Interview de M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention à France Info le 16 février 2024, sur les déserts médicaux et la proposition pour une hausse de la consultation de la médecine de ville à 30 euros.

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Média : France Info

Texte intégral

JULES DE KISS
Bonjour Frédéric VALLETOUX.

FREDERIC VALLETOUX
Bonjour.

JULES DE KISS
Vous êtes le cinquième ministre de la Santé d'Emmanuel MACRON en seulement deux ans pour un ministère qui a de nombreux défis à relever, et on va prendre les sujets un par un, on va prendre le temps de les creuser ce matin avec vous. Le plus récent, c'est l'assurance maladie qui a donné son accord à une hausse de la consultation pour les médecins généralistes. Elle va passer de 26,50 euros à 30 euros mais ça ne va pas se faire sans contreparties. Qu'est-ce que vous leur demandez de plus aux médecins ? Est-ce qu'ils vont devoir faire plus de gardes pour toucher plus d'argent ?

FREDERIC VALLETOUX
Alors la discussion qui est en cours est une discussion classique qui revient régulièrement. Elle avait échoué au printemps, elle a repris à l'automne et elle devrait, j'espère, aboutir dans les prochaines semaines et comme toute négociation, on discute des engagements mutuels. L'engagement de l'assurance maladie, c'est répondre à cette demande légitime de voir la revalorisation de la consultation en secteur 1 notamment mais pas que. C'est aussi d'adapter un certain nombre de tarifs.

JULES DE KISS
C'est votre demande à vous.

FREDERIC VALLETOUX
Et la demande de l'Etat, c'est bien sûr quels sont les engagements réciproques, quelle est la contrepartie. C'est-à-dire finalement dans tout contrat, chacun fait un pas l'un vers l'autre, et donc comment on répond aux attentes j'allais dire d'intérêt général. Aux questions d'intérêt général que se posent aujourd'hui les Français sur la permanence des soins…

AGATHE LAMBRET
Mais ça tournait autour de quoi Frédéric VALLETOUX ? Garde ou pas garde ? Gabriel ATTAL, lui, il a été assez clair dans sa déclaration de politique générale notamment, il n'exclut pas de réintroduire l'obligation de garde qui avait été supprimée en 2002. Aujourd'hui clairement, c'est une menace qui pèse ?

FREDERIC VALLETOUX
Alors « c'est une menace » : d'abord, tout le monde ne le vit pas comme une menace. La réalité des faits fait qu'aujourd'hui, il y a déjà 40 % des médecins libéraux qui participent à la garde, c'est-à-dire finalement à la prise en charge des Français après 20 heures le week-end et les jours fériés. Donc ce n'est pas une réalité que méconnaît la médecine libérale.

AGATHE LAMBRET
Mais justement, pourquoi leur demander s'il y a déjà 40 % ? C'est absurde par exemple dit Arnaud CHICHE, le président du collectif Santé en danger. Il dit il y a déjà des médecins qui le font, par ailleurs les généralistes qui travaillent le soir, ils fermeront leur cabinet le lendemain matin. Ça ne peut pas régler le problème.

FREDERIC VALLETOUX
C'est pour ça que la volonté, c'est de regarder les choses territoire par territoire. En fait, ce que je souhaiterais et ce que nous souhaitons avec Catherine VAUTRIN, c'est vraiment de faire confiance aux acteurs de territoire pour organiser eux-mêmes effectivement, là où c'est nécessaire parce que la garde n'existe pas partout et la participation de la médecine libérale à l'effort de garde aux côtés des hôpitaux n'est pas la même dans les différents territoires, et donc l'idée effectivement c'est de regarder territoire par territoire les réponses que peuvent apporter les professionnels eux-mêmes. Et puis ça n'est qu'en dernier recours, s'il y a carence de la réponse, qu'effectivement, mais c'est normal, l'État jouera son rôle et permettra effectivement d'harmoniser, d'équilibrer cette participation à la garde entre l'offre publique, c'est-à-dire l'hôpital et effectivement la participation des libéraux. Moi j'étais avant hier dans les Yvelines, j'ai passé toute la soirée jusqu'à minuit avec les libéraux qui participent depuis plusieurs années à l'effort de garde. On voit que dans certains territoires, les choses se font déjà naturellement et de belle manière donc c'est ça qu'il faut encourager. C'est les initiatives locales.

AGATHE LAMBRET
Mais ceux qui travaillent 60 heures par semaine, vous trouvez qu'ils ne travaillent pas assez ?

