Texte intégral
STEPHANE BARBEREAU
Bonjour Patrice VERGRIETE.
PATRICE VERGRIETE
Bonjour.
STEPHANE BARBEREAU
Vous étiez ministre du Logement dans le gouvernement précédent, vous passez donc aux Transports depuis le mois de janvier, on aurait peut-être tendance à dire que les transports c'est souvent le moment où on va parler des trains qui n'arrivent pas à l'heure, est-ce que c'est un costume qui est plus compliqué aujourd'hui à endosser par rapport à votre précédent au Logement ?
PATRICE VERGRIETE
Vous savez, le logement connaissait une crise aussi importante et il était important de s'y atteler, les transports c'est aussi un enjeu extrêmement important, qui touche finalement l'aménagement du territoire, il y a en plus le contexte des Jeux olympiques qui arrivent, où on va beaucoup parler transports forcément, donc je pense que c'est un dossier à mon avis tout aussi compliqué que le logement, mais très complémentaire en fait.
STEPHANE BARBEREAU
Bon, parlons justement d'un dossier qui avait été promis par le président de la République, c'était à la fin de l'été dernier, c'était le Pass rail à 49 euros, qui devait permettre de voyager en illimité pour tout le monde à partir de l'été prochain, où en est-on de cette promesse, est-ce qu'on pourra tous prendre le train en illimité l'été prochain en France ?
PATRICE VERGRIETE
Alors c'était un engagement qu'il fallait prendre bien entendu avec les régions, puisque vous savez que notamment les trains TER dépendent des régions, donc on a mené cette concertation avec les régions, les régions aujourd'hui souhaitent avancer prudemment sur cette question, parce qu'effectivement le coût est extrêmement important, donc on a souhaité faire une expérimentation peut-être déjà dès cet été, avec un Pass rail qui sera ciblé sur les jeunes et sur les deux mois d'été, un petit peu comme ça s'était passé à la sortie du Covid, donc c'est une avancée. Le but du jeu c'est d'être le plus concret possible, d'aider nos jeunes, donc déjà, je l'espère, que les régions donneront leur accord pour cet été, mais peut-être que déjà dès cet été on aura une première avancée de ce Pass rail, et pourquoi pas, plus tard, continuer à engager la discussion avec les régions pour, dans les années qui viennent, atteindre cet objectif.
STEPHANE BARBEREAU
Quel tarif ?
PATRICE VERGRIETE
Pour l'instant, ça s'est discuté avec les régions, puisque, comme je le disais tout à l'heure, en fait les régions ont la responsabilité des TER, l'Etat la responsabilité de ce qu'on appelle les Intercités, quand ça dépasse finalement le périmètre d'une région, et donc on va discuter aussi du tarif avec les régions, bien entendu il faut faire ça en accord avec eux, la France est décentralisée, il faut respecter les régions quand on travaille notamment sur le train.
STEPHANE BARBEREAU
Oui, mais si je suis dans les Hauts-de-France, l'idée c'est ça, c'est que je pourrai, en utilisant du TER, me déplacer jusqu'en Bourgogne ou jusqu'en Bretagne.
PATRICE VERGRIETE
C'est exactement ça, c'est-à-dire l'idée de pouvoir avoir une sorte de tarif valable à l'échelle nationale, c'est pour ça qu'il faut faire une concertation avec toutes les régions de France, parce qu'évidemment, vous imaginez, si la moitié des régions jouent le jeu ça n'a pas beaucoup de sens, donc le but du jeu c'est de réussir à embarquer toutes les régions dans cet objectif, le cibler sur les jeunes dès cet été serait déjà un premier pas, une avancée concrète, parce que c'est ça le but du jeu aussi, être concret, ça ne sert à rien de parler pendant dix ans, il faut aussi avancer, et déjà si nos jeunes pouvaient en profiter cet été, eh bien ce serait déjà un premier pas.
STEPHANE BARBEREAU
L'Etat mettra la main à la poche pour ce dispositif ?
PATRICE VERGRIETE
Bien sûr, on est en discussion avec les régions, on apportera notre éco, le but du jeu c'est de trouver un bon équilibre.
STEPHANE BARBEREAU
Est-ce qu'il n'y a pas, quand même, un net recul en arrière par rapport à la promesse d'Emmanuel MACRON qui était de se caler sur ce qui existe par exemple en Allemagne depuis, déjà, je crois près de deux ans, comment vous l'expliquez ça, c'est la situation économique qui fait qu'on ne peut plus tenir compte de cette promesse et aller au bout de cette promesse ?
