Texte intégral
SONIA MABROUK
Bonjour et bienvenue Christophe BECHU.
CHRISTOPHE BECHU
Bonjour Sonia MABROUK.
SONIA MABROUK
Et merci de votre présence. Vous êtes le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Vous êtes également le secrétaire général du mouvement Horizons d'Edouard PHILIPPE. Monsieur le Ministre, après les propos chocs d'Emmanuel MACRON sur l'éventualité de troupes au sol en Ukraine, le président français a été contredit par quasiment tous les pays occidentaux. Tous nos alliés. L'Allemagne rejette une telle idée, l'Espagne ne comprend même pas qu'on s'interroge sur cela. L'OTAN s'inscrit en contre, Joe BIDEN avoue qu'il ne comprend pas la question et qu'il n'est pas du tout, du tout à l'ordre du jour d'avoir des troupes au sol en Ukraine. Qu'est-ce que ça pourrait être d'autre qu'un désaveu ce qu'on est en train de vivre du président français ?
CHRISTOPHE BECHU
D'abord, Sonia MABROUK, j'aimerais qu'on se rappelle dans quel contexte cette phrase a été prononcée, elle a été prononcée à l'occasion du deuxième anniversaire, si j'ose utiliser ce mot, de l'invasion par la Russie d'un pays, l'Ukraine, qui est en Europe et qui est à nos portes. Tous les chefs d'Etat et de gouvernement se sont retrouvés pour réaffirmer un soutien à l'Ukraine. Et dans ce contexte, le président de la République a rappelé le chemin qu'on avait parcouru, en disant : il y a deux ans, vous aviez dans tous les cénacles, y compris parmi une partie des dirigeants européens, des gens qui disaient : on est d'accord pour envoyer des sacs de couchage et des gilets pare-balles, mais pas d'armes. Il y a un an, on avait un débat sur le fait de savoir s'il fallait faire en sorte de donner des blindés, des missiles, pour permettre aux Ukrainiens de se défendre, et en rappelant ce qu'avaient été les étapes, et en mesurant la nécessité de maintenir un soutien à l'Ukraine, le président de la République, dans cette continuité, qui n'a pas annoncé un calendrier de déploiement, il a dit : on ne peut rien exclure, et dans un contexte où ça n'est pas notre guerre, mais où c'est déjà notre sécurité qui se joue en Ukraine, nous devons donner aux Ukrainiens les moyens de ne pas perdre, sinon, après, où s'arrêtera la Russie ?
SONIA MABROUK
C'est contredit par tous, Monsieur le Ministre, l'OTAN, l'Amérique puissante, tous nos alliés. Et ce matin, vous maintenez cette version du président français ?
CHRISTOPHE BECHU
D'abord, je rappelle le contexte. Ensuite, j'écarte totalement la question américaine, compte tenu de ce qui est déjà l'élection présidentielle dans quelques mois, avec les positions de TRUMP sur l'OTAN et sur d'autres sujets, les déclarations de BIDEN, elles n'ont rien à voir avec la guerre en Ukraine. Elles ont toutes à voir avec la politique intérieure américaine. En ce qui concerne…
SONIA MABROUK
Il n'est pas exclu que pour nous, ce soit aussi le cas avec les élections européennes. On va en parler dans quelques instants.
CHRISTOPHE BECHU
En ce qui concerne nos alliés européens, il y a eu par le passé, y compris à l'intérieur de tous ceux qui aujourd'hui soutiennent de façon ferme et unanime la coalition, plus exactement, les Ukrainiens, il y a eu par le passé des désaccords avec certains disant qu'il ne faudrait jamais envoyer de blindés, qu'il ne faudrait jamais envoyer de missiles, qu'il ne faudrait jamais envoyer d'avions…
SONIA MABROUK
Certes…
CHRISTOPHE BECHU
Et à toutes les étapes, le consensus a été de mesurer que si nous n'aidions pas les Ukrainiens, à terme, ce qui se passerait, ce serait la remise en cause de nos valeurs…
SONIA MABROUK
Christophe BECHU, là, c'est…
CHRISTOPHE BECHU
Attendez, je vais un tout petit peu plus loin, parce que c'est une question importante. On part d'une phrase dans laquelle le président dit qu'il ne faut rien exclure, qu'il faut maintenir une ambiguïté stratégique…
SONIA MABROUK
Une phrase qui a mis le feu aux poudres dans un contexte inflammable…
CHRISTOPHE BECHU
Par rapport à la Russie. Mais une phrase qui a le mérite de rappeler une évidence, détourner le regard de ce qui se passe en Ukraine…
SONIA MABROUK
Personne ne dit cela ! Entre détourner le regard et avoir des troupes au sol, c'est-à-dire une confrontation directe. La Russie alerte sur une troisième guerre mondiale.
