été principalement tirée vers le haut par les prix de l'énergie et ceux de l'alimentation. Soyons clairs, elle touche d'abord les plus vulnérables.

Le Gouvernement a déjà agi, et celui auquel j'ai l'honneur d'appartenir va continuer d'agir massivement pour le pouvoir d'achat des Français. Pour limiter les effets de l'inflation, nous avons pris des mesures pour protéger ce pouvoir d'achat, et prioritairement celui des plus modestes. Ainsi, les minima sociaux ont été revalorisés de 4 %, en complément de la revalorisation intervenue en janvier 2022 pour les retraites et en avril de la même année pour les prestations sociales.

M. Jean-Philippe Tanguy
Là, on parle des salaires !

Mme Catherine Vautrin, ministre
Suite à l'adoption du dernier budget de la sécurité sociale, les pensions de retraite et le minimum vieillesse augmenteront de 5,3 % à partir de janvier 2024. Enfin, pour ce qui concerne un autre de nos sujets de préoccupation, les jeunes, les bourses étudiantes sur critères sociaux, qui concernent 750 000 étudiants, ont été revalorisées de 4 %.

Au mois de novembre dernier, vous avez adopté le projet de loi de transposition de l'accord national interprofessionnel (ANI) relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise : intéressement, participation, prime de partage de la valeur, épargne salariale sont aussi des gains pour le pouvoir d'achat des travailleurs, en particulier ceux qui travaillent dans les petites et moyennes entreprises.
Parce que c'est avant tout l'énergie qui a tiré l'inflation, le Gouvernement avait mis en place un bouclier tarifaire, qui a permis de transférer une part considérable de la hausse de la facture énergétique.

(M. Matthias Tavel s'exclame.)

Le Premier ministre l'a réaffirmé avec force la semaine dernière, notre gouvernement agira en faveur de la juste rémunération du travail. Sur ce point, mesdames et messieurs les députés, peut-être y aura-t-il consensus : le travail doit toujours être mieux valorisé que le fait de ne pas travailler. Je serai particulièrement mobilisée sur ce point.

Monsieur Labaronne l'a démontré : le système français est le plus protecteur en Europe pour les bas salaires.

M. Hadrien Clouet
C'est faux !

M. Daniel Labaronne
Mais si !

Mme Catherine Vautrin, ministre
La France constitue une exception européenne : rares sont les pays qui ont à la fois un salaire minimal universel et un mécanisme d'indexation automatique. Ce sont les faits, je ne fais que les rappeler.

M. Pierre Dharréville
Tout va bien, donc…

Mme Catherine Vautrin, ministre
Un tel système est particulièrement protecteur contre l'inflation.

M. Daniel Labaronne
Eh oui !

Mme Catherine Vautrin, ministre
En effet, le calcul prend en compte le pouvoir d'achat des ménages les plus modestes et les évolutions salariales. En outre, les revalorisations interviennent chaque année, mais aussi dès que la hausse des prix depuis la dernière revalorisation atteint 2 %. Par conséquent, les périodes où l'inflation érode le pouvoir d'achat sont plus limitées que dans d'autres pays d'Europe. Encore une fois, il est important de le rappeler.

Je vous rappelle que, contrairement à ce que j'ai entendu, le Smic a été revalorisé sept fois, ce qui représente une hausse cumulée de 13,7 %, et ce alors que l'inflation atteignait des sommets. Chacun peut en penser ce qu'il veut, mais ce sont les faits.

La hausse du niveau du Smic a un effet d'entraînement : elle provoque la diffusion progressive des revalorisations. Si les bas salaires ont progressé plus rapidement – de 13,7 % s'agissant du Smic –, le salaire moyen a augmenté de 4,2 % par rapport à 2021.

M. Pierre Dharréville
Et les prix ?

Mme Catherine Vautrin, ministre
On touche là à un sujet important à mes yeux : la lutte contre les effets de seuil dont est victime la classe moyenne – celles et ceux qui gagnent toujours trop pour être aidés, mais pas assez pour ne pas compter.

