Texte intégral
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Alix BOUILHAGUET nous attend, puisque c'est l'heure de " L'interview politique ", et Alix vous recevez ce matin la ministre déléguée auprès du ministre de l'Agriculture, Agnès PANNIER-RUNACHER.
ALIX BOUILHAGUET
Oui, alors, au menu, forcément, la crise des agriculteurs, mais également, on va parler des chiffres de l'INSEE qui sont tombés il y a 10 minutes à peine. Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Alix BOUILHAGUET.
ALIX BOUILHAGUET
Comme je le disais à l'instant, on commence avec ces chiffres de l'INSEE, comme prévu, ils sont mauvais. Le déficit grimpe à 5,5% du PIB en 2023. Comment est-ce qu'on en est arrivé là ? Comment est-ce qu'on n'a rien vu ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, nous, on a vu, puisque comme vous le savez, nous avons passé il y a quelques semaines un effort important de réduction de nos dépenses publiques. Qu'est-ce qui s'est passé ? Tout simplement le ralentissement économique, qui n'est d'ailleurs pas propre à la France. Vous savez que l'Allemagne est rentrée en récession économique...
ALIX BOUILHAGUET
A part, eux, en termes de finances publiques, ils sont hyper…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Vous avez raison. Mais nous, nous avons soutenu l'économie française au moment de la crise, c'est le Covid. Nous sommes sur une trajectoire de réduction de notre déficit public puisque nous voulons atteindre 3% en 2027, et nous faisons face à de moindres rentrées d'impôts et donc nous ajustons notre politique de finances publiques pour faire face à ces moindres rentrées d'impôts, moindres rentrées d'impôts parce que ralentissement économique.
ALIX BOUILHAGUET
Quand vous entendez, notamment Les Républicains, crier à la faillite, dire qu'on s'oriente vers un scénario à la Grèce, vous leur répondez quoi ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je leur réponds que ce sont les mêmes qui nous expliquent qu'on ne dépense pas assez pendant l'examen des projets de loi de finances, et qu'ils nous font passer pour des messieurs la rigueur. Et ensuite ils crient, comme vous l'indiquez, comme si nous ne tenions pas les finances publiques. Il se trouve que depuis ces six dernières années, nous avons systématiquement tenu nos budgets. Nous avons aujourd'hui une situation où les rentrées d'impôts ne sont pas aussi importantes que celles que nous espérions. Nous agissons, une première tranche de 10 milliards d'euros d'économies, sur lesquelles ils ont crié aussi d'ailleurs, ils ne sont pas avares de contradictions, Les Républicains, et nous allons continuer à travailler pour remettre l'ensemble de nos finances publiques sous contrôle, comme nous l'avons toujours fait depuis six ans.
ALIX BOUILHAGUET
Continuer à travailler, ça veut dire continuer à essayer de trouver des économies. Est-ce que par exemple, les impôts pourraient augmenter ? C'est un tabou pour Emmanuel MACRON, mais est-ce qu'on commence à l'envisager ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, je crois que le débat, il est démocratique, il est toujours nécessaire. Maintenant, je rappelle une chose très simple : dans notre pays, nous avons le niveau de prélèvements obligatoires qui est le plus élevé d'Europe, avec le Danemark. Donc ce n'est certainement pas la martingale de penser que lorsqu'on augmente...
ALIX BOUILHAGUET
Mais ce n'est pas un tabou, c'est-à-dire on pourrait augmenter les impôts.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Lorsqu'on augmente les impôts, ça fonctionne. La preuve, lorsqu'on avait baissé le taux d'impôt sur les sociétés de 33% à 25%, on a augmenté les impôts qui rentraient dans les caisses de la France, tout simplement parce que cela avait donné un boost à l'économie. C'est aussi cela qu'il faut regarder.
ALIX BOUILHAGUET
Donc on pourrait augmenter les impôts. Je repose la question.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je vous le redis, le débat, il est démocratique, il aura lieu. Maintenant, moi je vous dis, il me semble qu'il faut être très vigilant sur ça. Lorsqu'on pense augmenter les recettes fiscales, on arrive parfois à avoir des choses très contre-productives. Donc l'enjeu, c'est que nos finances publiques soient tenues, c'est important pour les Français, c'est important pour les jeunes générations.