CHRISTOPHE BECHU
Mais le président de la République n'a pas dit qu'il voulait envoyer les troupes belligérantes, quand il dit qu'on ne peut pas exclure les troupes au sol, il parle aussi bien d'instructeurs, de gens capables d'aller conduire et accompagner…
SONIA MABROUK
Ah, très bien, donc on avait mal compris…
CHRISTOPHE BECHU
Mais je ne dis pas ça. Je dis que la phrase, elle est suffisamment large pour, dans le cadre d'une ambiguïté stratégique, qui fait partie des armes dont nous avons besoin vis-à-vis des Russes, bien insister sur le fait que notre soutien aux Ukrainiens, il est potentiellement sans limites.
SONIA MABROUK
Ambigüité stratégique ou insoutenable légèreté dans un tel contexte ?
CHRISTOPHE BECHU
Ambiguïté stratégique sans la moindre hésitation.
SONIA MABROUK
Le Premier ministre, parce que là, il y a aussi une bataille politique à ce sujet, le Premier ministre, Gabriel ATTAL, s'est interrogé hier, Christophe BECHU dans l'hémicycle sur la présence de troupes de POUTINE en France, à travers Marine LE PEN et le Rassemblement national. Alors, je vous pose directement la question : est-ce que vous considérez que les millions d'électeurs en conscience et en liberté, j'imagine, qui votent Marine LE PEN, sont des agents de POUTINE ?
CHRISTOPHE BECHU
Là, vous déformez les propos du Premier ministre. Le Premier ministre n'a pas dit : il y a dans ce pays des électeurs pro-POUTINE. Il a dit : il y a des dirigeants politiques qui, à toutes les étapes, malgré les propos sur les plateaux de télévision, ont au Parlement européen, refusé d'aller voter les sanctions, ont émis des doutes sur la nécessité de renforcer le soutien à l'Ukraine, se sont interrogés sur le fait qu'il ne fallait pas qu'on aille trop loin dans ce qu'on leur apportait. Et de ce point de vue, il y a une étrange symétrie entre une extrême gauche et une extrême droite qui, des deux côtés, avaient à la fois une fascination pour POUTINE et, sous couvert de : attention à ce qu'il n'y ait pas de débordements, à toutes les étapes, se sont finalement efforcés de limiter ce que pouvait être notre soutien à l'Ukraine. Je le redis, c'est facile de détourner le regard. C'est facile d'oublier que c'est à 3h. C'est facile d'oublier qu'il y a plus de 30.000 jeunes Ukrainiens qui sont morts dans ces conflits. Mais il se passe quoi après ? On s'est gargarisé pendant des années de vivre dans un continent qui connaissait la paix. Ça n'est plus le cas. On a aujourd'hui les conséquences économiques, et on commence à avoir une partie de pressions sur nos valeurs, sur l'ambiance du débat…
SONIA MABROUK
J'entends. Je reviens un instant aussi sur la bataille politique. Vous dites que ça ne mêle pas les électeurs, mais, est-ce qu'aujourd'hui, Monsieur le Ministre, on peut avoir une position différente de celle du président sans être qualifié de pro-POUTINE dans le pays ?
CHRISTOPHE BECHU
Bien entendu…
SONIA MABROUK
Alors pourquoi c'est le cas de la plupart des opposants qui sont qualifiés être pro-POUTINE ?
