Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Catherine VAUTRIN.
CATHERINE VAUTRIN
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être dans ce studio venu répondre à mes questions parce qu'il y a beaucoup de questions après le discours de politique générale de Gabriel ATTAL hier. La quasi-totalité du discours, en fait, vous concernait. C'est dans votre portefeuille parce que votre portefeuille, il est très large. Vous êtes ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités. On va essayer de comprendre avec vous le mode d'emploi d'un certain nombre de propositions d'annonces de Gabriel ATTAL. Mais d'abord, la plus emblématique, « desmicardiser » le travail, « desmicardiser » le travail, c'est vous qui allez devoir vous en occuper. Un Français sur cinq aujourd'hui qui est payé au SMIC. Débloquer la situation, très bien, mais par le haut ou par le bas ?
CATHERINE VAUTRIN
Evidemment, par le haut. La volonté du Premier ministre et du gouvernement, c'est de montrer que l'émancipation se fait par le travail. Et ce que l'on voit, c'est que depuis des années, dans notre pays, on tourne toujours en fait avec cette notion de SMIC. Et ce que l'on voit c'est que quelqu'un qui est au SMIC aujourd'hui, c'est-à-dire quelqu'un qui a 1398 euros, si on veut l'augmenter de 100 euros, en réalité ça coûte 260 euros à l'entreprise et lui quand on a retiré la part de prime d'activité, la part de CSG, son solde net c'est 45 euros. Donc on voit bien que finalement, pour une somme qui au départ paraît intéressante, le résultat n'est pas au rendez-vous.
APOLLINE DE MALHERBE
… pour rendre les choses plus intéressantes.
CATHERINE VAUTRIN
Oui.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que cela veut dire qu'au fond, le problème même, c'est le SMIC ?
CATHERINE VAUTRIN
Alors il faut regarder trois choses, si vous me permettez. La première, c'est celle que je viens de dire, c'est à dire que le gain net soit plus intéressant. Le deuxième élément, c'est de s'assurer que tout le monde soit au moins au SMIC. Et ça c'est…
APOLLINE DE MALHERBE
Ce n'est toujours pas le cas.
CATHERINE VAUTRIN
C'est ce que le Premier ministre a dit hier. On a aujourd'hui, au sein des branches, des activités dans lesquelles il y a du retard et à chaque fois qu'on augmente le SMIC, on reprend un retard. Et dans la négociation des partenaires sociaux actuellement, il y a un document qui s'appelle L'index, qui a pour objectif de vérifier cela et de s'assurer que cette progression se fait. Ça, c'est le deuxième élément.
APOLLINE DE MALHERBE
On va y revenir et je voudrais que vous me le décliniez dans un instant.
CATHERINE VAUTRIN
Tout à fait. Et le troisième élément, c'est ceux qui sont juste au-dessus du SMIC, parce que ceux-là, ils s'appellent les Français moyens qui étaient juste au-dessus. Depuis 2021, le SMIC a augmenté sept fois.
APOLLINE DE MALHERBE
Et donc les a rattrapés.
CATHERINE VAUTRIN
Et les a complètement rattrapés. C'est à dire que quand certains, ceux qui sont au SMIC ont eu depuis 2021 13,5 % d'augmentation, les autres, ils sont à 4 %. Et c'est ces Français qui vous disent « Moi, c'est simple, quand il s'agit d'être aidés, je gagne toujours trop. Quand il s'agit de pouvoir ne pas compter, je ne suis pas au rendez-vous parce que tous les mois je suis obligé de compter et pourtant je bosse et pourtant je fais tout ce qu'il faut pour m'assumer, assumer ma famille ».
APOLLINE DE MALHERBE
Mais pour l'instant, Catherine VAUTRIN, vous en restez surtout au constat. Je voudrais savoir quels vont être les outils que vous allez mettre en oeuvre. Je vous repose la question parce qu'au fond, on a presque l'impression en vous entendant que le SMIC qui devait être un outil, est devenu un handicap. Est-ce que quand Jean-Luc MELENCHON dit Ils vont finalement supprimer le SMIC, c'est comme ça qu'il a entendu le discours de Gabriel ATTAL, quand Manuel BOMPARD dit « ils s'attaquent au SMIC », est ce qu'il n'y a pas un peu de ça ? Est-ce qu'au fond vous vous ne dites pas il faut libérer et supprimer cette notion même de SMIC ?
