Texte intégral
Mme la présidente
L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : " L'impact du pacte sur la migration et l'asile sur la France ".
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement ; nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
(…)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Je vous prie d'excuser l'absence du ministre de l'intérieur et des outre-mer Gérald Darmanin qui, comme vous le savez, a largement contribué à la préparation et à l'adoption du pacte européen sur la migration et l'asile, dont nous débattons aujourd'hui.
M. Maxime Minot
C'est tout le problème !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Je me félicite de ce débat, car il me donne l'occasion de dire aux Français tout ce que nous avons fait depuis 2017 pour répondre au grand défi de l'immigration. Contrairement aux extrêmes, qui préfèrent se nourrir des difficultés sans jamais travailler ni voter aucun texte, le Gouvernement, pour sa part, préfère agir, à la fois à l'échelon national et à l'échelon européen.
D'abord, nous avons fait aboutir ce pacte sur la migration et l'asile. Il était très attendu depuis la crise migratoire de 2015-2016 et n'avait pas pu voir le jour sous la précédente législature européenne. Grâce à l'élan donné par la relance de la procédure sous la présidence française de l'Union européenne en 2022, nous avons réussi à faire adopter, le 10 avril, par le Parlement européen les huit règlements et directives du pacte, qui renforceront profondément notre capacité à agir pour contrôler nos frontières européennes et éviter les abus dont le droit d'asile fait l'objet.
Permettez-moi de rappeler ici en quoi consiste ce pacte en quelques points essentiels. Ce pacte, ce sont d'abord des contrôles plus efficaces et harmonisés aux frontières extérieures de l'Union européenne, assortis d'un enregistrement systématique dans le fichier Eurodac, quel que soit le mode d'entrée sur le territoire.
Ce pacte, c'est aussi une procédure d'asile commune aux frontières extérieures de l'Europe. Il permettra de rejeter plus vite les demandes n'ayant aucune chance d'aboutir et d'instaurer une procédure de retour rapide vers les pays de départ, avec le soutien financier de l'Union européenne, de Frontex, et de l'Agence de l'Union européenne pour l'asile (EUAA).
Ce pacte, ce sont encore des mesures concrètes pour mieux lutter contre les mouvements secondaires, par une simplification du système de Dublin visant à renvoyer automatiquement le demandeur d'asile vers le pays responsable du traitement de sa demande.
Ce pacte, c'est enfin un système plus équitable, comportant un régime de solidarité pérenne entre les États membres, les pays de première entrée appliquant des contrôles qui, jusqu'ici, n'existaient pas.
Cela concernera l'accueil de personnes éligibles à l'asile et qui ont droit à notre protection, car c'est l'honneur de la France et de l'Union européenne de protéger les réfugiés qui fuient les guerres et les persécutions.
J'ai entendu, sur les bancs de cet hémicycle, les critiques de cette politique qui, selon certains, serait inhumaine, selon d'autres, laxiste. Je constate surtout que ce sont toujours les mêmes qui contestent et qui ne font rien pour régler les problèmes.
En ce qui nous concerne, nous sommes déjà au travail pour préparer l'application de ce pacte. Bien sûr, ce travail n'est pas terminé. Une conférence des ministres de l'intérieur s'est tenue les 29 et 30 avril derniers à Gand, précisément pour préparer les aspects concrets et opérationnels de cette application, car c'est ce qui compte véritablement.
Elle passe par exemple par la création de capacités opérationnelles aux frontières extérieures de l'Union européenne, pour y traiter simultanément 30 000 demandes d'asile, mais aussi de capacités de rétention, pour éloigner du territoire européen les étrangers en situation irrégulière qui ne veulent pas le quitter d'eux-mêmes.
C'est ce que nous faisons déjà à l'échelon national.
M. Yoann Gillet
Cela ne se voit pas !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Depuis 2017, nous avons augmenté le nombre de places de rétention de 25%, pour disposer aujourd'hui de 2 000 places destinées à l'éloignement des étrangers fauteurs de troubles à l'ordre public, radicalisés, ou délinquants. Car nous n'avons pas attendu l'adoption du pacte sur la migration et l'asile pour agir au niveau national.
