Texte intégral
ALIX BOUILHAGUET
Bonjour Jean-Noël BARROT.
JEAN-NOËL BARROT
Bonjour.
ALIX BOUILHAGUET
On commence avant tout par ce qui se passe en ce moment en Géorgie. Il y a encore une dizaine de milliers de manifestants dans les rues de Tbilissi, ils protestent contre une loi d'inspiration russe. Cette nuit, la Commission européenne s'est dit inquiète. Si cette loi était adoptée, est ce que ça fermerait la route à une entrée, une adhésion de la Géorgie dans l'Union européenne ?
JEAN-NOËL BARROT
Je condamne sans réserve la violence avec laquelle ces manifestations, qui se tiennent pacifiquement à Tbilissi, en Géorgie, depuis trois semaines, ont été réprimées, alors que ces manifestants appellent ou aspirent à la liberté, à la démocratie, avec brandi le drapeau de l'Union européenne. Il y a certaines forces en Géorgie, de l'extérieur, de l'intérieur, qui essaient d'attirer la Géorgie dans l'orbite russe. Ce n'est pas la volonté du peuple géorgien, qui aspire lui à l'intégration européenne. Son gouvernement doit l'entendre.
ALIX BOUILHAGUET
Mais je repose ma question : si cette loi était adoptée, est-ce que cela remettrait en cause l'entrée de la Géorgie dans l'Union européenne ?
JEAN-NOËL BARROT
L'entrée des pays candidats dans l'Union européenne, est conditionnée au respect absolu de ce que nous avons de plus précieux, c'est-à-dire la démocratie, l'état de droit, la séparation des pouvoirs, l'indépendance de la justice et la liberté de la Presse. Donc oui, si cette loi était adoptée en Géorgie, ce que 80% des Géorgiens dénoncent, c'est bien le chemin vers l'Union européenne de la Géorgie qui serait compromis.
ALIX BOUILHAGUET
Donc on dirait stop. Le processus de l'adhésion s'arrêterait automatiquement ?
JEAN-NOËL BARROT
C'est un processus progressif, dans lequel la Géorgie s'est engagée il y a un certain nombre d'années. Il y a aujourd'hui des forces de l'intérieur et de l'extérieur du pays qui veulent écarter ou qui veulent faire sortir le pays de cette trajectoire. Mais de toute évidence, le peuple géorgien tient à l'intégration à l'Union européenne.
ALIX BOUILHAGUET
Hier, Raphaël GLUCKSMANN a été agressé à Saint-Etienne, ça se passait pendant le défilé du 1er mai, agressé et exfiltré, il a accusé les Insoumis. Comment vous expliquez ce climat délétère qui règne en France pendant cette campagne ?
JEAN-NOËL BARROT
Pendant cette campagne, mais plus généralement la violence s'est installée partout, dans la rue, à l'école, sur les réseaux sociaux. Nous avons besoin d'un réveil civique, et sans doute du sursaut d'autorité auquel le Premier ministre a appelé, avec les mesures qu'il a annoncées ces derniers temps. Je crois qu'en tout cas, dans cette campagne européenne, le sujet, c'est celui de l'avenir de l'Europe et de la France, ce n'est pas les batailles politiciennes à gauche, pour savoir qui a le leadership, et ce n'est évidemment pas la violence.
ALIX BOUILHAGUET
Raphaël GLUCKSMANN, il accuse Jean-Luc MELENCHON d'attiser la violence, de jouer avec le feu, d'être un ingénieur du chaos. Est-ce que pour vous, Jean-Luc MELENCHON est toujours un démocrate ?
JEAN-NOËL BARROT
Jean-Luc MELENCHON est un ingénieur du chaos, qui a choisi la voie la plus radicale, qui consiste, comme il l'a fait à l'Assemblée nationale, comme il le fait aujourd'hui dans cette campagne, à saper les fondations du débat public et du débat politique, qui reposent sur une règle simple : on respecte son adversaire et on se tient à l'écart de toute forme de violence.
JEAN-NOËL BARROT
Alors, vous-même, vous avez traité Raphaël GLUCKSMANN d'Européen de toc. Est-ce que c'est parce qu'il talonne Valérie HAYER, votre candidate, et qu'il est à quelques points d'elle ? En fait, on a l‘impression, presque, qu'il bataille pour savoir qui sera à la troisième ou à la deuxième place.
