Texte intégral
BRUCE TOUSSAINT
C'est un chiffre que nous vous révélons ce matin sur TF1, plus de 470 agressions de pharmaciens l'an dernier en France. C'est l'un des sujets évoqués maintenant par Adrien GINDRE avec son invitée Catherine VAUTRIN, ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités.
ADRIEN GINDRE
Bonjour Catherine VAUTRIN.
CATHERINE VAUTRIN
Bonjour Adrien GINDRE.
ADRIEN GINDRE
En effet, ces chiffres révélés ce matin sont édifiants. Il y a pourtant eu un plan annoncé par la ministre, Agnès FIRMIN-Le BODO, il y a quelques mois. Il y a eu une loi. Est-ce que ça veut dire que tout cela, c'est un échec ? On est incapable d'assurer la sécurité de nos professionnels de santé ?
CATHERINE VAUTRIN
Incontestablement, il faut continuer. Il faut condamner fermement. Trois choses importantes. D'abord, quand on regarde les chiffres de l'année 23, je m'entretenais hier avec la présidente de l'Ordre des pharmaciens, on a un élément important, qui ont été les violences urbaines de l'été dernier, puisque les pharmacies ont été particulièrement ciblées…
ADRIEN GINDRE
Donc victimes collatérales…
CATHERINE VAUTRIN
Deuxième élément, c'est très clairement les vols. Et troisième élément, les agressions physiques, notamment avec des médicaments qui ne sont pas délivrés, parce que ce sont des fausses ordonnances ou des renouvellements d'ordonnances qui n'ont pas été faits.
ADRIEN GINDRE
Mais comment on peut mettre fin à toutes ces violences ?
CATHERINE VAUTRIN
Et on doit protéger incontestablement les pharmaciens, et on doit condamner les auteurs de violences, comme on doit d'ailleurs condamner toutes les violences vis-à-vis des professions de santé. Je pense au brancardier qui a été attaqué sauvagement dimanche. C'est la même chose, c'est : condamner, c'est inacceptable…
ADRIEN GINDRE
Donc la réponse, elle est judiciaire ?
CATHERINE VAUTRIN
Elle est bien sûr judiciaire, avec des condamnations très fermes pour les auteurs de ces violences.
ADRIEN GINDRE
On va venir à ce qui va faire votre matinée, un moment très important en Conseil des ministres, dans moins de 2h, vous présentez le projet de loi dit relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie. C'est ce qui va introduire l'aide à mourir qu'avait annoncée le chef de l'Etat, il y a quelques semaines. Ce sera examiné à l'Assemblée à partir du 27 mai. Beaucoup d'interrogations encore sur ce texte, même si on en connaît les grands contours, notamment sur la question de : qui va donner l'autorisation de recourir ou non à cette aide à mourir ? Est-ce que vous nous confirmez, comme on a pu le dire, que cette autorisation sera bien donnée par un seul professionnel ?
CATHERINE VAUTRIN
Alors peut-être qu'on va déjà rappeler les conditions. Les conditions, c'est qu'il faut être majeur, il faut être français ou résider en France de manière permanente, il faut avoir tout son discernement, être atteint d'une maladie grave et incurable, et il faut souffrir de douleurs physiques et psychiques réfractaires. Ça, c'est un état, donc, de santé qui conduit un patient à demander potentiellement une aide à mourir. A ce moment-là, il a d'abord une réflexion de deux jours. On lui propose des soins palliatifs s'il n'est pas en soins palliatifs, et à ce moment-là, il rencontre un médecin, je dis bien un médecin, qui n'est évidemment pas un médecin de son entourage. Aucun lien familial avec le médecin. Ce médecin est chargé de faire une expertise pour voir si le patient répond aux conditions que je viens de décrire…
ADRIEN GINDRE
Mais le chef de l'Etat avait parlé d'une décision collégiale.
