Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bonjour à toutes et à tous. Vous voulez savoir, alors « Parlons vrai » ce matin, avec Frédéric VALLETOUX, ministre de la Santé et de la Prévention. Frédéric VALLETOUX, bonjour.
FREDERIC VALLETOUX
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. Nous revenons sur les annonces de Gabriel ATTAL, taxe de 5 € pour un rendez-vous médical non honoré et non annulé dans les temps. 5 €, oui, mais Doctolib ne veut pas jouer le jeu. Alors, que faites-vous ?
FREDERIC VALLETOUX
Oh, c'est un problème de calage technique, on va dire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon…
FREDERIC VALLETOUX
Parce que c'est Doctolib qui l'avait lui-même proposé il y a quelques mois. Donc on va, et je comprends qu'il y ait des sujets, effectivement, d'organisation technique de cette affaire. Je voudrais simplement dire qu'est-ce que c'est. C'est l'idée que les plateformes ont facilité l'accès à des rendez-vous, parce que finalement ils ont joué un rôle d'intermédiaire qui est nouveau, et c'est très bien, qui n'existait pas auparavant. La contrepartie, c'est que parfois, eh bien on prend plusieurs rendez-vous et puis on choisit celui qui vous est le plus favorable, et on oublie d'annuler les rendez-vous qu'on a pris. Et effectivement, les médecins, et c'était beaucoup remonté par les organisations de médecins mêmes, professionnels qui disaient : il faut lutter contre un phénomène qui parfois nous prend deux ou trois rendez-vous par jour, ce qui est énorme quand on le rapporte au nombre de médecins. Et donc c'est des millions de rendez-vous qui sont non honorés, et donc l'idée, c'est de se discipliner, de se responsabiliser et de donner la possibilité aux médecins, parce que c'est vraiment le médecin qui déclenchera ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, Doctolib va jouer le jeu.
FREDERIC VALLETOUX
Alors, Doctolib, d'abord, ce n'est pas tout…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, ce n'est pas tout.
FREDERIC VALLETOUX
... ce n'est pas le seul intervenant, mais aujourd'hui, toutes les plateformes vont jouer le jeu et on va mettre ça en place avec eux. Néanmoins, on ne couvrira que la moitié des rendez-vous, puisqu'aujourd'hui les Français prennent... la moitié des rendez-vous médicaux pris sont par des plateformes, l'autre moitié, c'est par des secrétariats ou directement chez son médecin. Et donc on va donner la possibilité aux médecins qui le souhaitent, de pouvoir effectivement pénaliser celui qui ne sera pas respectueux…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est le médecin qui déclenchera.
FREDERIC VALLETOUX
Qui déclenchera, et qui aura... qui d'abord, fera le choix ou pas, de demander l'empreinte bancaire au patient qui prend rendez-vous, et qui ensuite aura le choix de déclencher ou pas cette pénalité, qui n'est pas une taxe mais qui est une pénalité, comme on le fait ailleurs au restaurant ou dans des hôtels, où on donne son empreinte bancaire, là c'est pour sensibiliser les gens au respect de rendez-vous, à un moment où c'est compliqué d'aller chez le médecin parce qu'il y a des tensions sur l'accès aux soins, on le sait tous, et que donc on doit être respectueux des rendez-vous qu'on prend.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A partir du 1?? janvier 2025, c'est ça ?
FREDERIC VALLETOUX
A partir du 1?? janvier 2025.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça va passer par une loi ?
FREDERIC VALLETOUX
Ça va passer par une loi, bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une loi qui sera présentée quand ?
FREDERIC VALLETOUX
Qui sera présentée à l'automne, à l'été, à l'automne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça va rajouter des tâches administratives aux médecins.
FREDERIC VALLETOUX
Bon, ce n'est pas une tâche administrative énorme, à partir du moment où il y a l'empreinte bancaire, on pourra... Techniquement, c'est faisable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, médecin généraliste, médecin…
FREDERIC VALLETOUX
Et je le redis, c'était souhaité par les médecins. C'était souhaité par les médecins, c'est important de le savoir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Médecins généralistes et médecins spécialistes, autres professions médicales ?