ALIX BOUILHAGUET
Non, c'est tout simplement parce que là où il voudrait apparaître comme un grand Européen, quand on regarde le bilan qu'il a laissé au Parlement européen, on s'aperçoit qu'il a raté tous ses grands rendez-vous avec Europe. Lorsqu'il a fallu adopter le plan de relance, il ne l'a pas soutenu. Lorsqu'il a fallu donner à l'Europe des objectifs ambitieux pour la neutralité climatique, il ne l'a pas soutenu. Lorsqu'il a fallu renforcer Europol, la police européenne, qui démantèle les réseaux criminels transfrontaliers, il ne l'a pas soutenu. Et le Pacte sur l'asile et l'immigration, là aussi, il ne l'a pas soutenu.
ALIX BOUILHAGUET
Mais alors, pourquoi Valérie HAYER a dit que, elle ou lui, c'était pareil, qu'ils étaient d'accord sur tout ? Eh bien, le vote utile, après tout, c'est peut-être le candidat socialiste Place publique.
JEAN-NOËL BARROT
Le seul vote utile dans cette élection, c'est Valérie HAYER, et je vais vous dire pourquoi. Parce que la seule qui a été capable…
ALIX BOUILHAGUET
Mais pourquoi elle dit que, elle et lui, c'est pareil ? Elle l'a dit.
JEAN-NOËL BARROT
Il y a une différence majeure entre les deux, c'est que là où Valérie HAYER, du fait de la place centrale qu'elle et ses colistiers occupent au Parlement européen, a la capacité de faire bouger les lignes, d'imposer un certain nombre d'idées françaises à nos partenaires. Ça n'est pas le cas de Raphaël GLUCKSMANN, qui est totalement isolé dans le groupe socialiste au Parlement européen, qui s'est retrouvé en défaut des positions de ses collègues socialistes au Parlement européen et qui n'aura, dans les 5 ans qui viennent, aucun impact sur le cours des choses.
ALIX BOUILHAGUET
Mais, est-ce que Valérie HAYER n'a pas parlé trop vite en disant qu'elle et lui c'est pareil ? C'est elle qui le dit, donc on a tendance à la croire.
JEAN-NOËL BARROT
Ça fait des semaines et des mois que j'entends Valérie HAYER débusquer les incohérences européennes de Raphaël GLUCKSMANN, comme celles de monsieur BARDELLA. Cette campagne, qui va s'amplifier dans les semaines à venir, démontrera que l'équipe que nous devons sélectionner pour faire gagner les idées françaises dans les 5 ans qui viennent, à Bruxelles et à Strasbourg, c'est celles de Valérie HAYER.
ALIX BOUILHAGUET
Donc il n'y a pas un problème de casting avec Valérie HAYER.
JEAN-NOËL BARROT
Ah, bien au contraire, elle cumule toutes les qualités dont ses adversaires sont dépourvus. Elle est enracinée dans son territoire de la Mayenne. Elle est rompue à l'exercice des responsabilités, puisque c'est la seule à présider un groupe au Parlement européen. Et enfin, elle est engagée depuis 2017 dans la majorité présidentielle, et dans son mandat depuis 5 ans, où elle a été extrêmement active et reconnue comme telle.
ALIX BOUILHAGUET
Emmanuel MACRON a prononcé un grand discours sur l'Europe, ça se passait à la Sorbonne ; ça devait être un peu le premier étage d'une fusée qui décolle, et c'est vrai qu'on ne la voit pas décoller, cette fusée, la campagne Valérie HAYER ne prend pas. Pourquoi ?
JEAN-NOËL BARROT
La campagne de Valérie HAYER se déploie partout et dans tous les territoires. Plus de 400 réunions publiques organisées, des millions de tracts ont été distribués, un grand meeting qui sera lancé mardi. Cette campagne, en revanche, vous avez raison, pas celle de Valérie HAYER, mais la campagne pour les élections européennes, mériterait de s'amplifier, mais c'est notre responsabilité collective. Je rappelle que c'est demain la date limite pour s'inscrire sur les listes électorales, que le scrutin aura lieu le 9 juin, que c'est un scrutin à un tour et à la proportionnelle, chaque voix compte, qu'il ne faut pas rater cette occasion de prendre sa part à notre avenir commun.
ALIX BOUILHAGUET
L'implication d'Emmanuel MACRON, en tout cas à ce stade, ne fait pas bouger une ligne. Est-ce qu'au contraire, ça ne peut pas galvaniser ses détracteurs ? Est-ce que le pari du Rassemblement national d'en faire un référendum contre Emmanuel MACRON, ce n'est pas un pari qui est gagnant ?
JEAN-NOËL BARROT
Je crois que c'est un pari funeste. Les élections européennes sont un moment pour notre démocratie, qui est fondateur, qui est fondamental. Et la vraie question qui est posée, c'est de savoir si nous voulons que l'Europe nous protège face aux lourdes menaces qui pèsent sur notre avenir. Si nous voulons protéger l'Europe, si nous voulons en faire notre assurance vie et si nous voulons nous donner les moyens de le faire, en faisant entendre à Bruxelles et à Strasbourg la voix de la France, et celle qui est le mieux placé pour le faire aujourd'hui, c'est Valérie HAYER.
