Interview de M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à TF1 le 20 mars 2024, sur le réchauffement climatique, les émissions de gaz à effet de serre, la qualité de l'air, l'état des nappes phréatiques et un projet de golf contesté dans les Pyrénées Orientales.

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Média : TF1

Texte intégral

BRUCE TOUSSAINT
Christophe BECHU est l'invité d'Adrien GINDRE ce matin, ministre de la Transition écologique. On va sûrement parler avec vous Adrien, de ces températures excessives et des derniers rapports de l'ONU sur le climat.

ADRIEN GINDRE
Bonjour Christophe BECHU.

CHRISTOPHE BECHU
Bonjour Adrien GINDRE.

ADRIEN GINDRE
En effet, les informations les plus préoccupantes s'accumulent en matière de climat. Alors, il y a ces 24° en Gironde cet après-midi, mais surtout ce ressenti de 60 au Brésil. Cette planète au bord du gouffre d'après l'ONU, cette probabilité élevée que 2024 soit l'année la plus chaude de l'histoire. Est-ce qu'avec tout ça, il faut s'attendre dans notre pays à une canicule record cet été ?

CHRISTOPHE BECHU
On a effectivement une année qui s'inscrit malheureusement dans une accélération de ce réchauffement climatique. Quand on regarde les années les plus chaudes à l'échelle de la planète, on en a eu huit qui se sont passées depuis 2010, et une concentration qui témoigne du fait que ce dérèglement s'accélère, il augmente, et on scrute évidemment l'été qui arrive, avec…

ADRIEN GINDRE
De l'inquiétude ?

CHRISTOPHE BECHU
Avec vigilance, parce qu'en quelque sorte, l'inquiétude, elle n'empêche pas de se prémunir, de regarder comment, par rapport à ces vagues de chaleur, on réhausse notre niveau de protection, comment on fait face à des risques de feux de forêts qui sont plus intenses. Et donc on n'est pas dans un constat, on est dans la préparation…

ADRIEN GINDRE
De cet été.

CHRISTOPHE BECHU
... d'un été, de manière à ce qu'il soit le plus, comment dirais-je, le plus simple à vivre, mais en étant extrêmement vigilant sur tous les risques qui nous menacent.

ADRIEN GINDRE
Mais on comprend que vous nous dites qu'il y a effectivement des risques. Quand on regarde aussi les chiffres, à l'échelle mondiale, les émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère ont atteint aussi des niveaux records en 2022. Ça veut dire que la machine va continuer de s'emballer ?

CHRISTOPHE BECHU
Ça veut dire qu'aujourd'hui nous ne sommes pas sur le bon rythme. On a signé des accords à Paris pour dire " il faut qu'on ne dépasse pas des températures qui augmentent de 1,5, 2° maximum. Et donc il faut que tous les pays baissent leurs émissions ", et pour le moment, nous n'y sommes pas. Je ne suis pas venu ce matin les mains vides. Je suis venu pour vous annoncer une nouvelle qu'on va rendre publique dans quelques minutes ou que je rends publique sur votre plateau, c'est que nos chiffres, pour la France, des émissions 2023, viennent de tomber. Et c'est une année record. Une bonne nouvelle, si j'ose dire, pour commencer cette journée, parce qu'en face de l'accélération du dérèglement, il faut une accélération de l'action. Et donc en 2023, les émissions de gaz à effet de serre en France, elles ont baissé de 4,8%. C'est le double de l'année précédente. C'est en une seule année, quasiment la totalité de la baisse qui s'était passée en France entre 2012 et 2017.

ADRIEN GINDRE
Grâce à quoi ? Ce sont des efforts volontaires ou c'est un repli de l'activité économique, comme on avait vu pendant Covid ?

CHRISTOPHE BECHU
Absolument pas. D'abord, on raisonne bien à températures comparables. Les hivers sont comparables quand on les regarde, donc il n'y a pas d'effet météo dans ces - 4,8. On a une baisse qui vaut dans tous les secteurs, qui est plus modeste dans les transports, mais les transports on a néanmoins une baisse des émissions de l'ordre de 2%. On a une baisse plus marquée en ce qui concerne les bâtiments, c'est la poursuite de la rénovation, de la sobriété aussi, d'une part des ménages. On a une baisse sur le plan également de l'industrie, mais qui est répartie sur l'année, qui n'est pas liée à un ralentissement économique de fin d'année. Vraiment, structurellement, c'est la preuve que la planification écologique, les mesures qui sont engagées, commencent à produire des effets.

ADRIEN GINDRE
Est-ce que ça veut dire, Christophe BECHU, dans ce cas-là, qu'on va pouvoir relâcher la pression, alléger certaines contraintes ?

CHRISTOPHE BECHU
Absolument pas. Pour être tout à fait concret, l'ambition de la planification écologique, donnée par le président de la République, c'est de dire : après avoir doublé la baisse entre 17 et 22, on doit à nouveau doubler la baisse entre 22 et 30. Et donc, cette année 2023, elle est dans les rails du rythme que nous devons tenir jusqu'à la fin de la décennie. Donc, ce n'est pas du tout le moment de baisser la garde. Je ne crie pas du tout cocorico, je dis : on fait une année qui est bonne, qui est historiquement bonne, mais le rythme de 2023, on doit être maintenant capable de le tenir jusqu'à la fin de l'année. Et en parallèle, parce que vous l'avez rappelé, on a ces émissions qui explosent, il faut malgré tout, sur le plan mondial, qu'on s'adapte et qu'on fasse en sorte de protéger notre pays…

ADRIEN GINDRE
Alors, on va en parler…

CHRISTOPHE BECHU
Contre cette intensification du dérèglement climatique et de ses conséquences.