M. Frédéric Boccaletti
Si toute la classe ouvrière est au Smic, c'est inquiétant !

Mme Catherine Vautrin, ministre
Nous devons travailler sur ce sujet.
Dans ce contexte, se lancer dans une fuite en avant serait risqué,…

M. Daniel Labaronne
Bien sûr !

Mme Catherine Vautrin, ministre
…aussi bien pour la dynamique d'inflation et la compétitivité que pour le dialogue social. En effet, l'indexation des salaires sur l'inflation, déjà proposée au mois de novembre, aurait évidemment de lourdes conséquences sur l'emploi…

M. Matthias Tavel
C'est faux !

Mme Catherine Vautrin, ministre
…et sur la compétitivité des entreprises, qui ne sauraient absorber une hausse brutale des salaires – en particulier les TPE et PME. Dans nos territoires, nous rencontrons tous des dirigeants de TPE ou de PME qui nous parlent de l'importance de la compétitivité. Ces entreprises ne pourraient pas assumer un tel coût supplémentaire. Nous voyons bien ce qui nous menace : une hausse massive des destructions d'emploi.

Au mirage de l'indexation des salaires sur l'inflation, dangereuse et insoutenable, nous préférons des réponses concrètes, pour que le travail paie mieux.

C'était justement l'objet de la conférence sociale réunie par Olivier Dussopt en octobre dernier. Nous concrétiserons les engagements pris à cette occasion, en premier lieu la création du Haut conseil des rémunérations. Je voudrais surtout insister sur le suivi et la convocation des branches ayant des minima inférieurs au Smic – le député Naegelen en a parlé précédemment –, pour qu'elles remédient rapidement à cette situation inacceptable. Nous le devons aux salariés des entreprises concernées, mais il y va également de l'attractivité de ces secteurs – qui est aussi liée aux rémunérations.

Je voudrais également rappeler que la place des femmes au travail est une priorité. Elles sont les premières concernées par les bas salaires, mais aussi souvent par le temps partiel subi.

Notre index de l'égalité professionnelle porte ses fruits : le nombre de répondants est en hausse constante, et atteint un taux de 85,5 % en 2023. La note moyenne augmente également – elle est de 88 en 2023, contre 86 en 2022 et 85 en 2021. Les pratiques bougent, et il faut continuer. Les textes européens nous conduiront à transposer. Nous pouvons avancer sur ce sujet, être plus ambitieux et transparents. Je suivrai avec une attention toute particulière cette réforme que j'engage dès cette année, et sur laquelle j'aurai l'occasion de faire le point avec vous et les partenaires sociaux.

Au moment où j'arrive rue de Grenelle, je tiens à vous dire combien je suis à votre disposition pour discuter dans le dialogue, l'écoute et le respect de tous ces sujets qui relèvent du quotidien de nos concitoyens.
(Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

M. Daniel Labaronne
Bravo !

M. Jean-Philippe Tanguy
On veut bien, mais il n'y a pas de propositions !

Mme la présidente
Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que la durée de ces dernières, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à M. Christian Girard.

M. Christian Girard (RN)
À l'heure où nos concitoyens souffrent de l'inflation, de la perte de pouvoir d'achat, de charges publiques colossales et du déclassement qui les guette, ce débat sur les salaires tombe à point. C'est à propos de ceux des enseignants que je souhaite vous interpeller.

Ce n'est pas nouveau : l'instruction nationale est en grande souffrance. Le décrochement de la France au classement du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa) n'est qu'une nouvelle humiliation pour notre pays, qui avait fait de la formation intellectuelle la clé de son rayonnement dans le monde.

Les effets d'annonce et les mesures d'aumône pour nos enseignants se succèdent, sans revalorisation substantielle. Pour rappel, un professeur débutant, après cinq ans d'études et un concours exigeant, ne touche qu'environ 2 000 euros en début de carrière ; le salaire des enseignants français est inférieur de 15 % à la moyenne de l'OCDE ; selon le Sénat, entre 2000 et 2020, les professeurs ont perdu entre 15 et 25 % de pouvoir d'achat. La récente hausse de près de 200 euros net est grignotée par l'inflation, et les rémunérations sont bien inférieures à celles des autres fonctionnaires de catégorie A.

Tant qu'on ne paiera pas décemment nos enseignants, on ne réglera ni le problème d'attractivité du métier ni la dégradation du service public de l'instruction. Les enseignants attendent donc de pied ferme vos annonces : pouvez-vous nous indiquer le moment et l'ampleur de la revalorisation indiciaire des enseignants ?
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre
Ma réponse sera courte : nous sortons du périmètre du ministère qui est le mien, puisque l'emploi des enseignants relève de la fonction publique, dont je ne suis pour le moment pas chargée.

