Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il est 8h33, bonjour à toutes et à tous, les Français veulent savoir, parlons vrai ce matin avec Jean-Noël BARROT, qui est ministre délégué chargé de l'Europe et vice-président du MoDem. Jean-Noël BARROT bonjour.
JEAN-NOËL BARROT
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. D'abord une question claire et précise, la députée européenne Valérie HAYER conduira-t-elle la liste Renaissance MoDem Horizons aux élections européennes ?
JEAN-NOËL BARROT
Valérie HAYER elle cumule toutes les qualités, elle est enracinée dans son territoire natal de la Mayenne, elle est rompue à l'exercice des responsabilités puisqu'aujourd'hui elle préside un groupe de plus de 100 députés issus de 24 nationalités au Parlement européen, et puis surtout c'est une femme engagée, avec la majorité présidentielle, mais aussi dans son mandat parce qu'elle a beaucoup travaillé, ce qui n'est pas tout à fait le cas de ses adversaires dans cette campagne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Fille d'agricultrice.
JEAN-NOËL BARROT
Petite-fille d'agriculteurs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Petite-fille d'agriculteurs, pourquoi est-ce un bon choix ?
JEAN-NOËL BARROT
Je vous l'ai dit, elle cumule toutes les qualités, et je voudrais revenir sur la troisième, engagée dans la majorité présidentielle, mais aussi dans son mandat, elle a fait honneur au mandat que les Français lui ont confié il y a cinq ans lors des dernières élections présidentielles, ce qui n'est pas le cas, par exemple, de Monsieur BARDELLA. Quand Madame HAYER produisait 80 rapports en cinq ans, Monsieur BARDELLA n'en produisait aucun.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc elle sera la candidate ?
JEAN-NOËL BARROT
Je le souhaite.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ne me dites pas je le souhaite…
JEAN-NOËL BARROT
Elle le sera dès lors qu'elle aura été officialisée, nous avons un meeting dans quelques jours…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est quand l'officialisation ?
JEAN-NOËL BARROT
Ce sera sans doute dans la semaine.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans la semaine, donc dans la semaine officialisation de Valérie HAYER.
JEAN-NOËL BARROT
C'est vous qui le dites.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, ce n'est pas moi qui le dis, mais c'est la réalité.
JEAN-NOËL BARROT
C'est sans doute ce qui va se produire, oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce qui va se produire, bon ! Aujourd'hui, réunion à Paris importante à propos de la guerre entre l'Ukraine et la Russie, je vais y revenir. Selon Volodymyr ZELENSKY 31 000 militaires ukrainiens ont été tués depuis deux ans, la victoire de l'Ukraine dépend de l'Europe. Alors, est-ce que vous souhaitez la victoire de l'Ukraine, donc la défaite de la Russie, que les choses soient claires ?
JEAN-NOËL BARROT
Que les choses soient claires, l'Ukraine ne doit et ne peut pas perdre cette guerre, parce qu'en réalité, en résistant…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc la Russie doit perdre.
JEAN-NOËL BARROT
En résistant à l'envahisseur russe…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc la Russie doit la perdre.
JEAN-NOËL BARROT
Donc la Russie soit la perdre, et je dois dire que, à ce stade, la Russie est en échec. Il y a deux ans, lorsque Vladimir POUTINE a lancé cette guerre d'agression contre l'Ukraine, il l'a présentée comme une opération spéciale qui allait durer quelques semaines seulement, et les soldats russes qui sont partis au front avaient dans leur paquetage leur costume de parade qu'ils comptaient arborer fièrement quelques semaines plus tard à Kiev. C'est un échec, car le peuple ukrainien résiste depuis deux ans, avec le soutien de l'Union européenne, des Etats-Unis.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, je vais y venir. 17e…17h aujourd'hui à l'Elysée, Conférence de soutien à l'Ukraine à l'initiative d'Emmanuel MACRON, seront réunis – je parlais de 17e – en fait 17 chefs d'Etat et de gouvernement européens, ainsi que des représentants des Etats-Unis, du Canada, de Grande-Bretagne, de la Suède, l'objectif c'est mobiliser l'Europe contre la Russie, mettre la Russie en échec, faire tout ce qui est nécessaire pour mettre la Russie en échec, c'est bien ce que vous dites, c'est ce que dit le communiqué de l'Elysée, donc la défaite de la Russie, accélérer les soutiens financiers et militaires à l'Ukraine, 50 milliards d'euros d'aides déjà…
JEAN-NOËL BARROT
Civiles.