ADRIEN GINDRE
Il y a beaucoup de formes différentes et beaucoup de sujets dans votre portefeuille. Il y en a un qui concerne la qualité de l'air notamment, et les restrictions. Bonne nouvelle pour ceux qui sont concernés : les véhicules Crit'Air 3 ne seront pas obligatoirement interdits dans les agglomérations de Rouen, Strasbourg, Marseille à partir du 1er janvier 2025, elles échappent à cette obligation. Là aussi, pareil, on se dit : on a assez dépollué, donc on peut arrêter ?

CHRISTOPHE BECHU
La bonne nouvelle, ce n'est pas qu'on ne va pas interdire, c'est que pour la 24 année consécutive, la qualité de l'air s'améliore. Et elle s'améliore en 2023, d'une manière qui est nette, qui est notable, qui est presque uniforme sur la totalité des grandes villes, même à Paris et à Lyon, où il n'est pas question qu'on mette fin à des interdictions, où il faudra…

ADRIEN GINDRE
Là, il y aura des interdictions à partir du 1er janvier 2025, pour les Crit'Air 3.

CHRISTOPHE BECHU
Je confirme pour que les voitures les plus vieilles ne soient pas autorisées à rouler dans certains endroits. Mais même là, la qualité de l'air s'améliore. Il y a suffisamment de mauvaises nouvelles, et il n'y a pas besoin d'aller en chercher, pour que quand on a quelques éléments qui vont dans le bon sens, on soit quand même capable, d'abord de saluer les Français, parce que c'est aussi la suite de changements de comportements, l'augmentation de la fréquentation du vélo, des transports en commun, l'évolution des immatriculations et des types de véhicules qui sont utilisés avec plus d'hybrides, avec plus d'électrique. C'est bien d'insister sur les mauvaises nouvelles, de regarder en face la réalité et les dangers, et en même temps de regarder ce qui va dans le bon sens.

ADRIEN GINDRE
Alors, il y a aussi des bonnes nouvelles. Quand on regarde la carte des nappes phréatiques, il y a des endroits où elles sont à un meilleur niveau qu'elles ne l'étaient l'année dernière. Il y a des endroits malgré tout, où la situation reste très compliquée, on le voyait tout à l'heure avec notre reporter dans les Pyrénées-Orientales. Est-ce que là, par exemple, dans ce département, cet été, pour le coup, il peut y avoir des ruptures d'eau potable ?

CHRISTOPHE BECHU
On a un tiers du territoire où les nappes sont en dessous des moyennes de saison. C'est beaucoup mieux que l'année dernière où c'était plutôt les trois quarts du pays qui étaient en dessous des nappes. Ça ne veut pas dire qu'on aura un été tranquille, parce qu'on sait que si on a peu de pluies dans certains territoires, on aura des difficultés. Et le plus inquiétant, ce sont les Pyrénées Orientales. Il n'a pas plu là-bas depuis 2 ans. Je m'y rends demain, pour aller à la rencontre des maires. Parce que c'est en plus un département qui vit principalement de l'agriculture et du tourisme, donc qui a besoin d'eau pour ses activités principales. Et on a à regarder en face, à la fois les moyens de lutter contre un déficit et un stress hydrique, je pense à la réutilisation des eaux usées, je pense à la lutte contre les fuites…

ADRIEN GINDRE
Et sur les projets, aussi, Christophe BECHU, vous êtes interpellé par des opposants à un projet de golf dans ce département, qui vous disent : " 160 hectares, certes, avec 529 logements, mais c'est aussi un risque pour la ressource en eau ". Est-ce que vous êtes prêts à les écouter et à dire : " Je fais tout pour empêcher ce projet " ?

CHRISTOPHE BECHU
Vous me devancez dans la manière de me poser la question. Je n'annonce pas des décisions par rapport à des projets sur un plateau télé. J'aurais évidemment l'occasion de m'exprimer dans les prochains jours. Je ne peux que comprendre, dans un contexte et dans un département où il n'a pas plu une goutte d'eau depuis 2 ans, l'émotion que suscite ce projet communal, ancien, et j'en dirai un mot demain.

ADRIEN GINDRE
Donc vous n'annoncez pas l'interdiction de ce projet, mais j'entends que vous allez tenir compte des revendications.

CHRISTOPHE BECHU
J'y vais demain et c'est un sujet que n'éluderai pas.

ADRIEN GINDRE
Tout dernier mot, et on conclura là-dessus, Christophe BECHU. Vous avez aussi les collectivités dans votre portefeuille. On cherche des économies sur des économies sur les collectivités. C'est possible ?

CHRISTOPHE BECHU
On ne peut pas regarder en face la réalité de nos finances publiques et considérer qu'il ne faut pas explorer toutes les pistes qui nous permettent de faire des économies.

ADRIEN GINDRE
Donc il n'y a pas de tabou.

CHRISTOPHE BECHU
Il n'y a pas de tabou. Il ne peut pas y en avoir, compte tenu de la situation des finances publiques.

ADRIEN GINDRE
Merci beaucoup, Christophe BECHU, d'avoir été sur TF1 ce matin.

CHRISTOPHE BECHU
Merci à vous.

BRUCE TOUSSAINT
Merci. La France poursuit donc ses objectifs de réduction des gaz à effet de serre, - 4,8% en 2023. C'est ce que vient de nous annoncer le ministre Christophe BECHU.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 mars 2024