Interview de Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État déléguée à la ville, à la citoyenneté et à l'intégration, à France Bleu le 19 avril 2024, sur les violences en milieu scolaire et la délinquance des mineurs.

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Média : France Bleu

Texte intégral

PHILIPPE RICHARD
07 h 46, David, cinq jours d'arrêt de travail pour la directrice de l'école de la Millière à Marseille, agressé par la famille d'un élève ?

DAVID AUSSILOU
Oui, des coups de pied, des griffures de la part d'abord de la grande soeur et puis aussi de la mère d'un écolier qui n'avait pas participé à une sortie, faute d'autorisation des parents. Et ce matin, les auteurs de ces violences sont en garde à vue. Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, secrétaire d'Etat à la Ville, ça vous inspire quoi cette histoire ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Ben écoutez, ça me révolte et je l'avais déjà dit hier, une pensée évidemment pour la directrice de l'école qui a été agressée. Donc, ça m'inspire quoi ? Moi qui... Parce que j'ai écouté en préambule et si vous me le permettez, moi qui suis né là, qui suis né dans l'un des plus pauvres quartiers d'Europe, on dit bien d'Europe et pas de France, l'Éducation, vous imaginez si les parents font n'importe quoi, vous voulez que le gamin fasse quoi ? Donc ça m'inspire déjà une immense révolte, une immense colère. Je dis à la communauté éducative qu'ils ne sont pas seuls, qu'évidemment, voyez la comparution immédiate, ça donne un acte, une sanction tout de suite, c'est-à-dire qu'on ne laisse pas traîner. Ça m'inspire que ce qu'annonçait hier le Premier ministre, il le disait : " L'autorité et la règle commune sont trop souvent définies et trop souvent bafouées ", et que la réponse doit venir évidemment des pouvoirs publics et une prise de conscience globale. Vous imaginez bien que quand on annonce… Le Président de la République l'avait fait à Marseille l'année dernière, fin juin, en disant : " Je veux que les collèges soient ouverts de 8 h à 18 h pour pouvoir accueillir les enfants et pour que les enfants ne soient plus livrés à eux-mêmes sur des horaires, sur des plages horaires beaucoup plus larges ". Donc, ça m'inspire qu'entre temps, on a travaillé, ça m'inspire que le président de la République l'avait annoncé avant même tous les faits divers et toutes les agressions, toutes les violences que vous voyez, mais qu'on a vu monter progressivement donc, ça m'inspire que…

DAVID AUSSILOU
Oui, mais pardon, Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, l'Etat…

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Donc, ça veut dire que l'éducation est la première des…

DAVID AUSSILOU
Voilà, les parents sont en première ligne, c'est d'abord vers eux qu'il faut se tourner, non ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Absolument, mais je l'avais dit, mais évidemment, je l'avais dit. Rappelez-vous, on est responsable de ce qu'on fabrique. Vous vous rappelez des réactions ? On est responsable de ce qu'on fabrique. Oui, les parents sont les premiers responsables des enfants. J'avais été l'une des premières et je m'étais faite, rappelez-vous, massacré sur tous les réseaux sociaux parce qu'on disait : " Mon Dieu, quel discours droitier ! " Mais moi, je me rappelle quand vous êtes né à Félix Pyat et que vous avez des parents formidables qui sont derrière les enfants, qui nous ont éduqués, qui nous ont montré le droit chemin, il y a le bien, il y a le mal, il y a le droit chemin, il y a l'autre chemin. Et l'autre chose, l'école, l'école est un sanctuaire, vous savez, moi, je suis toujours resté très proche, je l'ai accueilli il n'y a pas très longtemps au ministère de l'Intérieur, de la directrice de mon école de Félix Pyat (…) avec un groupe d'élèves de mon quartier qui habite dans le même bâtiment dans lequel je suis né. Donc, le couple en éducation nationale, ça marche ensemble, mais les parents restent quand même les premiers référents et les premiers responsables de leurs enfants.

DAVID AUSSILOU
Face à la violence des jeunes, le Premier ministre propose l'éloignement, l'internat. Écoutez-le.

GABRIEL ATTAL, PREMIER MINISTRE
Avant qu'un jeune ne tombe vraiment dans la délinquance, quand on s'aperçoit qu'il commence à avoir de mauvaises fréquentations, à traîner dans la rue, nous proposerons aux parents que leur enfant soit envoyé en internat, loin de son quartier et de ceux qui le poussaient à plonger.

DAVID AUSSILOU
Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, il faut le proposer ou il faut l'imposer ?