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'aides promises, 50 milliards d'euros d'aides qui sont promis à l'Ukraine, mais la France n'est que le 15e donateur.
JEAN-NOËL BARROT
La France a fait beaucoup pour l'Ukraine…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi 15e seulement ?
JEAN-NOËL BARROT
Mais 15e sur quels critères ? l'Union européenne c'est à peu près 90 milliards d'euros tout compris, en aides civiles, avec 50 milliards d'euros qui ont été engagés il y a quelques semaines, au mois de février, par les chefs d'Etat et de gouvernement, et puis de l'aide militaire. Quant à la France, c'est évidemment de l'aide militaire, 3 milliards d'euros en 2022, 2023, et 3 milliards d'euros annoncés la semaine dernière par le président de la République, à l'occasion de la visite de Volodymyr ZELENSKY, pour l'année 2024.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors remarque que fait l'opposition, pourquoi est-ce que le Parlement français n'est pas consulté lorsqu'il s'agit d'aider l'Ukraine ?
JEAN-NOËL BARROT
Le Parlement est largement consulté, il a eu l'occasion d'en débattre, il a eu l'occasion de poser des questions au gouvernement, il a eu l'occasion aussi de se déplacer en Ukraine, et c'est une très bonne chose, donc le Parlement français, ses commissions, des Affaires étrangères, des Affaires européennes, est constamment tenu au courant.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean-Noël BARROT, Emmanuel MACRON décide d'envoyer, d'aider l'Ukraine, plusieurs milliards d'aides à l'Ukraine, sans que les Français ne soient consultés.
JEAN-NOËL BARROT
Ils le sont, ils sont informés, ils sont consultés.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils sont informés.
JEAN-NOËL BARROT
C'est le budget de l'Etat qui est chaque année voté, sanctionné si l'on peut dire, par le Parlement, donc tout cela se fait dans un cadre démocratique, et c'est heureux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, quel est l'objectif de cette réunion de ce soir à l'Elysée ?
JEAN-NOËL BARROT
C'est de prendre acte du durcissement de la position du régime de POUTINE, à la fois sur…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Nous sommes à un tournant, nous sommes à un nouveau tournant deux ans après ?
JEAN-NOËL BARROT
Nous avons constaté que depuis quelques mois, à la fois sur le champ de bataille, mais aussi dans d'autres champs de conflictualité, et notamment l'espace informationnel, le cyber espace, la position de Vladimir POUTINE s'est durcie, que désormais la Russie de Vladimir POUTINE cible nos intérêts, avec des campagnes de désinformation qui touchent nos démocraties, et qu'il nous faut donc réagir et ne surtout pas détourner les yeux alors que nous entrons dans la troisième année de la guerre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'Europe doit maintenant s'armer plus ?
JEAN-NOËL BARROT
Elle doit évidemment poursuivre son réarmement, y compris…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, enfin réarmement, est-ce qu'elle doit s'armer plus, oui, se réarmer plus, si vous voulez ?
JEAN-NOËL BARROT
Bien sûr, mais il faut quand même constater que depuis un an…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Construire au plus vite une défense européenne ?
