Texte intégral
BRUCE TOUSSAINT
Il est 08h11, tout de suite Adrien GINDRE reçoit Amélie OUDEA-CASTERA.
ADRIEN GINDRE
Bonjour Amélie OUDEA-CASTERA.
AMELIE OUDEA-CASTERA
Bonjour.
ADRIEN GINDRE
Près d'un enseignant sur deux dans les collèges et lycées étaient en grève, hier, d'après le syndicat FSU, un sur cinq si l'on regarde les chiffres du ministère, tous niveaux confondus. C'était une grève contre votre politique ou contre votre personne ?
AMELIE OUDEA-CASTERA
Ecoutez, c'est une grève qui a été suivie, voilà, on s'y attendait. L'appel à la grève, il avait été posé dès le 22 décembre dernier…
ADRIEN GINDRE
Avant votre nomination à l'Education.
AMELIE OUDEA-CASTERA
... et les revendications qui ont été exprimées par les organisations syndicales, je ne les découvre pas, je les connais, j'ai beaucoup échangé avec les, avec l'intégralité d'entre elles dans les 15 derniers jours. Ces revendications, je les entends, je les respecte, et elles savent, les organisations syndicales, que j'ai fait moi-même de l'attractivité des métiers de l'enseignement, l'une de mes trois priorités.
ADRIEN GINDRE
Alors, on va parler du fond, Amélie OUDEA-CASTERA. Ce qui a frappé hier, également, c'est la forme. Il y avait des mots très durs contre vous. Je les cite, dans les cortèges : « Une ministre hors-sol, incompétente, méprisante, disqualifiée ». Vous êtes devenue, en quelques jours, depuis votre nomination, un point de crispation pour eux ?
AMELIE OUDEA-CASTERA
Moi, j'entends l'expression d'une volonté de défendre l'école publique. Moi, ça me va très bien. L'école publique, j'en viens, je sais ce que je lui dois…
ADRIEN GINDRE
Ces mots-là, ils ne vous font rien ?
AMELIE OUDEA-CASTERA
... et je sais l'ambition que je porte pour elle, et j'aurai à cœur de la démontrer, cette ambition. Je pense que le meilleur service…
ADRIEN GINDRE
Vous avez une forme d'indifférence vis-à-vis de ces critiques.
AMELIE OUDEA-CASTERA
... à rendre à l'école publique, c'est d'avoir cette ambition-là.
ADRIEN GINDRE
Personnellement, humainement, vous êtes totalement indifférente à ces mots. Ils sont très durs, objectivement.
AMELIE OUDEA-CASTERA
Je ne suis absolument pas indifférente, absolument pas indifférente. Vous savez, dans la vie, je ne cache pas mes émotions. Je ne les cache pas, pourquoi ? Parce que j'ai appris à en faire une force pour avancer.
ADRIEN GINDRE
Donc ils vous touchent ?
AMELIE OUDEA-CASTERA
Oui, ils me touchent, mais ils renforcent encore ma détermination à me mettre au service de l'école et de la réussite de tous les élèves de ce pays, avec nos enseignants, avec toute la communauté éducative.
ADRIEN GINDRE
Parlons de vos mots, à vous, cette semaine, vous avez aussi devant le Comité olympique français, expliqué que de votre point de vue, vous étiez devenu le symbole d'une caste à abattre. Qu'est-ce que cela signifie ?
AMELIE OUDEA-CASTERA
Encore une fois, le sujet, ce n'est pas moi aujourd'hui.
ADRIEN GINDRE
Une caste à abattre…
AMELIE OUDEA-CASTERA
Non.
ADRIEN GINDRE
... c'est un mot très fort. C'est votre mot.
AMELIE OUDEA-CASTERA
Moi, j'ai exprimé ce que j'avais à dire sur ce sujet. Mes valeurs, c'est celles du mérite, de l'effort et l'amour du travail bien fait.
ADRIEN GINDRE
Mais c'est quoi « cette caste à abattre » ? De quoi vous parlez ?
AMELIE OUDEA-CASTERA
Une déclaration de politique générale où des propos ont été tenus par Marine LE PEN d'un côté et par Mathilde PANOT de l'autre. J'ai voulu marquer ma désapprobation par rapport à ces interpellations.
ADRIEN GINDRE
Vous considérez être un symbole aujourd'hui ?
AMELIE OUDEA-CASTERA
Si je suis un symbole de quelque chose, c'est de la volonté d'avancer. La détermination. Vous savez, ma méthode depuis 20 mois, je l'ai démontrée. C'est quoi ? C'est d'être à l'écoute et dans le dialogue. C'est de travailler, d'accord ?