PATRICE VERGRIETE
Non, c'est les enseignements aussi tirés de ce qui s'est passé en Allemagne. En fait, ce qui s'est passé quand les Allemands ont mis en place le Pass rail, c'est qu'on a vu qu'évidemment la demande a explosé, mais l'offre n'était pas forcément là, donc on a vu des trains bondés, des difficultés mises en place, donc je pense qu'il faut… et puis la décentralisation fonctionnait un peu différemment, là-bas il y a les Lander et l'Etat fédéral, et donc le but du jeu c'est de bien préparer les choses, bien avancer. Evidemment, il y a des considérations économiques aussi, bien entendu à prendre, mais je pense que la spécificité de la situation française… il y a aussi en France la possibilité de se faire rembourser la moitié de l'abonnement de transports collectifs, notamment de train, quand on est salarié par son employeur, qui n'existe pas en Allemagne, je pense qu'on n'est pas tout à fait l'Allemagne sur un certain nombre de ces dispositifs, donc il faut qu'on sache s'adapter à nos spécificités et surtout tirer les leçons de ce qui n'a pas non plus marché en Allemagne, pour pouvoir mettre en place quelque chose de beaucoup plus adapté, beaucoup plus efficace, monter en puissance peut-être beaucoup plus progressivement.
STEPHANE BARBEREAU
Si on vous entend bien, l'important aujourd'hui, c'est aussi de renforcer l'offre de trains, c'est l'un des objectifs des Services Express Métropolitains qui doivent voir le jour d'ici une quinzaine d'années en France, il y en a un autour de la métropole lilloise, on va y revenir dans un instant. D'abord, et c'est peut-être avec votre double casquette, ministre des Transports, toujours président de la Communauté urbaine de Dunkerque, vous vouliez que Dunkerque soit rattachée à ce Service Express Métropolitain lillois, est-ce que ce sera le cas et pourquoi ?
PATRICE VERGRIETE
Les Services Express Régionaux Métropolitains, en fait poursuivent un double enjeu, d'abord réussir à mieux décarboner nos mobilités, vous savez qu'on est dans une époque où il faut lutter contre le changement climatique, et réussir bien entendu à développer le transport collectif, le transport ferroviaire, les mobilités douces également, le vélo et la marche, c'est absolument impératif pour les années qui viennent. Le deuxième objectif de ces Services Express Régionaux Métropolitains, c'est de réussir à mieux relier les villes moyennes et les petites villes à la métropole. Vous savez, au cours de ces dernières décennies, les villes moyennes ont perdu beaucoup d'habitants, la métropole en a beaucoup gagné, ce qui a posé des problèmes des deux côtés, puisque les habitants perdus d'un côté, c'était des commerces en moins, c'était et des services en moins, et en métropole on a des difficultés à loger les gens, donc il faut mieux rééquilibrer le territoire. La région métropolitaine lilloise, c'est grosso modo le Nord et le Pas-de-Calais, pour aller très, très vite, et donc c'est à cette échelle-là qu'il faut réfléchir et voir comment on va rééquilibrer, en termes d'aménagement du territoire, le lien entre l'ensemble des villes moyennes, l'ensemble des petites villes de cette, j'ai envie de dire ex-région Nord-Pas-de-Calais, à la métropole lilloise, et c'est vrai que le Service express Régional Métropolitain qui est prévu aujourd'hui par les acteurs, est peut-être un peu restrictif, il est très lié en fait à la métropole et au bassin minier et je pense qu'aujourd'hui il faut l'élargir. Alors deux choses sont en jeu, le projet n'est pas terminé, d'ailleurs, à l'époque, Daniel PERCHERON avait initié ces TERGV, qui avaient été une véritable révolution et qui allaient dans ce sens sens-là, je pense qu'il faut continuer à travailler ce RER métropolitain lillois pour pouvoir lui donner une dimension plus forte. Il y a aussi une question de coût, c'est le RER métropolitain le plus cher de France, et ça, évidemment, il faut une certaine efficacité…
STEPHANE BARBEREAU
Quel coût aujourd'hui, on avait parlé de 5 milliards, est-ce qu'on est toujours sur ce chiffre-là ?
PATRICE VERGRIETE
C'est même plus que ça aujourd'hui, on est à plus de 7 milliards aujourd'hui, donc c'est vrai que c'est nettement le plus cher de France, donc, du coup, quand on est évidemment extrêmement cher il y a une nécessité d'être très efficace, et c'est vrai qu'aujourd'hui l'impact de ce qui est proposé est encore insuffisant par rapport aux coûts qui sont investis, donc les acteurs sont en train d'y travailler et je sais que dès la fin mars des réunions sont programmées pour pouvoir améliorer largement encore ce projet.
