Texte intégral
APOLLINE DE MALHERBE
Bonjour Thomas CAZENAVE.
THOMAS CAZENAVE
Bonjour.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'être ici pour répondre à mes questions. Elles sont nombreuses parce que vous êtes le ministre des Comptes publics, autrement appelé ministre du Budget. C'est une interview essentielle ce matin, j'allais même dire vitale parce que, et je l'ai compris en travaillant hier, en me plongeant dans les dossiers, en vous écoutant aussi puisque vous étiez face aux députés hier, c'est comme un budget familial. La famille, c'est nous, le gérant c'est vous, et on se demande si vous continuez à gérer en bon père de famille comme on disait. J'aimerais ce matin qu'on réussisse à se parler en sincérité, parce que c'est toute la question : où on en est ? Combien il manque ? À quelle hauteur est-ce qu'il y a un trou dans les comptes publics et où est-ce qu'il va falloir trouver ces sous ? On a un peu l'impression que le compteur s'est emballé. Il y a deux semaines, Bruno LE MAIRE nous disait qu'il manquait 10 milliards et qu'on ferait des milliards d'euros d'économies ensuite. Hier matin, Bruno LE MAIRE nous disait " Il faudra 12 milliards l'an prochain ". Et hier après-midi, vous avez dit qu'il faudrait 20 milliards d'économies. On s'arrête où ?
THOMAS CAZENAVE
Alors quelle est la clé de la situation ? On est, comme tous les pays européens, face à une dégradation de la conjoncture internationale. L'économie va un peu moins bien parce que c'est plus difficile en Chine, parce qu'il y a des crises géopolitiques, la guerre en Ukraine, un certain nombre d'incertitudes donc la croissance ralentie. Regardez, les Allemands sont rentrés en récession l'année dernière, ils ont révisé leur croissance à 0,2%. Nous on résiste, notre croissance résiste, mais Bruno LE MAIRE a révisé la croissance de 1,4 à 1%. Et donc nous, en responsabilité, il faut qu'on tienne un discours transparent, lucide, en disant " On doit revoir, on a moins de recettes donc moins de dépenses ". Première décision, on a annulé 10 milliards d'euros de dépenses avec l'ensemble des ministères. Pourquoi ? Exactement pour faire ce que vous disiez : on gère un peu comme on gère le budget d'un ménage, tout de suite on adapte pour ne pas dégrader notre déficit public.
APOLLINE DE MALHERBE
Ça, c'est ce que Bruno LE MAIRE appelle appuyer sur le frein d'urgence.
THOMAS CAZENAVE
Exactement. On le fait tout de suite, en début d'année, avec tous les ministères pour garantir quoi ? Qu'on n'aggrave pas la situation des finances publiques. On a déjà 3 000 milliards de dettes, notre objectif avec le président de la République, le Premier ministre, c'est de ramener notre déficit public sous 3% en 2027 comme on l'avait fait avant les crises. Avant les crises notamment du Covid, la crise énergétique, c'est qu'on a beaucoup protégé les Français et maintenant, on doit revenir à une bonne gestion de nos finances publiques et donc réduire notre déficit.
APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais alors attendez, moi ce que je ne comprends pas, c'est qu'hier matin c'était 12 milliards, il y a un après-midi, c'est 20 milliards. Est-ce qu'on est au doigt mouillé ?
THOMAS CAZENAVE
Non. Quelle est la situation ? 10 milliards tout de suite et ensuite, la question qui nous est posée par les députés, les sénateurs – on a passé 5 heures avec eux - c'est que va-t-il se passer pour 2025 ? On a toujours dit " pour 2025, il nous reste encore à trouver au moins 12 milliards ". Ça, c'était avant qu'on revoie notre croissance quand on avait 1,4% de croissance. Là, on a un 1% de croissance.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais là aussi, j'ai un peu l'impression qu'elle est au doigt mouillé si je peux me permettre.
THOMAS CAZENAVE
Non, non. On a 1% de croissance donc il va nous falloir trouver un peu plus économies. Et donc, c'est d'ailleurs l'interpellation des sénateurs : on est plus proche des 20 milliards que des 12.
APOLLINE DE MALHERBE
Prenons les choses les unes après les autres, on va revenir aussi sur les explications. Vous dites quand même que c'est la faute à l'international, c'est un peu facile.