CATHERINE VAUTRIN
Le SMIC, c'est une garantie pour nos concitoyens d'un salaire minimum. C'est d'ailleurs dans son titre. La volonté aujourd'hui, c'est de permettre à nos concitoyens de progresser. Qui n'a pas envie dès lors qu'il travaille, de voir son revenu progresser ? En d'autres termes, le sujet, c'est d'aider à montrer que le travail génère du revenu. Et pour ce faire…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais est-ce que vous envisagez de supprimer le SMIC ?
CATHERINE VAUTRIN
Pas du tout. Et pour revenir sur le sujet très précisément, c'est de regarder quelles sont finalement ces charges. L'exemple que je viens de vous donner, l'exemple de ces charges qui quelque part viennent immédiatement retirer l'effet net de l'augmentation de salaire. Et de l'autre côté, pour celles et ceux qui sont juste au-dessus, c'est de regarder. C'est l'enveloppe qui a été annoncée hier de 2 milliards d'euros, comment nous allons pouvoir travailler avec des experts auditionnés les uns et les autres pour faire une baisse d'impôt spécifique pour cette catégorie juste au-dessus, de façon à la laisser effectivement au-dessus, de façon à ce que le travail soit effectivement un outil d'émancipation.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez parlé de ces branches qui encore aujourd'hui commencent leurs grilles de salaires en dessous du SMIC. C'est normalement interdit. J'ai l'impression que ça fait même des mois que ministre après ministre, vous dites Il n'en est plus question. Il faut que ça remonte. Ce n'est toujours pas le cas. Quel va être l'outil contraignant ? Est-ce qu'à un moment vous allez leur dire « écoutez, si ce n'est pas le cas, on vous retire telle ou telle aide, on vous impose, on vous taxe ». Quel est l'outil ?
CATHERINE VAUTRIN
Alors l'outil, il est européen et il y a une disposition européenne qui a été votée et la France doit la transposer. Le sujet, c'est que la France, normalement, doit la transposer avant 2026. L'engagement du gouvernement, c'est que nous le fassions cette année, c'est-à-dire au 1er janvier 25, que nous ayons transposer. Pourquoi ? Parce que quand on transpose, derrière, on peut contrôler. Le seul moyen de réussir à voir comment effectivement la progression se fait, c'est d'être en capacité de contrôler. Et cette progression, elle doit être regardée régulièrement, parce que…
APOLLINE DE MALHERBE
C'est quel métier, on parle de quels métiers, Catherine VAUTRIN ?
CATHERINE VAUTRIN
Il y a 102 métiers concernés aujourd'hui.
APOLLINE DE MALHERBE
102 métiers, leur grille de salaire commence en dessous du SMIC.
CATHERINE VAUTRIN
Et pourquoi est-ce qu'il y en a 102 au moment où je vous parle ? Parce que dès que vous avez une augmentation du SMIC, automatiquement…
APOLLINE DE MALHERBE
Ca les dépasse.
CATHERINE VAUTRIN
Ca les dépasse et c'est ça le sujet.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous allez donc, vous l'avez dit, ne pas tirer vers le bas, mais tirer vers le haut. Malgré tout, on entend aussi que ce que vous voulez, c'est distinguer davantage, qu'il y ait une plus grande différence entre ceux qui sont payés au SMIC et il y en aura toujours et ceux qui devraient avoir des bas salaires qui remontent. Il y aura donc forcément certains qui vont être bloqués en bas et d'autres qui vont être remontés vers le haut.
CATHERINE VAUTRIN
L'objectif, c'est de regarder le travail dans sa globalité et c'est notamment de regarder l'employabilité tout au long de la vie. Parce que premièrement, aujourd'hui, quand vous êtes à 7 % de chômage, la question c'est comment nous amenons celles et ceux qui sont le plus loin de l'emploi ? La réponse à cela, c'est la formation. C'est France Travail qui a été mis en place et qui déjà s'adresse aux bénéficiaires du RSA. Il y a une expérimentation actuellement dans 18 départements. L'objectif, ça a été annoncé hier, c'est de généraliser au 1er janvier 20125, pourquoi ?
APOLLINE DE MALHERBE
Ca veut dire qu'au 1er janvier 2025, tous ceux qui sont allocataires du RSA devront travailler 15 à 20 heures ?