FREDERIC VALLETOUX
Non, médecins, on va commencer par les médecins. Je pense que c'est là qu'on a les tensions les plus fortes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les médecins généralistes uniquement.
FREDERIC VALLETOUX
Médecins généralistes et spécialistes, l'ensemble des médecins.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et spécialistes. Bien. Autre chose : accès direct aux kinés et à des spécialistes. Ça va être possible ou pas ?
FREDERIC VALLETOUX
Alors, ça va être possible, mais on va l'expérimenter.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quand ?
FREDERIC VALLETOUX
L'objectif du Premier ministre, mais c'est aussi dans le droit fil de ce que le président de la République avait annoncé début 2023, c'est de faciliter l'accès aux soins pour les Français, et donc de trouver la possibilité de faire monter en reconnaissance d'autres professionnels de santé aux côtés des médecins, et finalement, là où c'est possible, de faciliter, de transférer des actes à d'autres professionnels. C'est par exemple ce qu'on a décidé il y a quelques mois, qui va être effectif en juin, pour les pharmaciens, de pouvoir prescrire des antibiotiques pour les cystites, les infections, ou les angines…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc je pourrais aller chez le kiné…
FREDERIC VALLETOUX
Et pour les kinés, effectivement, pour une cheville sur laquelle on a mal, etc., on va expérimenter dans 13 départements l'accès direct, de manière à voir si ça donne, j'allais dire, satisfaction, et si c'est une mesure qu'avec la profession on est d'accord pour étendre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A partir de quand ?
FREDERIC VALLETOUX
L'expérimentation va se faire sans doute à partir de l'été.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A partir de l'été. Bien. Les négociations conventionnelles sont rompues, pour l'instant, entre les médecins et l'Assurance maladie. Les médecins demandent une revalorisation de l'acte. Il faut cette revalorisation.
FREDERIC VALLETOUX
Moi je suis favorable…
JEAN-JACQUES BOURDIN
30 € ?
FREDERIC VALLETOUX
Je suis favorable à ce que les discussions aillent au bout. J'ai vu hier le principal syndicat des médecins généralistes, MG France. J'ai vu les médecins, les spécialistes libéraux il y a quelques jours. Je pense que les discussions, ce n'est jamais facile, parce qu'on discute d'une enveloppe importante et d'enjeux économiques qui sont importants. On discute aussi des engagements respectifs que les médecins veulent bien vouloir prendre aussi en compte, s'agissant de l'accès aux soins, s'agissant de leur participation à la permanence des soins. Donc, c'est des sujets lourds. Qu'il y ait des petits moments de tension, on peut le comprendre. Je crois qu'il y a de la bonne volonté de tous les côtés, aussi bien du côté de la Direction de l'Assurance maladie et du gouvernement, que du côté des syndicats de médecins, qui raisonnablement veulent trouver une solution. Parce qu'on sait tous que les Français nous regardent et que l'enjeu, c'est quoi de derrière tout ça ? C'est vraiment faciliter l'accès aux soins pour les Français.
JEAN-JACQUES BOURDIN
30 € la consultation, ça vous parait…
FREDERIC VALLETOUX
Oui, c'est une proposition qui a été effectivement faite par l'Assurance maladie avec le…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Que vous soutenez.
FREDERIC VALLETOUX
... soutien du gouvernement, mais qui n'est pas un chèque en blanc. C'est vraiment l'idée qu'il y ait des engagements comme dans toute discussion…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et des contreparties.
FREDERIC VALLETOUX
Des engagements respectifs et qui font qu'effectivement, sur le suivi, un meilleur suivi, par exemple de ces centaines de milliers de Français qui sont en affection longue durée, qui ont des pathologies de longue durée et qui n'ont pas de médecin traitant, eh bien, on puisse avoir des engagements d'une meilleure prise en charge de ces Français là, sur la permanence des soins, c'est-à-dire là où le soir, le week-end, on a plus de mal à trouver un médecin, on ait aussi des engagements de la profession. Donc c'est vraiment une discussion entre personnes responsables.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors justement, des contreparties contre l'augmentation du tarif de la consultation, contrepartie peut-être des gardes. J'ai bien écouté le discours de politique générale du Premier ministre, qui a évoqué l'obligation de garde pour les médecins, supprimée, cette obligation de garde en 2002.
