Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, à France Bleu le 12 avril 2024, sur la crise agricole et l'agrivoltaisme.

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Intervenant(s) : 
  • Agnès Pannier-Runacher - Ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Média : France Bleu

Texte intégral

EMMANUEL CHAMPALE
Agnès PANNIER-RUNACHER, bonjour.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Emmanuel CHAMPALE.

EMMANUEL CHAMPALE
Avant de parler agrivoltaisme, la crise agricole ; les agriculteurs à l'appel des JA et de la FDSEA ont de nouveau manifesté hier devant la préfecture à Valence. Ils disent que le Gouvernement n'a pas tenu ses promesses depuis la levée des barrages, des aides de la PAC qui n'ont pas été versées par exemple. Vous leur dites quoi, ce matin ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je leur dis plusieurs choses. D'abord, que le dialogue est toujours préférable à la confrontation. Je comprends qu'ils ont notamment manifesté pour des problématiques d'irrigation qui n'avaient jamais été remontées jusqu'ici au préfet. Le préfet les a reçus. Et on s'est aperçu que ce qui causait, je dirais leur colère, étaient effectivement des décisions de rectification administrative sur le passé et un cadre de gestion de l'eau qui, lorsqu'on regarde de près, leur permet de continuer à prélever de l'eau en irrigation avec un suivi rapproché, mais dans des quantités qui sont avec des marges de manoeuvre de plus de 20% sur ce qu'ils ont fait par le passé, y compris dans des périodes de canicule. Donc vraiment, on commence par dialoguer avant de manifester et même de dégrader des bâtiments publics, parce que ça, c'est inacceptable. La deuxième chose, je comprends l'impatience, de manière générale, des agriculteurs. Il y a des sujets sur lesquels ils ont parfaitement raison. Et on avance au bon rythme. Les 67 engagements du Président de la République et du Premier ministre sont tenus. 100% des chantiers sont ouverts et 90% de ces engagements sont d'ores et déjà fait ou très largement engagés.

EMMANUEL CHAMPALE
Mais ça veut dire que les agriculteurs n'ont pas compris le message que vous leur avez envoyé ? Ils n'ont pas compris ce que vous leur dites aujourd'hui ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, je pense à plusieurs choses. D'abord, on travaille avec les agriculteurs. Il y a des élections aux chambres d'agriculture à l'année prochaine. Donc c'est normal qu'il y ait un petit peu de compétition, on dira, entre les différentes organisations professionnelles ; c'est classique. Mais il ne faut pas qu'on instrumentalise le désarroi des agriculteurs sur le terrain par... peut-être parfois des raccourcis un peu rapides. La deuxième chose, c'est que le travail que nous faisons, qui passe notamment par un travail législatif réglementaire, ne se traduit pas immédiatement sur le terrain. Lorsqu'on simplifie les procédures pour faire des ouvrages de stockage d'eau, ça ne veut pas dire que la semaine prochaine, vous avez votre ouvrage de stockage d'eau. Il y a évidemment un délai pour le voir concrètement, lorsque vous êtes un exploitant et que vous attendez d'avoir des solutions dans votre champ.

EMMANUEL CHAMPALE
Agnès PANNIER-RUNACHER, vous serez tout à l'heure à Loriol sur l'exploitation Claire Fruits pour parler donc agrivoltaisme. Une partie des vergers à Loriol sont abrités par des panneaux photovoltaïques. C'est ça l'avenir ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est qu'une partie des réponses de l'avenir, vous voyez, l'agrivoltaisme va permettre à la fois d'apporter un bénéfice pour l'exploitation de cet arboriculteur puisque ça protège les arbres contre les aléas climatiques, la grêle des épisodes de gel puisque ça peut permettre de gagner quelques degrés. Alors bien sûr, ça ne protège pas contre tout, mais c'est déjà un bénéfice contre la canicule aussi. Et puis la deuxième chose, c'est qu'en produisant de l'électricité, l'agriculteur a un complément de revenu. Ce complément de revenu, il est très stable dans la durée, il est contractualisé sur 20 ans. Et quand on est comme les agriculteurs confrontés, on le disait à l'instant, à des aléas croissants liés au dérèglement climatique et aux tensions géopolitiques, c'est quand même quelque chose de bénéfique d'avoir ce complément de revenu prévisible qui met entre guillemets du beurre dans les épinards.

EMMANUEL CHAMPALE
Le décret est sorti concernant ce développement de l'agrivoltaisme, il y a quand même des restrictions parce que la crainte, c'est de voir des panneaux photovoltaïques se développer sur des terres agricoles. C'est notamment la crainte de la Confédération paysanne qui dit effectivement restreindre à 40 % des sols la possibilité d'installer du photovoltaïque. C'est encore trop, c'est beaucoup trop !

AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors peut-être des précisions. Ce décret, il encadre ce qui est possible aujourd'hui. Aujourd'hui, on peut faire du photovoltaïque un peu n'importe comment et rien ne l'interdit. Avec ce décret et la loi dont il est issu, on encadre strictement l'utilisation de panneaux photovoltaïques sur terres agricoles. Et pour le dire très simplement, les panneaux photovoltaïques au sol sur terres agricoles, c'est interdit. Et je veux le dire très clairement, c'est écrit noir sur blanc dans la loi. En revanche, on peut mettre des panneaux photovoltaïques en complément d'une activité agricole. Et la deuxième chose qui est précisée dans la loi, c'est que ça ne doit pas se traduire par une baisse de rendement.

EMMANUEL CHAMPALE
On ne remplace pas les cultures par des panneaux photovoltaïques pour le dire très clairement.

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est interdit. Exactement, c'est interdit par la loi. On continue à cultiver sous les panneaux photovoltaïques. Ça fonctionne en viticulture, en arboriculture, ça fonctionne évidemment pour l'élevage. Et s'agissant des grandes cultures, on teste des choses parce qu'on n'est pas encore assez mature pour s'assurer que les rendements, c'est-à-dire que la production ne diminue pas parce que quand vous privez de soleil les cultures, vous risquez de produire moins. Ce n'est pas notre objectif, donc il faut que les panneaux puissent être orientables. Il faut que ces solutions soient efficaces, que l'emprise au sol ne diminue pas la production, que les machines agricoles puissent continuer à passer. Et là, on doit travailler pour avoir des solutions éprouvées.

EMMANUEL CHAMPALE
Avec un bilan qui va arriver quand ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Avec non seulement des bilans puisque l'ADEME est chargée de compiler toutes les installations et d'avoir un observateur des installations agrovoltaïques, mais des contrôles et des sanctions. Les contrôles, c'est l'objet d'un arrêté qui arrive dans les deux semaines qui viennent, qui prévoit qu'on contrôle au démarrage de l'installation au bout de six ans et qu'ensuite il peut y avoir des contrôles aléatoires. Et si on s'aperçoit que l'installation fonctionne et qu'il n'y a plus d'agriculture en dessous, eh bien, il peut y avoir des sanctions qui peuvent aller jusqu'au remboursement de l'intégralité des sommes versées pour l'installation électrique.

EMMANUEL CHAMPALE
Merci à vous Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre déléguée auprès du ministre de l'Agriculture. Vous allez prendre votre train dans quelques minutes pour nous rejoindre dans la Drôme. Vous serez, je le rappelle, à Loriol en milieu de matinée. Merci à vous. Bonne journée !

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonne journée à tous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 avril 2024