Texte intégral
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Bonjour Nicole BELLOUBET.
NICOLE BELLOUBET
Bonjour.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Soyez la bienvenue. Vous êtes ministre de l'Education et de la Jeunesse. Tout d'abord, je veux savoir quelle est votre réaction à l'annonce du décès de Frédéric MITTERRAND, hier soir ?
NICOLE BELLOUBET
Alors, je ne le connaissais pas personnellement, mais je trouve que c'était une voix singulière de la culture en France. Son éclectisme, sa manière d'aborder les sujets, de prendre des contre-pieds parfois, c'était vraiment une voix particulière.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
En un sens, il incarnait aussi le dépassement politique voulu par le camp dans lequel vous appartenez aujourd'hui.
NICOLE BELLOUBET
Oui, c'est vrai. C'est vrai, oui oui, mais enfin, moi ce n'est pas ce côté-là qui m'a marquée, je vous dis, c'est plutôt, voilà, c'était un touche-à- tout, le cinéma, la littérature. Je trouvais que c'était un personnage vraiment particulier.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Alors, Madame la Ministre, l'actualité qui vous concerne directement et de façon très pressante, ce sont ces menaces envoyées à des lycéens parisiens, enfin, d'Ile-de-France, ces derniers jours. Vous avez participé à une réunion autour de Gabriel ATTAL hier soir.
NICOLE BELLOUBET
Absolument.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Il s'est voulu très ferme dans la façon dont il a condamné ces actes. Où en est-on ? Qu'est-ce que vous pouvez nous dire ce matin ?
NICOLE BELLOUBET
Alors d'abord, je peux vous dire que, évidemment, ces attaques par voie numérique, sont absolument inacceptables. En fait, nous procédons en deux étapes. D'abord, nous assurons la sécurité des personnels. Donc évidemment, les forces de police sont à nos côtés de ce point de vue-là. Ensuite, nous développons, avec la justice et la police, la recherche des auteurs ou de l'auteur, pour ensuite appliquer les sanctions qui s'imposeront, parce qu'ils sont toujours retrouvés. Nous savons toujours qui c'est. Et lorsqu'il y a des fausses alertes, telles que celles qui ont lieu actuellement, nous arrivons toujours à retrouver les auteurs, qui risquent…
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Donc ce sont de fausses alertes, ça, vous êtes en mesure de le confirmer.
NICOLE BELLOUBET
A ce moment, au moment où nous nous parlons, oui. Il n'y a pas eu d'alerte hier, d'ailleurs il y avait des heures...
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Ça pourrait être de vraies menaces.
NICOLE BELLOUBET
Il y avait des heures qui étaient indiquées hier dans le fameux courrier. Evidemment, il ne s'est rien passé. Mais en tout cas sur ces alertes, ce que je veux dire, c'est que les auteurs sont toujours évidemment recherchés et sanctionnés lourdement, c'est-à-dire qu'il y a des peines de prison ou bout et qui parfois ont été prononcées. Donc c'est vraiment quelque chose qui n'est pas acceptable. Par ailleurs, puisqu'au fond ces attaques sont venues par un piratage de l'ENT, l'Espace Numérique de Travail, qui met en relation les enseignants et les familles, nous allons assurer un audit sur la sécurisation de ces ENT, pour voir s'il y a des failles qui sont éventuellement réparables.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
La sensation pour beaucoup de Français, qui est décrite et dénoncée par les syndicats, c'est que la sécurité à l'école s'est dégradée. Que les enseignants sont de plus en plus pris pour cible, que les élèves ne sont plus complètement en sécurité dans les établissements.
NICOLE BELLOUBET
Alors, il y a plusieurs éléments dans ce que vous dites. Nous veillons à la sécurité physique de nos établissements. Et moi, je peux dire de ce point de vue-là, j'ai eu l'occasion de me rendre la semaine dernière à Chenôve, où il y a eu un incident grave autour d'un élève qui a…
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Un collégien qui a menacé avec un couteau sa principale.
NICOLE BELLOUBET
Qui a menacé sa principale. Au fond, si le drame a été évité à Chenôve, c'est parce qu'un certain nombre de procédures ont été respectées. Et donc ce que je veux dire, c'est que lorsque nous avons les équipements nécessaires, c'était le cas-là, je pense notamment aux alarmes anti-intrusion, qui doivent être mises en place partout. Lorsque nous avons la formation des personnels, aussi bien des principaux et des proviseurs, que des enseignants, autour des questions de plan de mise en sécurité, eh bien nous pouvons éviter des drames. C'est ce qui s'est passé et c'est ce que nous allons déployer. Et c'est la raison pour laquelle on s'est réunis hier autour du Premier ministre, à la fois pour assurer le concours de tous les services de l'Etat, la police, la justice et évidemment l'éducation nationale. Et puis également le lien avec les collectivités territoriales, puisque nous devons absolument sécuriser tous les établissements scolaires, en les équipant des outils nécessaires à cette fin, et puis assurer ensuite le déploiement des formations et la prise en charge.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Est-ce que ça veut dire qu'il va y avoir des annonces, concrètes, dans ce sens ?