FREDERIC VALLETOUX
Alors il y a deux, trois choses qu'il faut dire, parce que j'entends effectivement, du côté de certains interlocuteurs un peu des caricatures, et il faut se garder des caricatures. Il faut, je pense, le sujet est sérieux et compliqué, et donc essayons d'avoir une attitude responsable. Quand on parle de garde en nuit profonde, il est dans l'idée de personne de demander à des médecins libéraux d'être entre minuit ou 5 heures, 6 heures, 7 heures du matin, de tenir des gardes alors que de toute façon il y a une lumière allumée qui s'appelle les urgences. En nuit profonde, on n'a évidemment pas besoin d'un effort de participation à la permanence des soins comme entre 20 heures et minuit ou comme le week-end et jours fériés. Donc il faut graduer selon les territoires, selon les besoins parce que c'est nécessaire aujourd'hui d'avoir une approche qui soit beaucoup plus spécifique. Et se garder, c'est un des maux d'ailleurs de notre système de santé, c'est d'avoir des solutions toutes faites pensées depuis Paris et qui doivent s'appliquer partout de la même manière. Non, on va sortir de cette logique, on fait confiance aux acteurs de terrain pour s'organiser, pour dialoguer et pour organiser et notamment sur ce sujet sensible de la garde.

JULES DE KISS
Et on verra donc jusqu'où ira cette gradation, obligation ou pas, à terme pour certains médecins, pour certains territoires. Peut-être juste d'un mot, les 30 euros, la consultation à 30 euros c'est pour quand ?

FREDERIC VALLETOUX
Alors la consultation à 30 euros, les discussions sont en cours. C'est une proposition qu'a faite l'assurance maladie parce que derrière les 30 euros, ce n'est pas que ça. Il y a comment on finance mieux les consultations complexes, comment on revalorise les actes dans des spécialités où aujourd'hui on souffre beaucoup. Je pense à la pédiatrie, je pense à la santé mentale, la psychiatrie donc là aussi, c'est évidemment des discussions plus fines. J'espère que ça va aboutir le plus vite. Moi je ne participe pas personnellement aux discussions mais j'espère que ça va aboutir le plus vite possible. Je pense qu'aujourd'hui il y a un sens des responsabilités de toutes parts et notamment chez les syndicats de médecins qui veulent aussi aboutir parce que c'est nécessaire. Les Français nous regardent, les Français nous attendent et on a besoin aujourd'hui d'avoir un système de santé qui inclut beaucoup plus et qui fasse confiance à ses professionnels.

AGATHE LAMBRET
Les Français vous attendent effectivement. 30 % d'entre eux vivent dans un désert médical, près de 90 % de territoire est concerné et ça fait sept ans qu'Emmanuel MACRON est au pouvoir. Quand est-ce que tous les citoyens auront accès à un médecin ?

FREDERIC VALLETOUX
Alors moi je suis élu d'un territoire, le sud Seine-et-Marne, où on est, alors là les déserts médicaux, on connaît bien. Je sais très bien la difficulté de ceux qui, et je pense aux généralistes qui sont dans des villages, dans des petites villes et qui tiennent le système à bout de bras effectivement en y passant de longues journées, de longues heures. On ne part pas de zéro, il y a des choses qui ont été faites. La suppression du numerus clausus permet aujourd'hui d'avoir presque 20 % de plus d'étudiants en médecine en deuxième année qu'on en avait avant le Covid, c'est-à-dire en 2019.

AGATHE LAMBRET
Mais ça prend du temps, donc encore combien d'années ?

FREDERIC VALLETOUX
Mais bien sûr, ça prend du temps, et donc le système de santé, on ne résout pas ces difficultés d'un claquement de doigt ou en quelques mois.

AGATHE LAMBRET
Et est-ce qu'on le résout en allant chercher des médecins à l'étranger ? Gabriel ATTAL a proposé la nomination d'un émissaire.

FREDERIC VALLETOUX
Alors l'émissaire n'est pas nommé mais l'effort qu'il fait d'aller aussi regarder pour voir si des professionnels étrangers peuvent venir, il est fait depuis plusieurs années. Vous allez dans les salons infirmiers, même en France, moi je suis allé à un salon infirmier en France il n'y a pas très longtemps. Vous avez des beaux stands d'hôpitaux étrangers qui viennent aussi entre guillemets chercher des infirmières françaises, parce que la pénurie de soignants, elle affecte beaucoup de pays.

JULES DE KISS
Donc l'idée, c'est de garder nos soignants et d'aller les chercher ailleurs.