FREDERIC VALLETOUX
Oui. Alors, l'obligation de garde elle a été supprimée il y a une vingtaine d'années. Et effectivement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, en 2002.
FREDERIC VALLETOUX
... on voit que dans beaucoup de territoires, ça pose des problèmes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Exactement. Est-ce qu'elle sera rétablie dans certains territoires ?
FREDERIC VALLETOUX
En fait, on va ou on va travailler territoire par territoire, bassin de vie par bassin de vie, pour trouver…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc elle sera rétablie, l'obligation de garde.
FREDERIC VALLETOUX
Elle pourra l'être, si effectivement dans les territoires, les acteurs de ces territoires, les acteurs du soin, je veux dire, de santé, qu'ils soient hospitaliers, libéraux, etc., ensemble, ne trouvent pas des solutions. Eh bien, in fine, l'Etat prendra ses responsabilités et pourra imposer des organisations, à partir du moment où ils constateraient la carence…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc imposer l'obligation de garde le soir et le week-end.
FREDERIC VALLETOUX
Il pourrait, et je le dis au conditionnel, si vraiment, dans les territoires, les acteurs eux-mêmes ne proposent pas des solutions pour améliorer les situations, à ce moment-là l'Etat, et c'est bien normal, peut imposer des situations, peut imposer, pardon, des solutions, pour permettre effectivement, d'assurer cette permanence des soins. Mais c'est l'ultime recours. Le pari, c'est d'abord de faire le pari du travail collectif, de l'engagement collectif et des solutions adaptées à chaque territoire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ou, Frédéric VALLETOUX, mais…
FREDERIC VALLETOUX
Oui, mais c'est important, parce que je ne veux pas donner l'impression que l'on va imposer à tout le monde…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, je sais, je sais... Imposer à tout le monde…
FREDERIC VALLETOUX
Non. C'est : on fait confiance aux professionnels dans les territoires…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans certains territoires…
FREDERIC VALLETOUX
Pour trouver des solutions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
... dans certaines conditions, on imposera la garde. Tout simplement, j'ai résumé.
FREDERIC VALLETOUX
Et s'il y a des carences, eh oui, on ira, on peut aller jusque-là. L'Etat doit prendre ses responsabilités. C'est normal.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Même chose pour les infirmiers, les sages femmes ou les dentistes ?
FREDERIC VALLETOUX
Ça sera, en tout cas, il y aura des gardes effectivement pour les dentistes, il y aura des gardes pour infirmières aussi. Bien sûr, c'est des gardes pour tous les professionnels, en tout cas les principaux professionnels de santé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ça c'est très très important, parce que c'est la première fois les gardes pour les dentistes, les sage-femmes, les infirmiers.
FREDERIC VALLETOUX
C'est nécessaire. C'est nécessaire parce qu'il faut effectivement qu'on puisse collectivement répondre aux besoins des Français et pouvoir trouver un médecin le soir, le week-end et jours fériés. Ça fait partie aussi de l'offre qu'on doit, minimum, qu'on doit aux Français.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, je vais me faire le porte-parole des infirmiers et infirmières, des libéraux…
FREDERIC VALLETOUX
Bien sûr, que j'ai rencontrés…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui sont en colère, qui sont vraiment en colère, qui demandent une revalorisation des actes infirmiers. Aujourd'hui, c'est 3,15 € et ils demandent 75 centimes d'euro d'augmentation, pour passer à 4 €. Est-ce que vous allez accorder cette hausse ?
FREDERIC VALLETOUX
Je vais proposer, et j'ai proposé déjà, parce que j'ai rencontré les trois organisations syndicales des infirmiers libéraux. J'ai rencontré aussi des membres d'un collectif qui a émergé ces derniers mois et qui effectivement portent tous un certain nombre de d'attentes de reconnaissance de la profession. J'ai proposé un travail global, dont le sujet financier est un aspect mais pas l'unique aspect. On a un sujet de reconnaissance de professionnels qui sont, comment dire, essentiels au bon fonctionnement du système de santé, aux côtés des médecins, sur des fonctions qui peuvent être aussi revalorisées, c'est-à-dire revalorisées sur le plan économique. Et ça sans doute que d'ici la fin de l'année, on ouvrira des discussions sur ce sujet-là. Mais avant d'ouvrir les discussions sur les sujets économiques, je veux aussi qu'on travaille sur la reconnaissance du rôle et de leur place dans le système de santé. Parce que les infirmiers…
JEAN-JACQUES BOURDIN
La reconnaissance, c'est bien, mais la reconnaissance, c'est aussi l'acte qui augmente.