NICOLE BELLOUBET
Alors, il y a... Si vous voulez, moi je ne suis pas seulement dans l'annonce, il y a des choses qui sont déjà faites. Nous avons, je viens de vous le dire à l'instant, des établissements qui sont équipés…
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Mais vous nous dites aussi : « Nous nous concertons pour encore avancer ».
NICOLE BELLOUBET
Non, parce que nous allons déployer cela. Un audit a été réalisé l'année dernière, qui montrait qu'il y avait 500 établissements scolaires qui avaient particulièrement besoin de ces équipements. Il y a 150 établissements qui ont déjà été équipés. Nous allons évidemment, dans un délai très rapide, assurer la sécurisation physique des autres établissements. Et puis, et c'est ce que nous avons dit hier, nous allons, avec le ministère de l'Intérieur, travailler sur la sécurisation extérieure des établissements. Nous le voyons à Nîmes, lorsqu'il y a des ventes de drogue à l'extérieur des établissements, il y a une insécurité qui s'installe. Les forces de l'ordre vont nous aider à mettre en sécurité ces établissements.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Madame BELLOUBET, votre arrivée au ministère de l'Education, a été accompagnée d'une polémique sur la mise en place ou non des groupes de niveaux. Alors, finalement, ces groupes de niveaux ont été mis en place d'une certaine manière. Est ce qu'il s'agissait d'une bataille de fond avec votre prédécesseur, devenu votre patron, si je puis dire les choses ainsi, Premier ministre, Gabriel ATTAL, ou est-ce que c'est une bataille sémantique ?
NICOLE BELLOUBET
Il n'y a pas de bataille avec le Premier ministre. Quand on est membre d'un gouvernement, on ne se bagarre pas avec le Premier ministre, ça va de soi.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Mais on peut faire valoir ses dossiers, ses idées…
NICOLE BELLOUBET
Nous avons souhaité mettre en place un véritable, comme le Premier ministre l'avait souhaité, choc des savoirs. Ce choc des savoirs, ça veut dire élever le niveau de tous les élèves. Pour cela, nous considérons qu'en maths et en français, en sixième et en cinquième, il faut donner la possibilité à nos élèves et aux équipes pédagogiques de travailler en groupes. Parce que c'est cela qui est efficace. Parce que quand vous aurez un petit nombre d'élèves, vous pouvez avancer. Et ces groupes, ils sont évidemment constitués à partir des besoins ressentis par les élèves, des besoins qu'ils ont. C'est cela que nous mettrons en place. Mais comme je refuse absolument, et le Premier ministre aussi, le tri social, l'assignation, eh bien ces groupes, ils doivent pouvoir bouger au cours de l'année. D'où le retour en classes entières.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Est-ce que ce n'est pas une usine à gaz absolue, Madame la Ministre ?
NICOLE BELLOUBET
Pas du tout. Pas du tout.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Les syndicats vous ont dit tout de suite : « Nous n'avons pas les moyens de mettre en place cette réforme. Cette volonté, ce n'est pas concrètement envisageable ».
NICOLE BELLOUBET
Nous savons les moyens de faire en sorte que l'école réussisse et que les jeunes réussissent. C'est ce…
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Vous avez vraiment les moyens aujourd'hui ?
NICOLE BELLOUBET
Mais bien sûr, nous allons le faire, évidemment.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Il ne manque pas d'enseignants ?
NICOLE BELLOUBET
Bien sûr que nous avons des difficultés à recruter certains enseignants, c'est la raison pour laquelle nous faisons un effort tout particulier, dès la rentrée prochaine, pour essayer d'améliorer cela et pour rendre le métier beaucoup plus attractif. Il y aura de ce point de vue-là des évolutions nécessaires, mais je garantie ici que les groupes se mettront en place en sixième et en cinquième, la rentrée prochaine.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Avec les moyens pour le faire.
NICOLE BELLOUBET
Avec les moyens pour le faire.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Quand on parle de moyens, peut-être, sans doute, avez-vous vu cette vidéo qui est devenue virale : des lycéens ont filmé les conditions dans lesquelles ils étudient, c'est en Seine-Saint-Denis. On voit quelques images. Alors ils l'ont tournée sur le ton de la blague, aussi, pour interpeller. Et lorsqu'on voit les conditions dans lesquelles ils se rendent en cours, c'est effroyable.
NICOLE BELLOUBET
Je suis très attentive à la manière dont les collectivités territoriales qui sont en charge des établissements scolaires, évidemment, prennent ce dossier en main. Et je rencontre tout à l'heure le président du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, comme j'ai rencontré il y a quelques jours Valérie PECRESSE, qui s'occupe des lycées en Ile-de-France. Ils font un effort tout à fait considérable pour maintenir ou rénover ces établissements, voire construire.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Donc, vous dites en gros : c'est leur responsabilité, ce n'est pas tellement la nôtre.