CATHERINE VAUTRIN
C'est d'accompagner toutes celles et ceux qui sont au RSA. Pourquoi ? Parce que personne ne choisit d'être au RSA par plaisir. Donc toute la question, c'est comment on les aide à être formés parce qu'il y a aujourd'hui dans notre pays des emplois qui ne sont pas pourvus. Dans le secteur dont j'ai la responsabilité, qui est celui des métiers de l'humain, que vous preniez le sujet des crèches, que vous preniez à l'autre bout le sujet de l'accompagnement des personnes âgées pour prendre ces deux exemples. Ce sont des domaines dans lesquels nous avons des emplois à pourvoir. La question, c'est comment nous sommes en capacité de former. Quand on dit que, si je prends un autre exemple…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais on ne peut pas s'improviser, pardon j'essaye d'imaginer. Mais en fait, ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que les allocataires du RSA qui, comme vous le dites, n'ont jamais choisi de rester bloqué au RSA. Donc, cela veut dire qu'ils ont eu un certain nombre de propositions de jobs et que ça ne s'est pas passé ou que ça n'a pas fonctionné, ils vont pouvoir s'improviser, je ne sais pas, être dans les crèches ou être dans les hôpitaux.
CATHERINE VAUTRIN
Ils ne vont pas du tout s'improviser. Le sujet, c'est de regarder avec eux quelle est leur situation, parce que souvent, je vais vous donner un exemple très concret. J'étais à Parthenay il y a huit jours dans une crèche tout à fait particulière puisque c'est une crèche qui sur 50 berceaux en a douze réservés à des publics en insertion. J'ai rencontré une dame. Cette dame a un bébé. Son premier sujet, c'était « moi, je ne peux pas chercher de boulot parce que je n'ai pas de solution de garde ». Première chose qui a été faite avec elle, c'est de l'accompagner sur la prise en charge de son enfant et derrière de travailler avec elle sur ce qu'elle avait envie de faire. Donc faire le point sur sa situation.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc dans les 15-20 heures dont vous parlez, ce sera plutôt 15-20 h de formation.
CATHERINE VAUTRIN
Exactement. Et donc je continue mon exemple. On l'a donc accompagné pour qu'elle ait une formation et elle s'engage vers les métiers de la petite enfance. Et donc l'intérêt de France Travail, c'est que d'une situation, chaque personne a une situation particulière. C'est non seulement de donner une formation, mais c'est également de faire le bilan de la situation de la personne pour l'aider à aller vers l'emploi avec une formation. Vous le voyez, c'est une approche très complète qui, derrière, augmente l'employabilité.
APOLLINE DE MALHERBE
Les 102 branches dont vous parliez dans les… qui commencent leurs grilles de salaires en dessous du SMIC. S'ils ne jouent pas le jeu, est ce que vous supprimerez les exonérations de charges sur les bas salaires pour eux ? Est ce qu'il y aura une contrainte ?
CATHERINE VAUTRIN
Je pense qu'aujourd'hui on va déjà transposer et mettre en place. Vous savez que ça, nous ne le faisons pas tout seul. Nous travaillons évidemment avec les partenaires sociaux sur un sujet comme celui-là.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui mais quand Gabriel ATTAL dit hier, vouloir, je cite, agir résolument et n'exclure, je cite encore aucune mesure pour y parvenir. C'est quoi ces mesures ?
CATHERINE VAUTRIN
Mais c'est très concrètement déjà de voir branche par branche où on en est, pourquoi est-ce que cela n'a pas été fait et comment le plus rapidement possible, on respecte la loi….
APOLLINE DE MALHERBE
Vous pensez que ça peut se faire dans la bonne volonté. J'ai l'impression que ça fait des mois qu'on nous dit ça et que pour autant ces salaires restent….
CATHERINE VAUTRIN
Non, ça ne fait des mois qu'on dit ça puisque c'est une transposition et que la France prend la responsabilité de transposer avant même la date butoir.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui mais vous auriez peut-être espérer que ces branches d'elles-mêmes, parce qu'on en parle depuis très longtemps, fassent remonter leurs bas salaires.
CATHERINE VAUTRIN
Ce qu'il faut regarder, c'est que, en fait, à chaque augmentation, vous avez des branches qui sont rattrapées. L'idée, c'est de les inciter à aller plus vite et à suivre le mouvement dans les meilleures conditions.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça peut marcher par l'incitation plutôt que par la contrainte.
CATHERINE VAUTRIN
Les deux. Là, j'oserais dire que la confiance n'exclut pas le contrôle. Et les deux me paraissent importants.
APOLLINE DE MALHERBE
Pour que le travail paye mieux et toujours plus que l'inactivité, partout et pour tous. Voilà la formule de Gabriel ATTAL Vous avez évoqué cet allègement d'impôts, 2 milliards pour les classes moyennes. Concrètement, cela peut vouloir dire combien par foyer ?