M. Thomas Rudigoz
Il y a déjà des résultats !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
La loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, promulguée le 26 janvier 2024 après avoir été votée le 19 décembre 2023, nous a donné de nouveaux leviers pour lutter contre l'immigration clandestine, mettant fin à l'impunité d'étrangers qui n'étaient pas expulsables.
Le ministre de l'intérieur a ainsi annoncé hier une progression de 28% des expulsions d'étrangers délinquants depuis le début de l'année 2024 par rapport à la même période l'année précédente, ce qui porte le nombre d'expulsions d'étrangers dangereux à plus de 10 000 sur ces trois dernières années et à plus de 1 000 le nombre d'étrangers radicalisés depuis 2017.
Grâce à la coopération avec les principaux pays de départ et à ces nouveaux moyens, la France est l'État européen le plus actif en matière d'éloignement forcé. (M. Yoann Gillet fait une moue dubitative.)
La question de l'asile, celle de la maîtrise des flux migratoires, et celle de la protection de l'ordre public sont fondamentales pour la cohésion de nos sociétés. Depuis 2017, sous l'autorité du Président de la République, nous y travaillons de manière ferme et responsable, car c'est ainsi que nous répondrons aux attentes des Français.
Le pacte européen sur la migration et l'asile complète notre loi pour contrôler l'immigration et améliorer l'intégration, au bénéfice de la régulation des flux migratoires, de l'intégration des réfugiés qui méritent la protection de la France, et de l'ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
Mme la présidente
Nous en venons aux questions, dont la durée, comme celle des réponses, est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à M. Yoann Gillet.
M. Yoann Gillet (RN)
Le droit d'asile est dévoyé, et l'incapacité du Gouvernement à faire respecter nos lois en fait une filière d'immigration massive et in fine clandestine. C'est donc à juste titre que les Français estiment laxiste la politique migratoire de notre pays, car ils sont conscients de la réalité et vivent au quotidien les conséquences de la submersion migratoire.
Pourtant, vous continuez à agir contre leur volonté. En 2023, 142 500 demandes d'asile ont été enregistrées en France. On sait qu'une très grande majorité des demandeurs d'asile se verront déboutés, mais que la plupart de ceux qui l'auront été resteront sur notre sol. Le ministère de l'intérieur lui-même estime d'ailleurs à 900 000 le nombre de clandestins qui s'y trouvent.
L'adoption récente au Parlement européen du pacte sur la migration et l'asile, que le Rassemblement national a fermement combattu, démontre à elle seule que l'immigration de masse est pour vous un projet, celui d'un État qui n'est pas protecteur, mais destructeur, et même moralisateur envers les États membres de l'Union européenne qui ne partageraient pas votre vision.
C'est ainsi que ce pacte européen, imposé par la Macronie et ses alliés, prévoit l'accueil ou la contribution : vous accueillez des migrants, ou vous payez. Les gouvernements macronistes s'inscrivent dans la continuité de ce qui s'est fait depuis quarante ans et qui a mené notre pays là où il en est aujourd'hui.
Pire : vous organisez, avec votre alliée Ursula von der Leyen, l'accélération de la submersion migratoire. Vous balayez d'un revers de main la volonté du peuple français, qui plébiscite les mesures que proposent Marine Le Pen, Jordan Bardella et le Rassemblement national.
Madame la ministre, combien de drames les Français subiront-ils encore avant que vous ne daigniez réagir ? Jusqu'où êtes-vous prêts à aller pour répondre docilement aux injonctions de l'Union européenne ? Je crois en une mobilisation des Français le 9 juin, pour dire non à l'Europe de Macron, oui à l'Europe des nations qu'incarne Jordan Bardella ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Je voudrais vous dire d'abord à quel point je dénonce l'indignité du Rassemblement national, qui, comme vous l'avez fait dans votre prise de parole introductive et venez encore de le faire, instrumentalise systématiquement les drames, pour en tirer un bénéfice politique. (M. Gérard Leseul applaudit.)