THOMAS CAZENAVE
Ah non, c'est la réalité. Qu'est-ce qui se passe…
APOLLINE DE MALHERBE
Non, non, mais que l'international n'ait fait qu'empirer les choses, on veut bien le croire. Que les taux d'intérêt ne vous aient pas arrangés parce qu'ils rendent la dette encore plus insupportable au quotidien, on veut bien le croire, mais il y a quand même aussi un problème structurel, non ?
THOMAS CAZENAVE
Non, je ne crois pas. On a une des croissances les plus fortes en Europe. Regardez ce qui se passe autour de nous. Les Britanniques sont rentrés en récession, les Allemands sont quasiment à une croissance nulle, donc on a de bons fondamentaux mais on est une économie ouverte : ce qui se passe dans le reste du monde a un impact sur nous. Il faut qu'on en tienne compte et qu'on continue à se battre pour la réindustrialisation du pays. On continue à réouvrir des usines en France, les investissements en France par des investisseurs étrangers, c'est le premier pays d'accueil de ces investisseurs. Donc on a une bonne croissance et il faut qu'on continue les réformes parce que le plein emploi, je veux le dire, le plein emploi c'est le meilleur allié pour le redressement de nos finances publiques.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors prenons la croissance puisque c'est effectivement le décor qui va ensuite faire en sorte que l'argent rentre ou non. Lorsque vous avez écrit le budget, vous l'avez écrit avec une perspective de croissance de 1,4%. Il y a deux semaines, Bruno LE MAIRE a dit " Ce ne sera en réalité que 1% ". Est-ce qu'on ne peut pas se dire aujourd'hui si on est vraiment sincère que ça va finir à 0,8 ?
THOMAS CAZENAVE
Non. Pourquoi ? D'abord, on a révisé…
APOLLINE DE MALHERBE
Les économistes disent 0,8.
THOMAS CAZENAVE
D'abord on a…
APOLLINE DE MALHERBE
J'ai presqu'envie de vous dire : plutôt que de nous dire toutes les deux semaines qu'en fait c'est pire que prévu, pourquoi vous ne nous le dites pas un bon coup ?
THOMAS CAZENAVE
Non. On a révisé d'abord en même temps que les autres. C'est très important. Certains nous disent « Vous êtes insincère, vous avez changé la croissance », non ! On l'a fait en même temps que la Commission européenne, en même temps que les Allemands. Par exemple la Commission européenne nous dit " On ne sera pas dans la zone euro à 1,2% de croissance mais à 0,8 ". Et au même moment, nous on révise, l'Allemagne révise parce qu'on est tous, je vais vous dire, frappés par les mêmes problèmes : le ralentissement mondial. Notre prévision de croissance à 1%, elle est très proche, quasi-identique de celle de la Commission européenne pour la France qui est à 0,9. Donc on considère que c'est la bonne estimation.
APOLLINE DE MALHERBE
0,9 et l'OCDE dit 0,6.
THOMAS CAZENAVE
Oui mais vous savez, il y a beaucoup de prévisionnistes. Moi je regarde ce que dit la Commission européenne, on est très proches. Quand on a déposé le projet de loi de finances à l'automne dernier, l'OCDE, le FMI, la Commission européenne, ils étaient tous entre 1,2 et 1,3% de croissance.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors on va effectivement s'arrêter sur cette prévision de 1%. Avec cette prévision de 1%, vous avez un objectif que vous continuez à poursuivre qui est l'idée de repasser sous la barre des 3% de déficit, 3% du PIB. Aujourd'hui, on nous dit 4,9. C'est ce que disait en tout cas Bruno LE MAIRE il y a deux semaines. Là encore, ç'a quand même dérivé. Hier soir, si j'ai bien compris, vous l'avez avoué, on sera au-dessus de 5.
THOMAS CAZENAVE
Ce n'est pas " On l'a avoué ". Nous, on est dans la transparence. Quand on a des informations, on les partage avec les Français. On a constaté en fin d'année, notamment les recettes fiscales - l'impôt sur les sociétés, l'impôt sur le revenu, la TVA - une forte baisse. On a perdu en fin d'année près de 8 milliards d'euros de recettes, 4 milliards d'euros d'IS.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais comment on les a perdus ? Comment on les a perdus ?