FREDERIC VALLETOUX
Non. La loi a créé par exemple l'infirmier référent, de manière à ce que, à côté du médecin traitant, dorénavant, les Français pourront avoir un infirmier référent qui sera identifié et qui sera vraiment, comment dire, partie prenante de la prise en charge du français, des Français. Mais ça, c'est une reconnaissance derrière, derrière laquelle on doit mettre des responsabilités, jusqu'où on peut augmenter, améliorer, accroître les responsabilités que porte un infirmier aux côtés des patients.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je comprends bien. Accroître les responsabilités, mais pour l'instant, vous ne touchez pas au montant de l'acte.
FREDERIC VALLETOUX
Alors, l'acte, il a déjà été... Les infirmiers et infirmières le savent d'ailleurs, si les actes n'ont pas été augmentés, on a créé des tarifs qui permettent aussi d'améliorer la situation ces dernières années, des infirmiers et infirmières, on n'est pas resté, il n'y a pas eu d'accompagnement financier ces dernières années, maintenant effectivement, il y a le souhait…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, sur les déplacements, mais l'acte en lui-même ?
FREDERIC VALLETOUX
Il y a le souhait d'ouvrir des discussions avec l'Assurance maladie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez ouvrir des discussions ?
FREDERIC VALLETOUX
Et je leur ai dit qu'à l'automne on ouvrira des discussions…
JEAN-JACQUES BOURDIN
A l'automne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A l'automne.
FREDERIC VALLETOUX
A l'automne, eh bien on va déjà essayer de stabiliser la situation avec les médecins, ça c'est en cours, on en parlait, et puis ensuite à l'automne avec les infirmiers on ouvrira ce chantier-là.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ouvrirez ce chantier-là. La fonction publique hospitalière est-elle touchée par ce qu'a annoncé le ministre de la Fonction publique, c'est-à-dire la possibilité de ne pas avoir un emploi à vie ?
FREDERIC VALLETOUX
La réflexion qui est portée par le gouvernement aujourd'hui elle concerne les trois versants, comme on dit, de la fonction publique, l'Etat, les collectivités locales et bien sûr la fonction publique hospitalière, c'est l'idée aussi de mieux manager les carrières et de pouvoir, comment dire, redonner aussi de la souplesse…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire qu'un infirmier, une aide-soignante, un brancardier, n'auront plus un emploi à vie ?
FREDERIC VALLETOUX
Non, ça ne veut pas dire ça, ça veut dire que ceux qui font leur travail, et ils sont l'immense, l'immense majorité, ne sont pas concernés, le sujet c'est donner un peu de souplesse dans le management des organisations publiques, de manière effectivement à mieux reconnaître l'engagement aussi des professionnels à travers… et ce n'est pas simplement la question de l'emploi à vie, c'est à travers aussi des primes individuelles, à travers…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Au mérite.
FREDERIC VALLETOUX
Oui, des primes au mérite, qui à partir du moment où des objectifs…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura des primes au mérite à l'hôpital ?
FREDERIC VALLETOUX
Oui, à toutes les échelles et dans tous, effectivement, les pans de la fonction publique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce sera peut-être difficile de recruter des personnels soignants avec la mise en cause de…
FREDERIC VALLETOUX
Non, non, je pense que ça donnera…
JEAN-JACQUES BOURDIN
De la garantie de l'emploi.
FREDERIC VALLETOUX
Il ne s'agit pas non plus de fragiliser le statut, ce n'est absolument pas ça, c'est donner des éléments de souplesse dans la gestion du statut, et ça rendra sans doute les carrières aussi plus attractives, parce qu'on veut faciliter les mobilités entre les fonctions publiques et au sein des fonctions publiques, pas toujours être au même emploi toute sa vie et sur le même chemin de l'emploi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Des économies, le gouvernement doit trouver des économies Frédéric VALLETOUX, est-ce que le délai de carence sera allongé ?