M. Emmanuel Blairy
Jamais !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
On vous l'a déjà dit : le RN entretient son fonds de commerce en nourrissant les peurs. Oui, monsieur le député, il y a des demandeurs d'asile qui ont droit à la protection. C'est cela, nos valeurs européennes.
Vous voulez demeurer sourds à ce que contient ce pacte européen, très complémentaire de la loi immigration que nous avons votée. Cette volonté est évidente : vous êtes absents du Parlement européen, vous n'y siégez pas, vous ne travaillez pas pour y exercer une influence. On ne sait pas ce que vous souhaitez pour l'Europe ! On sait seulement que vous êtes absents et que vous ne votez pas…
M. Maxime Minot
Ce soir, en tout cas, ils sont davantage présents que votre majorité !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Ce pacte européen sur la migration et l'asile a pour objectifs une plus grande fermeté, par un contrôle plus efficace des frontières extérieures ; une meilleure coordination, grâce à des mesures concrètes de lutte contre les mouvements secondaires, soit les mouvements postérieurs à l'entrée des migrants sur le territoire européen – qui se produit souvent en Italie, pour ce qui nous concerne – ; une plus grande équité, reposant sur un régime de solidarité pérenne – oui, de solidarité, monsieur le député – entre les États membres ; une plus grande résilience, fondée sur un cadre autorisant les États membres, en cas de crise, de force majeure, ou d'attaque hybride instrumentalisant la migration, à appliquer des règles spécifiques en matière d'asile et de retour, tout en bénéficiant de mesures de solidarité renforcées.
Cette lecture du pacte européen sur la migration et l'asile requiert certes un peu de subtilité, monsieur le député.
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Blairy.
M. Emmanuel Blairy (RN)
En sept ans, vous avez ruiné notre économie : les Français doivent compter chaque sou et tricher pour que leurs enfants ne s'aperçoivent de rien.
En sept ans, vous avez fait de nos quartiers des favelas : en Île-de-France, deux tiers des agressions sexuelles sont le fait d'étrangers.
En sept ans, vous avez plongé notre pays, la France, dans le chaos : il s'y commet 120 attaques au couteau par jour.
En sept ans, vous avez fait entrer sur notre territoire 1,5 million d'immigrés et 900 000 clandestins. Le pacte sur la migration et l'asile accélérera ce mouvement, alors même que 70% des Français souhaitent un référendum constitutionnel relatif à la politique migratoire nationale, comme le proposent Marine Le Pen et Jordan Bardella.
M. Maxime Minot
Et Les Républicains !
M. Emmanuel Blairy
Les maires de France, notamment ceux des petites communes, expriment leur opposition à ce pacte, qui vise à répartir les migrants dans les régions, qui ne disposent pas des ressources humaines et financières requises pour les accueillir.
Alors que les peuples européens s'apprêtent à renvoyer chez eux nombre de députés euromondialistes, les conséquences néfastes des textes que ces derniers ont votés au cours de cette législature ont précipité le déclin de notre vieille Europe.
Vous avez rendu l'Europe malade – et même mortellement. Or elle sera forte si les nations qui la composent sont fortes de leur souveraineté. L'Europe est multimillénaire quand votre Union européenne n'a que soixante-dix ans.
Il est l'heure de faire marche arrière et, cet après-midi, de prendre vos responsabilités pour dire aux Français que vous les consulterez comme ils le demandent. Votre projet consiste à répartir les migrants ; la volonté des Français est de les faire repartir. Ils crient avec nous : vivement le 9 juin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
(À dix-neuf heures, M. Sébastien Chenu remplace Mme Hélène Laporte au fauteuil de la présidence.)
Présidence de M. Sébastien Chenu
M. le président
Mme Hélène Laporte a laissé pousser sa barbe ! (Sourires.) Bonsoir à tous !
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Bienvenue et merci, monsieur le président !
Monsieur le député, au moment où vous posez la deuxième question de votre groupe, je dois vous faire part – tout comme un député qui s'est exprimé tout à l'heure – de mon incompréhension concernant l'objet du débat que vous avez inscrit à l'ordre du jour.