THOMAS CAZENAVE
Ça veut dire que la croissance a ralenti en fin d'année plus fortement à un moment qu'anticipé, et que vous avez des comportements d'entreprises. C'est difficile à prévoir les recettes, mais on voit bien. D'ailleurs, c'est pour ça qu'on révise la croissance. Elle a été moins forte et on est tous touchés. Donc on a perdu près de 8 milliards d'euros de recettes et ça, ça va avoir une conséquence sur notre déficit public en 2023. Et donc nous, tout de suite on prend des décisions, on annule 10 milliards d'euros parce qu'on est dans la sincérité, on est dans la transparence et on ne va pas cacher le problème, et c'est pour ça qu'on a réagi tout de suite.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc, on a bien compris, il y a deux semaines on disait 4,9, hier Bruno LE MAIRE a dit significativement au-dessus des 4,9. Je vous repose la question : on sera donc au-dessus de 5, nettement au-dessus de 5. Vous prévoyez quoi ? 5,2, 5,1 ?
THOMAS CAZENAVE
Aujourd'hui, c'est l'INSEE qui fait ce calcul. C'est l'INSEE qui est en charge de ce calcul. Elle publiera, l'INSEE, le 26 mars son estimation et la réalité de notre déficit public 2023. Nous, compte tenu de l'évolution des recettes, on sait qu'on sera au-dessus de 5 mais je ne peux pas vous dire aujourd'hui…
APOLLINE DE MALHERBE
Comme l'Italie. On sera les deux pays…
THOMAS CAZENAVE
Je ne peux pas vous dire aujourd'hui à combien on sera précisément, parce que ce travail est fait par l'INSEE. Il est encore en cours et il sera publié le 26 mars.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais je voudrais que les Français comprennent qu'en effet, vraisemblablement, nous serons les seuls avec l'Italie à être au-dessus des 5% pour toute la zone euro.
THOMAS CAZENAVE
Mais vous savez, avec Bruno LE MAIRE, la mission qui nous a été confiée, c'est de redresser les finances publiques, les ramener sous les 3% en 2027. Ça irait mal si on n'avait pas réagi. On constate quoi ? Moins de recettes. Tout de suite, en quelques semaines, on prend un décret d'annulation de 10 milliards. On n'a pas laissé la situation pourrir, même si c'est un effort et je veux saluer le travail de tous les ministres. Tout le monde participe à cet effort global en disant " C'est un intérêt supérieur, on doit avoir de l'unité, de la solidarité et on le fait ".
APOLLINE DE MALHERBE
D'autant plus que vous avez laissé entendre hier que ça ne doit pas être juste ponctuel, il faudra pérenniser et continuer à baisser ces milliards.
THOMAS CAZENAVE
Absolument.
APOLLINE DE MALHERBE
Pardon mais donc, si on est à plus de 5% et qu'on a l'objectif de revenir d'ici quelques années en dessous des 3%, c'est-à-dire que le tournant va être un virage terrible.
THOMAS CAZENAVE
Non. Pour moi, il y a deux exigences. D'abord, il faut continuer à faire des économies. Vous savez, vous 1 600 milliards de dépenses publiques. Moi, je considère qu'on sait faire. On a réussi à faire 10 milliards, on saura faire 20 milliards en 2025. Et surtout, qu'est-ce qui est très important pour nous ? C'est continuer à soutenir la croissance et l'emploi.
APOLLINE DE MALHERBE
Ce n'est pas contradictoire ?
THOMAS CAZENAVE
Non. Pourquoi on a lancé France Travail ? Pourquoi on accélère les expérimentations ? Le Premier ministre a annoncé les expérimentations pour les bénéficiaires du RSA. Le retour rapide à l'emploi de tous ceux qui n'en ont pas, c'est moins de dépenses sociales, plus de recettes. Donc pour nous, c'est fondamental dans notre stratégie qu'on ait la croissance la plus solide possible, le chômage le plus bas possible, et ça c'est une belle réussite de nos deux quinquennats. C'est-à-dire qu'on a réussi à briser le chômage de masse dans notre pays, et ça c'est bon pour les finances publiques.