FREDERIC VALLETOUX
D'aller les chercher ailleurs, ce n'est pas que ça, l'idée. C'est de jouer sur différents leviers. En former plus, revaloriser les actes et je pense notamment effectivement à ce qui a été fait avec le Ségur qui donne aujourd'hui des métiers à l'hôpital plus attractifs. Et on voit d'ailleurs qu'à l'hôpital - pas partout, je suis prudent -ais il y a des signaux positifs qui commencent à revenir. On rouvre des lits parce qu'on arrive à compléter des services là où pendant longtemps, on a eu effectivement des services qui étaient pénalisés par le manque d'effectifs, on rouvre des lits.

JULES DE KISS
Il y a aussi des fermetures de lits.

FREDERIC VALLETOUX
On a réouvert 400 lits. Non mais je ne dis pas que c'est partout et je ne dis pas que la situation est simple, mais il y a des signaux qui montrent qu'effectivement aujourd'hui les conditions de travail, la revalorisation du travail de nuit qui a été opérée par François BRAUN avec Elisabeth BORNE il y a quelques mois et qui a été pérennisée permet aujourd'hui d'avoir des postes qui sont plus attractifs. Donc on joue là-dessus, sur l'attractivité des métiers et il y a encore beaucoup à faire. On joue sur le numerus clausus, je l'ai dit, pour mieux former. On joue aussi sur la délégation de tâches. Faire confiance à des infirmières qui peuvent venir en soutien des médecins sous le contrôle des médecins, parce que là aussi je ne veux pas créer des polémiques qui seraient inutiles, en coordination avec les médecins pour leur libérer du temps médical. Ce qu'a annoncé Gabriel ATTAL, 10 000 assistants médicaux, on en est à 6 000 aujourd'hui, payés par l'Etat, payés par l'assurance maladie pour effectivement soulager les professionnels de santé dans leurs cabinets des tâches administratives. C'est des millions d'heures de consultations qui vont pouvoir être dégagées et permettre à des médecins de se concentrer sur ce qui est finalement leur métier premier, c'est-à-dire soigner, prendre en charge, accueillir les Français, les malades et au détriment des tâches administratives portées par ces assistants médicaux. On va vers 10 000 dans les prochains mois. Donc tous ces efforts, il n'y a pas une recette magique, une recette miracle, mais tous ces efforts doivent permettre non pas là aussi de changer complètement la face du système de santé, mais permettre de dégager du temps médical pour les médecins, de retrouver des heures de consultations pour les Français et finalement de desserrer un peu la contrainte et l'étau qu'on connaît aujourd'hui.

JULES DE KISS
Il y a d'autres pistes pour résoudre ce problème qu'on n'a pas encore détaillées. On va le faire dans un instant. Comment résoudre les déserts médicaux ? C'est juste après le fil info. (…)

AGATHE LAMBERT
Toujours avec Frédéric VALLETOUX, ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention. On parlait de cet émissaire que Gabriel ATTAL veut nommer pour aller chercher des médecins à l'étranger, des médecins étrangers, est-ce que ce ne sont pas aussi les médecins français qu'il faudrait aller récupérer à l'étranger…

FREDERIC VALLETOUX
Bien sûr.

AGATHE LAMBRET
Parce que de plus en plus d'étudiants partent obtenir leur diplôme, par exemple en Roumanie, qui fait figure d'Eldorado, tant les études de médecine en France sont complexes ?

FREDERIC VALLETOUX
Bien sûr, il y a un vrai travail à faire sur l'accessibilité des études de médecine, c'est un travail qui reste effectivement à prendre à bras-le-corps. J'ai dit qu'on avait augmenté les capacités à former, ça c'est vrai, on doit aller plus loin encore, mais au-delà de ça, effectivement, sur l'accessibilité des études il y a une réflexion à apporter.

AGATHE LAMBRET
Et pourtant le président a réformé les études de médecine, est-ce que ce n'est pas l'échec de sa réforme ? parce que vous dites, vous avez augmenté le numerus clausus…

FREDERIC VALLETOUX
Non, je ne crois pas, mais attendez…

AGATHE LAMBRET
Il a augmenté de 15 %, c'est-à-dire qu'il est au même niveau que dans les années 70 alors qu'il y avait 15 millions de Français en moins.

FREDERIC VALLETOUX
Oui, non mais d'accord, mais…

AGATHE LAMBRET
Ça ne change pas grand-chose, finalement vous n'avez pas ouvert les vannes.