Vous stigmatisez les migrants…
M. Jean-François Coulomme
C'est leur seul programme !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
…tout en passant sous silence plusieurs faits concrets.
M. Emmanuel Blairy
Et le référendum ? C'était ma question !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Ainsi, depuis 2017, la politique d'éloignement connaît une efficacité croissante,…
M. Nicolas Sansu
C'est sûr ! Bravo…
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
…notamment sous l'effet de la loi " asile et immigration " de 2018. Depuis 2022, nous plaçons prioritairement en rétention les étrangers constituant une menace pour l'ordre public, ce qui entraîne une hausse continue des éloignements. Je suis obligée de vous le répéter : en 2024 – à la fin avril –, le nombre d'éloignements d'étrangers connus pour trouble à l'ordre public a augmenté de 28% par rapport à l'an dernier.
M. Emmanuel Blairy
Ce n'est pas ma question !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Si, monsieur, c'est votre question !
Ensuite, vous appelez de vos vœux un référendum.
M. Yoann Gillet
La parole au peuple !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Or savez-vous ce qui a été décidé au niveau européen ? Le pacte sur la migration et l'asile a été voté par le PSE – le parti socialiste européen –, le PPE – le parti populaire européen – et Renew.
M. Yoann Gillet
On s'en fiche !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Vous vous en fichez peut-être mais je vous le rappelle !
Ce texte a été adopté grâce aux voix des deux tiers du Parlement européen. Puis, au Conseil de l'Union européenne, il a été approuvé à l'unanimité moins deux voix, celles de la Hongrie et de la Pologne : vingt-cinq pays se sont donc mis d'accord pour travailler ensemble, de façon solidaire, afin de limiter les migrations clandestines.
Je le répète, je ne comprends pas l'objet de ce débat.
M. le président
La parole est à Mme Ersilia Soudais.
Mme Ersilia Soudais (LFI-NUPES)
Il est parfaitement normal que nous débattions aujourd'hui du pacte européen sur la migration et l'asile, sur proposition du RN, tant cet accord épouse parfaitement les idées de l'extrême droite.
Toutes les propositions votées dans ce cadre vont dans un seul sens : restreindre les droits des personnes en mouvement. Les États pourront s'affranchir d'un large éventail de réglementations européennes en matière d'asile, en période de hausse soudaine des arrivées. Pire encore : cet accord permet des exceptions en cas d'instrumentalisation, ce qui laisse entendre que les vies humaines ne seraient que des outils politiques.
Nous le répétons : rien ne peut empêcher la liberté de circulation ni la détermination de ceux qui cherchent à fuir l'horreur, la guerre et la violence. Rien ne peut empêcher ceux qui cherchent un avenir d'essayer d'en forger un meilleur.
Cependant on continue d'utiliser les mêmes techniques répressives, qui mettent en danger la vie des gens. On l'a vu lors du débat abject qui s'est déroulé entre ces murs à l'occasion de l'examen de la loi immigration, ce texte qui consacrait le mariage entre la majorité et le RN.
Voici à présent une autre preuve de cette union : le pacte européen, qui inclut l'externalisation des frontières avec des accords bilatéraux avec l'Albanie, la Libye, la Turquie ou encore la Tunisie.
Prenons tout d'abord l'exemple de la Libye, pays considéré comme sûr par l'Union européenne alors qu'il viole de façon évidente les droits humains des migrants, comme le rappelle régulièrement l'ONU. Il leur inflige en effet torture, détention arbitraire ou encore esclavage sexuel.
Passons à la Tunisie, dont le régime autoritaire s'est rendu responsable de l'envoi de milliers de migrants dans le désert, sans eau et dans des conditions inhumaines – on compte au moins vingt-sept morts. Cela n'a pas empêché l'Union européenne – avec les camarades italiens du RN – de signer un accord avec le régime tunisien.
Au fond, la seule différence entre le projet de l'extrême droite et celui des libéraux – qui a abouti à ce pacte européen –, c'est l'externalisation de la violence, la sous-traitance du racisme et de la xénophobie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Yoann Gillet
Mais taisez-vous !