JEAN-NOËL BARROT
Depuis un an nous avons doublé notre capacité de production d'obus de 155 mm, donc l'Europe a déjà entamé son réarmement militaire. Il faut que nous puissions aller plus loin, il faut que nous puissions, à la fois sur le plan de la coordination de nos forces, mais aussi sur notre production industrielle, aller plus loin, et ça fait partie des sujets qui seront abordés ce soir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, Jean-Noël BARROT, est-ce que Moscou nous menace ?
JEAN-NOËL BARROT
Bien sûr. En nous ciblant…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Aujourd'hui Moscou nous menace ?
JEAN-NOËL BARROT
Non mais, dès lors, dès lors que le projet de Vladimir POUTINE est de montrer qu'on peut impunément violer des frontières dans l'ordre international, alors ce qui se produit, ce qui est en jeu en Ukraine, c'est notre existence, c'est notre liberté et notre sécurité. Mais au-delà de ça, nous avons déjà été victimes de manoeuvres qui nous visaient directement, de campagnes de désinformation, depuis deux ans, et singulièrement depuis ces dernières semaines, avec une intention claire, affaiblir le soutien dans l'opinion publique, à l'Ukraine, et déstabiliser nos démocraties. Et nous devons être extrêmement vigilants puisque nous avons dans quelques semaines une élection européenne qu'il nous faut à tout prix protéger.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc nous sommes agressés par la Russie aujourd'hui ?
JEAN-NOËL BARROT
Il y a une volonté d'agression très claire de la part de Vladimir POUTINE qui se manifeste dans des champs qu'on appelle désormais hybrides, c'est-à-dire dans l'information.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, agression russe, menace russe, sommes-nous en guerre contre la Russie, pas officiellement, mais nous sommes… ?
JEAN-NOËL BARROT
Nous sommes les cibles d'une volonté d'agression manifeste de la part de Vladimir POUTINE qui déploie un certain nombre de manoeuvres pour…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Subversion en France ?
JEAN-NOËL BARROT
Pour affaiblir le soutien des Français au peuple ukrainien, pour déstabiliser notre démocratie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais comment ?
JEAN-NOËL BARROT
Vous savez, on l'a vu il y a quelques mois, par exemple, en Slovaquie, où pendant la période de silence électoral, vous savez, les 48 heures qui précèdent le scrutin, un hyper truquage, un " deep fake ", a été diffusé massivement, qui figurait l'un des candidats en montrant qu'il était en train de vouloir subvertir le scrutin, et cet " deep fake " est très certainement, même si ça n'a pas encore été attribué, d'origine russe, et a pour vocation d'altérer la sincérité de nos Etats, et quand on s'en prend…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, les services secrets français sont en alerte, j'imagine.
JEAN-NOËL BARROT
Quand on s'en prend à un scrutin, aux élections, eh bien c'est pour affaiblir la démocratie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que les Russes vont s'en prendre, pourraient s'en prendre aux élections européennes, aux prochaines élections européennes ?
JEAN-NOËL BARROT
C'est sans doute leur intention et nous allons y faire échec.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les services secrets sont en alerte.
JEAN-NOËL BARROT
Nous avons un service, qui s'appelle VIGINUM, et que le Président de la République a créé en 2021, dont l'objectif est de détecter, et comme on dit dans le jargon, d'attribuer, les manoeuvres informationnelles, c'est ainsi que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Des manoeuvres ont été détectées là ?
JEAN-NOËL BARROT
Bien sûr, il y a deux semaines, le ministre des Affaires étrangères, Stéphane SEJOURNE, a révélé l'existence de 193 sites Internet dormants et prêts à diffuser massivement des fausses nouvelles, par exemple, à l'approche d'une élection européenne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que la Russie a des complices en France, politiques ? est-ce que la Russie a des complices politiques en France ?
JEAN-NOËL BARROT
La Russie a des alliés, objectifs, celles et ceux qui, depuis le début de cette guerre, refusent…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous dites alliés, vous ne dites pas complices ?