FREDERIC VALLETOUX
Ça ne change pas grand-chose, là aussi, vous savez, augmenter les effectifs qu'on forme, ça ne se fait pas d'un claquement de doigts, il faut accueillir les étudiants, il faut leur trouver des terrains de stages, il faut trouver des professeurs qui… des élèves plus nombreux, et donc il y a toute, j'allais dire, toute une organisation à repenser. Il y a toujours eu des médecins étrangers dans notre pays, il y a 25 000 médecins, inscrits à l'Ordre des médecins, qui sont des médecins étrangers, ce qui a été fait ces derniers mois c'est de leur donner un vrai statut, vous savez, c'est les fameux PADHUE, c'est ces médecins qui ont un diplôme hors Union européenne.

AGATHE LAMBRET
Oui, écrasés par les contraintes administratives, d'ailleurs ils manifestaient devant le ministère de la Santé hier.

FREDERIC VALLETOUX
Oui, bien sûr, parce qu'effectivement… mais beaucoup ont, et ça a été un travail qui a été fait par le précédent gouvernement, eh bien de leur donner un vrai statut, une vraie reconnaissance, et une vraie insertion dans le système français, qui aujourd'hui soit clair, ça c'est fait. Il y a eu 3000 médecins étrangers, hors Union européenne, je dis, diplômés hors Union européenne, qui ont été régularisés, enfin pas régularisés, mais…

AGATHE LAMBRET
Eux ils veulent une vraie régularisation, pas jute une prolongation, non, non…

FREDERIC VALLETOUX
Mais qui ont un vrai statut aujourd'hui. On a créé, grâce à la loi immigration, un passeport talent pour les métiers de la médecine, la loi immigration elle date d'il y a quelques semaines, si on regarde à l'échelle du temps c'était juste avant Noël, donc on va pouvoir effectivement aujourd'hui pouvoir avoir des conditions d'accueil des médecins étrangers qui soient, j'allais dire, beaucoup plus, qui ne les mettent pas dans un statut qui soit un statut intermédiaire comme c'était le cas, mais un vrai statut, avec une vraie reconnaissance de leur rôle et de leur place.

AGATHE LAMBRET
Juste, vous parlez de la loi immigration, vous vouliez, dans la loi immigration, durcir les conditions d'accès aux prestations sociales, pour les médecins étrangers notamment, si le Conseil constitutionnel n'avait pas censuré cette mesure, ils auraient été soumis à des règles plus dures, ce n'était peut-être pas très pertinent.

FREDERIC VALLETOUX
Non mais, il y a une politique d'accueil des talents, qui ne date pas de la loi immigration, qui date de plusieurs années, où effectivement sur certains métiers, qui sont des métiers sur lesquels la France aussi a besoin d'apports étrangers, et c'est bien normal, on le comprend, eh bien on facilite l'accès, on facilite l'insertion, on facilite, j'allais dire, les démarches administratives…

AGATHE LAMBRET
Ce n'est pas ce que vous vouliez faire avec la loi immigration.

FREDERIC VALLETOUX
C'est ce qu'on voulait faire avec les médecins.

JULES DE KISS
Avoir plus de médecins à l'avenir et dès aujourd'hui, et puis libérer du temps médical aussi, et ça passerait par cette idée de la « taxe lapin », taxer les rendez-vous non-honorés pour lutter contre ces rendez-vous pris et on ne s'y rend pas, comment ça se passerait très concrètement, on prend une empreinte de carte bancaire par exemple ?

FREDERIC VALLETOUX
Alors on va y réfléchir, là le sujet il doit être posé pour le coup avec les organisations de médecins, aussi peut-être avec les plateformes numériques qui aujourd'hui sont des intermédiaires importants.

JULES DE KISS
Si on appelle, je ne cite pas les marques, mais une secrétaire médicale au téléphone pour prendre rendez-vous.

FREDERIC VALLETOUX
Oui, bien sûr, mais en tous les cas il y a à réfléchir à un système qui permette… finalement aujourd'hui on a 27 millions, nous disent les professionnels, nous disent les médecins, 27 millions de rendez-vous non-honorés…

JULES DE KISS
Deux heures hebdomadaires par professionnel a priori, selon les calculs.

FREDERIC VALLETOUX
Voilà, exactement, on a les mêmes chiffres, donc voyez, deux heures hebdomadaires c'est énorme, parce qu'en deux heures vous voyez cinq à six patients, donc effectivement on voit qu'il y a des gains qui seraient disponibles et qui, là, par un système plus efficace, plus responsabilisant, parce que c'est un manque de civisme…

JULES DE KISS
L'idée on la comprend, mais dans la mise en oeuvre c'est vrai que ça semble assez épineux, les médecins vont devoir dénoncer les patients, par exemple ?