Cela étant dit, je voudrais vous rappeler que le salaire des enseignants a été revalorisé en 2023, même si j'entends bien votre demande.

Enfin, je ne peux que réaffirmer l'attachement de notre gouvernement aux enseignants et à ce qu'ils reçoivent une juste rémunération pour leur travail – l'accompagnement de l'ensemble des enfants.

Mme la présidente
La parole est à M. Matthieu Marchio.

M. Matthieu Marchio (RN)
Pour que la fonction publique aille mieux, il faut que le travail paie – c'est dans l'intérêt des fonctionnaires et de l'ensemble des Français. Je donnerai un seul exemple, qui parlera aux habitants du nord : les infirmiers français continuent de percevoir un salaire inférieur de 30 % à celui de leurs homologues belges. La disparité grandissante entre salaires du public et du privé appelle une action immédiate et significative en faveur de la revalorisation des rémunérations des agents publics.

On en est loin : les organisations représentatives du secteur public ont exprimé leur inquiétude quant à une possible année blanche sur le plan salarial. Elles estiment que les augmentations générales de 3,5 % en 2022 et de 1,5 % en 2023 sont insuffisantes pour répondre aux besoins croissants des fonctionnaires et faire face à l'inflation – et elles ont raison.

C'est pourquoi le programme de Marine Le Pen, tant attendu par les Français, prévoit des revalorisations de salaire et des recrutements sectoriels dans la fonction publique : pas moins de 2 milliards sur cinq ans pour revaloriser les salaires du personnel soignant hospitalier et une hausse de 10 % de la rémunération des infirmiers.

Au lieu de cela, vous recrutez des personnes en service civique pour pallier les suppressions d'emplois. Elles touchent une indemnité de 609 euros et 95 centimes, madame la ministre – une aumône ! Le lien entre les salaires et les conditions de travail est pourtant limpide. La dégradation continue de la qualité des services publics prouve que l'attractivité des salaires est insuffisante pour attirer des candidats. Quel soignant a envie d'exercer dans une équipe en sous-effectif en étant mal rémunéré ? Revalorisation et recrutement sectoriel sont les deux faces d'une même pièce. La fonction publique française mérite mieux que votre politique à la petite semaine.

Madame la ministre, vous avez fait une fausse annonce de 32 milliards d'euros pour la santé, d'ores et déjà votés. Quel montant supplémentaire comptez-vous débloquer pour les salaires à l'hôpital et pour l'ensemble de la fonction publique ?

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Un député du groupe RN
Elle va nous dire que ce n'est pas dans son périmètre !

Mme Catherine Vautrin, ministre
Je n'ai pas fait de fausse annonce : les 32 milliards font bien partie de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), il s'agit donc de crédits votés et disponibles. Certains crédits sont destinés au fonctionnement, d'autres à l'investissement. L'objectif actuel consiste à accélérer les investissements pour permettre des évolutions.

S'agissant des infirmiers et de l'attractivité de ces métiers, il faut rappeler dans cet hémicycle que, lorsque nous parlons de salaires, il s'agit toujours de moyennes. Les chiffres que je m'apprête à vous donner peuvent évidemment varier en fonction de la carrière, du statut et d'éléments variables de paie, comme les primes ou les indemnités. Les rémunérations du personnel soignant non médical suivantes intègrent les dernières revalorisations qui ont eu lieu sous le patronage de Stanislas Guerini, alors ministre de la fonction publique : le salaire mensuel net d'un infirmier en soins généraux est de 2 030 euros en début de carrière et de 3 393,99 euros en fin de carrière. Si l'on décompose, les infirmiers ont bénéficié d'un apport direct du Ségur de 183 euros net par mois, de 192 euros du fait de la revalorisation du point d'indice et de 54 euros de gain immédiat lié au reclassement sur les nouvelles grilles du Ségur.

La revalorisation du travail de nuit était très attendue. Depuis le 1er janvier 2024, il est mieux indemnisé : le gain moyen pour un infirmier est de 200 euros en début de carrière, de 425 en fin de carrière. Les indemnisations du travail du dimanche, autre sujet important, ont été revalorisées de 160 euros net par an. Cette revalorisation concerne également les aides-soignants, qui ont, eux aussi, bénéficié du Ségur.

