Déclaration de M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics, sur les comptes publics, à l"Assemblée nationale le 6 mai 2024.

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Circonstance : Questions à l'Assemblée nationale sur le thème : " Les comptes publics "

Texte intégral


Mme la présidente
L'ordre du jour appelle les questions sur le thème : " Les comptes publics ".
La conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse, sans droit de réplique.
La parole est à M. Philippe Juvin.

M. Philippe Juvin (LR)
On parle beaucoup de la dette française – les fameux 3 000 milliards d'euros –, moins de la dette européenne, alors que l'Union européenne (UE), elle aussi, s'endette sans compter depuis plusieurs années. Il faudra bien que cette dette soit remboursée, soit par l'Union, soit par les États membres. L'Union n'en a pas les moyens, à moins qu'elle n'invente un impôt européen – ce qui n'est pas prévu, nous direz-vous. Le règlement du 29 février 2024 adopté par le Conseil de l'Union européenne prévoit pourtant un instrument, dit instrument Euri (European Union Recovery Instrument), qui ressemble furieusement à un impôt ou à une taxe européenne ; toutefois, celui-ci ne couvrira pas tous les coûts du plan de relance Next Generation EU. Au bout du compte, la dette européenne sera donc majoritairement à la charge des États. En ce qui concerne la France, cette dette cachée, hors bilan, viendra s'ajouter aux 3 000 milliards de la dette publique nationale. Vous aviez, vous aussi, réagi à la déclaration, désormais culte, du président Hollande : " Ça ne coûte rien, c'est l'État qui paye " ;…

M. Philippe Brun
Une citation déformée !

M. Philippe Juvin
…au sujet de la dette européenne, un de vos collègues du Gouvernement, qui cache peut-être un petit côté hollandiste, avait répondu : « Ne vous inquiétez pas, ce n'est pas le contribuable français qui paiera ! » Il paiera pourtant, c'est évident ! Qui d'autre que lui le ferait ? Il la paiera, d'abord parce qu'il est également un contribuable européen et que la France devra assurer sa quote-part du remboursement, ensuite parce qu'il n'y a pas d'argent public, européen ou français, mais seulement l'argent des impôts, que l'on prend toujours dans la poche de quelqu'un. Si l'Union décidait demain d'imposer une taxe aux frontières ou de taxer les entreprises, le consommateur final – c'est-à-dire nous – acquitterait la note, comme toujours, car les États, en définitive, ne paient jamais rien.
Je poserai trois questions : quel est le montant de la dette européenne ? Quelle en est la part garantie directement ou indirectement par le contribuable français ? Qu'est-ce que cet instrument de remboursement européen : une taxe ou un impôt européen ?

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics
La dette européenne est une sacrée avancée : elle nous a permis de sauver l'économie, notre plan de relance ayant été en partie financé grâce à cet emprunt, qui s'élève à 750 milliards pour l'ensemble des États membres. Chacun d'entre eux devrait pouvoir dégager des ressources propres permettant de le rembourser à partir de 2028, donc dans le cadre financier pluriannuel (CFP) 2028-2035. La Commission européenne a évoqué plusieurs pistes en ce sens : le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF), les ETS – Emission Trading Scheme, le système communautaire d'échange de quotas d'émission de l'UE –, ou d'autres ressources tirées d'entreprises.
La quote-part française du remboursement de la dette s'établit à 5 milliards d'euros par an. Nous devons nous mettre d'accord avec les autres États membres afin de trouver les ressources qui nous permettront de financer ce grand emprunt sans solliciter les contribuables nationaux, notamment français.

Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR)
Depuis sept ans, la France se singularise par de très mauvaises performances budgétaires. La dette atteint 3 000 milliards d'euros. Le déficit a plus que doublé, passant de 2,6% à 5,5%. La dépense publique n'en finit plus de s'alourdir. La seule année 2023 a battu de bien tristes records, conduisant à l'annulation en catastrophe, par décret, de 10 milliards de crédits budgétaires, seulement deux mois après l'adoption de la loi de finances. Votre refus de présenter un projet de loi de finances rectificative témoigne de votre fébrilité : la trajectoire budgétaire est insoutenable, vous le savez. Tous les indicateurs macroénomiques sont dans le rouge et continuent de se dégrader. La France est montrée du doigt par l'ensemble de ses partenaires européens, qui ne croient plus en sa capacité d'assainir durablement ses finances publiques.
Votre irresponsabilité budgétaire a récemment entraîné un durcissement des règles du pacte de stabilité et de croissance (PSC), et la Commission européenne s'apprêterait à lancer à l'encontre de la France une procédure concernant les déficits excessifs. Le 23 avril, les eurodéputés ont adopté deux mesures qui suscitent une forte inquiétude : une surveillance budgétaire dont l'indicateur sera désormais l'évolution de dépense, et un encadrement plus strict des objectifs de réduction du déficit pour les pays où il dépasse 3 %, lesquels risqueront de lourdes sanctions financières en cas de dérapage – cela concerne évidemment la France, qui a obtenu de l'Allemagne un sursis jusqu'en 2027.
L'étau se resserre dangereusement. Ma question est simple : la France sera-t-elle capable, et à quel prix, de répondre aux nouvelles exigences de la Commission ?