JEAN-NOËL BARROT
Celles et ceux qui refusent de condamner l'agression russe en Ukraine…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui ?
JEAN-NOËL BARROT
Celles et ceux qui refusent de soutenir le soutien aux Ukrainiens à la fois dans le domaine civil, humanitaire et militaire, bref, ceux qui continuent de miser sur une forme de bienveillance de Vladimir POUTINE, et c'est irresponsable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui ?
JEAN-NOËL BARROT
Je pense évidemment au Rassemblement national.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A Nicolas DUPONT-AIGNAN, Rassemblement National et d'autres ?
JEAN-NOËL BARROT
L'extrême droite notamment, qui reste fascinée par Vladimir POUTINE…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui sont traîtres à la patrie ?
JEAN-NOËL BARROT
Qui restent fascinés par Vladimir POUTINE…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc traîtres à la patrie.
JEAN-NOËL BARROT
Qui en tout cas ne rendent pas service à la France puisque, je le redis, le combat des Ukrainiens, c'est le nôtre, et ce qui se joue sur la ligne de front aujourd'hui en Ukraine c'est notre existence, notre sécurité et notre liberté.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si l'Ukraine tombe, est-ce que l'Europe risque de tomber ?
JEAN-NOËL BARROT
Si l'Ukraine tombe, la ligne de front se déplacera à l'Ouest, comme l'a dit Volodymyr ZELENSKY il y a quelques jours, les dictateurs ne prennent pas de vacances, et donc il faut s'attendre à ce que Vladimir POUTINE, après avoir violé les frontières de l'Ukraine, en viole d'autres, les pays baltes, la Pologne, c'est donc l'Union européenne qui sera touchée directement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'il y a un risque, vous dites, il y a un risque d'envahissement de l'Europe, c'est ce que vous dites ce matin ?
JEAN-NOËL BARROT
Si l'Ukraine devait tomber, et nous ferons tout pour empêcher que cela se produise, c'est en Union européenne que les combats se poursuivront.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tout, ça va jusqu'où tout, parce qu'on aide financièrement l'Ukraine, on aide militairement l'Ukraine, mais que peut peut-on faire de plus ? nous n'enverrons jamais un soldat en Ukraine se battre face aux Russes, Jean-Noël BARROT.
JEAN-NOËL BARROT
Il faut poursuivre ce soutien massif qui a été accordé à l'Ukraine depuis deux ans et l'inscrire dans la durée, c'est la raison pour laquelle la France porte une voix…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que les Ukrainiens se battent pour nous, les Ukrainiens se battent pour nous.
JEAN-NOËL BARROT
Les Ukrainiens se battent évidemment pour nous.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Se sacrifient pour nous.
JEAN-NOËL BARROT
Ils tombent pour nous, bien sûr, pour la sécurité du continent européen. Ce que nous devons faire, et c'est la voix que porte la France, et c'est ce sur quoi le Président de la République a beaucoup insisté, c'est de démontrer que nous sommes là sur le long terme, que notre économie, qui est dix fois plus puissante que celle de la Russie, est en capacité de redévelopper ses capacités d'armement. Ce signal que nous avons envoyé en Russie et au monde, c'est le signal d'un soutien continu aussi longtemps que nécessaire pour faire en sorte que l'Ukraine ne perde pas cette guerre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais si l'Ukraine est en difficulté, est-ce que nous enverrons un jour, un jour, des soldats en Ukraine ?
JEAN-NOËL BARROT
A l'heure qu'il est l'important…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Européens, je ne parle pas particulièrement des soldats français, des soldats européens, de l'Union européenne.