À partir du 1er janvier, le travail de nuit des aides-soignants sera mieux rémunéré. Comme le travail du week-end, il méritait une reconnaissance toute particulière. Les métiers dont nous parlons sont en effet des métiers du présentiel, qui exigent une sujétion importante méritant la reconnaissance. C'était d'ailleurs le sens de la visite que nous avons faite au centre hospitalier universitaire (CHU) de Dijon samedi, avec le Premier ministre.

Mme la présidente
La parole est à M. Hadrien Clouet.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES)
Ce débat est évidemment salutaire, même s'il est dommage qu'il soit proposé par les députés d'extrême droite, étant donné que ce sont les premiers à vouloir baisser les salaires réels dans le pays.

(M. Matthias Tavel applaudit.)

Nous entendons depuis le début des propos extraordinaires – en premier lieu que tout irait bien en France. Madame la ministre, je vous invite à consulter la publication du 8 décembre 2023 de la Dares, qui est sous votre autorité et publie des données sur l'évolution des salaires. Elle y rappelle que les salaires réels – une fois l'inflation prise en compte – ont reculé ce trimestre, comme les autres : de 0,5 % pour les employés et de 1 % pour les cadres, en trois mois seulement.

Ce recul s'inscrit dans une dynamique beaucoup plus longue de baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée. Notre collègue Labaronne a déclaré le contraire : je l'invite à consulter les travaux de l'Insee ou de l'Institut de recherches économiques et sociales (Ires), qui sont très clairs.

(M. Matthias Tavel applaudit.)

Pour un euro de production en 1982, donc un euro de valeur ajoutée, il y avait 74 centimes de salaire. Cette part est tombée à 68 centimes en 1990, l'année que vous avez évoquée, et à 65 aujourd'hui. Cela signifie qu'entre 1982 et 2023 9 points de PIB sont passés des poches de celles et ceux qui travaillent aux poches du capital et des rentiers.

(M. Matthias Tavel applaudit. – M. Daniel Labaronne s'exclame.)

Autrement dit, en produisant la même chose qu'en 1982, on reçoit une part inférieure des bénéfices. Cela représente 237 milliards d'euros par an, soit 9 000 euros par salarié. Je doute que quiconque ait accepté de signer ce chèque aux propriétaires des moyens de production, aux actionnaires ou à celles et ceux qui rachètent des actions et mènent des opérations financières tout à fait parasites.

Dès lors, madame la ministre, que comptez-vous faire pour enfin assurer aux salariés une hausse du pouvoir d'achat à la mesure de l'effort qui est consenti depuis des décennies dans ce pays pour travailler parfois plus longtemps, toujours mieux et à des niveaux de qualification systématiquement plus élevés ? Que pensez-vous des projets gouvernementaux actuels visant à élargir l'Union européenne pour y inclure des pays à très bas salaires, ce qui intensifiera les logiques de dumping sur le marché unique européen, au détriment de celles et ceux qui travaillent ? Que comptez-vous faire par rapport à l'inflation qui rogne, mois après mois, les revenus d'activité des salariés ? Bref, quand rendrez-vous les 200 milliards d'euros de salaire détournés depuis maintenant plus de quarante ans ?
(MM. Matthias Tavel et Pierre Dharréville applaudissent.)

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre
Tout ne va pas bien dans le meilleur des mondes possibles, mais ce qui importe, c'est notre capacité à travailler ensemble pour apporter des réponses à la question du pouvoir d'achat, qui se pose dès lors que l'inflation est très élevée.

Les travaux menés dans le cadre de l'ANI, qui ont été transposés, ont permis d'esquisser certaines pistes, notamment s'agissant du partage de la valeur. Je suis une gaulliste sociale,…

M. Hadrien Clouet
C'est très bien !
(Sourires.)

Mme Catherine Vautrin, ministre
…c'est donc un thème qui me parle. En effet, dès lors qu'une entreprise va bien, qu'on a créé de la valeur, et qu'on la partage, il est sain d'en débattre. Cette piste me paraît donc tout à fait intéressante.

Parallèlement, les différents gouvernements ont élaboré des mesures d'urgence pour soutenir le pouvoir d'achat, conscients qu'avant de partager la valeur, encore faut-il l'avoir créée !

(M. Daniel Labaronne applaudit.)

Il était indispensable d'accompagner nos concitoyens. L'intéressement, la participation et l'épargne salariale sont autant d'outils le permettant. Quant aux sujets européens, nous en discuterons bien évidemment, mais concentrons-nous déjà sur ce que nous sommes capables de faire pour répondre concrètement aux attentes de nos concitoyens.

Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Tavel.

M. Hadrien Clouet
Sois gaulliste, Matthias !

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES)
L'égalité entre les femmes et les hommes était prétendument la grande cause du premier quinquennat. À part un index, de l'inefficacité duquel nous sommes tous témoins, pas grand-chose n'a été fait à ce sujet. Il y a pourtant là une double peine pour les femmes. Pourquoi ? Parce que, comme l'ensemble des salariés, elles sont frappées par l'inflation, sur laquelle les salaires ne sont pas indexés, et souffrent de la prédation, notamment des actionnaires, qui vient tasser la part de la richesse créée revenant aux salariés. De plus, elles doivent subir une inégalité de rémunération par rapport aux hommes.

En tenant compte de l'ensemble des éléments, notamment les différences de secteurs d'activité et de qualifications – au sujet desquelles un rattrapage urgent et ardent est nécessaire –, cette inégalité peut aller jusqu'à 24 %. À qualifications et postes de travail égaux, l'écart est au moins de 5 %, au détriment des femmes, ce qui est une inégalité absolument insupportable.

Je l'ai constaté, dans ma circonscription notamment, auprès de femmes qui travaillent dans le secteur du nettoyage industriel, sur les chantiers de l'Atlantique ou chez Airbus. Elles occupent les postes parmi les plus précaires, les plus mal payés et les plus fragilisés, tant en raison de leur relation avec leur employeur qu'en raison des relations de leur propre entreprise avec les donneurs d'ordre.

Assez de cet index qui ne sert qu'à montrer que votre politique ne change rien ! Il est temps de passer à des actes et à des mesures coercitives, comme nous vous le proposons. J'aimerais que vous donniez une réponse favorable de principe à mes deux propositions, afin que nous y travaillions dans les mois qui viennent : premièrement, créer une véritable commission de contrôle des inégalités de salaire entre les hommes et les femmes dans les entreprises, pour que les représentants du personnel soient informés et disposent de moyens d'agir ; deuxièmement, créer une prime obligatoire d'égalité dès lors qu'un manquement est constaté ou seulement suspecté.

Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre
Nous sommes d'accord sur un point : la place des femmes au travail. C'est tellement vrai que ce sujet a été mon fil d'Ariane lors de la passation de pouvoir avec mon prédécesseur – c'est vous dire s'il me préoccupe.

Parce que je crois aux faits, je vous invite à regarder en détail l'index de l'égalité professionnelle. Il a été créé en 2019 ; en 2023, le nombre de répondants a augmenté. Élément encore plus intéressant, la note moyenne a également augmenté : elle est désormais égale à 88, contre 85 en 2021. Surtout, l'indicateur relatif à l'augmentation des femmes au retour d'un congé maternité progresse.

Pour être totalement transparente, je me dois de préciser qu'en 2022, 11 % des entreprises avaient une note égale à zéro – ce qui est inadmissible ; en 2023, ce taux s'établissait à 6 %. Il reste des choses à faire, mais les résultats s'améliorent.

Les points de vigilance sont les suivants : seules 2 % des entreprises ont une note égale à 100, ce qui signifie qu'il faut poursuivre les efforts. Certains indicateurs restent à la traîne, comme celui relatif à la part des femmes dans le top 10 des rémunérations : seules 28 % des entreprises y comptent plus de quatre femmes – un chiffre en stagnation. Enfin, soixante-quatorze entreprises ont une note inférieure à 75 depuis quatre ans.

Parlons maintenant des sanctions – si l'on veut progresser, il faut examiner les chiffres. L'inspection du travail a effectué 42 000 interventions à ce sujet ; 772 mises en demeure ont été prononcées concernant l'index, et 45 pénalités ont été appliquées, soit pour non-publication de l'index, soit en raison de l'absence de mesures correctives lorsque la note était inférieure à 75, soit si la note demeurait inférieure à 75 durant trois exercices.

Les sanctions demeurent moins nombreuses que les manquements constatés. Notre objectif consiste à faire de la pédagogie pour inciter les entreprises à aller plus loin. Très concrètement, nous allons continuer à suivre ce sujet ; au-delà de la transposition, nous déterminerons comment progresser. Cela passera incontestablement par des évolutions en matière de formation tout au long de la vie, permettant d'augmenter l'employabilité des femmes – qui est un autre enjeu.

Mme la présidente
La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance


source https://www.assemblee-nationale.fr, le 18 janvier 2024