CATHERINE VAUTRIN
Alors, je continue, si vous le voulez bien. Ce médecin doit interroger un médecin de spécialité. C'est-à-dire que si c'est quelqu'un, par exemple, qui est atteint d'un cancer, il doit interroger un médecin de spécialité, et il doit également interroger un paramédical, parce que le paramédical, c'est celui qui voit le patient régulièrement dans le cadre des soins…
ADRIEN GINDRE
Juste pour être sûr de bien comprendre ce que vous nous dites, vous nous dites, donc, il y a bien un médecin qui prend la décision, mais il s'entretient avant de prendre cette décision avec les deux professionnels dont vous venez de parler ?
CATHERINE VAUTRIN
Tout à fait, avec les deux professionnels que je viens de citer, qui sont précisément cités dans le texte de loi. Et ensuite, c'est le médecin qui rend son avis, et cet avis…
ADRIEN GINDRE
Et qui est donc comptable à la fin seul de la décision…
CATHERINE VAUTRIN
Exactement. Et cet avis, le Conseil d'Etat précise bien que le médecin peut rendre son avis dans un délai qui est un délai de quinze jours au plus. C'est-à-dire que c'est entre un et quinze jours. A ce moment-là, le patient sait s'il est éligible ou pas, s'il n''est pas éligible, la procédure s'arrête. Pour autant, le patient peut faire un recours. S'il est éligible, la procédure continue.
ADRIEN GINDRE
Il y a aussi, Catherine VAUTRIN, des inquiétudes sur le fait que certains médecins, et c'est leur droit, sont hostiles à l'aide à mourir. La Société française d'accompagnement et de soins palliatifs a fait un questionnaire, notamment à ses adhérents, et a publié les chiffres, 86 % des médecins adhérents disent qu'ils refuseront d'administrer un produit létal, 80 % qu'ils ne voudront pas le prescrire.
CATHERINE VAUTRIN
Alors, vous êtes sur une spécialité qui est celle des médecins qui aujourd'hui s'occupent des soins palliatifs…
ADRIEN GINDRE
Mais importante…
CATHERINE VAUTRIN
Pour autant, quand on parle avec l'Ordre des médecins, on est dans un pourcentage autour de 60 %. Le texte de loi prévoit ce qu'on appelle une clause de conscience, c'est-à-dire que, comme on l'a d'ailleurs pour l'avortement, donc, un médecin peut faire jouer sa clause de conscience. Et donc, à ce moment-là, il faut mettre le patient en contact avec un autre professionnel, un autre médecin pour pouvoir l'accompagner. Parce qu'il ne faut pas oublier que dans ce texte, ce qui est prévu, c'est que le patient peut s'administrer lui-même le produit létal. Pour autant, il y a toujours dans son environnement la présence d'un médecin, parce qu'il peut y avoir évidemment besoin d'un médecin dans le cadre de cette procédure, si par exemple la personne fait une fausse route.
ADRIEN GINDRE
Ça pourrait également être administré par un proche du patient. Là, les inquiétudes, elles sont sur l'accompagnement de ses proches éventuellement ?
CATHERINE VAUTRIN
Alors, le texte aujourd'hui prévoit effectivement le patient lui-même, un proche ou un professionnel de santé. Donc, vous savez, le texte, comme vous venez de le dire, vient d'arriver du Conseil d'Etat, il sera étudié par les parlementaires à partir de mi-avril. Il sera en hémicycle le 27 mai, et, bien évidemment, la discussion parlementaire permettra de discuter sur l'ensemble des points du texte…
ADRIEN GINDRE
Il y a des modifications que vous souhaitez, vous, encore, des modifications ?