JEAN-NOËL BARROT
A l'heure qu'il est l'important c'est de répondre à la demande des Ukrainiens qui est de pouvoir leur fournir de l'armement. Ce que nous voulons c'est que cet armement il soit, dans toute la mesure du possible, européen, nous voulons relever notre capacité à produire, comme nous l'avons fait en matière de munitions, et en parallèle continuer à sanctionner les intérêts russes, un 13e paquet de sanctions a été annoncé en fin de semaine dernière, d'éviter leur contournement et ainsi asphyxier la Russie de Vladimir POUTINE.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'il y aura des annonces fortes ce soir ?
JEAN-NOËL BARROT
Nous verrons, en tout cas je constate qu'un grand nombre, un très grand nombre, de chefs d'Etat et de gouvernement ont répondu présent, c'est bien qu'il y a l'intention de tirer les conséquences de ce durcissement de la position stratégique de Vladimir POUTINE et de faire en sorte que de franchir une nouvelle durcissements.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que face au durcissement de Vladimir POUTINE l'Europe durcit sa position, c'est cela ?
JEAN-NOËL BARROT
Nous allons voir, en tout cas elle doit…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Attendez, il faudrait savoir…
JEAN-NOËL BARROT
Le président de la République invite un grand nombre de chefs d'Etat et de gouvernement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce que je veux dire c'est que j'essaie de mettre le doigt sur la limite de notre position, effectivement il y a un durcissement côté Vladimir POUTINE, mais nous, nous, quel durcissement pourrions-nous montrer au monde face à Vladimir POUTINE, l'Europe ?
JEAN-NOËL BARROT
Parmi les invités ce soir il n'y a pas que des pays européens…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, je sais.
JEAN-NOËL BARROT
C'est notamment l'axe transatlantique qui doit se coordonner, qui doit relever son niveau de soutien, qui doit aussi résister ensemble aux manoeuvres dont je disais qu'elles ciblent d'ores et déjà nos démocraties, et les discussions qui ont lieu ce soir seront l'occasion de franchir, peut-être, nous verrons, cette nouvelle étape dans la résistance au régime de Vladimir POUTINE.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc nouvelle étape dans la résistance au régime de Vladimir POUTINE, donc nous ne sommes pas en guerre, mais presque quoi !
JEAN-NOËL BARROT
Nous sommes en résistance.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Nous sommes en résistance. Y a-t-il le risque d'une nouvelle guerre mondiale, Jean-Noël BARROT ?
JEAN-NOËL BARROT
Je ne le souhaite pas, ce que je constate c'est que nous avons depuis la Deuxième Guerre mondiale un ordre international qui est fondé sur le droit et sur un principe simple, le respect des frontières. La démonstration que voudrait faire Vladimir POUTINE, après dix ans de conflit avec l'Ukraine, c'est qu'il est possible aujourd'hui de reconstituer des empires, de violer les frontières de ses voisins et d'acter le principe d'un ordre international fondé sur la force, ça nous n'en voulons pas, et c'est la raison pour laquelle il nous faut, nos dirigeants, notre opinion publique, nos peuples, résister à cette tentative impérialiste, parce qu'on comprend bien que si Vladimir POUTINE devait, ce que nous voulons à tout prix empêcher, de réussir son pari, c'est tous les dictateurs, les autocrates du monde, qui considéraient qu'on peut désormais violer les frontières de ses voisins, et là, oui, c'est le monde de la conflictualité, je ne sais pas si ça serait une guerre mondiale, mais ça serait des conflits partout, chacun tentant par la force de devenir le dominateur de ses voisins.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'Europe, en résistance face à Vladimir POUTINE, c'est ce que vous avez dit. Est-ce que la France est prête à mettre ses capacités, son potentiel nucléaire, à la disposition de l'Europe afin qu'il fasse partie d'un plan de sécurité paneuropéen ?
JEAN-NOËL BARROT
Le Président de la République l'a redit récemment, la force de dissuasion française elle vise à protéger les intérêts vitaux de la nation, les intérêts vitaux de la nation ne se limitent pas au seul territoire national, il y a donc naturellement une dimension de voisinage, et donc naturellement une dimension européenne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc la France est prête à mettre ses capacités, son potentiel nucléaire, à disposition de l'Europe.