FREDERIC VALLETOUX
Non, mais on va en discuter, moi je ne veux pas avancer sur une discussion qui n'a pas encore eu lieu, on va trouver des solutions, Gabriel ATTAL a été clair, le Premier ministre souhaite une réponse dans les prochains mois, il aura une proposition effectivement de réponse à ce problème…

JULES DE KISS
Et ordre de grandeur de la « taxe lapin », si jamais elle arrive, c'est quoi, c'est 1 euro, 10 euros ?

FREDERIC VALLETOUX
Là aussi vous imaginez bien que je ne vais pas lancer des chiffres alors que la discussion n'a pas du tout commencé, donc…il y aura des propositions pour effectivement lutter contre ce phénomène qui a explosé avec l'arrivée des plateformes, qui ont « désintermédié », si on peut dire ça comme ça, le rapport avec le cabinet médical avec lequel on prend rendez-vous.

AGATHE LAMBRET
Fin mars le doublement des franchises entrera en vigueur, ce qui reste à la charge du patient augmentera de 50 centimes à 1 euro par boîte de médicament, de 1 à 12 euros pour les actes et consultations médicaux, donc que l'on soit riche ou pauvre on paiera deux fois plus ?

FREDERIC VALLETOUX
Alors, il faut d'abord rappeler un chiffre. 236 milliards, c'est l'effort que la nation fait pour effectivement financer l'accompagnement des Français à la maladie, les médicaments, les dépenses de soins, on a un des taux de couverture le plus important au monde, de financement des dépenses de santé pour les Français, par l'Assurance maladie, par la solidarité nationale, donc c'est aussi des ordres de grandeur qu'il faut rappeler, on est un pays qui couvre le mieux le coût du soin pour ses citoyens, ça c'est la première chose. La deuxième chose, effectivement, il y a ce forfait qui a augmenté, mais qui reste malgré tout marginal, et puis qui pose derrière une autre question, parce qu'on a un taux de couverture, je le disais à l'instant, qui est le plus élevé au monde, mais on a aussi un appétit à la dépense de médicaments qui est quand même assez fort, et peut-être qu'il faut travailler avec des messages de civisme, avec des messages de prévention, d'explications, de pédagogie, à une sorte de sobriété sur les médicaments, c'est-à-dire effectivement pour expliquer que la consommation de médicaments peut baisser, donc ça c'est un travail…

AGATHE LAMBRET
Mais ça ce n'est pas de la prévention, ça c'est de la sanction, et puis vous dites c'est marginal…

FREDERIC VALLETOUX
Ce n'est pas de la sanction parce qu'on interdit personne de…

AGATHE LAMBRET
1 à 2 euros, mais pour les étudiants, par exemple qui ont du mal à se nourrir correctement, ce n'est pas marginal.

FREDERIC VALLETOUX
Il y aura des campagnes pour effectivement essayer de contenir la dépense de médicaments, je vois bien qu'effectivement c'est une dépense, mais ce qu'on veut aussi c'est, j'allais dire, assurer l'équilibre, autant que possible, ou en tous les cas le financement de nos comptes sociaux, ça c'est majeur, parce que derrière on finance l'hôpital, on finance le monde libéral, on finance ces dépenses de médicaments que j'évoquais, et donc il faut aussi assurer effectivement la recette.

JULES DE KISS
Je reviens quand même sur ce que vous venez de dire aux Français et aux Françaises qui nous écoute, sobriété en termes de médicaments, concrètement ça veut dire quoi…

FREDERIC VALLETOUX
Ce n'est pas que pour les Français.

JULES DE KISS
En cas de certains symptômes on ne prend pas un médicament comme avant ?

FREDERIC VALLETOUX
Non, non, ce n'est pas que pour les Français, c'est aussi peut-être dans le conditionnement par les industriels du médicament, le conditionnement des boites, parce qu'on a tous dans nos placards des boites qui ne servent plus à rien…

JULES DE KISS
Médicament à l'unité par exemple, ça serait bien de le mettre en place pour éviter d'en prendre une plaquette et de jeter les autres ?

FREDERIC VALLETOUX
Peut-être, je sais qu'avec Catherine VAUTRIN, qui est donc ministre du Travail, de la Santé et la Solidarité, c'est un sujet sur lequel elle souhaite qu'on aboutisse, qu'on avance, parce qu'effectivement je pense qu'il y a des marges de manoeuvre là aussi, qui permettraient à la fois d'ajuster l'offre de médicaments, mais de faire comprendre aussi aux Français que, eh bien le rapport au médicament doit aussi peut-être mieux compris sur les enjeux qu'il y a derrière, c'est-à-dire avoir cette sobriété que j'évoquais.