CATHERINE VAUTRIN
A ce stade, moi, je trouve que ce texte est particulièrement équilibré, et je crois que c'était très important d'avoir un texte qui consacre deux idées majeures, le patient, rien que le patient, parce que c'est le patient qui est l'acteur de cette décision à tous les stades. D'où l'importance que le patient ait tout son discernement pour à chaque phase pouvoir dire, réitérer…
ADRIEN GINDRE
Ce qui écarte notamment la maladie d'Alzheimer…
CATHERINE VAUTRIN
Jusqu'au moment où il va prendre la potion létale. Il peut bien évidemment encore à ce moment-là dire, finalement, j'ai réfléchi, c'est non. L'autre acteur, c'est effectivement le médecin qui fait l'expertise.
ADRIEN GINDRE
Catherine VAUTRIN, vous êtes également en charge des questions de travail, cette nuit, les partenaires sociaux ont échoué sur leurs négociations concernant l'emploi des seniors. C'était le dernier volet de leurs échanges sur les suites de l'assurance-chômage. Ils doivent encore formellement se prononcer, mais on a bien compris qu'il n'y avait pas d'accord possible. Est-ce que, malgré tout, vous validerez la convention d'assurance-chômage qui avait été discutée il y a quelques mois ?
CATHERINE VAUTRIN
Eh bien, le sujet, c'est qu'on a deux points, et je pense qu'il ne faut pas qu'on les confonde. Ce qui s'est passé cette nuit, ça s'est fini aux alentours de 3h du matin, donc nous n'avons pas encore tous les éléments, et rien n'est… l'accord en tant que tel n'est pas encore formulé, donc je reste prudente, même si, comme vous, je pense que nous sommes plus près d'un non-accord que près d'un accord. Après, on est sur la partie qui s'appelle l'ANI pacte de vie au travail. Ça n'est pas la partie, qui est la partie sur l'assurance-chômage, sur laquelle les partenaires sociaux doivent nous donner des éléments qu'ils doivent nous donner dans les heures qui viennent. Donc, on a, dans le cadre de cette discussion, deux éléments, et la partie assurance-chômage n'était pas dans ce qui a été discuté hier soir.
ADRIEN GINDRE
Mais vous enverrez bien une nouvelle lettre de cadrage aux partenaires sociaux pour leur demander une nouvelle réforme de l'assurance-chômage…
CATHERINE VAUTRIN
Eh bien, pour l'instant, on va déjà attendre qu'ils nous actent les éléments qu'ils nous donnent, parce que je rappelle que l'assurance-chômage telle qu'elle est exercée aujourd'hui, elle se finit le 30 juin 2024. On était dans ce qu'on appelle techniquement un décret de jointure, donc, de toute façon, il faut qu'on ait une réponse pour voir ce que l'on fait à partir du 1er juillet.
ADRIEN GINDRE
En un mot, très rapidement, Catherine VAUTRIN, il y a quelques jours, le Premier ministre a annoncé une taxe lapin pour ceux qui n'honoreront pas leur rendez-vous chez le médecin. Doctolib, qui est la principale plateforme de rendez-vous en ligne, dit : pour nous, l'empreinte bancaire obligatoire serait un énorme frein à l'accès aux soins. En clair, c'est non pour eux.
CATHERINE VAUTRIN
Alors, il y a eu des échanges avec Doctolib, et notamment entre Matignon et Doctolib. Aujourd'hui, on est sur la mise en place, ce qu'il faut retenir et ce qu'on cherche à faire, c'est à responsabiliser. Il y a 27 millions de consultations…
ADRIEN GINDRE
Et vous comptez le faire sans Doctolib ?
CATHERINE VAUTRIN
Il y a 27 millions de consultations qui ne sont aujourd'hui pas honorées. C'est du gaspillage, c'est du manque de respect. Chacun doit se responsabiliser. Et on va travailler pour trouver les voies et les moyens.
ADRIEN GINDRE
Et donc vous travaillerez encore avec Doctolib, on le comprend. Merci beaucoup Catherine VAUTRIN…
CATHERINE VAUTRIN
Merci à vous.
ADRIEN GINDRE
D'avoir été sur TF1 ce matin
source : Service d'information du Gouvernement, le 12 avril 2024