ALIX BOUILHAGUET
Taxer les superprofits des entreprises, ça aussi, c'est une idée qui est mise sur la table, Yaël BRAUN-PIVET, François BAYROU, ça aussi, c'est une piste qui est envisageable ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je le redis, le débat il est démocratique, il aura lieu à l'Assemblée nationale et il aura lieu au Sénat. Mais ne pensons pas trouver des martingales, parce que si ces superprofits rapportaient autant au budget, ça ferait longtemps qu'ils auraient été taxés. Encore une fois, nous sommes le pays qui taxons le plus les Français sous forme de charges sociales et sous forme d'impôts, le deuxième pays derrière le Danemark, ce qui montre qu'il n'y a pas tant de marges de manoeuvres possibles, mais moi, je suis ouverte au débat.
ALIX BOUILHAGUET
Avec Gabriel ATTAL, vous avez reçu hier la FNSEA ainsi que les Jeunes agriculteurs. Arnaud ROUSSEAU continue de dire que les 62 mesures annoncées par le gouvernement, eh bien que sur ces 62 mesures, le compte n'y est toujours pas. Qu'est ce qui se passe ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce n'est pas ce que j'ai entendu d'Arnaud ROUSSEAU hier. Je crois que nous avons fait la démonstration avec le Premier ministre que nous avons fermé un certain nombre de mesures. Nous sommes aujourd'hui à plus de 50% des mesures qui sont d'ores et déjà mises en oeuvre, plus de 90% qui sont largement engagées, je pense...
ALIX BOUILHAGUET
Il reste quoi ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, il y a un certain nombre de sujets qui vont demander un peu plus de temps dans la mise en oeuvre, mais très simplement, le projet de loi d'orientation agricole il sera présenté au prochain Conseil des ministres...
ALIX BOUILHAGUET
Sans doute en fin de semaine, peut être vendredi.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Voilà, tout à fait. Donc, prochain Conseil de ministres, prochain projet de loi d'orientation agricole. Toutes les mesures financières de trésorerie sont d'ores et déjà déployées, je pense aux aides pour la viticulture, aux aides pour les éleveurs…
ALIX BOUILHAGUET
Ils ont tous reçu la PAC, leurs versements qui étaient prévus en mars. Tous les agriculteurs ont reçu les versements ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ils ont tous reçu, je vais être précise sur ce sujet-là. L'engagement du Premier ministre, c'était le paiement de la PAC qui correspond grosso modo aux aides aux surfaces, au premier pilier. Grosso modo. Ils les ont toutes reçues. Il y a des aides de soutien à l'agriculture, les MAEC, grosso modo, les aides qui vont plutôt être sur les efforts environnementaux. Ces aides-là, elles arrivent derrière, mais ça, ça a toujours été prévu comme tel. Elles sont en train d'être payées, jusqu'au mois de juin. Donc ne confondons pas tout. Nous avons bien versé les aides PAC, conformément à ce sur quoi nous nous étions engagés, c'est-à-dire sur ce fameux premier pilier. Et nous sommes le pays d'Europe qui payons le plus tôt cette partie des aides.
ALIX BOUILHAGUET
Sur le respect de la loi EGALIM, les agriculteurs sont enfin payés au juste prix ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Sur la loi EGALIM, l'engagement était de travailler sur un ajustement du dispositif existant. Nous étions engagés à lancer une mission parlementaire, c'est fait depuis un mois, les députés travaillent et rencontrent l'ensemble des filières. Nous nous étions engagés également à remobiliser la restauration collective. Vous savez qu'en restauration collective, les cantines scolaires, mais également dans les entreprises, doivent proposer 50% de produits de qualité durable, circuits courts, et 20 % de produits bio. Nous organisons avec Marc FESNEAU, le 2 avril, Conférence des solutions, nous avons écrit à toutes les collectivités locales, nous avons remobilisé l'ensemble de la filière restauration collective et nous proposerons, en fonction des recommandations de la mission des parlementaires, une proposition de loi ou un projet de loi d'ici l'été.
ALIX BOUILHAGUET
Il y a désormais moins de 389 000 fermes en France, entre 2010 et 2020, la France, elle a perdu 100 000 fermes. Vous parliez du projet de loi agricole qui arrive en fin de semaine. Ses objectifs, c'était aussi le renouvellement des générations. L'engagement du gouvernement, c'est d'installer 150 000 nouveaux agriculteurs en l'espace de 10 ans. On a l'impression que cet objectif, il est totalement passé sous les radars. Il est toujours d'actualité ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais il est au coeur du projet de loi d'orientation agricole. Et c'est intéressant parce qu'il faut le rappeler, il faut le marteler. Nous avons chaque année 20 000 exploitants qui partent à la retraite. Nous n'en avons que 14 000 qui arrivent. Sur ces 14 000, il y a beaucoup moins de personnes qui sont issues de la famille que par le passé. C'est-à-dire, nous installons aujourd'hui des agriculteurs qui ne viennent pas du métier de l'agriculture naturellement. Alors il y a évidemment des enfants d'agriculteurs qui reprennent ou des cousins ou des...