AGATHE LAMBRET
Ces derniers mois plusieurs décès aux urgences ont alerté sur l'état de l'hôpital s'il le fallait, il y a notamment ce drame, Lucas, 25 ans, mort aux urgences d'Hyères dans le Var après plusieurs heures passées sur un brancard fin septembre, les parents ont porté l'affaire en justice, on peut mourir aujourd'hui en France aux urgences parce qu'on n'a pas été pris en charge à temps ?

FREDERIC VALLETOUX
Alors, ce cas est dramatique, comme tous les cas effectivement de personnes qui meurent aux urgences ou dans les services, on peut mourir à l'hôpital, oui, et parfois, effectivement, donc là il y a une enquête qui est en cours et qui dira les défaillances, s'il y en a eu, d'où proviennent-elles sur le fond quand même, juste deux chiffres, le service des urgences c'est le service public qui a vu sa fréquentation doubler, donc la plus augmenter en France, il y avait 10 millions de passages aux urgences il y a une douzaine d'années, on est à plus de 21 millions aujourd'hui, c'est-à-dire dire qu'effectivement la crise du système de santé, et le fait qu'effectivement aujourd'hui il y a de moins en moins de médecins, de la crise du système de santé, qui affecte aussi le monde libéral, fait qu'on se tourne de plus en plus vers les urgences parce que c'est la seule lumière allumée et que parfois c'est l'espoir d'une consultation, même si on n'a pas forcément besoin d'aller aux urgences

AGATHE LAMBRET
Et qu'est-ce qu'on fait alors ?

FREDERIC VALLETOUX
Et donc il faut effectivement continuer à travailler à ces solutions, on évoquait en début entretien cela, c'est-à-dire cette réponse territoire par territoire qui permet effectivement de mieux prendre en charge des gens qui n'auraient pas besoin d'aller aux urgences, mais qui y vont parce que, de fait, quand on veut voir un médecin, on sait qu'il y en a aux urgences, donc il faut…

AGATHE LAMBRET
Et que parfois on est dans des zones, on appelle SOS Médecins, il n'y en a pas, on veut prendre un rendez-vous, il n'y en a pas, donc on n'a pas d'autre choix que d'aller aux urgences…

FREDERIC VALLETOUX
Eh bien ce qu'on appelle le service d'accès - mais complètement - ce qu'on appelle le service d'accès aux soins, qui a été déployé ces derniers mois, aujourd'hui 63 départements ont un service d'accès aux soins, l'objectif fixé par le Premier ministre c'est que tous les départements soient couverts dans les prochains mois, c'est-à-dire effectivement… le service d'accès aux soins c'est un lieu de coordination entre la médecine hospitalière et la médecine libérale, ce sont des opérateurs et ce sont des médecins qui effectivement permettent d'avoir une réponse de premier recours pour les Français qui n'ont pas besoin d'aller aux urgences. Donc il faut à la fois essayer d'amener aux urgences, vers les urgences, ceux qui sont vraiment dans une situation d'urgence, il s'agit de mieux faire travailler la médecine de ville et la médecine hospitalière, pour effectivement adapter ça, parce qu'on ne peut pas courir non plus à toujours mettre plus de moyens dans les urgences et à faire finalement des urgences la seule réponse dans laquelle on mettrait des moyens, il faut faire confiance à la médecine libérale pour assumer sa place et son rôle en matière de premier recours.

JULES DE KISS
Frédéric VALLETOUX, ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention, on se retrouve dans une minute, le temps de dérouler le Fil info à 8h51. (…)

AGATHE LAMBRET
Frédéric VALLETOUX, ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention. Ils peuvent être une aide précieuse dans les déserts médicaux dont on parlait, eux aussi sont en colère et ont lancé des opérations escargot dans toute la France, opérations appelées à se répéter demain, ce sont les infirmiers libéraux qui réclament notamment une augmentation de leur rémunération à hauteur de l'inflation. Est-ce que vous allez faire un geste pour eux ?

FREDERIC VALLETOUX
Alors, elles ont raison, les infirmières libérales, il y a un sujet sur effectivement le rôle, la place, des infirmiers dans le système de santé, 630 infirmiers, 120 000 sont des infirmières libérales, l'essentiel travaillant donc à l'hôpital, néanmoins, et la question se pose aussi d'ailleurs à l'hôpital, il faut restaurer, réinterroger le rôle et la place des infirmiers dans le système de santé, on doit faire plus confiance à ces professionnels qui sont formés, qui ont tout à fait la capacité à épauler, à intervenir sur des champs de délégation, des champs de compétence, aux côtés des médecins, qui soient sans doute plus larges, et ça c'est une discussion qu'il faut qu'on ait globalement, la question n'est pas simplement la rémunération, je le redis, elle est le rôle et leur place.