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
D'un côté de l'hémicycle, on agite les peurs ; de l'autre, on considère que le pacte européen n'aurait jamais dû être signé et que nous traitons de manière inhumaine les migrants qui souhaitent rejoindre notre pays.
La vérité, c'est que, pour parvenir à réguler les flux migratoires, comme le prévoient le pacte européen et la loi sur l'immigration que nous avons défendue en décembre, nous devrons faire preuve de beaucoup d'humanité tout en assurant un contrôle important et en mettant en place une forte solidarité au niveau européen.
M. Jean-François Coulomme
Comme avec les accords du Touquet !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Je précise que la régulation concerne à la fois les migrants qui demandent l'asile et ceux qui doivent quitter le territoire.
Vous évoquez une prétendue inhumanité…
M. Jean-François Coulomme
Vous avez déjà visité un CRA ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Je vous rappelle que l'article 12 de la loi immigration interdit le placement en centre de rétention administrative de tout étranger mineur et que, dans les vingt-huit CRA, les places spécialement aménagées pour accueillir des familles accompagnées de mineurs, soit quatre-vingt-treize places en métropole, ont déjà été redéployées pour accueillir des étrangers majeurs, dont 95% sont connus pour des troubles à l'ordre public.
Mme Ersilia Soudais
Les CRA ne devraient même pas exister !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Enfin, 30 000 places seront construites, à l'échelle européenne, afin d'accueillir convenablement les demandeurs d'asile qui arrivent sur le territoire européen…
M. Jean-François Coulomme
Commencez par bien traiter ceux qui sont là !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
…et de protéger les principaux pays d'accueil.
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Fernandes.
M. Emmanuel Fernandes (LFI-NUPES)
Vingt mille euros : voilà la valeur d'une vie humaine aux yeux de la bureaucratie européenne. En effet, depuis 2013, le règlement Dublin attribue l'examen de la demande d'asile au pays par lequel la personne est entrée dans l'Union européenne. Avec le nouveau pacte, cette règle demeure mais est complétée par un mécanisme – mal nommé – " de solidarité ", visant à la relocalisation de dizaines de milliers de demandeurs d'asile vers un autre pays de l'Union européenne. Contre une amende de 20 000 euros par tête, un pays pourra refuser d'accueillir les personnes migrantes censées y être relocalisées.
On ne peut s'empêcher de s'imaginer qu'un soir, dans un sombre bureau bruxellois, des gratte-papiers ont planché sur la question : " – Combien vaut une vie ? – 10 000 euros ? – Non, ce n'est pas assez ! – 30 000 ? – Non, c'est trop ! – Allez, 20 000, banco ! " Quelle honte ! Quelle indécence !
Il faut mettre fin au règlement Dublin et à l'approche par points d'accès, afin de soulager les États frontaliers et de garantir un partage équitable des responsabilités entre États membres.
Cet infâme pacte européen sur la migration et l'asile ne règle rien s'agissant du véritable cimetière qu'est devenue la Méditerranée. Plus de 30 000 migrants y ont perdu la vue au cours des dix dernières années, une insupportable tragédie qui vaut à l'ancien directeur de Frontex Fabrice Leggeri, candidat aux élections européennes pour le Rassemblement national, une plainte pour complicité de crime contre l'humanité.
Ce pacte ne règle en rien les problèmes structurels relatifs aux migrations. Il ne s'attaque pas aux causes des départs : les dérèglements climatiques, l'accaparement des ressources par les pays du Nord – souvent source de guerre – ou encore les régimes dictatoriaux.
Il piétine les obligations issues des conventions internationales que nous avons signées, dont la Convention internationale des droits de l'enfant, puisqu'il entraînera un enfermement généralisé d'enfants migrants qui seront parqués aux frontières.
L'Europe peut, et doit, permettre l'accueil digne des exilés, car il s'agit de vies humaines. C'est ce que proposent Manon Aubry et la liste de l'Union populaire dans le cadre des élections européennes du 9 juin. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Je veux tout d'abord rappeler les enjeux de ce débat, tels que les perçoivent les Français : maîtrise des flux, droit d'asile et contrôle des frontières européennes extérieures.