ALIX BOUILHAGUET
En même temps, vous dites " la mieux placée ", mais c'est Jordan BARDELLA qui caracole en tête, comme on le dit, 30, 31 voire 32% dans certains sondages. On vous sent impuissants, d'autant que lui, il a nationalisé le scrutin.
JEAN-NOËL BARROT
Il fait du cinéma muet, Jordan BARDELLA, il s'agite, il prend des selfies, mais il ne dit rien et il ne parle pas d'Europe, et quand il en parle…
ALIX BOUILHAGUET
Mais il est à 32%.
JEAN-NOËL BARROT
Et quand il en parle, il reste accroché à ses fiches. Il est à 32%, mais ce ne sont pas les sondeurs qui font l'élection, c'est le peuple français. Et vous verrez qu'à mesure que nous approchons du scrutin, à mesure que nous parlerons d'Europe et des enjeux qui sont devant nous, Jordan BARDELLA sera bien à la peine pour défendre son bilan, pour évoquer son projet, et que le soutien dont il dispose aujourd'hui, finira par se fissurer.
ALIX BOUILHAGUET
Ce n'est pas la méthode Coué, là, ce que vous me dites ?
JEAN-NOËL BARROT
Oh, je crois tout simplement que les Français attendent que cette campagne électorale se joue sur le bon terrain, le terrain de l'Europe, car ils savent bien que l'Europe est désormais pour eux une protection, dans le monde dans lequel nous vivons, avec le retour de la guerre, avec l'agressivité commerciale et économique d'un certain nombre de grandes puissances, avec les conséquences désastreuses du dérèglement climatique. Tout cela se joue en Europe et nous avons besoin d'envoyer à Strasbourg et à Bruxelles, des gens qui pèsent.
ALIX BOUILHAGUET
Il y a aussi la crainte des ingérences, il y a eu le Qatar Gate, il y a eu le Russia Gate, il y a aussi cette affaire d'ingérence chinoise par le biais d'un député de l'AFD allemande. Est-ce qu'il y a une menace sur l'intégrité du scrutin le 9 juin prochain ?
JEAN-NOËL BARROT
Bien sûr qu'il y a une menace. Nous sommes pilonnés, nous sommes ciblés directement par un certain nombre de régimes autoritaires et ennemis de la démocratie, au premier rang desquels celui de Vladimir POUTINE. J'ai dénoncé publiquement, ce lundi, la création fin mars de 30 sites de désinformation, créés pour déstabiliser dans 25 pays européens, le débat préélectoral et donc les élections. Pourquoi ? Parce que les élections…
ALIX BOUILHAGUET
C'est ça. Vous avez dit qu'il n'y a pas une semaine sans que la France ne soit la cible de manoeuvres russes pour perturber le débat et interférer dans la campagne. Donc il y a des exemples précis et très récents.
JEAN-NOËL BARROT
Absolument. Je vous le disais, 30 sites créés la dernière semaine du mois de mars, précisément pour cela. Pourquoi ? Parce que les ennemis de la démocratie s'en prennent à ce qui est le fondement, ce qui est la respiration de la démocratie, c'est-à-dire les élections. C'est pourquoi nous avons mis en place tous les dispositifs pour détecter ces manoeuvres. Et c'est pourquoi nous appelons les plateformes de réseaux sociaux à faire tout le nécessaire, et sans délai, pour bloquer l'accès à ces contenus d'ingérences étrangères, mais aussi pour protéger la période électorale et les journées électorales qui se dérouleront en Europe du 6 au 9 juin, de toutes formes d'interférences, de toutes formes de perturbations, provoquées par les ennemis de la…
ALIX BOUILHAGUET
Vous dites, parce que sinon, il y a effectivement un risque que les résultats soient faussés ?
JEAN-NOËL BARROT
En tout cas, il y a le risque qu'un doute soit jeté sur la sincérité du scrutin, comme ça a été le cas lors des élections nationales en Slovaquie en septembre dernier. Un faux enregistrement audio a été diffusé pendant la période de silence, c'est-à-dire pendant les 48 heures qui précédaient le vote. Le candidat qui était la cible de ce montage a perdu les élections. Il est difficile de dire si ce montage a eu un effet important, très important sur l'élection, mais vous voyez qu'un doute s'installe. Et quand le doute s'installe sur la légitimité des élections, c'est la démocratie qui vacille. Nous ferons tout pour l'éviter.
ALIX BOUILHAGUET
Merci beaucoup Jean-Noël BARROT. Bonne journée à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 mai 2024