Texte intégral
JOURNALISTE
7h46. Il y a deux mois commençait le grand mouvement de colère des agriculteurs partout dans le pays. Aujourd'hui, la tension reste palpable. On va faire le point sur ce qu'il faut encore faire pour le secteur avec le ministre de l'Agriculture qui vient en Moselle aujourd'hui et il est votre invité, Bastien.
BASTIEN MUNCH
Bonjour, Marc FESNEAU.
MARC FESNEAU
Bonjour.
BASTIEN MUNCH
Alors, vendredi, Arnaud ROUSSEAU, le président de la FNSEA, était l'invité de nos confrères de France Bleu Lorraine à Nancy. Il reconnaît des avancées dans les mesures annoncées par le Gouvernement mais pour lui, le rythme n'est pas le bon. Qu'est-ce que vous lui répondez ce matin ? Est-ce qu'il y a une différence de rythme entre vous et les syndicats ?
MARC FESNEAU
Ce n'est pas qu'il y a une différence de rythme, chacun parle du point où il est, si je peux dire. Dès lors qu'on change du réglementaire ou qu'on a besoin de changer la loi, évidemment on est sur un pas de temps qui ne peut pas être le pas de temps, des heures ou des semaines ou de la semaine, pardon, mais un peu plus loin que celui-là. On a un certain nombre de simplifications qui ont été opérés et qui vont passer par des nécessités de modifier la loi. Forcément, il faut d'abord déposer un projet de loi, il faut qu'il passe au Conseil d'Etat, il faut qu'il soit délibéré à l'Assemblée, au Sénat. Tout ce que je vous dis là, ce n'est pas pour gagner du temps, c'est juste que c'est des procédures normales dans un Etat démocratique. Alors, j'entends absolument toutes les impatiences en même temps, on a posé sur la table un certain nombre d'actes de simplification qui pouvaient passer par la réglementation rapidement. Deuxième élément, le texte de loi qui portera un certain nombre de mesures de simplification sera présenté à la fin du mois de mars, donc dans un délai très rapide par rapport aux nouvelles mesures. Et puis, enfin, un dernier point que je viens d'ailleurs présenter aussi en Moselle, c'est des mesures de simplification européennes. Pour un certain nombre d'entre, elles étaient parfois tendues depuis presque une dizaine d'années. Donc on a fait en deux ou trois mois ce qui n'avait pas pu être fait ou qui n'avait pas été fait en une dizaine d'années. Donc, j'entends les impatiences et en même temps, on avance et à la réalité, c'est qu'on avance.
BASTIEN MUNCH
Et vous considérez avoir rempli déjà quelle part du contrat, là, sur les 62 mesures qui avaient été portées par les syndicats, qui ont été retenus par Gabriel ATTAL, le Premier ministre. On en est où si on veut faire un point d'étape ?
MARC FESNEAU
Le Premier ministre l'avait présenté il y a quelques semaines, deux ou trois semaines. On est à 80%. On est quasiment 90% de mesures engagées mais je répète ce que j'ai dit, quand vous dites ça nécessite une mesure législative, la mesure est écrite, elle est dans le texte de loi, elle n'est pas encore en application puisque la loi n'a pas encore été votée. Donc, on est bien au rendez-vous de l'engagement qui avait été pris. En revanche, l'application, elle va nécessiter simplement que la loi soit votée. Donc, on est plutôt bien engagé sur ces mesures-là. Sur les mesures européennes, on va même au-delà de ce qui avait été demandé par la profession sur un certain nombre de mesures de simplification. Après, il faut que ce soit… Toute la difficulté, c'est que ce soit perceptible pour les agriculteurs. Quand vous changez les procédures…
BASTIEN MUNCH
Et ça ne l'est pas encore pour l'instant ?