APOLLINE DE MALHERBE
Thomas CAZENAVE, je rappelle pour ceux qui nous rejoignent que vous êtes donc le ministre des Comptes publics. C'est vous qui tenez les cordons de la bourse. Il y a plusieurs pistes qui ont donc été évoquées hier. Les aides aux entreprises, les dispositifs en faveur de la jeunesse, les politiques de l'emploi : formation professionnelle, apprentissage, dispositifs médicaux, affections de longue durée, aides au secteur du cinéma, absentéisme dans la fonction publique. Tout ça, ce sont des pistes, disons des lignes budgétaires sur lesquelles vous vous dites que vous allez faire en priorité les économies. Prenons-en quelques-unes. Est-ce que ça veut dire que, par exemple, les aides au secteur du cinéma, vous vous dites " pendant quelques années, on gèle tout " ? Comment vous allez faire ?
THOMAS CAZENAVE
Alors ce n'est pas tout à fait ça. Ce qu'on a décidé, c'est qu'on a lancé ce qu'on appelle les revues de dépenses. C'est un travail qui est mené par le gouvernement et qui sera présenté aux parlementaires. On regarde tout, en fait on regarde tout. Ça ne veut pas dire qu'on va faire des économies sur tout mais on doit tout regarder. Où est-ce qu'on peut faire des économies ? Et moi, je vais écrire dans les prochains jours à tous les présidents de groupe à l'Assemblée et au Sénat en disant " On a quatre mois devant nous, préparons le budget ensemble ". Où est-ce que vous voulez faire des économies ? Vous savez, autour par exemple du rapporteur général du budget à l'Assemblée Jean-René CAZENEUVE, il y a des députés qui travaillent et qui veulent faire des propositions. Le rapporteur général du budget au Sénat, Jean-François HUSSON, il me dit quoi ? Il me dit " Faisons de la collégialité sur le budget ". Je dis OK, on travaille pendant quatre mois…
APOLLINE DE MALHERBE
Non mais ça, c'est la méthode.
THOMAS CAZENAVE
Mais c'est très important, la méthode.
APOLLINE DE MALHERBE
Moi je veux savoir à la fin ce que vous rognez. C'est-à-dire que vous ne pouvez pas nous dire, et c'est tout le paradoxe, vous ne pouvez pas nous dire " ça va très mal, mais on va s'en sortir en achetant un peu moins de stylos ".
THOMAS CAZENAVE
Non, ce n'est pas ce qu'on dit. Je vais vous dire, il y a deux étapes. Il faut être très méthodique sur le budget. Première étape, on vient d'annuler 10 milliards de dépenses et on l'a dit, on l'a fait. On demande une contribution sur le compte personnel formation, on fait moins sur l'aide publique au développement qui a été multipliée quasiment, qui a augmenté de 50%, multipliée par deux. On sait qu'on va faire un effort sur MaPrimeRénov'. Donc là, on l'a fait de manière méthodique - pardonnez-moi, je termine juste - sur les 10 milliards, on sait où on les fait et il y a un travail avec les ministères : ça y est, elles sont faites. Maintenant, on sait qu'on a un effort continu dans le temps à le faire. Ma responsabilité de ministre du Budget, c'est de dire " ça sera autour de 20 milliards qu'il faut trouver ". On se met autour de la table et on le fait de manière méthodique. On a quatre mois avant la fabrication du budget par l'Etat et je souhaite que ce soient quatre mois avec le Parlement, dans le dialogue, dans la construction avec les parlementaires, et je sais qu'ils sont attachés à l'exigence du redressement des finances.
APOLLINE DE MALHERBE
On peut quand même rentrer dans le dur à un moment, c'est-à-dire on ne peut pas avoir commencé à lancer ces pistes comme vous l'avez fait hier avec Bruno LE MAIRE, qui a même posé des questions qui ne sont pas que des questions rhétoriques, j'imagine. Est-il vraiment légitime et pouvons-nous encore nous permettre que notre protection sociale soit intégralement financée par ceux qui travaillent ? Est-il vraiment légitime et pouvons-nous encore nous permettre que le nombre de jours d'absence parmi les personnels des collectivités locales soit de 17 par an quand il est de 12 dans le privé et de 10 dans les services de l'Etat ? Ça, c'est ce que dit Bruno LE MAIRE, donc il les ouvre ces pistes, on est bien d'accord. Thomas CAZENAVE, regardons par exemple. Vous dites : les dispositifs en faveur de la jeunesse ou par exemple les aides au secteur du cinéma, il y a un point sur lequel la dépense a augmenté ces dernières années, c'est ce qu'on appelle le pass Culture. C'est 273 millions d'euros par an. La Cour des comptes dit qu'elle a beaucoup de doutes sur l'efficacité et le fonctionnement. Est-ce que vous dites, et à un moment peut-être qu'il faut que vous alliez au bout de votre logique, vous ne pouvez pas nous dire " c'est la cata mais on ne fait rien ", les 273 millions on les gèle, pendant trois ans on ne les fait plus.