CATHERINE VAUTRIN
Je viens de vous expliquer que pour l'instant, on avait un groupe de travail qui est en train d'auditionner, de mettre en place. Donc laissons-les travailler et dès qu'on aura les résultats, on les exprimera.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça veut dire que vous avez décidé de l'enveloppe globale avant même de savoir comment elle se déclinerait.
CATHERINE VAUTRIN
Vous êtes juste consciente qu'il y a un petit sujet de finances publiques dans notre pays.
APOLLINE DE MALHERBE
Tout à fait.
CATHERINE VAUTRIN
Qui fait qu'il est quand même.
APOLLINE DE MALHERBE
C'est pourquoi on a envie de comprendre comment ça va marcher.
CATHERINE VAUTRIN
Et c'est pour ça qu'il est absolument indispensable de donner un élément sur quel est le budget disponible et ensuite de décliner les dispositifs qui vont nous permettre d'avancer. Mais je répète à chaque fois, d'où le lien entre le travail et sa rémunération. À chaque fois que quelqu'un reprend un travail, vous redonner une capacité à accompagner. Le sujet de notre pays, c'est comment nous sommes capables de créer de la richesse pour derrière avoir la capacité de redistribuer vers celles et ceux qui en ont besoin.
APOLLINE DE MALHERBE
Il a d'ailleurs précisé, il me semble, le Premier ministre que ce serait financé par la solidarité nationale. Ça veut dire que ce sera quand même compensé par autre chose ?
CATHERINE VAUTRIN
Aujourd'hui le premier sujet, c'est d'avoir la capacité de créer cette richesse pour la redistribuer. C'est la ligne de crête absolument majeure. On s'émancipe par le travail.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais c'est vrai que ça veut dire qu'on a quand même un peu l'impression, quand on écoute ça, que ça va être un peu un jeu de….
CATHERINE VAUTRIN
Je pense qu'aujourd'hui, et nos concitoyens le savent, la situation financière du pays fait que nous avons à être extrêmement vigilant sur le déficit public et un des éléments de participer à la réduction du déficit public, c'est très concrètement que chacun prenne sa part. Et c'est toute la force du travail dans le pays.
APOLLINE DE MALHERBE
L'assouplissement du logement social au bénéfice des classes moyennes, ça veut dire quoi et pour qui ? Est-ce que ça veut dire que dans la crise du logement actuel, lorsque l'on a des professeurs, du personnel soignant qui parfois ont beaucoup de mal à se loger et à se loger près de leur travail, ils seront prioritaires désormais ?
CATHERINE VAUTRIN
C'est absolument indispensable. Prenez un exemple, celui de l'hôpital. Une infirmière, si elle ne peut pas se loger, eh bien elle ne va pas prendre le job. C'est aussi simple que ça. Et donc clairement, il y a des métiers dont la proximité par rapport au logement est absolument indispensable.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous allez leur donner une priorité sur ce logement social ?
CATHERINE VAUTRIN
Aujourd'hui. Aujourd'hui, vous avez déjà un début puisque vous avez ce qu'on appelle les contingents préfectoraux avec des métiers essentiels. L'idée, c'est de continuer à avancer sur le sujet et d'avoir une capacité pour l'ensemble de ces emplois à pouvoir se loger.
APOLLINE DE MALHERBE
Catherine VAUTRIN, vous êtes non seulement la ministre du Travail et des Solidarités, mais vous êtes aussi la ministre de la Santé. Je voudrais que vous écoutiez le témoignage de la maman de Lucas. Lucas, son cas est terriblement emblématique, il avait 25 ans, il est mort d'une septicémie aux urgences de l'hôpital d'Hyères dans le Var, il avait passé 8 heures à agoniser dans un couloir des urgences sans être véritablement ausculté. Ses parents, qui étaient à l'extérieur de l'hôpital, n'ont même pas pu rentrer. Il leur envoyait des SMS en disant « Horrible maman horrible. Je n'ai toujours vu personne ». D'autres patients qui étaient également dans ces couloirs d'urgence ont raconté son calvaire, ont raconté avoir vu Damien mourir en quelques heures sans être, Lucas sans être véritablement ausculté. Je voudrais que vous l'écoutiez parce qu'elle vous a écrit, mais pour l'instant, vous lui n'aviez pas répondu. Écoutez.