CHRISTOPHE BECHU
Non, mais sur ce sujet, Sonia MABROUK, enfin, on peut tout effacer, on peut oublier le passé. Mais quand le Premier ministre rappelle qu'il y a deux ans, Marine LE PEN expliquait qu'il nous fallait une alliance militaire avec la Russie. Le débat que vous auriez si le résultat de l'élection aux présidentielles avait été différent, c'est d'interroger un ministre de Marine LE PEN pour savoir si nous allions envoyer des troupes aux côtés des Russes pour les aider à finir le travail en Ukraine ? Enfin, je veux dire, il faut quand même remettre les choses à leur place. Le Premier ministre n'a pas inventé des propos, quand le président rappelle ce qu'ont été les fidélités passées des uns et des autres. Effectivement, cette phrase de Marine LE PEN, rappelant qu'elle était favorable à une alliance militaire avec la Russie, elle devrait nous faire aujourd'hui bien plus réagir que l'étendue de notre soutien aux Ukrainiens.
SONIA MABROUK
Reste la question peut-être que se pose une partie des Français : pourquoi le Président de la République s'est-il aventuré sur ce sujet militaire ? On ne peut pas croire qu'il a voulu effacer une séquence désastreuse au Salon de l'agriculture. C'est impossible de penser ainsi…
CHRISTOPHE BECHU
Sincèrement, je ne pense pas, mais je comprends la facilité. Mais on est pile deux ans après le début de la guerre en Ukraine. Donc encore une fois, ça n'est pas une sortie médiatique. C'est la fin d'une réunion de travail avec tous les chefs d'Etat et de gouvernement à l'occasion des deux ans de l'invasion russe en Ukraine. Et je le redis, on est quand même un pays formidable. Le président ne dit rien. On considère qu'il devrait partager ce que sont les opinions ou les positions diplomatiques ou européennes sur le sujet. Le président dit quelque chose, on considère qu'il s'aventure. Il faut retrouver un peu de calme, de la sérénité et de la constance, pour le coup, c'est très exactement ce que le président fait sur le sujet.
SONIA MABROUK
J'en viens, Christophe BECHU, au Salon de l'agriculture et à la colère paysanne. Mais tout d'abord, une autre colère dont on parle peu, elle est importante, elle est légitime. C'est celle des pêcheurs, des pêcheurs du golfe de Gascogne. Il y a eu un mois sans pêche pour éviter les captures accidentelles de dauphins, suite à la saisie du Conseil d'Etat, rappelons-le, par des ONG environnementales. Finalement, la pêche reprend, mais très timidement depuis une semaine, avec un vrai manque à gagner. Qu'est-ce qui est prévu, Christophe BECHU, pour les dédommager ? C'était vraiment une profonde attente de leur part.
CHRISTOPHE BECHU
Je vous confirme. 450 bateaux de plus de huit mètres avec leurs équipages et des gens qui ne demandaient pas de subventions ou de compensations, qui voulaient travailler. Mais une décision prise par le juge administratif en considérant qu'il y avait un risque pour la survie des dauphins communs, compte tenu du taux de captures accidentelles des années précédentes. Nous avons obtenu, je me suis personnellement engagé sur le sujet puisque c'était pendant le mois où le gouvernement était resserré. Donc c'est un dossier que je gérais en direct, un taux de soutien qui varie entre 80 et 85% du chiffre d'affaires. La plateforme est effective pour déposer les dossiers…
SONIA MABROUK
Effective depuis ?
CHRISTOPHE BECHU
Depuis très exactement hier.
SONIA MABROUK
Depuis hier, très bien…
CHRISTOPHE BECHU
Depuis hier, puisque la période s'est terminée le 20 février, on a finalisé les négociations techniques avec l'Union européenne ce week-end, et donc la plateforme est désormais ouverte. A côté de ça, un soutien au mareyage, parce qu'il n'y a pas que ceux qui pêchent, il y a évidemment le reste de la filière qui est concernée, qui lui, est en train d'être finalisé. J'ai dans quelques jours à nouveau un temps d'échange. L'idée est que les mareyeurs puissent être accompagnés à hauteur de 75% de leur perte d'excédent brut d'exploitation.