JEAN-NOËL BARROT
Je vous ai dit ce que le Président de la République a rappelé…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais c'est ce que vous dites ce matin !
JEAN-NOËL BARROT
Le président l'a dit, les intérêts vitaux de la nation, on le comprend bien, ne se limitent pas aux frontières administratives du territoire national.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, si un pays de l'Union européenne était attaqué par la Russie, par exemple, de Vladimir POUTINE, la France pourrait même utiliser son arme nucléaire, de dissuasion.
JEAN-NOËL BARROT
En matière de dissuasion, on ne sort d'une forme d'ambiguïté qu'à son détriment, je ne suis pas le ministre des Armées, ni le président de la République, il s'est exprimé en dessinant les contours de ce qu'est notre force de dissuasion.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quelles conséquences aurait, selon vous, la victoire de l'extrême droite le 9 juin ?
JEAN-NOËL BARROT
Une conséquence très simple, c'est l'enlisement définitif de l'Union européenne, et, par voie de conséquence, son incapacité à se coordonner pour, en soutien au peuple ukrainien, faire échec à Vladimir POUTINE. Je le rappelle à nos auditeurs, les élections européennes c'est une élection proportionnelle à un tour, chaque voix compte, il n'y a aucune élection dans laquelle votre bulletin de vote compte autant que pour l'élection européenne. Alors, vous avez deux choix, le choix de la majorité présidentielle, en tout cas le choix d'une force politique qui, en cinq ans, a repris l'Europe en main…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n'êtes pas le seul à défendre l'Europe !
JEAN-NOËL BARROT
Non, et je défends notre Europe, c'est-à-dire une Europe qui, il y a cinq ans, était naïve et sombrait dans l'impuissance, qui ne savait pas comment faire sur les travailleurs détachés, sur la migration irrégulière, sur les géants du numérique, et qui en cinq ans a pris un grand virage, et donc soit nous poursuivons dans cet esprit-là, celui de la souveraineté et de la puissance que la France a réussi à insuffler en Europe, soit au contraire, eh bien nous nous tournons vers des partis qui se désintéressent complètement de l'Europe et qui vont la ramener dans la situation antérieure, c'est-à-dire une Europe bloquée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que la France soutiendra Ursula VON DER LEYEN, qui veut être candidate pour sa succession ?
JEAN-NOËL BARROT
Nous verrons, il faut d'abord que le Parlement européen soit réélu, c'est du Parlement européen que naîtra la future Commission.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais est-ce que les députés européens français soutiendront Ursula VON DER LEYEN ?
JEAN-NOËL BARROT
Pas tous…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui sera candidate.
JEAN-NOËL BARROT
J'ai entendu que les parlementaires européens français, de son propre parti, LR, ne la soutenaient pas, donc nous verrons, ça a l'air compliqué.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Agriculture européenne, La PAC est-elle indispensable aux agriculteurs français ?
JEAN-NOËL BARROT
Evidemment. L'agriculture, donc la PAC, c'est le premier budget européen et la France en est le premier bénéficiaire avec 9 milliards d'euros chaque année, qui bénéficient à 450 000 agriculteurs. Regardez ce qui s'est passé au Royaume-Uni avec le Brexit, en sortant de la politique agricole commune, ce sont des exploitations qui ferme, ce sont des agriculteurs qui vendent leurs bêtes et ce sont des magasins où l'on ne trouve plus de tomates, de concombres ou d'oeufs, c'est naufrage l'agriculture du Royaume-Uni, vous ne trouverez pas un seul agriculteur de bonne foi en France qui veut sortir de la PAC.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'il ne faut pas mieux répartir ces aides européennes, en France, les aides de la PAC ? qui sont injustes dans la répartition, c'est ce que j'entends chez beaucoup d'agriculteurs, beaucoup.