ALIX BOUILHAGUET
Mais comment on recrée des vocations ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Eh bien, nous avons un enseignement agricole qui est particulièrement actif. Il faut aussi parler " attractivité des métiers ". Il faut donc parler positivement de ces métiers de l'agriculture. J'enrage d'entendre sur les plateaux de télévision que rien ne va dans l'agriculture alors que l'agriculture française, c'est une grande puissance. Nous sommes une grande puissance agricole. Nous avons une souveraineté agricole aujourd'hui qui est assurée en France. On ne peut pas dire ça de tous les secteurs d'activité en France.
ALIX BOUILHAGUET
Donc cet objectif de 150 000 nouveaux agriculteurs…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Donc cet objectif, il est plus que présent, il est au coeur du projet des orientations agricoles.
ALIX BOUILHAGUET
Et ce sera quand ? Vous vous donnez combien de temps ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je vous le redis, le projet de loi, il est présenté au prochain Conseil des ministres. Je ne sais pas comment on peut faire plus court.
ALIX BOUILHAGUET
Les agriculteurs dénoncent aussi l'importation massive de céréales ukrainiennes en France. Alors, on a compris qu'il n'était pas question de remettre des droits de douane. En revanche, il va y avoir donc des quotas, c'est ça, pour limiter les exportations ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, non, pas tout à fait. Il y a un système de mesures de sauvegarde qui est exerçable à partir du 1?? juin. Ces mesures sont automatiques sur le sucre, les oeufs et la volaille. Et nous négocions et nous avons demandé à rouvrir le texte. Et au sein d'une minorité de blocage, qui demande à ce que ces mesures soient également étendues aux céréales. Une mesure automatique… Et nous avons, de toute façon, une mesure de sauvegarde que nous avons obtenue, qui permet sur tout type d'importation de dire que dès lors que ça déstabilise le marché national, il faut agir. Agir, ça peut être remettre des droits de douane…
ALIX BOUILHAGUET
Donc, c'est une manière de freiner ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça peut être remettre des droits de douane, ça peut être mettre des quotas. Vous avez une boîte à outils en matière de commerce international et c'est ce que nous allons utiliser.
ALIX BOUILHAGUET
Donc si je vous entends, ça veut dire que… Imaginons que le marché soit de nouveau inondé, on va dire par éventuellement des céréales ukrainiennes, on pourrait se dire « bon, là, on remet, de manière momentanée, les droits de douane. »
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est ce que prévoit très simplement le texte. Au 1er juin, nous pouvons exercer collectivement des mesures de freinage qui peuvent prendre différents aspects, soit de droits de douane, soit de quotas.
ALIX BOUILHAGUET
La semaine dernière, le Sénat a rejeté la ratification du CETA. Le CETA, c'est un accord de libre-échange conclu entre l'Union européenne et le Canada. Les Républicains affirment que cet accord est totalement déséquilibré et qu'il profite globalement au Canada.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, les Républicains devraient écouter ce que disent les entreprises et le monde de l'économie parce que celui-ci dit le contraire. Cet accord, il est appliqué depuis sept ans. Donc on a, je dirais, la preuve de la manière dont il est appliqué et dont il apporte de l'argent à la France. C'est 400 millions d'euros dans la bouche des… dans la poche des agriculteurs. 400 millions d'euros sur la viticulture, sur le fromage et même sur la viande. C'est vous dire à quel point les républicains sont à côté de la plaque. C'est également des exportations en notre faveur sur d'autres secteurs ; je pense aux secteurs industriels. Et c'est la possibilité d'importer plus facilement des matières premières essentielles dont nous avons besoin pour la transition énergétique.
ALIX BOUILHAGUET
S'il était rejeté par l'Assemblée nationale, Valérie HAYER, la candidate tête de liste Renaissance, elle dit qu'on pourrait quand même l'appliquer. Mais comment ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je rappelle qu'il est appliqué aujourd'hui et que ce sont certains aspects qui font l'objet d'un vote. Mais nous allons évidemment continuer à travailler et pour convaincre les députés qui l'avaient déjà voté, je le rappelle, il y a plusieurs années.
ALIX BOUILHAGUET
Merci beaucoup Agnès PANNIER-RUNACHER. Bonne journée à vous.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 avril 2024