MARC FESNEAU
Ça dépend de quel endroit vous vous placez. Aujourd'hui, je veux parler du ratio de prairies permanentes, ça ne concerne que les gens qui ont des prairies permanentes. La saison... En fin de semaine, je vais parler des prairies sensibles, sans doute dans un autre territoire. Prairie sensible, ça ne concerne pas du tout la Moselle. Donc, vous voyez, on essaie de répondre territorialement et géographiquement. Il y a des sujets qui sont géographiquement identifiés. Donc évidemment chacun, c'est normal, voit midi à sa porte. Celui qui avait créé un bâtiment d'élevage, il va voir les mesures de simplification. Dans mon territoire, le Loir-et-Cher, il y a moins d'élevage, celui-là, ces mesures-là, elles ne l'intéressent pas. Au fond, elles ne sont pas perceptibles à ses yeux. Donc, c'est un peu la difficulté, c'est qu'on a mis sur la table un certain nombre de mesures de simplification qui vont toucher tous les secteurs du monde agricole. Mais selon l'endroit où vous vous situez ou la production dans laquelle vous êtes, évidemment, vous n'avez pas la même perception.
BASTIEN MUNCH
Sur les aides, les aides PAC, les aides de la Politique agricole commune, le Premier ministre avait fixé cet objectif de 100% des aides versées au 15 mars, c'était donc vendredi dernier. Ce matin, on l'entendait il y a une demi-heure. Le secrétaire général des Jeunes agriculteurs de la Moselle, il nous dit que ce n'est toujours pas le cas, notamment pour les agriculteurs bio. Comment est-ce qu'on l'explique ça ?
MARC FESNEAU
Mais on l'explique tout simplement, c'est que les mesures sur lesquelles on était engagées au 15 mars, c'est celles qui bénéficient d'une avance au 16 octobre de l'année précédente. Tout le monde sait que pour le bio et pour les mesures agri-environnement, de tout temps, depuis qu'il y a la PAC, les aides bio et les mesures agri-environnement sont payées après cette date-là. Donc, on va accélérer le processus, mais il ne faut pas nous demander d'aller plus vite que ce qu'est le pas de temps normal. Sur la question du bio, on sait très bien que c'est plutôt financé et payé après le 15 mars. On est au rendez-vous de l'engagement, sur les neuf milliards de PAC, il y a près de 8,5 milliards qui sont payés aujourd'hui, en tout cas sous la responsabilité de l'Etat, qui sont payés, qui sont sur le compte des agriculteurs, 8,5 milliards, je le répète quand même.
BASTIEN MUNCH
Donc, ça veut dire que toutes les aides de base, là, en dehors de ces aides bio, de ces mesures agro-environnementales…
MARC FESNEAU
En dehors des mesures agro-environnementales, mais c'est normal parce que les dossiers sont déposés, instruits seulement à partir de maintenant et donc payés un peu plus tard Sur le bio, c'est pareil, toutes les aides de base normalement sont payées. Alors, il peut y avoir quelques cas, mais c'est très individuel, sur lequel on essaie de débloquer des situations pour les rendre éligibles parce qu'on a parfois des statuts des associés qui sont arrivés. Enfin bref, il y a comme dans toute aide, quelques structures pour lesquelles les cas sont inextricables, mais pour l'immense majorité, c'est plus de 99,15 virgules, quelques virgules derrière de dossiers qui sont soldés, payés conformément aux engagements qui avaient été pris. Après, on va essayer d'accélérer sur les autres, Mais le processus de la PAC, qui est, si je peux dire, implacable, il est dans le calendrier qu'on avait fixé et on a bien été au rendez-vous de ce qu'avait demandé le Premier ministre.
BASTIEN MUNCH
Marc FESNEAU, ministre de l'Agriculture. Vous restez avec nous. On continue cet entretien dans un instant sur France Bleu Lorraine, avec, juste avant un passage sur les routes de Moselle, Nicolas ?
(…)
JOURNALISTE
Marc FESNEAU, le ministre de l'Agriculture est votre invité ce matin, Bastien MUNCH ?