MAMAN DE LUCAS
On se rend compte aujourd'hui que c'est une affaire qui est beaucoup plus grande que seulement locale au niveau de Hyères. Il y a un problème dans les urgences en France. Ce qu'on voudrait aujourd'hui, c'est une réponse de la ministre puisque je lui ai envoyé un courrier recommandé pour lequel, pour l'instant, je n'ai pas eu de réponse. On voudrait une réponse à ce courrier par exemple. On voudrait aussi qu'elle diligente, peut être que c'est déjà fait une enquête sur l'hôpital de Hyères, sur les urgences de Hyères.
APOLLINE DE MALHERBE
Avez-vous lancé une enquête sur l'hôpital de Hyères ?
CATHERINE VAUTRIN
Alors plusieurs choses. D'abord, je suis ministre, mais je suis maman. Et donc, évidemment, mes premières pensées vont pour cette famille qui a vécu ce drame au mois de septembre dernier. Il y a quinze jours que je suis en fonction. Au moment où je vous parle, je n'ai pas cette lettre. Pour autant, il est évident qu'une enquête est déjà lancée auprès de l'Inspection générale de l'action sociale. Bien évidemment, c'est le minimum. Au-delà de ce drame, le service d'accès aux soins est aujourd'hui une de mes priorités. Le service d'accès aux soins, c'est le 15. Ce numéro de téléphone que chacun de nos concitoyens connaît. Au bout du téléphone, vous avez quelqu'un qui a capacité, qui est un médecin régulateur, qui a capacité à répondre à la situation qui est la vôtre et de décider ce que l'on peut faire pour vous, où vous devez aller et ce que vous devez faire. Aujourd'hui, en France, nous avons très précisément 60 centres d'accès aux soins. Le sujet, le Premier ministre l'a dit hier, c'est qu'à l'été, nous en ayons une centaine, parce que ce service pour l'accès aux soins.
APOLLINE DE MALHERBE
Qu'ils dispatchent en quelque sorte.
CATHERINE VAUTRIN
C'est la réponse sur la totalité du territoire. Nous étions à Dijon avec le Premier ministre. Nous avons visité ce service pour l'accès aux soins qui permet effectivement de répondre entre les urgences, évidemment, qu'elles soient pédiatriques, adultes, psychiatriques. Et c'est surtout ce travail entre les médecins et l'hôpital.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais si on dispatchent, qu'on envoie aux urgences et qu'ensuite on attend des heures sur un brancard dans des couloirs, le centre d'accès aux soins n'aura été qu'un palier supplémentaire.
CATHERINE VAUTRIN
Tout le sujet, c'est précisément parce qu'il y a ce travail qui est fait avec les médecins régulateurs ? de justement aller au bon endroit au bon moment et qu'en d'autres termes, suivant le problème qui est le vôtre, on vous adresse là où vous avez besoin d'aller et là, vous avez les réponses qui sont celles qui sont nécessaires en fonction des symptômes qui sont les vôtres.
APOLLINE DE MALHERBE
On a parfois l'impression et le drame de Lucas et sa maman l'expliquait très bien sur RMC ce matin, qu'au fond, aujourd'hui, il y a une forme de pile ou face. C'est à dire que selon l'endroit où vous vous trouvez en France, selon le jour de congé du médecin en charge des urgences, ce jour-là, il n'y a plus la garantie d'un égal accès aux soins en France.
CATHERINE VAUTRIN
Il faut quand même se dire qu'aujourd'hui en France, il y a 50 000 passages par jour aux urgences dans notre pays. Parallèlement à cela, il y a un million de consultations chaque jour faites par les médecins libéraux. Donc nous avons dans notre pays un système de soins qui reste l'un des meilleurs du monde. Et autre sujet sur lequel je crois, il est important que nous insistions, c'est qu'en France nous avons un savoir-faire en matière de curatif, de traitement. L'autre sujet sur lequel nous devons travailler, c'est aussi celui de la prévention, qui est l'un des éléments sur lesquels je vais bien évidemment avancer.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous allez chercher des médecins à l'étranger ?