THOMAS CAZENAVE
Je nouveau vous dit pas " c'est la cata, on ne fait rien ". Je vous dis il y a une dégradation de la situation et on agit, on agit tout de suite.
APOLLINE DE MALHERBE
Alors est-ce que ces 273 millions… Alors attendez, 273 millions par an, ça fait déjà trois ans, c'est censé augmenter puisque pour l'instant c'est pour les 18 ans et qu'il va y avoir désormais ce dispositif aussi pour les élèves en classe de 4ème jusqu'à la terminale. Est-ce que vous dites " On espérait le faire, on ne peut plus le faire, ce n'est pas le moment, on gèle " ?
THOMAS CAZENAVE
De la méthode. La méthode, c'est quoi ? 10 milliards tout de suite, on les a faits. C'est une première étape. Maintenant, on se projette.
APOLLINE DE MALHERBE
Je ne comprends pas.
THOMAS CAZENAVE
Si, si. C'est en deux étapes. On les a faits ces 10 milliards, c'était le sens du décret d'annulation. Maintenant, on doit se projeter. Et pourquoi je souhaite qu'on travaille tout de suite sur le budget de l'année prochaine ? Parce qu'on sait qu'il est plus dur et je souhaite travailler avec le Parlement. Les parlementaires ont des idées, ont des propositions à nous faire. Il faut qu'on arrive à en faire un sujet d'unité nationale. Tous les sujets…
APOLLINE DE MALHERBE
Mais là, c'est la Cour des comptes qui vous fait cette proposition.
THOMAS CAZENAVE
Mais la Cour des comptes, elle est investie avec nous dans le cadre des revues de dépenses. On va missionner le Premier président de la Cour des comptes sur un certain nombre de travaux, il nous fera des propositions émanant…
APOLLINE DE MALHERBE
S'ils ont ces propositions qu'ils vous ont déjà faites, 273 millions d'euros qu'on pourrait suspendre…
THOMAS CAZENAVE
On examinera toutes les propositions qu'ils nous ont faites et on construira ensemble le budget avec les parlementaires. C'est la méthode, c'est le dialogue.
APOLLINE DE MALHERBE
Je croyais qu'il y avait urgence, j'ai dû me tromper.
THOMAS CAZENAVE
Mais l'urgence, c'est les 10 milliards tout de suite. Si on n'avait pas pris ce décret tout de suite, on nous aurait dit " mais qu'est-ce que vous faites ? " Tout de suite on a constaté une baisse des recettes, on a pris ce décret et on est venu s'en expliquer avec Bruno LE MAIRE devant les parlementaires et de l'Assemblée et du Sénat. Par contre, il faut de la méthode, et préparer le budget 2025, on a le temps. Je rappelle qu'on le déposera en septembre et donc maintenant, moi ce que je souhaite, c'est dans les quatre mois qui viennent, on travaille avec les parlementaires.
APOLLINE DE MALHERBE
Sauf si d'ici là, vous révisez le budget. C'est ce que vous demande d'ailleurs l'opposition de droite qui hier a dit " on ne peut pas entendre à quel point ç'a dérivé ". Vous avez d'ailleurs revu la perspective de croissance. Est-ce qu'il ne faut pas être cohérent et revoir le budget en faisant ce qu'on appelle un budget rectificatif ? Pourquoi vous ne le faites pas ?
THOMAS CAZENAVE
Non mais c'est une option qui est sur la table, on l'a dit depuis le premier jour. Là on fait nos 10 milliards d'euros. C'est des vraies économies tout de suite, et en fonction de l'évolution de la situation, si on a besoin d'en faire un plus tard, on en fera un. Pour le moment, on fait ces 10 milliards et on continue le travail pour documenter d'autres économies, pour redresser nos finances publiques.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous cherchez des milliards, il y en a à l'UNEDIC. Est-ce que vous envisagez de les prendre ?