Je ne comprends pas bien vos propos. Vous dites que le pacte européen sur la migration et l'asile n'est pas efficace et qu'il ne règle rien. Or il a été voté il y a seulement un mois – même si nous sommes déjà au travail pour le mettre en œuvre.
Par ailleurs, je dois avouer aux députés qui nous font le plaisir d'être présents cet après-midi qu'il me semble que nous ne sommes pas réunis pour un débat digne de la représentation nationale mais pour un match retour du débat télévisé sur les européennes qui a eu lieu ce week-end.
À l'angélisme – d'un côté de l'hémicycle – et à l'instrumentalisation des peurs – de l'autre côté –, je préfère le sens des responsabilités, celui dont témoignent le Gouvernement mais aussi, je tiens à le rappeler, les socialistes espagnols et allemands qui ont voté le pacte européen.
Mme Ersilia Soudais
" Sens des responsabilités " ? Alors que vous êtes alliés avec le RN ?
M. le président
La parole est à M. Gérard Leseul.
M. Gérard Leseul (SOC)
La droite extrême voudrait nous faire croire qu'il existe un lien entre immigration et insécurité.
M. Yoann Gillet
C'est une réalité !
M. Gérard Leseul
Je n'entrerai pas dans ce débat mortifère, qui vise simplement à attiser les peurs et à stimuler la haine – comme vous en avez pris l'habitude depuis de nombreuses semaines.
Alors que les négociations à Bruxelles viennent de se conclure sur un nouveau pacte européen sur la migration et l'asile, il semble bien – comme cela a été dit à plusieurs reprises – que celui-ci ne permettra pas que la Méditerranée, mer de l'ouverture et du partage, ne soit plus un lieu de mort.
Ce pacte contient plusieurs mesures visant à contrôler l'immigration clandestine et à améliorer la gestion des frontières extérieures de l'Union. Cependant, dans votre intervention, vous n'avez pas évoqué la question des passeurs. C'est pourquoi, je souhaite tout d'abord connaître les mesures que la France souhaite mettre en place pour lutter contre ce phénomène et éviter ainsi que des hommes, des femmes et des enfants meurent en Méditerranée.
Une fois le pacte européen définitivement adopté, chaque État membre devra modifier sa législation nationale, sous deux ans. Ainsi serons-nous particulièrement attentifs à l'application et à la transposition de ce pacte, notamment au respect des droits des demandeurs d'asile.
De son côté, la maigre politique migratoire nationale s'appuie sur des moyens alloués dont il était prévu qu'ils augmenteraient jusqu'en 2027, notamment pour améliorer l'intégration et garantir le droit d'asile. Ainsi, 121 732 places d'hébergement pour les demandeurs d'asile devaient être financées, et le dispositif devait être renforcé en 2024 et dans les années à venir.
De même, le programme d'accompagnement global et individualisé des réfugiés (Agir), qui organise l'orientation vers l'emploi et le logement des réfugiés que nous accueillons chaque année, prévoyait une augmentation des moyens, notamment des effectifs supplémentaires dans les services de préfecture.
À l'heure des coups de rabot budgétaires, où en sommes-nous sur ces différents dossiers ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Permettez-moi tout d'abord de vous rappeler les fondements de la loi immigration que nous avons votée en décembre. Le premier axe est celui de la fermeté : éloigner les étrangers délinquants et radicalisés et sanctionner les passeurs, qui encourent une peine de vingt ans de prison. C'est bien la loi immigration, et non le pacte européen, qui prévoit de telles règles.
Toutefois je veux rappeler que cette loi a également pour objectif d'encourager une véritable intégration par trois leviers : la langue, le travail et le respect des principes de notre République.
M. Maxime Minot
C'est le monde des Bisounours !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Le troisième axe de cette loi est la simplification. Il faut traiter plus vite les demandes d'asile. Cela passe, entre autres, par l'examen des dossiers par un juge unique mais je rappelle également, s'agissant des procédures devant le tribunal administratif, que le nombre de catégories de recours est passé de douze à quatre.