CATHERINE VAUTRIN
Nous avons déjà fait quelque chose qui était attendu depuis longtemps, qui était la régularisation des médecins hors Union européenne qui, pour certains d'entre eux, exercent dans notre pays. D'autres ont passé l'examen, pour venir en France, ne sont pas encore là. Ce décret est sorti la semaine dernière, ce qui permet de conforter aujourd'hui la situation de ces médecins qui vont donc être autorisés parce que régularisés, à travailler dans notre pays. Ça, c'est le premier élément. Le deuxième élément, c'est que vous savez que, il y a maintenant 30 ans, des décisions avaient été prises, ce qu'on appelle le fameux numerus clausus qui consistait à limiter le nombre de médecins qu'on formait chaque année, ce qui génère aujourd'hui les difficultés que nous connaissons. Certains étudiants de l'époque qui n'ont pas pu faire médecine, ont passé leurs diplômes ailleurs et pour certains d'entre eux, sont partis exercer ailleurs. Un des sujets, c'est de proposer à ces Français de revenir dans notre pays, et c'est aussi de proposer à des médecins étrangers qui seraient intéressés de venir pratiquer pendant quelques années, en accord avec leur pays, de venir en France. Ce sont deux éléments. Et je rappelle que d'ici cinq ans... Il y a cinq ans, le Président de la République, c'est une des premières choses qu'il a faites en arrivant en 2017, a décidé d'augmenter la formation des médecins. Nous formons actuellement 10 700 médecins par an.
APOLLINE DE MALHERBE
Et ça aura donc des... ça sera pratique ?
CATHERINE VAUTRIN
Nous avons encore besoin de 5 ans. Très concrètement, il y a cinq ans.
APOLLINE DE MALHERBE
Catherine VAUTRIN, les agriculteurs ont écouté attentivement le discours de Gabriel ATTAL, hier. Un certain nombre qui étaient sur les blocages ont décidé de poursuivre la mobilisation. Il y a un point sur lequel je voudrais entendre la ministre de la Santé que vous êtes. Dans les revendications des agriculteurs, il y a notamment le fait de simplifier et d'alléger les normes. Un certain nombre de ces normes, elles sont dictées par des questions sanitaires, par des questions de glyphosate par exemple, de proximité avec les habitations. Sur tous ces points, ils aimeraient que la charge soit allégée. Comment vous arbitrez entre le sanitaire, entre les précautions, entre un principe de précaution sanitaire et la satisfaction de leurs revendications ?
CATHERINE VAUTRIN
Vous savez, dans ce que vous êtes en train de dire, il y a un élément qui me gêne beaucoup, c'est qu'il y a cette espèce de petite musique d'agriculteurs pollueurs. Et ça, les agriculteurs n'en peuvent plus. Parce que s'il y a bien une profession qui, évidemment, respecte notre santé, c'est bien les agriculteurs, parce que c'est eux qui produisent l'alimentation qui est la nôtre. Et honnêtement, moi, je suis issue…
APOLLINE DE MALHERBE
Oui mais ces normes, j'imagine que si elles ont fini par être imposées, elles ne venaient pas de nulle part.
CATHERINE VAUTRIN
Moi, je voudrais juste préciser les choses. Moi, je suis issue d'une région agricole et je sais comment ces agriculteurs, depuis quinze ans, ont considérablement évolué dans leurs pratiques. Et ce que je dis aujourd'hui sur les agriculteurs avec, pour être très concrète, l'agriculture de conservation par exemple, qui est une forme d'agriculture entre l'agriculture intensive et l'agriculture biologique. Si je prends la viticulture ; la viticulture aujourd'hui a considérablement avancé dans tous les procédés de biodynamique. Donc les agriculteurs ont commencé le changement eux-mêmes. Et quelque part, un des éléments de cette crise, c'est de respecter leur métier. C'est, deuxièmement, de leur permettre de vivre très concrètement de l'argent de leur travail. Troisièmement, il y a incontestablement cet élément de normes. Et quatrièmement, vous avez vu que le Premier ministre, encore ce matin, rencontre des agriculteurs. Je crois que c'est un rendez-vous important que de reprendre l'ensemble des sujets agricoles, mais ce que nous jouons, c'est notre souveraineté alimentaire.
APOLLINE DE MALHERBE
Il est sur le terrain à nouveau, Gabriel ATTAL, ce matin ?
CATHERINE VAUTRIN
Il est, ce matin, en rendez-vous avec des organisations agricoles.
APOLLINE DE MALHERBE
Et cette crise d'ailleurs, des agriculteurs, on continue à en parler non seulement sur BFM TV mais également sur RMC, puisque dans quelques instants, Olivier TRUCHOT, on le retrouvera, est sur le terrain, sur un point de blocage, sur l'A15. Merci Catherine VAUTRIN d'être venue faire le service après-vente, essayer de nous expliquer un peu ce qu'il y a, notamment derrière cette fameuse désmicardisation de la France. Je rappelle que vous êtes la ministre du Travail, de la Santé et des solidarités.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 février 2024