SONIA MABROUK
Donc pour ceux qui nous écoutent, les pêcheurs, c'est un guichet qui est ouvert depuis hier. Donc dossier à remplir pour obtenir 80 à 85% de leur chiffre d'affaires, en sachant, vous l'avez rappelé, Monsieur le Ministre, mais je veux le rappeler, c'est la France qui travaille, qui ne veut pas d'aide, d'assistanat…
CHRISTOPHE BECHU
Je confirme…
SONIA MABROUK
Elle aurait préféré gagner du fruit de son travail et de la pêche.
CHRISTOPHE BECHU
Mais là-dessus, tout le monde est d'accord…
SONIA MABROUK
Pas les ONG environnementales.
CHRISTOPHE BECHU
On doit être capable de regarder en même temps ce qui est la réalité d'une perte de revenus et la survie d'espèces qui participent aussi à déséquilibrer…
SONIA MABROUK
Mais parlons-en, est-ce que par exemple, pendant ce mois où il n'y a pas eu de pêche, est-ce qu'il y a eu plus d'accidents… enfin, comment dire…
CHRISTOPHE BECHU
On va le savoir, on va le savoir très vite…
SONIA MABROUK
D'accidents de dauphins ? Et est-ce que c'est dû aux pêcheurs, parce que, eux, disent : non, ce n'est pas forcément…
CHRISTOPHE BECHU
On va le savoir très vite. Vous savez, moi, sur ce genre de sujet, les gens qui, le jour où ça rouvre vous disent : on a fait les comptes. Mais il faut tenir compte des courants, des machins, et donc, c'est la preuve que ça marche ou que ça ne marche pas, ça me fascine. Mais on est en train de prendre le temps de consolider les données, et dans quelques jours…
SONIA MABROUK
Vous avez compris ma question, vous êtes le ministre des Pêcheurs ou des ONG environnementales qui ont empêché les pêcheurs de pêcher ?
CHRISTOPHE BECHU
Je suis le ministre, si j'ose dire, de la planète. Et vous savez, à la fin…
SONIA MABROUK
Ambitieux…
CHRISTOPHE BECHU
Non, mais, je m'explique. Penser que l'objectif des pêcheurs est de vider la mer des poissons ou des espèces, c'est mentir aux gens. Donc ils sont les premiers à être concernés par ces sujets. Mais il y a des cas dans lesquels les politiques que nous conduisons, elles doivent aider au maintien des équilibres écologiques…
SONIA MABROUK
Vous ne croyez pas qu'on marche sur la tête quand même ?
CHRISTOPHE BECHU
Sonia MABROUK, quand à cause de la mauvaise qualité de nos stations d'épuration, on a la contamination du littoral qui entraîne la fermeture pour les huîtres, on voit le lien qu'il y a entre préserver une planète, préserver un pays dans lequel on fait attention à l'environnement, et les conséquences pour le revenu de ceux qui vivent du vivant. Eh bien, c'est exactement la même chose. Il faut qu'on arrive à trouver un équilibre. La nature, elle continue à nous fournir des solutions pour lesquelles on n'a pas inventé, au niveau humain, des alternatives. Le Salon de l'agriculture…
SONIA MABROUK
Parlons-en…
CHRISTOPHE BECHU
Quand on a des débats sur les insectes pollinisateurs, il faut mesurer que si demain on n'a plus d'insectes pollinisateurs, et qu'il faut que des agriculteurs doivent eux-mêmes polliniser, les conséquences, y compris économiques, croyez-moi, elles seront lourdes. Donc c'est l'intérêt de tout le monde qu'on préserve cette nature…
SONIA MABROUK
Nous sommes d'accord qu'il y a des décisions compliquées. Par exemple, le Premier ministre a-t-il bien fait, selon vous, de céder sur les pesticides qui étaient une revendication forte des syndicats agricoles contre les ONG écolos ? Il y a, Monsieur le Ministre, le rejet d'Ecophyto, le moratoire sur les interdictions de phytosanitaires. Est-ce que vous avez été et vous êtes toujours dans cette ligne-là ?