AGATHE LAMBRET
Pas d'augmentation depuis 15 ans alors que l'inflation…

FREDERIC VALLETOUX
Bien sûr, mais bien sûr…

AGATHE LAMBRET
Ils se disent les oubliés du Ségur de la santé, il n'y aura pas de geste, vous dites, financier ?

FREDERIC VALLETOUX
Là aussi, on va commencer à discuter, et je souhaite vraiment ouvrir, avec toutes les organisations représentatives des infirmiers, infirmières, des discussions qui soient très larges et qui englobent justement aussi, pas simplement la question de la rémunération, mais aussi le champ de la responsabilité. Juste un exemple. Les infirmières en pratique avancée, on a voté ça à l'Assemblée nationale, maintenant en 2023, on est toujours effectivement en attente d'un statut, donc il faut aussi qu'on accélère, nous, le gouvernement, l'accompagnement et la reconnaissance de ces métiers-là, c'est un de mes objectifs dans les prochaines semaines.

JULES DE KISS
Frédéric VALLETOUX, la loi sur la fin de vie, en juin 2023 vous vous opposiez à l'aide active à mourir, vous écriviez, avec d'autres députés dans une tribune, « le soignant ne doit jamais disposer du droit de vie ou de mort sur celui qui se confie à lui », est-ce que vous allez pouvoir, en tant que ministre délégué à la santé, porter un texte qui irait à l'encontre de vos convictions personnelles ?

FREDERIC VALLETOUX
Alors, premièrement, si vous lisez la tribune, ce n'était pas une opposition effectivement à ce qu'on réouvre le sujet de la fin de vie et de l'aide active à mourir, non, non, ce n'était pas une opposition…

JULES DE KISS
Ça vous n'êtes pas contre ?

FREDERIC VALLETOUX
C'était une tribune qui plaidait pour effectivement qu'on fasse un effort sur les soins palliatifs, et ça correspond de toute façon…

AGATHE LAMBRET
Justement pour éviter le sujet de l'aide active à mourir.

FREDERIC VALLETOUX
Ce n'est pas pour éviter le sujet…

AGATHE LAMBRET
C'est ce que vous reprochent vos détracteurs, qui vous ont placé dans un camp.

FREDERIC VALLETOUX
Après les gens vous mettent dans des cases sans regarder…

JULES DE KISS
Vous êtes là pour répondre.

FREDERIC VALLETOUX
Les tribunes, en général, se lisent de la première phrase jusqu'à la dernière phrase, donc très clairement…

JULES DE KISS
Alors, l'aide active à mourir, un geste médical que donnerait un soignant pour terminer la vie d'un patient.

FREDERIC VALLETOUX
Mais, ce n'est pas non plus, je veux dire, ce n'est pas l'idée d'un changement comme ça de…

JULES DE KISS
C'est peut-être l'idée dans le texte, c'est vrai qu'on ne sait pas trop ce qu'il va y avoir dedans, donc !

FREDERIC VALLETOUX
Exactement, donc pour l'instant c'est de trouver un équilibre, et pour en avoir parlé avec le président de la République, il y a de toute façon la recherche d'un équilibre sur lequel, pour l'instant, il n'y a pas d'arbitrage qui a été fait, mais je crois que la volonté, effectivement, c'est justement d'augmenter, de réarmer les services de soins palliatifs, d'en installer un par département, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, donc redonner des moyens à l'hôpital pour déployer, pour permettre un accès plus facile pour les Français au service de soins palliatifs, qui effectivement aujourd'hui donne satisfaction au sens où c'est un accompagnement qui est poussé par…

JULES DE KISS
Mais sur l'aide active à mourir donc, l'exécutif continue à se chercher, à chercher son projet, et pendant ce temps-là des patients attendent ?

FREDERIC VALLETOUX
Je crois que le président de la République doit s'exprimer prochainement sur le succès…

JULES DE KISS
C'est quoi, c'est d'ici l'été que le projet de loi va arriver ?

FREDERIC VALLETOUX
Ah moi je ne suis pas dans…

JULES DE KISS
Non, vous ne savez pas ?

FREDERIC VALLETOUX
Vous savez, moi je suis ministre depuis cinq jours, six jours, donc je n'ai pas encore tous les… je ne suis pas encore dans la confidence dans tous les dossiers, mais simplement je sais que c'est un sujet qui n'a pas été oublié, qui sera pris à bras-le-corps, et la recherche c'est une recherche d'équilibre, là aussi, parce que de toute façon, et en écoutant les soignants, parce que, in fin, ce sont vers les soignants qu'on se tournera pour accompagner, dans une écriture qui reste à préciser, à accompagner les personnes qui sont en fin de vie. Et donc, on ne peut pas faire contre et sans les soignants. C'était aussi le sens de la tribune et je pense que ça, de toute façon, il n'y avait pas besoin de l'écrire pour convaincre le président de la République qui avait de toute façon spontanément parfaitement compris ça.