THOMAS CAZENAVE
Il y a un travail qui est fait d'abord sur la réforme de l'assurance chômage.
APOLLINE DE MALHERBE
20 milliards d'excédent à l'UNEDIC.
THOMAS CAZENAVE
Mais vous savez, c'est important. C'est-à-dire que quand vous faites des réformes, par exemple la réforme des retraites, la réforme sur le marché du travail, ça génère aussi des excédents, et donc on a quand même nos finances publiques en partage. C'est quand même un sujet d'intérêt commun. Et donc par ailleurs, sur la réforme de l'assurance chômage, il y a des discussions qui ont lieu entre les partenaires sociaux. Nous, notre enjeu, c'est : il faut que l'orientation du plein emploi pour tous jusqu'à 64 ans soit bien intégrée et la considération sur les finances publiques.
APOLLINE DE MALHERBE
Je trouve, Thomas CAZENAVE, que vous restez très théorique. C'est-à-dire je comprends parfaitement, c'est de la finance publique, mais la finance publique c'est notre vie quotidienne. Quand je vous interroge sur quelque chose de très concret comme le pass Culture, on sait combien ça coûte, on sait que la Cour des comptes a déjà fait des réponses là-dessus. Vous me dites " Non, non, mais on les trouvera les 20 milliards ". Mais à chaque fois qu'on vous interroge précisément sur où on les trouvera, vous ne répondez pas et c'est ça qui inquiète les Français.
THOMAS CAZENAVE
Non, alors je ne suis pas d'accord du tout avec ce que vous venez de dire. On a fait une première étape à 10 milliards, c'est très concret. Je vous ai parlé de MaPrimeRénov', je vous ai parlé de l'aide publique au développement, je vous ai parlé du budget de tous les ministères, je pourrais vous parler de l'immobilier de l'État, des achats. Donc on a un plan mais il faut être méthodique. Moi, ma responsabilité de ministre des Comptes publics, c'est de dire : voilà où on en est, voilà ce qu'il nous faudra faire dans les prochains mois et les prochaines années, et par contre il faut de la méthode. Et la méthode, c'est le travail avec les députés et les sénateurs.
APOLLINE DE MALHERBE
Et les questions très concrètes, elles se posent aussi pour les Français. Fatima m'a appelée ce matin sur RMC au 32 16. Elle est cuisinière dans le Languedoc, elle a 64 ans. Elle était assez bouleversée par les annonces que vous avez faites hier avec le ministre de l'Economie. Je voudrais que vous l'écoutiez
FATIMA, AUDITRICE DU LANGUEDOC
On s'attaque toujours aux gens, à la population, mais ça ne va pas. J'ai été chez le médecin la semaine dernière, j'ai payé 26,50 euros, ce qui est normal, j'ai été remboursée 15 euros. Et nous ? Moi j'ai 64 ans, je travaille encore. Je travaille encore parce que si je pars aujourd'hui, j'ai 1 000 euros, Apolline. 1 000 euros, vous vous rendez compte ? J'ai un genou en vrac, eh bien tant pis, je travaille. Par exemple, je devais faire une infiltration dans l'épaule, on ne trouve pas de produit. On ne trouve pas de produit, je suis obligée de m'adresser dans le Lot-et-Garonne à un ami qui est médecin à Marseille pour avoir le produit qu'il m'envoie par La Poste.
APOLLINE DE MALHERBE
Pour elle, la question des sous. Elle est extrêmement concrète. C'est le manque de médecins, c'est le fait d'être moins bien remboursée quand elle va chez le docteur, c'est le fait de devoir continuer à travailler alors qu'elle se lève tôt le matin pour être cuisinière, c'est le fait de ne pas avoir le produit pour l'infiltration dans l'épaule. Elle disait " Mais où va notre argent ? "
THOMAS CAZENAVE
Non mais le sujet, notamment de la présence de médecins, de l'accès aux médicaments, ce n'est pas un sujet de finances publiques.
APOLLINE DE MALHERBE
Mais quand même ! Bruno LE MAIRE hier a dit " Il faudra se poser la question des dispositifs médicaux ". Et quand je dis que c'est une question de finances publiques, c'est que l'une des premières mesures qui a été prise et qui rentre en application maintenant, c'est par exemple de doubler la franchise sur les médicaments. Vous, vous parlez finances publiques mais la traduction, c'est par exemple le doublement de la franchise sur les médicaments. C'est très concret.