NICOLE BELLOUBET
Mais c'est la responsabilité des collectivités territoriales. Mais ce n'est pas…
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Les municipalités gèrent les primaires et maternelles, les départements, les collèges et les lycées et les régions.
NICOLE BELLOUBET
Je ne renvoie pas la balle au sens où je m'en désintéresserais, je dis simplement que nous devons les accompagner dans ce travail qui est de leur ressort et de leurs compétences. Et donc, lorsque nous apercevons qu'il y a des difficultés ici ou là, évidemment nous les alertons. Mais c'est de leur responsabilité. Oui, bien entendu.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
C'est à dire que vous leur mettez un peu la pression, pour dire les choses.
NICOLE BELLOUBET
Je ne leur mets pas la pression. Ils savent parfaitement que c'est de leur compétence et ils travaillent en ce sens. Valérie PECRESSE me disait qu'elle a construit, je ne sais plus, six ou sept lycées nouveaux en Ile de France. Donc il y a des investissements forts. Si nous, nous nous apercevons qu'il y a des difficultés ici ou là, il est aussi du devoir de l'Etat de le signaler.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Est-ce que vous mettez un objectif en termes de recrutement d'enseignants pour les années qui viennent, pour l'année prochaine par exemple ?
NICOLE BELLOUBET
Alors, les concours ont été ouverts, les emplois ont été affectés. Moi je veux évidemment recruter plus d'enseignants, parce que nous avons besoin de plus d'enseignants. Actuellement, nous fonctionnons avec des contractuels. Je crois que c'est un secret pour personne, qui nous permettent d'assurer la présence face aux élèves.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Il y a un sujet de niveaux.
NICOLE BELLOUBET
Mais il faut absolument... Non mais les contractuels, ce n'est pas n'importe qui. Les contractuels sont des gens dont la compétence est vérifiée par une Commission qui est composée d'inspecteurs du milieu éducatif. Donc ce n'est pas, ce sont des gens qui ont les compétences, mais nous travaillons avec des contractuels. Mais oui, nous devons recruter plus d'enseignants titulaires et c'est ce à quoi je m'attacherai.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Alors, un mot sur un sujet qui a marqué l'opinion, c'est le test de l'uniforme. Plus de 80 établissements ont lancé les tests. Vous avez des premiers retours, des remontées ?
NICOLE BELLOUBET
Non, pas encore, puisque ce que nous avons dit, c'est que nous lançons une expérimentation…
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
La tenue unique, pardon.
NICOLE BELLOUBET
Nous lançons une expérimentation sur cette tenue unique qui commencera à la rentrée prochaine. Certaines collectivités ont souhaité commencer plus tôt, mais nous, nous avons, nous nous sommes fixés une expérimentation qui allait commencer à la rentrée prochaine et qui porterait sur une centaine d'établissements scolaires, qui sont d'ores et déjà candidats à cette expérimentation. Et nous allons l'évaluer. Est-ce que oui ou non, c'est une unique, apporte plus de sérénité, plus de facilité finalement, à apprendre plus de sentiments d'appartenance…
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Comment est-ce que vous allez quantifier cela ? C'est très intéressant.
NICOLE BELLOUBET
Parce que nous allons demander à des chercheurs de nous accompagner, et ce qui est normal…
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Et sur quels critères ils vont se prononcer.
NICOLE BELLOUBET
Eh bien ils vont établir les critères d'évaluation de cette expérimentation. Il y aura des critères, j'imagine, de bien être en classe, de résultats scolaires, peut-être, de réaction des parents. Bref, ce sont des équipes d'universitaires indépendantes qui nous aideront à évaluer cette expérimentation.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Sur une note plus personnelle, comment est-ce que l'on s'installe dans un ministère dont le contenu a priori est parti à Matignon, puisque Gabriel ATTAL a dit au cours de son arrivée à Matignon « J'emmène avec moi l'éducation » ?
NICOLE BELLOUBET
Le contenu du ministère n'est pas parti à Matignon. Je suis ministre de l'Education nationale et j'entends bien entendu exercer cette mission qui m'a été confiée par le Premier ministre et le président de la République. Ce qu'a dit Gabriel ATTAL est juste, c'est-à-dire qu'on ne peut pas se désintéresser quand on est Premier ministre ou président de la République, de ce qu'est l'école qui fonde la République, qui la refonde chaque jour et qui permet d'assurer l'avenir de nos élèves…
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
C'est vraiment vous qui allez imprimer la ligne ?
NICOLE BELLOUBET
Mais bien sûr.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Parce que vous êtes la quatrième en un an.
NICOLE BELLOUBET
Et alors justement, j'entends bien rester un peu plus.
JEAN-BAPTISTE BOURSIER
Merci beaucoup Madame BELLOUBET d'avoir été avec nous ce matin en direct sur LCI.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 avril 2024