AGATHE LAMBRET
D'un mot, vous insistez sur les soins palliatifs mais il y avait une version de travail du projet de loi datant d'octobre qui évoquait, en plus du suicide assisté, une exception d'euthanasie pour les personnes qui ne seraient pas elles-mêmes en mesure de s'administrer le produit létal. Est-ce que cette exception d'euthanasie figurera dans la loi ou est-ce que vous repartez d'une page blanche aujourd'hui ?

FREDERIC VALLETOUX
Là aussi, je ne peux pas vous dire ce qui figurera dans la loi. Il y a différentes versions qui ont circulé ces derniers mois. Enfin, n'oublions pas que c'est quand même un chantier qui a fait l'objet d'une maturation exceptionnelle. Il y a eu la convention citoyenne qui a permis pendant de longs mois effectivement à ce que des Français s'acclimatent de cette question, en perçoivent les différentes facettes éthiques, médicales et permettent effectivement de faire progresser la réflexion. Il y a des consultations auxquelles je n'ai pas participé avec tous ceux qui, philosophes, religieux, médecins, avaient sur cette question des choses à dire et à faire valoir. Donc ce que sera le point d'arrivée de cette réflexion qui a quand même été longue et exceptionnelle, et moi je veux rendre hommage à Agnès FIRMIN LE BODO qui a mené dans les précédents gouvernements ces réflexions, permette aujourd'hui sans doute d'arriver à une maturation, à un point d'équilibre que je ne connais pas, mais dont je sais que vraiment l'intention, c'est de retrouver un point d'équilibre qui finalement emmène l'ensemble des acteurs plus que veuille imposer une solution qui ne serait pas partagée.

AGATHE LAMBRET
Juste d'un mot, les socialistes au Sénat voulaient faire adopter une proposition de loi pour les femmes souffrant de règles douloureuses pour leur offrir un droit à un congé menstruel qui serait indemnisé par l'entreprise. Quelle est votre position sur ce sujet ?

FREDERIC VALLETOUX
Je l'ai dit hier au Sénat : la cause est juste, la cause est effectivement à travailler mais la réponse qui a été proposée, sans rentrer dans trop de détails, mais la réponse qui a été proposée était inadaptée parce que c'était une réponse d'un congé qui serait donné, qui aurait peut-être été un coup de canif - enfin, ce n'est pas peut-être, c'était mon analyse - qui aurait été un coup de canif au secret médical, et donc sans doute le sujet est à retravailler. Je l'ai dit au Sénat.

AGATHE LAMBRET
Ça se fait en Espagne depuis un an.

FREDERIC VALLETOUX
Pas dans les mêmes manières, pas du tout dans les mêmes manières. Donc le sujet est à retravailler. Il y a de toute façon dans les prochaines semaines, on va réouvrir le sujet avec les parlementaires, sénateurs et députés…

JULES DE KISS
Et proposer un nouveau texte.

FREDERIC VALLETOUX
Et proposer effectivement un nouveau texte qui sera sans doute d'initiative parlementaire.

AGATHE LAMBRET
D'un mot Frédéric VALLETOUX, vous êtes ministre de Gabriel ATTAL et en même temps membre d'Horizons. Est-ce qu'Edouard PHILIPIPE reste votre candidat pour 2027 ?

FREDERIC VALLETOUX
Ecoutez, Edouard PHILIPPE reste le président de mon parti et celui qui, j'espère, relèvera le gant en 2027. Il est aujourd'hui très bien placé pour ça, mais…

AGATHE LAMBRET
Ça se corse avec la percée de Gabriel ATTAL.

FREDERIC VALLETOUX
Oui mais tout ça, on verra. Vous savez, de toute façon ce qu'il faut aujourd'hui, c'est éviter des solutions radicales et vous voyez très bien à quoi je fais allusion en parlant de ça, et donc il faut que le gouvernement réussisse. Personne ne réussira sur la défaite du gouvernement et Edouard PHILIPPE le sait le premier et Edouard PHILIPPE reste effectivement le candidat de mon coeur.

JULES DE KISS
Merci beaucoup Frédéric VALLETOUX, ministre délégué chargé de la Santé, une de vos premières interviews depuis votre nomination ce matin sur Franceinfo.

FREDERIC VALLETOUX
Merci beaucoup.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 février 2024