Par ailleurs, le dispositif " passeport talent " a été créé par cette même loi pour favoriser une immigration de travail, attendue par des entreprises qui ont besoin de recruter des salariés.
Entre stigmatisation et instrumentalisation, d'un côté, et accusations d'inhumanité, de l'autre, nous traçons donc un autre chemin grâce à la loi immigration votée en France et au pacte sur la migration et l'asile adopté au niveau européen. Nous nous sommes donné les moyens de relever ces défis. Prenons à présent le temps d'observer la mise en application de ces deux textes et mesurons leur efficacité d'ici quelques mois.
M. Gérard Leseul
Je vous avais posé des questions budgétaires précises !
M. le président
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES)
En France, le droit d'asile a valeur constitutionnelle. Le pacte européen sur la migration et l'asile contribue pourtant au durcissement du droit d'asile à l'échelle du continent. Au lieu d'apparaître comme une entrave à ce droit constitutionnel, un tel pacte devrait au contraire le renforcer en apportant les garanties nécessaires à son bon exercice.
En effet, ce pacte se résume à la question des frontières, transformées en zone de transit et de filtrage, niant ainsi les situations individuelles.
En réalité, ce pacte cherche à tout prix à unir un continent divisé sur le sujet, au mépris des droits fondamentaux. Pire encore, dans un exercice de novlangue devenu habituel, ses promoteurs le disent pleinement ancré dans les valeurs européennes et le droit international ! Dans les faits, il se traduit, à chaque stade du parcours du migrant, par de la détention en l'absence de condamnation et, dans les États européens, par l'affaiblissement progressif, voire la liquidation, des garanties juridictionnelles.
En témoigne, en France, la loi immigration que le Gouvernement a fait adopter à l'unisson par les droites et l'extrême droite en décembre dernier, au prétexte de simplifier le contentieux des étrangers.
À ce titre, vous me permettrez un aparté, madame la ministre, afin de vous faire part de mon indignation devant l'expulsion, dans mon département du Cher, d'un ressortissant français frappé d'une OQTF. Franco-ivoirien de quarante-cinq ans, fils d'un Français, arrivé en France à l'âge de sept ans il y a trente-huit ans, père de deux enfants français, il a été renvoyé manu militari après une incarcération de quelques mois. Vous piétinez toutes les lois de la République parce qu'il vous faut faire du chiffre et que cet homme est noir de peau !
M. Yoann Gillet
Quel rapport ?
M. Nicolas Sansu
Je peux vous assurer que le zèle de vos services déconcentrés, au mépris de la loi, va se fracasser sur les recours qui seront intentés.
Enfin, madame la ministre, la France a été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Ma question est simple : allez-vous enfin respecter la CEDH, cesser de vous asseoir sur ses condamnations et ainsi mieux respecter les demandeurs d'asile ? (M. Gérard Leseul applaudit.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Je suis très surprise par vos propos. Parmi l'ensemble des pays du monde, la France est, l'un de ceux – si ce n'est celui – qui protègent le mieux le droit d'asile.
M. Nicolas Sansu
En expulsant les Français ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est un organisme indépendant, dont la fonction est précisément de protéger ce droit. Après notre débat, votre question m'étonne. Nous pouvons être fiers de notre droit d'asile, critiqué à la droite de cet hémicycle. Comme cela a été dit, plus de 110 000 places d'accueil existent pour les demandeurs d'asile et nous en avons créé 30 000 supplémentaires.
Je ne connais pas le cas de la personne que vous avez évoquée. Si elle sortait de prison, nous avons fait ce que nous devions faire pour éloigner un étranger délinquant de notre pays…
M. Nicolas Sansu
C'est un Français ! Il est interdit d'expulser un ressortissant français. Il n'est pas étranger.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
S'il s'agit d'un Français, vous m'enverrez un courrier et je regarderai ce qui s'est passé. Je serais surprise que nous ayons éloigné un Français du territoire. Cela n'est en tout état de cause pas l'objet de notre débat.
M. le président
Le débat est clos.
Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 13 mai 2024