JEAN-NOËL BARROT
Attendez, la Politique agricole commune c'est un instrument…
JEAN-JACQUES BOURDIN
…chez beaucoup d'autres agriculteurs.
JEAN-NOËL BARROT
C'est un instrument très puissant, mais il est évidemment perfectible, il faut, notamment, débureaucratiser la PAC. C'est d'ailleurs ce pour quoi la France, le président de la République, le ministre de l'Agriculture, ont demandé à la Commission des mesures de simplification, elles ont été présentées en fin de semaine dernière, elles seront discutées aujourd'hui, notre ministre de l'Agriculture sera à Bruxelles pour commenter, ou en tout cas donner l'avis de la France sur les propositions qui ont été faites, et demander à aller plus loin, parce qu'il faut…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire aller plus loin ?
JEAN-NOËL BARROT
Il faut la simplifier, il faut diminuer le nombre de contrôles, il faut tenir compte de la réalité des agriculteurs sur les règles concernant la PAC, et notamment les prairies, il faut que, lorsqu'il y a des catastrophes naturelles, les fonds puissent être débloqués plus vite, la Commission a enfin compris, elle a apporté un certain nombre, elle a mis un certain nombre de propositions sur la table, nous allons donner notre avis sur celles-ci aujourd'hui à Bruxelles par la voix de Marc FESNEAU.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les accords de libre-échange sont-ils indispensables, Jean-Noël BARROT ?
JEAN-NOËL BARROT
Bien évidemment qu'ils sont indispensables. Regardez…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous êtes favorable aux accords de libre-échange, que tout soit clair.
JEAN-NOËL BARROT
Je suis favorable au commerce, le commerce c'est indispensable pour l'agriculture française, qui est une agriculture exportatrice. Regardez celui que nous avons signé avec le Canada, c'est plus de 50% d'exportations supplémentaires, le CETA, c'est formidable. Ceci étant dit, désormais, il nous faut, lorsque nous signons des accords de commerce, obtenir des garanties de réciprocité, ce n'est pas le cas, par exemple, du traité avec le Mercosur, qui a été négocié il y a 20 ans…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les pays d'Amérique du Sud, oui.
JEAN-NOËL BARROT
Et c'est la raison pour laquelle le Président de la République a dit que nous ne pouvions pas le signer en l'état. C'est le cas, en revanche, de l'accord avec la Nouvelle-Zélande que nous venons de signer, et qui est un très bon accord. Donc il faut bien sûr poursuivre la signature d'accords de commerce, c'est indispensable pour nos agriculteurs, ce sont leurs débouchés, mais il faut que ces accords incorporent le principe fondamental de réciprocité. On ne peut pas accepter, en Europe, des produits fabriqués dans des conditions que nous n'acceptons pas chez nous.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Puisqu'on parle des agriculteurs, Jean-Noël BARROT, là je m'adresse au vice-président du MoDem, Jean-Noël BARROT. J'ai entendu le Premier ministre nous dire, à l'Assemblée nationale, " tu casses, tu paies ", mais faut-il appliquer cette règle aux agriculteurs, " tu casses, tu paies " ?
JEAN-NOËL BARROT
Je crois que traditionnellement les agriculteurs, les paysans, sont particulièrement respectueux, il leur arrive de manifester…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non, Jean-Noël BARROT, ne me dites pas ça…
JEAN-NOËL BARROT
Il leur arrive de manifester leur colère.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Moi je vous dis, ce que l'on veut appliquer aux délinquants, à juste raison, " tu casses, tu paies ", est-ce qu'on doit appliquer la même règle aux agriculteurs ?
JEAN-NOËL BARROT
Eh bien la loi s'applique à tout le monde.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc même règle aux agriculteurs, " tu casses, tu paies " ?