FREDERIC VALLETOUX
Pour l'instant ça fait partie des sujets qui sont explorés, mais je ne peux pas vous dire ce qui sera finalement arbitré, en tous les cas la santé participera, et c'est bien normal, à l'effort pour contenir les finances publiques…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Restreindre la liste des ALD ?
FREDERIC VALLETOUX
Non, on ne touchera pas aux ALD, en tout cas moi je ne le souhaite pas, en tout cas parmi les ALD je ne souhaite pas qu'on touche à ce qui participe aux soins et à la prise en charge, maintenant il y a peut-être des sujets qu'on peut regarder, sur les transports, sur un certain nombre d'à-côtés on va dire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les dispositifs médicaux, par exemple les appareils apnée du sommeil, les implants.
FREDERIC VALLETOUX
Oui, mais c'est normal qu'on fasse en permanence, qu'on réfléchisse en permanence à comment mieux dépenser, il ne s'agit pas forcément de moins dépenser, il s'agit de mieux dépenser, c'est-à-dire que ce qu'on peut économiser, on peut aussi l'investir pour mieux financer les salaires ou l'équipement à l'hôpital, donc il s'agit de mieux dépenser, dans un système où le progrès médical ne s'arrête jamais, et parfois on voit que les mêmes types d'actes évidemment ne coûtent pas le même prix à la société et qu'à partir de là il faut en permanence s'ajuster, et donc c'est logique qu'un système comme le système de santé réfléchisse à la manière dont il peut optimiser et rationaliser ses dépenses.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc le système de santé va participer…
FREDERIC VALLETOUX
Il ne s'agit pas de diminuer…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Va participer aux économies ?
FREDERIC VALLETOUX
Oui, mais c'est normal, je le redis.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les cures thermales ?
FREDERIC VALLETOUX
On consacre 255 milliards d'euros à notre système de santé, sur cette masse-là, évidemment, il faut voir comment on peut valoriser…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Economiser combien ?
FREDERIC VALLETOUX
Je ne sais pas, l'objectif, il n'y a pas d'objectif financier, mais en tous les cas on peut aller vers ce qu'on appelle les dépenses utiles, vers effectivement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les cures thermales ?
FREDERIC VALLETOUX
Les cures thermales, il ne s'agit pas d'y toucher, mais aujourd'hui je pense qu'il faut avoir aucun tabou et réfléchir à tous les sujets.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Augmenter les taxes sur l'alcool ?
FREDERIC VALLETOUX
Ecoutez, l'objectif ce n'est pas d'augmenter…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes aussi ministre de la Prévention.
FREDERIC VALLETOUX
Oui, mais il ne s'agit pas forcément, la prévention ce n'est pas forcément d'augmenter les taxes à l'infini, ni sur l'alcool, ni sur le tabac, même si sur le tabac…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On ne touche pas à l'alcool.
FREDERIC VALLETOUX
Le prix du tabac va continuer à augmenter, vous le savez, mais on sait bien qu'on ne peut pas régler…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le prix du tabac augmente, mais vous ne faites rien sur l'alcool.
FREDERIC VALLETOUX
Pour l'instant les taxes sur l'alcool… si on fait sur l'alcool, on fait des campagnes de prévention…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous faites de la prévention, un peu de prévention.
FREDERIC VALLETOUX
Oui, mais enfin…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec une campagne qui a été très discutée.
FREDERIC VALLETOUX
Les campagnes elles sont là, et on agit sur l'alcool, maintenant on sait que les taxes comportementales, comme on dit, ne sont pas toujours celles qui sont le plus efficaces, c'est une batterie de mesures qui doivent être prises, dont effectivement ne pas baisser les bras sur…
JEAN-JACQUES BOURDIN
41 000 morts.