ADRIEN GINDRE
On voit quand même…
AMELIE OUDEA-CASTERA
C'est d'avoir du courage et c'est aussi une capacité à avancer en équipe. C'est ça, voilà, ma manière d'avancer.
ADRIEN GINDRE
Mais, cette capacité à avancer, elle existe Amélie OUDEA-CASTERA, quand vous-même vous reconnaissez une meurtrissure, quand en face, les enseignants, on le voit dans le cortège, disent qu'ils ne sont pas prêts à vous pardonner vos mots sur l'école publique.
AMELIE OUDEA-CASTERA
Je vous l'ai dit, ces émotions, elles existent, mais il faut en faire quelque chose pour être plus forts et pour avancer. Ça, ma vie m'a appris à le faire. Alors moi, je l'ai dit, je me suis excusée, je me suis expliquée. Maintenant, avançons.
ADRIEN GINDRE
Vous partagez les mots du syndicat SE-UNSA, qui vous donnent le point, qui dit : « Le début était catastrophique - c'est une manière de dire - et on peut avancer ». Vous reconnaissez un début catastrophique en espérant une suite meilleure ?
AMELIE OUDEA-CASTERA
Le début n'a pas été bon, bien évidemment. Mais ce qu'il faut regarder c'est la manière dont j'ai commencé à avancer depuis trois semaines, en rencontrant l'intégralité des organisations syndicales, en intervenant devant le Parlement de l'Education, le Conseil supérieur de l'éducation, mercredi dernier, en exposant toute ma feuille de route, que j'ai déjà détaillée, structurée, phasée, en allant sur le terrain, à la rencontre déjà de nombreux enseignants qui me réservent un accueil tout à fait constructif, qui ont envie d'avancer, parce qu'ils savent l'urgence qui est la nôtre pour l'école.
ADRIEN GINDRE
Sur le fond, hier, dans les cortèges, au-delà de l'école publique et de votre personne, il y avait bien sûr les salaires, les conditions de travail. Il y a une inquiétude en ce moment qui concerne l'annonce faite au sujet de la création de groupes de niveaux, en math, en français, en 6e et en 5e à partir de la rentrée prochaine. Les moyens sont jugés insuffisants. Est-ce que vous pouvez dire ce matin, aux parents qui nous regardent, aux professeurs qui nous regardent, combien de professeurs vous allez mettre en plus, combien d'heures d'enseignement vous allez mettre en plus, pour permettre ces groupes de niveaux ?
AMELIE OUDEA-CASTERA
Alors d'abord, ces groupes de niveaux, ils procèdent d'une volonté, c'est de remettre l'exigence à tous les étages. Cette ambition, Elle est portée par le chef de l'Etat, elle est portée par Gabriel ATTAL, et moi, je veux en être la garante.
ADRIEN GINDRE
Mais ça ne marchera que s'il y a des moyens en plus.
AMELIE OUDEA-CASTERA
Les groupes de niveaux sont l'une des composantes, on va en effet les mettre en place à la rentrée en 6e et en 5e…
ADRIEN GINDRE
Avec plus de professeurs ?
AMELIE OUDEA-CASTERA
... pour en faire un outil d'égalité des chances. Oui, avec plus de moyens, près de 2 500 ETP équivalents temps plein, qui sont mobilisés pour cette réforme. Il devait y avoir initialement des suppressions de postes qui ont été annulées. Il y a des rééquilibrages qui se font entre le premier et le second degré. Et le but, c'est évidemment de donner, et notamment aux établissements qui sont les plus, avec le plus grand nombre d'élèves fragiles, en difficulté, les moyens pour mettre en place ces groupes de niveaux.
ADRIEN GINDRE
Mais il y aura bien plus de moyens dans 100 % des établissements ? Certains syndicats s'inquiètent de dire « ça ne sera qu'une partie des établissements seulement ».
AMELIE OUDEA-CASTERA
Nous avons deux éléments. Il y a d'abord la réallocation de la fameuse 26e heure, qui va permettre de redonner des marges de manœuvre, pour mettre en place ces groupes de niveaux, dont je le redis qu'ils doivent permettre de réinstaller de remettre en marche l'ascenseur scolaire. Et dans les établissements où il y a des difficultés un peu plus fortes, il y a la création de plus de 830 ETP.
ADRIEN GINDRE
Ça aura aucune conséquence sur les autres disciples. Il n'y aura pas de disparition localement, d'options langues vivantes, de latin, de grec ?
AMELIE OUDEA-CASTERA
Non, le but, c'est qu'on puisse avoir une assise, une maîtrise des savoirs fondamentaux, et qu'il n'y ait pas de remise en cause de la maquette, qu'il n'y ait pas non plus de remise en cause des dispositifs de soutien qui sont très importants, avec d'ailleurs le concours des professeurs des écoles, avec le dispositif « Devoirs faits », et l'intervention de ces professeurs pour permettre aux enfants d'être accompagnés dans leur réussite.