STEPHANE BARBEREAU
Est-ce qu'on aura les moyens de ces ambitions, parce qu'on va que le Pass rail, en gros, il n'y a pas l'argent dans les caisses de l'Etat pour le généraliser à la France entière, et là vous nous dites qu'on va agrandir ce projet de Service Express Régional Métropolitain jusqu'à Dunkerque, ça coûtera donc plus cher, où est-ce que vous allez trouver l'argent ?
PATRICE VERGRIETE
Pas forcément plus cher, il faut être surtout plus efficace, plus efficace aujourd'hui. Il y a plein de questions pour être efficace, il y a le nombre d'arrêts, quand vous faites quinze arrêts entre une ville moyenne et une métropole, vous ne pouvez pas être efficace. Il y a le lien avec la route, parfois il peut être plus intéressant pour des déplacements beaucoup plus courts de faire un car express plutôt que de faire un train, donc il faut aussi penser efficacité de l'argent public. Maintenant, de l'argent est prévu pour être investi sur le ferroviaire dans les années qui viennent, le transport c'est évidemment long, quand on investit sur le ferroviaire, évidemment on investit pas forcément pour un an, vous le voyez d'ailleurs parfois avec les délais de construction des rames, on le voit bien dans la région Hauts-de-France, donc il y a évidemment une dimension de temps. Quand on pense un Service Express Régional Métropolitain, un RER métropolitain, comme le dit le président de la République, on ne pense pas forcément à l'année prochaine, ce sont des projets à 10 ans, à 15 ans, c'est vrai que ça peut paraître long pour nos concitoyens, mais c'est le temps parfois pour l'adaptation des transports, c'est pour ça qu'il ne faut pas se tromper quand on fait un projet, parce que c'est souvent des projets de long terme, de moyen et de long terme, donc cet argent il existe à moyen et long terme, on aura la capacité d'investir. Déjà dans les contrats de plan Etat-Région, à l'échelle nationale l'Etat investit 800 millions d'euros pour ces RER métropolitains, donc l'argent viendra déjà, Elisabeth BORNE, quand elle était Première ministre, avait annoncé 100 milliards pour le rail, donc voyez, on a bien les moyens de pouvoir faire ça. Evidemment ça prendra du temps, ce n'est pas l'année prochaine qu'on verra en place le RER métropolitain, mais on y avance.
STEPHANE BARBEREAU
Le temps, justement, il va nous en manquer un petit peu. Dernière question pour évoquer aussi ce temps extrêmement long pour voir arriver les rames rallongées ALSTOM dans le métro lillois, pas avant février 2026, plus d'une fois le président de la métropole lilloise vous a appelé à l'aide, le gouvernement, qu'est-ce que vous pouvez lui répondre aujourd'hui, est-ce que vous pouvez agir pour qu'ALSTOM accélère aujourd'hui ce projet et surtout le termine un jour ?
PATRICE VERGRIETE
Alors, il y a des retards effectivement dans la livraison des rames d'une manière générale chez ALSTOM, mais c'est vrai que la situation lilloise est très spécifique, elle est liée à, j'ai envie de dire des difficultés au moment du changement du système de pilotage automatique, donc c'est une difficulté technique très particulière. L'Etat est intervenu auprès d'ALSTOM, mais tout ça est en train de se terminer en justice, puisque vous savez que la MEL a saisi la justice par rapport à ALSTOM, et on voit bien quand même l'intervention de l'Etat, qui était celle de mon prédécesseur, n'a pas été suffisante finalement pour dépasser ce recours en justice. Je pense, malheureusement, que tout ça c'est une affaire qui se terminera en justice, sachez aujourd'hui que l'Etat met la pression sur ALSTOM pour pouvoir, au moins en 2026, être opérationnel, ce qui pose d'ailleurs un problème puisqu'il y a une question de vétusté des rames en 2025 pour le métro lillois, on est en train de regarder ça avec la Métropole Européenne de Lille, il ne s'agit pas de pénaliser évidemment les Lillois dans cette affaire, donc on est aux côtés totalement de la Métropole Européenne de Lille pour les aider dans ce dossier qui est un dossier difficile, très difficile.
STEPHANE BARBEREAU
Merci Patrice VERGRIETE, ministre des Transports.
PATRICE VERGRIETE
Merci à vous.
STEPHANE BARBEREAU
Président de la Communauté urbaine de Dunkerque, qui était l'invité de France Bleu Nord ce matin. Bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 mars 2024