FREDERIC VALLETOUX
Oui, bien sûr, mais pour le tabac c'est encore plus, donc, si vous voulez… mais on va continuer effectivement à lutter contre ces fléaux, l'alcoolisme, le tabagisme, qui sont effectivement, en matière de santé publique, des vrais fléaux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La crise de l'hôpital public, pas de grèves dans les hôpitaux pendant les Jeux olympiques ? La CGT a déposé un préavis de grève, vous savez…
FREDERIC VALLETOUX
Oui…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un peu partout.
FREDERIC VALLETOUX
Je ne le souhaite pas, et pour l'instant je suis assez confiant, je pense que l'hôpital a beaucoup travaillé pour se mettre en ordre de bataille pour accompagner les Jeux Olympiques et être au rendez-vous, et je le dis de manière très claire, l'hôpital sera au rendez-vous, c'est-à-dire qu'effectivement, si jamais on a besoin de lui, de recourir aux structures hospitalières, et il y en aura toujours vu les millions de personnes qui vont venir, eh bien elles trouveront des hôpitaux qui seront tout à fait aptes à les prendre en charge, comme c'est l'engagement des hospitaliers.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Frédéric VALLETOUX, un député LR veut encadrer les reconversions vers la médecine esthétique, vous avez ça ? Tiens, Olivier VERAN, neurologue, qui devient médecin esthétique, le symbole est-il terrible, franchement ?
FREDERIC VALLETOUX
Disons que les besoins des Français ne sont pas tous tournés vers la médecine esthétique, bon, après c'est des choix personnels, il faut voir ça avec Olivier VERAN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le symbole ?
FREDERIC VALLETOUX
En termes de symbole, c'est évident que ce n'est pas l'exemple qu'on voudrait voir suivre par trop de médecins, on a besoin de médecins dans toutes les fonctions, maintenant Olivier VERAN c'est d'abord un député, c'est d'abord un homme politique, c'est un homme engagé…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ce n'est un exemple à suivre.
FREDERIC VALLETOUX
Non, sa volonté de revenir vers la médecine quelques heures par semaine l'a poussé à regarder du côté de la médecine esthétique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vous dis ça parce que…
FREDERIC VALLETOUX
Non, mais voilà, ce n'est pas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quand vous prenez un rendez-vous chez le dermato, si vous prenez un rendez-vous pour un…
FREDERIC VALLETOUX
C'est déjà bien qu'un député garde…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si vous dites au dermato « je veux du botox », vous allez avoir tout de suite rendez-vous. Une séance de botox = 11 consultations de patients.
FREDERIC VALLETOUX
Oui, mais ce n'est pas remboursé par la Sécurité sociale, donc, si vous voulez, on est dans un système totalement déconventionné, et après les gens font leur choix d'investissement comme ils veulent, ou dépensent plutôt comme ils veulent, donc on ne va pas épiloguer là-dessus, je pense que, de toute façon, qu'un médecin, alors qu'il est député, garde quelques heures à prendre en charge les Français, quelle que soit la spécialité ou le mode d'exercice, c'est déjà positif.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les violences physiques à l'hôpital, vous avez vu ça…
FREDERIC VALLETOUX
Oui, bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce brancardier tabassé aux urgences à Challans, en Vendée. Que faire, un agent de sécurité dans chaque hôpital, comment faire ?
FREDERIC VALLETOUX
Alors, on a renforcé déjà la sécurité dans les… pas que dans les urgences, dans les hôpitaux en général, c'est un plan qui avait été présenté à la fin de l'année dernière par le gouvernement, et d'ailleurs, dans l'affaire de Challans, on est sur une pure affaire de délinquance, parce que ce n'est pas un moment où il y avait des tensions, notamment une attente plus longues aux urgences de Challans, c'est quelqu'un qui s'en est pris à la première personne qui passait et lui a asséné un coup qui a été un coup massif et…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Où en est-il d'ailleurs ?
FREDERIC VALLETOUX
Il va mieux, il va mieux, il a un long chemin pour revenir complètement en forme, mais il va mieux, son état, son pronostic vital comme on dit, n'est plus engagé, il est toujours à l'hôpital, mais, voilà, on est sur un acte de délinquance isolé. Mais je veux quand même souligner que l'agresseur a été retrouvé grâce au système de télésurveillance, de vidéosurveillance, pardon, qui effectivement protégeait l'hôpital, et c'est ce réseau de vidéosurveillance qui s'est beaucoup développé dans les hôpitaux, qui permet aujourd'hui, entre autres, pas seulement, mais de participer à la protection des agents hospitaliers.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Frédéric VALLETOUX, #MeToo à l'hôpital, vous avez lu l'article de « Paris-Match » ?