CHRISTOPHE BECHU
D'abord, merci de me poser cette question. Il y a une ligne rouge absolue, c'est la santé humaine. Rien, dans ce qui a été annoncé, ni par le Premier ministre, ni par le Président de la République, ni par le gouvernement, ne remet en cause la santé humaine. Les sujets sur lesquels nous avons cheminé, c'est, 1°) : la question de l'indicateur, on va être très simple, si on a des règles qui s'appliquent en France, que vous interdisez des produits, mais que les mêmes substances sont autorisées de l'autre côté de la frontière, et que vous trouvez dans les rayons de votre supermarché des produits qui ont été faits avec ça…
SONIA MABROUK
On est d'accord, c'est ubuesque…
CHRISTOPHE BECHU
Mais c'est hypocrite…
SONIA MABROUK
Oui, mais Monsieur le Ministre, attendez…
CHRISTOPHE BECHU
C'est scandaleux, donc, très concrètement, quand vous dites : on va prendre un indicateur européen, et c'est sur la base de cet indicateur européen qu'on va regarder si on est bon ou si on n'est pas bon, je pense que c'est un moyen d'objectivité…
SONIA MABROUK
Je vais juste rappeler à nos auditeurs et téléspectateurs de quoi vous parlez, parce que le Premier ministre a confirmé l'abandon de l'indicateur français de mesure de l'usage des pesticides. C'est le fameux NODU, c'est le nombre de doses/unités, très contesté par les syndicats agricoles, au profit d'un nouvel indicateur européen. En bref, le fameux plan Ecophyto, il est enterré, bye, bye, c'est le grand renoncement ?
CHRISTOPHE BECHU
Pas du tout. Des plans Ecophyto, il y en a depuis 2008, et vous savez, le premier, il ne s'est rien passé, 2008-2012, le deuxième, 2012-2017, il ne s'est rien passé. Le troisième, on a eu pour la première fois une baisse sur une chose, pas l'usage global, mais la dangerosité, 96 % des phytosanitaires les plus dangereux, ceux qui sont classés CMR1, ont disparu. Et le rappeler, c'est à la fois rappeler que les agriculteurs, ils ne sont addicts, accros, et ils ont envie d'aller utiliser des produits qui sont dangereux pour leur santé. Ils ont besoin d'avoir des solutions pour être capables de nous nourrir et de produire. Et que, si on veut interdire des produits, et il y en a que nous devons interdire pour préserver la biodiversité et y compris pour avoir des conséquences sur la santé humaine, il faut en parallèle qu'on les aide à trouver des solutions, et qu'on sorte de l'hypocrisie qui consiste à les laisser autoriser à l'extérieur de nos frontières. Ça me semble une proposition simple…
SONIA MABROUK
Est-ce que votre ministère, Monsieur le Ministre, est à l'os ? L'écologie, est-ce que c'est la variable d'ajustement des coupes budgétaires, 2 milliards, 2 milliards de moins, est-ce que l'écologie est un grand cadavre à la renverse, malheureusement ?
CHRISTOPHE BECHU
On va se dire les choses de manière très claire. En décembre, les annonces, c'était que le budget de l'Ecologie dans ce pays progresserait de 10 milliards. On en a rendu 2. On progresse donc de 8. Présenté comme étant…
SONIA MABROUK
Bons calculs, mais moi, je…
CHRISTOPHE BECHU
Mais non, mais présenter…
SONIA MABROUK
C'est quand même moins de 2 milliards quand même…
CHRISTOPHE BECHU
Mais oui, mais c'est un moins 2 qui fait un plus 8. Si en matière de finances publiques, on se contente de regarder les moins sans regarder d'où on part, on ne peut pas ne pas s'apercevoir qu'on est le pays aujourd'hui en Europe qui a le niveau de prélèvements obligatoires le plus élevé, le niveau de dépenses publiques le plus élevé. Donc si à chaque fois que vous touchez à 1 euro de dépenses publiques, vous dites : c'est l'austérité, on est à l'os, c'est une cata, que dirait-on de nos voisins ? Et je le redis, le budget de cette année, eh bien, oui, c'est plus 8, au lieu de plus 10, parce qu'on a moins de croissance. Eh bien, à la fin, si on augmente notre dette, et qu'on pense que c'est comme ça qu'on sauvera la planète, je pense qu'on se plante. Il faut qu'on soit capable de mesurer un effort qui tienne compte aussi de l'impact et de la pression. Je suis pour une écologie de progrès. Je ne suis pas pour une écologie qu'on assimile à des hausses de taxes ou à des interdictions.