JEAN-NOËL BARROT
La loi s'applique à tout le monde. Le principe qui est celui de la responsabilité, que le Premier ministre a évoqué…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc quand le samedi matin il y a des agriculteurs qui cassent certains stands…
JEAN-NOËL BARROT
Le stand de l'Union européenne…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Notamment de l'Union européenne, ce sont ces agriculteurs qui doivent payer ?
JEAN-NOËL BARROT
Je regrette en tout cas que ce stand ait été détruit…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'ils doivent payer ?
JEAN-NOËL BARROT
Je pense qu'on peut manifester son opinion, y compris sa colère, sans aller jusqu'à détruire des stands.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'ils doivent payer ?
JEAN-NOËL BARROT
C'est la loi qui s'applique lorsqu'il y a des dommages…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc ils doivent payer, " tu casses, tu paies. "
JEAN-NOËL BARROT
Enfin ils, ils, c'est un nom un peu générique, j'imagine qu'il y a bien effectivement, dans cette affaire-là, des responsables…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Des casseurs, des agriculteurs casseurs.
JEAN-NOËL BARROT
Vous savez, dans ces cas-là, on est dans l'Etat de droit, donc…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je suis bien d'accord, mais c'est très facile de dire à un délinquant " tu casses, tu paies ", c'est moins facile de dire à un agriculteur " tu casses, tu paies ", vous l'avez compris, et vous savez bien.
JEAN-NOËL BARROT
Je crois qu'il faut effectivement faire un peu la part des choses, il y a dans le mouvement agricole, et la colère paysanne qui a touché la France, mais aussi beaucoup d'autres pays européens, des revendications qui viennent de loin, une souffrance qui vient de loin et à laquelle il faut accorder une forme de considération.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le Pacte asile migration, je vais terminer avec ça, quand ouvriront ces fameux centres fermés près des frontières européennes pour renvoyer plus rapidement ceux qui n'obtiennent pas le droit à l'asile ?
JEAN-NOËL BARROT
Le Pacte asile migration c'est un sujet majeur parce que, quand nous sommes arrivés en responsabilités, il y a cinq ans, c'était un sujet qui était totalement enlisé alors même que cela faisait des années qu'on essayait d'y travailler. Nous avons réussi, notre majorité, au Parlement européen, Valérie HAYER, dont on parlait tout à l'heure, ont réussi à le faire sortir de terre, et c'est une protection majeure pour l'avenir des frontières européennes puisque désormais il y aura ces centres fermés, il y aura aussi un système…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais quand ?
JEAN-NOËL BARROT
Il faut laisser le temps de se mettre en place, ce sera quelques mois, quelques années…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quelques années, dites-moi l'immigration…
JEAN-NOËL BARROT
Pour certaines de ces mesures, mais c'est majeur…
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'immigration a le temps de s'installer.
JEAN-NOËL BARROT
Dites-vous bien, Jean-Jacques BOURDIN, que grâce au Pacte asile et migration, grâce à l'agence européenne eu-LISA, que je visiterai lundi matin à Strasbourg, nous aurons désormais un système d'information qui permettra, chaque fois qu'une personne entre dans l'espace européen, de vérifier, de le faire rentrer dans les systèmes de manière à suivre s'il reste plus longtemps que prévu ou s'il excède la durée de validité de son titre de séjour, ce sera une véritable protection. Après, c'est un système informatique majeur, c'est une transformation majeure de nos frontières, elle va prendre un petit peu de temps, mais lorsqu'elle sera en place, elle protégera définitivement nos frontières.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous savez quel est le problème avec l'Europe, c'est que tout prend toujours du temps.
JEAN-NOËL BARROT
Mais vous savez, nous sommes un grand continent, la première démocratie du monde, et donc il y a un certain nombre de choses qui prennent du temps. Après, moi je constate aussi qu'on nous a dit que, dans certains domaines, et en particulier la transition écologique, nous étions allés trop vite Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci beaucoup Jean-Noël BARROT.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 février 2024