BASTIEN MUNCH
Marc FESNEAU, ce matin, vous vous rendez, vous le disiez, dans une exploitation à Auron, près de Château-Salins, dans le Saulnois. Vous allez notamment parler de la question de ces prairies permanentes. Vendredi, la Commission européenne a proposé une série de mesures pour alléger tout un tas de règles environnementales liées à cette PAC, à cette Politique agricole commune, les prairies en font partie. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que l'Europe, sur ces questions de simplification, va plus vite que la France aujourd'hui ?
MARC FESNEAU
Non, elle ne va pas plus vite que la France. Toutes les demandes que vous ayez sur la table, l'immense majorité d'entre elles, c'est des demandes qui avaient été portées par la France avec un certain nombre de pays. Et je vous rappelle que j'avais porté la demande de la dérogation jachère au mois d'octobre, qu'on a obtenu au mois de janvier et que nous avons, avec d'autres collègues, porté un certain nombre de demandes de simplification. Ce qui est annoncé par la commission, ce n'est pas encore tout à fait parce que là aussi, il va falloir qu'il soit adopté par le Parlement. Bon, donc c'est le même, même schéma que la France, mais on a été très vite puisque je répète que sur les prairies permanentes ou sur la question des jachères, les jachères, c'est un débat qui date depuis des années et des années, comme vous le savez. Donc maintenant, il faut que ça soit rendu opérant. Mais évidemment, moi, je me réjouis que les demandes qui ont été portées par la France, notamment avec l'Espagne, il faut saluer le travail qu'on a fait avec mon collègue espagnol. Je suis très heureux qu'on ait pu porter, notre volonté, c'était d'accélérer parce que, comme vous le savez, la Commission vit ses derniers mois puisqu'il y aura un renouvellement parlementaire. Et donc, on voulait absolument que les mesures soient prises avant le renouvellement, parce que sinon on était parti, si vous me permettez l'expression, pour la gloire et pour quelque chose dont on aurait parlé plus tôt à l'automne 2024, voire un peu plus tard. Et donc, on a bien des mesures qui sont proposées. Il appartient maintenant au Parlement, à la Commission, avec le Conseil des ministres de l'Agriculture, de faire en sorte que les mesures soient opérantes très rapidement.
BASTIEN MUNCH
Alors, sur les prairies, c'est un peu technique, mais en gros, l'obligation de garder certaines surfaces comme des prairies permanentes, cette obligation a été modifiée. Les agriculteurs ne sont plus forcément obligés de compenser en créant des prairies ailleurs. Ça veut dire quoi ? Qu'on va se retrouver du coup avec beaucoup moins de terrains qui sont censés retenir le carbone ? C'était pour ça que ces mesures des prairies avaient été mises en place.
MARC FESNEAU
Mais ça reste l'objectif du Gouvernement, pour qu'on maintienne des prairies, il faut qu'on maintienne l'élevage, pardon de cette phrase de bon sens. On ne maintient pas de prairies s'il n'y a pas d'élevage. Donc, premier élément, le plan de souveraineté qui est porté par le Gouvernement…
BASTIEN MUNCH
Ça veut dire que là où il y a moins d'élevage, on peut autoriser qu'il y ait moins de prairies ?
MARC FESNEAU
Mais c'est ça qu'on a obtenu comme assouplissement en particulier. Par ailleurs, le ratio était calculé au niveau régional. Ce qui est un peu curieux parce que la question, pour les raisons que vous venez d'évoquer, du stockage carbone, la question, c'est le ratio de prairies au niveau national. Et par ailleurs, effectivement, quand un élevage disparaissait, on ne soustrait pas les surfaces qui étaient, qui n'étaient plus par nature dédiées à l'élevage, et donc, ce qui faisait qu'on dégradait ce ratio et qu'on pénalisait des jeunes qui voulaient s'installer à ce motif-là. Donc, on a des mesures de bon sens sur la question de l'assouplissement, mais l'objectif principal quand même, c'est de maintenir des prairies permanentes ou d'ailleurs.