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Alors écoutez, moi, je pense que c'est déjà bien de le proposer fortement, de dire aux parents : " Vous n'arrivez pas à gérer ", parce que de quoi on parle ? Si vous le permettez, on parle d'adolescents, d'accord, on parle d'ados, donc le principe de l'adolescence pareil, je l'ai tellement répété, mais je me permets de le répéter à votre antenne, un adolescent, c'est pénible et c'est compliqué pour tous les parents. Moi, je ne connais pas, je suis maman d'une adolescente, c'est compliqué. Mais de dire aux parents : " Vous n'êtes plus seuls, vous pouvez nous confier et confier aux pouvoirs publics vos enfants, comme dans des périodes difficiles d'une vie. Vous n'y arrivez plus. Nous, nous sommes là pour pouvoir compenser ". Vous savez, j'ai lancé, vous le savez parfaitement, le grand Beauvau de la prévention de la délinquance et parmi les mesures et je lance la semaine prochaine à Nîmes, le premier Conseil national de la refondation de la prévention de la délinquance dans les mesures du Premier ministre. Et il a raison, le Premier ministre a raison, Gabriel ATTAL, de dire : " On ouvre, on a 50 000 places de places d'internat libre, libre, avec un reste à charge zéro pour les familles ". Et je lance aussi sur la partie civile, puisque je suis la ministre de la Ville et de la Citoyenneté, les EPIDE qui sont les établissements pour l'insertion dans l'emploi, dans l'emploi, pour les jeunes de 17 à 25 ans. Et moi, je propose au Premier ministre, j'ai proposé, juste, je termine, j'ai proposé à ce que ces EPIDE soient placés plutôt à proximité des familles et des quartiers prioritaires en disant : " Je sais que c'est difficile pour un parent de laisser partir son enfant, mais vous savez, je répète juste une phrase avec laquelle j'ai grandi, il vaut mieux que ce soit l'enfant qui ne pleure que les parents ". Comprenne qui voudra

DAVID AUSSILOU
L'internat, les EPIDE, vous avez vu le film " Les Choristes " vous ? Ecoutez cet extrait.

INTERVENANT
Bonjour, je suis Clément MATHIEU, le nouveau surveillant.

INTERVENANT
Rassemblement.

INTERVENANT
Tout le monde dans la cour ! Rassemblement !

INTERVENANT
Chez Mathieu, action…

INTERVENANT
Réaction.

DAVID AUSSILOU
Action, réaction, je dis ça parce que la secrétaire du premier syndicat d'enseignants dit que les mesures annoncées par le Premier ministre, c'est le retour aux Choristes dans les années 50.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Non, écoutez, oui, vous savez, on peut faire le raccourci et je trouve ça plutôt drôle, moi, j'aime bien les gens qui ont de l'humour et je trouve ça plutôt drôle. Non, la réalité, c'est, que, pourquoi est-ce qu'on parle d'internat ? Et pourquoi est-ce que je parle des EPIDE ? Dans les EPIDE, par exemple, et c'est juste une précision, on aide les adolescents, donc les jeunes et les jeunes adultes, à passer leur permis, on réapprend l'autorité, on dit merci, on dit bonjour, on dit au revoir. On apprend à respecter les règles, on insère dans la vie professionnelle. De quoi parle-t-on ? De l'avenir de notre pays, de l'avenir de notre jeunesse. Est-ce que vous pensez qu'on peut continuer à accepter de se dire : " On va laisser des parents " ? Et vous savez, encore une fois, 30% de familles monoparentales dans les quartiers prioritaires, vous pensez que nous n'avons pas un sujet ? Comment est-ce que vous voulez qu'une maman qui gagne 1 500 euros, dans le meilleur des cas, par mois, et parfois beaucoup moins, élève trois enfants toutes seules avec des horaires décalés ? Et on fait quoi ? On explique à la maman qu'elle a le droit, elle a le droit de vouloir confier dans un moment difficiles son enfant parce qu'on est là pour ça. Vous savez, je crois beaucoup, je crois beaucoup, je crois beaucoup à l'éducation et encore une fois à reprendre confiance aux parents. Il faut que les parents reprennent confiance dans leur autorité et l'école, pareil, il ne faut pas hésiter à avoir, je vous en prie, je vous en prie…

DAVID ASSILOU
Reste, à voir, pardon, je vous coupe parce qu'on arrive au bout… On arrive au bout et on verra combien de parents seront volontaires donc, pour amener leurs enfants dans ces internats que propose le Premier ministre. Merci, bonne journée, Sabrina AGRESTI-ROUBACHE, secrétaire d'Etat à la Ville. A bientôt.

PHILIPPE RICHARD
Merci à vous.

SABRINA AGRESTI-ROUBACHE
Merci infiniment, merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 avril 2024