FREDERIC VALLETOUX
Je ne l'ai pas lu encore, j'en ai entendu parler, mais je ne l'ai pas lu, il date d'hier.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Plusieurs accusations, plusieurs noms, dont celui de Patrick PELLOUX, mais bon, il n'y a pas de plainte déposée, donc pour l'instant…
FREDERIC VALLETOUX
Il y a un million de personnes qui travaillent dans les hôpitaux, les hôpitaux accueillent des millions de Français chaque année, 21 millions de passages aux urgences, donc, si vous allez, dans des organisations qui…voilà, on est aussi touché par des phénomènes plus larges qui touchent toutes les secteurs de la société.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le Conseil de l'Ordre des médecins vous demande d'interdire l'entrée des fonds d'investissement au capital des cabinets médicaux, vous avez vu ça ?
FREDERIC VALLETOUX
C'est un vrai sujet, la financiarisation de notre système de santé, c'est un vrai sujet de préoccupation, parce qu'effectivement on voit que des pans entiers de notre système de santé sont aujourd'hui…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et c'est un sujet qui coûte cher à la Sécurité sociale.
FREDERIC VALLETOUX
C'est un sujet qui coûte cher, en tous les cas c'est un sujet qu'on veut regarder.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que c'est une façon de financiariser la santé et donc de faire du profit à tout prix.
FREDERIC VALLETOUX
Et derrière il faut juste veiller, mais ça c'est l'objet effectivement des interrogations portées par les Ordres, et ce que vous dites de l'Ordre des médecins, l'Ordre des pharmaciens se pose les mêmes questions, dans un autre champ, mais on est toujours dans la santé, même si c'est la santé animale, l'Ordre des vétérinaires s'est beaucoup certaines questions sur ce sujet, c'est de voir comment effectivement l'éthique professionnelle n'est pas impactée par la nature de celui qui devient votre actionnaire, votre propriétaire et finalement votre patron.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Faut-il interdire ?
FREDERIC VALLETOUX
Il faut regarder de près comment on peut encadrer…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez le faire ?
FREDERIC VALLETOUX
Oui, bien sûr. Il y a une mission sénatoriale qui s'est lancée d'elle-même, initiée par la gauche, mais soutenue par la majorité sénatoriale au sein de la commission des Affaires sociales du Sénat, qui a démarré ses travaux sur la financiarisation, et, avec Bercy, nous allons lancer une mission IGAS, l'Inspection générale des affaires sociales, et l'Inspection générale des finances, pour, parallèlement à cette mission sénatoriale, réfléchir aussi, voir comment on peut essayer d'encadrer et d'éviter les excès de ce que serait…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas interdire, mais encadrer ?
FREDERIC VALLETOUX
On ne peut pas interdire, mais en tout cas encadrer et veiller à ce qu'effectivement ça n'impacte pas les pratiques professionnelles et donc l'éthique professionnelle des soignants.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Frédéric VALLETOUX, vous avez été interpellé par les victimes du Mediator, vous avez vu cela ?
FREDERIC VALLETOUX
Oui, j'ai vu.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Des victimes qui vous reprochent d'être intervenu lors d'une conférence sponsorisée par le laboratoire Servier, c'était le 28 mars dernier, pourquoi avoir accepté, est-ce une insulte aux victimes du Mediator ?
FREDERIC VALLETOUX
Absolument pas, et je pense que les victimes du Mediator savent très bien que ce n'est pas du tout une insulte. J'ai été invité par un quotidien qui organisait une conférence…
JEAN-JACQUES BOURDIN
« l'Opinion. »
FREDERIC VALLETOUX
Le quotidien « l'Opinion », qui organisait une conférence sur la santé, il se trouve qu'au moment où je parlais, mais je ne le voyais pas parce que c'était dans mon dos, il y avait un logo des partenaires qui s'affichait, dont le laboratoire Servier. Pour autant, le laboratoire Servier n'est pas interdit dans ses, j'allais dire dans son activité économique, et moi j'ai d'abord répondu à l'invitation d'un média pour venir parler santé, exposer mes idées, sans qu'elles soient d'ailleurs…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous saviez que Servier était sponsor de…
FREDERIC VALLETOUX
On n'a pas parlé du médicament…
JEAN-JACQUES BOURDIN
De l'événement ?