SONIA MABROUK
Mais expliquez-moi, vous allez parfaire… comment dire… mon niveau en mathématiques, sur les milliards. Un exemple très concret, Monsieur le Ministre, vous avez un objectif, qui est de réaliser 200.000 rénovations de logements grâce à MaPrimeRénov', ça concerne beaucoup de nos téléspectateurs et auditeurs. Cet objectif, il ne sera pas atteint en 2024 à cause de ces coupes ?
CHRISTOPHE BECHU
En 2023, sur MaPrimeRénov', il y a un milliard d'euro que nous n'avons pas dépensé, qui était inscrit au budget…
SONIA MABROUK
De l'argent en plus, c'est rare…
CHRISTOPHE BECHU
Pour une raison simple. Malheureusement, c'est aussi parce qu'on a des dispositifs qui sont devenus trop compliqués. Et je suis certain que vos auditeurs savent que, à force d'avoir raffiné des dispositifs, on a fini parfois avec de la paperasse, avec des obligations de labellisation des artisans, avec des degrés de contrôle ou des contrôles qui sont très tâtillons, on finit par détourner une partie de ceux qui pourraient bénéficier des dispositifs de le faire, donc je fais les choses dans l'ordre. Dans huit jours, avec mon ministre délégué au logement, on reçoit la CAPEB et la FFB, on simplifie le dispositif de manière à pouvoir relancer les objectifs et ce qui étaient nos objectifs 2024, on les tiendra en 2025.
SONIA MABROUK
200 000, vous allez les tenir ?
CHRISTOPHE BECHU
Non, on ne les fera pas cette année. L'année dernière, on était censé en faire 100 000, on en fait que 70 000. Ce ralentissement, il est lié à ce besoin de simplification, donc on est très raccord. Je simplifie. L'objectif, ça va être de doubler le chiffre de 70 000, d'être sans doute aux alentours de 140 ou de 150 et donc une partie de l'état explique pourquoi il y a un milliard que nous ne dépenserons pas cette année.
SONIA MABROUK
C'est un grand sujet le logement. Je vais conclure très rapidement puisque vous avez vu ou rencontré une partie du secteur bancaire, je crois que c'était hier ou avant-hier, avec beaucoup d'idées ou de pistes sur des prêts immobiliers, peut-être même des prêts immobiliers infinis. C'est-à-dire en gros, au lieu de rembourser chaque mois une partie des intérêts, une partie du crédit sur quinze ans, au bout de quinze ans vous ne remboursez que les que les intérêts ou tout le reste.
CHRISTOPHE BECHU
Je m'apprête effectivement à voir le secteur bancaire, ç'a été légèrement décalé avec le début du Salon de l'agriculture, dans les prochains jours avec une idée simple. Le pouvoir d'achat immobilier des Français, il a reculé parce que vous avez au cours de ces derniers mois une explosion des taux d'intérêt et puis une inflation liée à la guerre en Ukraine qui a fait exploser les coûts de construction. Face à ça, où vous mettez la tête dans le sable ou vous vous dites que pour redonner du pouvoir d'achat immobilier, il faut qu'on soit capable de regarder ce que sont la façon dont on emprunte. Et très clairement, y compris en allant regarder au-delà de nos frontières ce que sont les exemples. Les propositions qui sont sur la table, je ne les ai pas inventées, elles consistent à regarder ce que nous faisons. Mais nous Français, on est très forts dans plein de domaines. On a parfois le droit d'avoir un peu d'humilité et de se dire que d'autres, confrontés aux mêmes soucis, ont peut-être trouvé des solutions qu'on a le droit de copier.
SONIA MABROUK
Merci Christophe BECHU.
CHRISTOPHE BECHU
Merci à vous.
SONIA MABROUK
C'était votre Grande interview ce matin sur CNews et Europe 1. À bientôt et bonne journée à vous.
CHRISTOPHE BECHU
Très bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 29 février 2024