ADRIEN GINDRE
Tout ça, mis bout à bout, Amélie OUDEA-CASTERA, ça donne, quand on regarde le baromètre réalisé par votre ministère, sur le ressenti de vos personnels, des chiffres qui sont quand même très bas sur les conditions de travail, la note donnée est de 4,8/10 sur les perspectives de carrière, 2,9/10 sur les salaires, 3,3/10. Dans son discours à l'Assemblée, mardi, le Premier ministre a parlé de fonctionnaires qui seraient rémunérés au mérite. Est-ce que les enseignants seront concernés ?
AMELIE OUDEA-CASTERA
Ecoutez, le chantier de la résolution de la crise des recrutements, de l'attractivité des carrières, j'en fais une priorité. Cela veut dire que je suis d'ores et déjà au travail, comme me l'ont demandé le président de la République et le Premier ministre, notamment avec Sylvie RETAILLEAU, pour revoir les conditions de recrutement et la formation initiale. Je veux aussi travailler sur les déroulés de carrières, et notamment la perte d'attractivité des milieux de carrières pour les enseignants. Et je veux aussi me mobiliser pour l'ensemble des métiers qui font le service public de l'éducation. Le Premier ministre a évoqué les dispositifs que nous allons mettre en place, par exemple pour les infirmières scolaires, mais aussi pour les AESH qui s'occupent des enfants en situation de handicap.
ADRIEN GINDRE
Vous serez où, Amélie OUDEA-CASTERA, le lundi 2 septembre prochain ?
AMELIE OUDEA-CASTERA
Je serai aux côtés des élèves et des enseignants pour la rentrée scolaire.
ADRIEN GINDRE
C'est le jour de la rentrée scolaire.
AMELIE OUDEA-CASTERA
Et je serai en même temps déterminée à ce que les Jeux paralympiques, les premiers de notre histoire, qui peuvent changer le regard qu'on porte sur le handicap et le quotidien des personnes en situation…
ADRIEN GINDRE
Mais on sera en pleins Jeux paralympiques, vous n'avez pas le don d'ubiquité, vous ne pourrez pas physiquement être dans une école et dans un stade.
AMELIE OUDEA-CASTERA
Au contraire. Vous savez, il y a beaucoup de synergies, et quand je m'occupe des Jeux olympiques et paralympiques, je m'occupe aussi de la jeunesse.
ADRIEN GINDRE
Il y a une deuxième vague de nominations au gouvernement qui est attendue dans quelques jours. Il y a des interrogations sur votre maintien au gouvernement. Est-ce que vous avez eu des garanties du président et du Premier ministre sur votre maintien au gouvernement ?
AMELIE OUDEA-CASTERA
Non mais, ni l'un ni l'autre ne sont dans les états d'âme. Ce qu'ils veulent, c'est des ministres qui savent ce qu'ils ont à faire et qui bossent pour le faire. C'est exactement dans cette perspective…
ADRIEN GINDRE
Mais est ce qu'ils vous ont garanti votre maintien au gouvernement ?
AMELIE OUDEA-CASTERA
Mais rien n'est garanti, pour personne. Le sujet n'est pas : est-ce que moi je suis garantie ? On a une feuille de route qui est extrêmement claire, que j'ai travaillée à nouveau avec l'ensemble des organisations syndicales, pour la phaser. Moi je suis dans l'action, et je veux…
ADRIEN GINDRE
Vous ne songez pas à démissionner.
AMELIE OUDEA-CASTERA
... contribuer à la réussite de l'école. Parce que je pense que j'ai beaucoup de choses à apporter à cette action…
ADRIEN GINDRE
Vous ne songez pas à démissionner.
AMELIE OUDEA-CASTERA
... de la méthode, du dialogue, de l'action, de la volonté et du courage.
ADRIEN GINDRE
Vous ne songez pas à démissionner.
AMELIE OUDEA-CASTERA
Non, je ne songe pas à démissionner.
ADRIEN GINDRE
Vous n'y avez pas songé, à aucun moment.
AMELIE OUDEA-CASTERA
Ecoutez, je vous l'ai dit. Moi, je ne cache pas mes émotions. D'accord ? J'en fais encore une fois une force, pour avancer avec sincérité. Voilà. Je dis les choses. Aujourd'hui, je suis dans l'action, au service de l'Education Nationale et pour faire réussir tous les élèves de ce pays.
ADRIEN GINDRE
Merci Amélie OUDEA-CASTERA d'avoir été l'invitée de TF1 ce matin.
AMELIE OUDEA-CASTERA
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 février 2024