BASTIEN MUNCH
Ça veut dire qu'au niveau national, la compensation sera quand même faite ?
MARC FESNEAU
Non, je dis juste que l'objectif qu'on a, c'est le maintien des prairies mais pour stocker du carbone, il y a les prairies, pour stocker les carbones, il y a les pratiques agro-environnementales, pour stocker du carbone il y a les haies. Enfin bref, il y a différentes façons de stocker du carbone, mais l'objectif que nous avions, la demande que nous avions sur la BCEA 1, puisque c'est comme ça qu'elle s'appelle cette mesure, le ratio de prairies permanentes, c'était d'assouplir. Évidemment, on va mettre en oeuvre les mesures d'assouplissement prévues par la Commission. Il n'empêche que nous portons une attention particulière aux prairies, pourquoi ? Parce qu'elles ont des fonctions de stockage d'eau, de stockage de carbone, etc., qui sont utiles. Mais on ne maintiendra pas de prairies si on ne maintient pas l'élevage. Et donc, la priorité des priorités, c'est de maintenir l'élevage et de ne pas de prendre à l'envers les choses, c'est-à-dire de laisser filer l'élevage et après dire on a plus de prairie, il est mieux qu'on prenne les choses en sens inverse, si vous permettez cette expression.
BASTIEN MUNCH
Marc FESNEAU, vous en parliez aussi, ce projet de loi qui arrive, projet de loi Agriculture, qui sera présenté devant le Conseil des ministres le 29 mars après plusieurs reports. Pourquoi il a mis autant de temps à arriver ? Il a fallu le modifier avec les demandes qui étaient celles des syndicats depuis le début d'année ?
MARC FESNEAU
Oui, oui, on a décidé de prendre quelques semaines ou pas que nous ne voulions pas que ce texte mais qu'au contraire on voulait l'étoffer, le renforcer d'un point de vue de simplification. Il y aura des simplifications du point de vue de la haie, des simplifications sur la question des installations d'élevages.
BASTIEN MUNCH
Ce qui n'était pas forcément prévu au départ ?
MARC FESNEAU
Pour certaines, non, pour la haie, on n'avait pas forcément un véhicule comme celui-là au démarrage dans nos têtes mais après tout, si on peut le mettre dans un texte de loi et qu'on aurait pu le renforcer parce que la loi c'est quand même, heureusement ou malheureusement, on prononce ce qu'on veut, c'est quand même plus puissant que la réglementation Et parfois, on a une réglementation qui aurait pu être assouplie mais on venait nous opposer que la loi l'interdisait. Autant le mettre dans la loi, comme ça, ce serait pour tout le monde. Il y avait des demandes qui étaient faites par exemple sur la création (on vient d'en parler) de bâtiments d'élevage en disant " les contraintes sont beaucoup trop lourdes " non pas environnementales mais les contraintes de procédure étaient beaucoup trop lourdes et trop longues. Il y a la même chose sur la question de l'eau donc on aura dans ce texte, à la fois des mesures qui visent quand même (parce que c'est le fond du texte) à l'installation, à la transmission, à la découverte des métiers, à l'attractivité des métiers. Et pour que les métiers soient attractifs, il faut aussi que les règles soient assouplies ou plus simples et donc c'est bien l'objet de ce texte de loi.
BASTIEN MUNCH
Merci beaucoup Marc FESNEAU.
MARC FESNEAU
Merci à vous.
BASTIEN MUNCH
Ministre de l'Agriculture en direct sur France Bleu Lorraine ce matin. On rappelle, vous êtes en visite dans le Saulnois en fin de matinée. Merci, bonne journée à vous.
MARC FESNEAU
Merci, au revoir.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 mars 2024