THOMAS CAZENAVE
La franchise, oui, mais quand j'écoute votre auditrice, elle dit : " Je veux avoir accès plus facilement à un médecin, il y a des produits qui sont…
APOLLINE DE MALHERBE
Même à un produit, elle dit " Je n'ai pas le produit pour mon épaule ".
THOMAS CAZENAVE
Mais, qui ne sont pas disponibles. Il y a un sujet de disponibilité d'un certain nombre de médicaments. On le sait, c'est des sujets industriels. Il y a un sujet de démographie médicale. C'est pour ça qu'on est revenu sur le numerus clausus des médecins, mais il faut des années pour les former. Et après il y a un sujet, c'est qu'il faut qu'on participe à un moment tous à l'effort sur les finances publiques. Moi j'ai dit sur les franchises médicales, elles existaient depuis 2008, on ne les a jamais revalorisées, elles étaient à 50 centimes, on les augmente de 50 centimes, tout en protégeant ceux qui sont en affection de longue durée, qui ont besoin d'aller très souvent chez le médecin ou de prendre très souvent des médicaments. Cette décision, on l'a prise également, on l'a prise et c'est d'ailleurs une décision de Catherine VAUTRIN quelques jours après avoir été nommée.
APOLLINE DE MALHERBE
Vous nous l'avez dit, il y a eu un manque à gagner, 7 milliards juste avant la fin de l'année 2023. Est-ce qu'au moment où on se parle, début mars, vous avez déjà une photographie des premiers mois, en termes de revenus de l'Etat, est ce que là aussi, on commence dans le rouge ?
THOMAS CAZENAVE
Non, c'est trop tôt pour le dire. L'INSEE avait annoncé 0,2% de croissance, donc notre économie, elle, continue à croître et c'est fondamental pour nous. Regardez ce qui se passe en Allemagne, ils ont ramené leur taux de croissance de 1,3 à 0,2%. Ils étaient en récession l'an dernier. Donc notre économie, elle résiste, c'est pour ça qu'on continue notre politique de réindustrialisation, notre politique de soutien à l'innovation. Parce que sans ça, ce serait encore plus dur de redresser les comptes publics.
APOLLINE DE MALHERBE
Donc il continuera à y avoir des milliards. Il y a aussi le Parlement qui doit se prononcer mardi en faveur de l'aide, 3 milliards d'euros, à l'Ukraine. Dans le contexte, et c'est d'ailleurs une des questions, par exemple, que l'économiste BLANCHARD vous pose. Il dit, Olivier BLANCHARD, ancien expert du FMI : " Attention, ces milliards d'économie arrive au pire moment, parce qu'il y a danger et menace, parce que la croissance est fragile. Elle risque donc d'être brisée ". Les 3 milliards d'aide à l'Ukraine pourront-ils être compréhensibles pour les Français dans ce contexte ?
THOMAS CAZENAVE
D'abord, ils sont je crois indispensables. Le président de la République l'a redit, nous devons garantir un soutien dans la durée, un soutien dans la durée à l'Ukraine. Le conflit, la guerre en Ukraine, est une guerre sur le sol européen. C'est un enjeu pour notre sécurité, pour notre prospérité en Europe et en France. Donc on sera toujours au rendez-vous de l'Ukraine. Après, je veux un peu relativiser les propos de l'économiste BLANCHARD. 20 milliards, 10 milliards, 20 milliards, sur 1 600 milliards de dépenses publiques, 1 600 milliards de dépenses publiques. Les 10 milliards qu'on a demandé aux ministères, ça représente même pas 2% de leur budget. Donc on est capable de le faire. Et moi, mon enjeu, c'est dire : il faut qu'on baisse le déficit public parce qu'il faut qu'on arrête de demander à nos enfants et nos petits enfants de financer nos dépenses, sans casser le moteur de la croissance et sans peser trop lourdement sur les Français.
APOLLINE DE MALHERBE
Merci d'avoir répondu à toutes ces questions ce matin.
THOMAS CAZENAVE
Merci à vous.
APOLLINE DE MALHERBE
Thomas CAZENAVE, qui est donc ministre des Comptes publics. Merci à vous.
THOMAS CAZENAVE
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 mars 2024