FREDERIC VALLETOUX
Peut-être j'aurais dû être plus attentif à regarder la liste des sponsors, mais ce n'était pas le seul sponsor, et je n'étais pas le seul à avoir accepté, des invitations avaient été lancées à différents professionnels, il y avait des médecins, il y avait des experts indépendants…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et il y avait un représentant de Servier sur le plateau.
FREDERIC VALLETOUX
Alors moi, non, quand j'y étais j'ai discuté uniquement avec le directeur de la rédaction qui m'a interrogé, je suis resté une demi-heure, c'est ce qui était prévu, j'ai répondu à ses questions sur la santé en général et après je suis reparti.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Frédéric VALLETOUX, j'ai une dernière colère, celle de l'hospitalisation privée, qui est en colère et qui menace de se mettre en grève. Pourquoi ? Parce que les tarifs hospitaliers dans le privé n'augmentent que de 0,3 %, contre 4,3 % dans le public.
FREDERIC VALLETOUX
Oui alors, moi je veux bien rentrer dans une explication un peu technique de comment sont décidés ces tarifs, mais sans rentrer…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Que répondez-vous à l'hospitalisation privée ce matin ?
FREDERIC VALLETOUX
Moi je réponds qu'ils savent très bien, je les ai reçus cette semaine, et ils ont très bien entendu le message, ils le savent, que derrière l'affichage de ce genre de choses il n'y a pas de, comment dire, on n'a pas stigmatisé l'hospitalisation privée, on a appliqué les mêmes critères s'agissant de répartir les 105 milliards que le Parlement a voté, ce qu'on appelle l'ONDAM des établissements, c'est-à-dire les dépenses de santé qui vont aux établissements, publics, privés, privés à but non lucratif, les centres de lutte contre le cancer, bref, tous les établissements de santé sont financés par ces 105 milliards. Comment on répartit les 105 milliards ? On applique les critères qui sont les mêmes, il se trouve que, j'allais dire, le type d'activité exercée par le privé impacte moins leurs tarifs, parce que les tarifs c'est la variable entre le volume, c'est-à-dire la réalité de l'activité qu'on fait, et on ajuste par le tarif de manière à ne pas rester dans cette enveloppe fermée des 105 milliards. Pardon d'être un peu technique, mais si vous voulez, ils savent très bien que ce n'est pas du tout un affichage. Et puis il ne faut pas oublier que dans cette enveloppe-là, l'Etat employeur a aussi, il doit financer les heures supplémentaires qu'ont a à financer, les heures de nuit, les heures de garde, les heures de week-end, faites par les hospitaliers. On a revalorisé ces heures là en septembre dernier, et ça a un impact d'un milliard sur l'année 2024. Et donc on finance aussi par les tarifs et donc ça donne cette hausse pour le public un peu plus forte, on finance par le tarif…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Leur plainte est mal venue.
FREDERIC VALLETOUX
Oui, elle est mal venue. Je leur ai juste rappelé que pendant les années de François HOLLANDE, ils ont eu 6 années, 5 années pardon, de tarifs négatifs successifs, et qu'ils n'ont pas fait un jour de grève. Que là, le tarif augmente moins vite qu'ils le souhaitaient, que l'année dernière les tarifs du privé ou ont augmenté pas loin de 3 à 4 %. Voilà. Donc…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils ne sont pas à plaindre.
FREDERIC VALLETOUX
Ce n'est pas des tarifs négatifs, ce n'est pas le cas. Donc ça fait 6 ans que les tarifs sont positifs, ils ne sont pas à plaindre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Merci beaucoup Frédéric VALLETOUX, merci d'être venu nous voir, ministre de la Santé. Vous réagissez à ce que vous venez d'entendre : 0826 300 300, juste après les informations. A tout de suite.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 avril 2024