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Après avoir constaté la dégradation des recettes à la fin de l'année 2023, nous ne sommes pas restés sans agir. En témoignent le décret d'annulation de 10 milliards de crédits ainsi que le nouveau programme de stabilité et de croissance qu'a examiné l'Assemblée.

M. Thomas Cazenave, rapporteur
Permettez-moi, d'ailleurs, de ne pas partager votre constat. Nos indicateurs macroéconomiques, dites-vous, sont dans le rouge : rien n'est plus faux ! Selon les chiffres du premier trimestre, nous avons déjà, pour l'année 2024, un acquis de croissance de 0,5%, soit la moitié de l'objectif de 1% que nous nous sommes fixé. Alors que nos partenaires européens rencontrent des difficultés – les Allemands ont ramené leur prévision de croissance de 1,3 % à 0,2% –, que nos amis britanniques sont entrés en récession, notre croissance résiste, et résiste bien. Encore une fois, nos indicateurs sont solides, comme en témoignent les évaluations de l'Insee : nous continuons à ouvrir des usines.
Nous avons ajusté le cadre de nos finances publiques en annulant 10 milliards de crédits, et nous allons faire un effort supplémentaire de 10 milliards, afin d'atteindre un autre de nos objectifs : que le déficit public ne dépasse pas 5,1% cette année. En 2018, je le rappelle, c'est cette majorité qui a permis à la France de sortir de la procédure pour déficit excessif, en ramenant deux années de suite ce déficit en deçà de 3%. La trajectoire est donc solide, crédible, et je maintiens que nous réduirons de nouveau le déficit à moins de 3% d'ici à 2027.

Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Cordier.

M. Pierre Cordier (LR)
Ma question a trait aux finances des collectivités territoriales. En 2017, Emmanuel Macron, qui avait pourtant été le ministre de l'économie de François Hollande, annonçait qu'il cesserait de diminuer les dotations des collectivités territoriales,…

M. Philippe Vigier
Elles avaient diminué de 11,5 milliards !

M. Pierre Cordier
…réduites de plus de 11 milliards entre 2013 et 2017. Or je crois savoir que vous comptez solliciter de nouveau lesdites collectivités, en baissant leurs dotations de 2,5 milliards dans les prochains mois. Vous savez pourtant pertinemment que ce sont elles – régions, départements, bloc communal – qui réalisent les trois quarts des investissements publics. Je souhaiterais donc que vous nous donniez des informations sur cette baisse et ses conséquences pour l'économie française.
Je pense en particulier aux départements, dont l'État est loin de compenser – il faut reconnaître que cela ne date pas de la Macronie – les dépenses en faveur du RSA, des prestations liées au handicap, de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Ils rencontrent, en outre, de véritables difficultés dues au fait que l'État n'exerce absolument pas la compétence régalienne qu'est la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA), dont le nombre a explosé dans nos territoires.
Peut-être ne le savez-vous pas, monsieur le ministre, mais le coût annuel de cette prise en charge s'élève pour un département à 50 000 euros par MNA, soit un total de 3 milliards pour l'ensemble des départements. Celui des Ardennes, où vous vous êtes rendu récemment, dépense chaque année 3 millions à ce titre : la compensation que lui verse l'État n'est que de 250 000 euros. Pouvez-vous nous rassurer sur ce point ?

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Merci de votre question, qui me permettra de clarifier les choses. Tout d'abord, l'État s'est toujours tenu aux côtés des collectivités territoriales pendant la crise du covid-19.

M. Pierre Cordier
Je n'ai pas dit le contraire !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Certes, mais je remets les faits en perspective : cela nous aide à comprendre où nous allons. Nous avons augmenté, en plusieurs étapes, la dotation globale de fonctionnement (DGF) de plus de 320 millions d'euros, instauré un bouclier anti-inflation, créé le fonds Vert, à quoi s'ajoutent les aides versées durant la crise. Encore une fois, nous nous sommes toujours tenus aux côtés des collectivités. Ainsi, récemment, lorsque certains d'entre vous ont demandé le plafonnement de l'évolution des bases foncières, nous avons maintenu leur indexation sur l'inflation, qui procure des ressources au bloc communal. Globalement protégées, les collectivités se trouvent dans une situation tout à fait correcte, à l'exception des départements ; nous avons donc abondé un fonds de sauvegarde afin de remédier à l'effet ciseaux – moins de droits de mutation à titre onéreux (DMTO), plus de dépenses sociales – dont ces derniers pâtissent.
Votre question m'offre l'occasion de tordre le cou à une rumeur : il n'a jamais été question, cette année, de baisser les dotations de 2,5 milliards ! Ce que nous demandons aux collectivités, c'est de s'inscrire dans le cadre de la loi du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, en faisant en sorte que l'augmentation de leurs dépenses de fonctionnement demeure inférieure de 0,5 point à l'inflation – c'est-à-dire qu'elle ne dépasse pas 1,9% cette année, puisque le taux d'inflation prévu est de 2,4%. Si elles respectent cet objectif, elles contribueront à modérer la croissance de la dépense publique de 2,5 milliards d'euros. Je le répète, c'est là le seul engagement que nous leur demandons de prendre. J'espère vous avoir rassuré, monsieur le député.

Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin.

M. Philippe Juvin (LR)
Je souhaitais poser une question technique, mais lorsque vous avez déclaré, tout à l'heure, que les indicateurs de l'économie étaient solides, je n'ai pu m'empêcher de penser que le rétablissement des comptes publics est une question d'état d'esprit – on a parfois le sentiment qu'un bon ministre est un ministre qui dépense – et de confiance dans la véracité de la parole publique. Or, lorsque la France roule en queue de peloton dans des domaines tels que la dette, les dépenses publiques, le montant des impôts et le chômage, on ne peut affirmer que les fondamentaux de l'économie sont solides, pour la bonne raison que ce n'est pas vrai !

M. Pierre Cordier
Il a raison !

M. Philippe Juvin
On dépense trop et mal, on désincite au travail, on soumet les individus à un contrôle systématique au lieu de leur faire confiance. Vous prétendez dire la vérité, mais ce n'est pas vrai. Vous ne pouvez pas affirmer que nous avons vaincu le chômage de masse quand nous sommes, dans ce domaine, au vingt-quatrième rang sur vingt-sept, que l'État se serre la ceinture quand la dépense publique croît, que vous baissez les impôts quand les taxes augmentent, comme l'atteste la hausse des recettes fiscales.
Entendons-nous, monsieur le ministre : je ne doute ni de votre bonne volonté ni de la difficulté de votre tâche. Au demeurant, vous avez fait de bonnes choses ; je pense notamment à la mesure relative à l'exit tax. Mais lorsqu'on ne cesse de pousser des cocoricos et que l'on choisit toujours l'indicateur favorable dans un océan d'indicateurs défavorables, on ne donne pas envie de croire à la parole publique. Qui plus est, vous jouez contre vous-même : les Français finissent par ne plus ajouter foi aux bonnes nouvelles, aux bons projets – car il y en a, évidemment. Pour réformer le pays, la première bataille à gagner n'est-elle pas celle de la restauration de la confiance dans la parole publique ?

M. Pierre Cordier
Il y a du boulot !

M. Philippe Juvin
Dire la vérité, sauver l'éducation et la recherche, soutenir ceux qui veulent travailler et non les assistés professionnels, baisser vraiment les impôts, la dépense publique, alléger vraiment le fardeau administratif, inciter le ministre à agir plutôt qu'à communiquer, n'est-ce pas la solution ?

Mme Marie-Christine Dalloz
Très bien !

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Ce n'est pas le Gouvernement qui le dit, mais l'Insee : notre croissance tient, puisque l'acquis de croissance, je le répète, est déjà de 0,5%, pour un objectif de 1%. Il est intéressant de constater qu'en 2023, notre croissance a été de 0,9%, contre en moyenne 0,5% pour les pays de l'Union européenne. Nos fondamentaux sont donc solides, grâce au succès de notre politique de l'offre et de soutien de l'investissement. Selon la dernière publication en date, la France est, pour la cinquième année consécutive, le pays d'Europe qui attire le plus d'investissements étrangers !

M. Pierre Cordier
Pourvu qu'il y ait des investissements chinois !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Cela signifie que des entreprises et des usines ouvrent, donc que des emplois sont créés. Je le redis, notre croissance est solide.

Mme Marie-Christine Dalloz
Tout va bien, donc !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Le taux de chômage en est une manifestation supplémentaire : 7,5% !

M. Philippe Juvin
La France est vingt-quatrième sur vingt-sept !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Je n'ai pas dit que nous avions atteint le plein emploi, mais regardez la performance du marché du travail depuis 2017 : le chômage n'a cessé de baisser. C'est une très bonne nouvelle, non seulement pour ceux qui retrouvent un emploi, mais aussi pour les finances publiques.

M. Philippe Juvin
Cela fait 5 millions de chômeurs !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Encore une fois, monsieur le député, notre modèle économique est solide, mais nous devons poursuivre dans la même direction : si la croissance venait à ralentir, le redressement des finances publiques serait beaucoup plus difficile.

M. Pierre Cordier
Nous verrons !

Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR)
Quand je vous entends, monsieur le ministre, je me demande pourquoi nous nous inquiétons : tout va bien ! La réponse que vous m'avez faite précédemment était ubuesque. On a le sentiment d'un déni total de vos capacités et de vos compétences.

M. Pierre Cordier
C'est Ubu roi !

Mme Marie-Christine Dalloz
En dix ans, la dette de la France s'est accrue de 1 000 milliards d'euros. En 2024, la charge de la dette – c'est-à-dire les intérêts – s'élèvera ainsi à 57 milliards, lesquels seraient certainement mieux employés s'ils étaient alloués à des politiques publiques en faveur des collectivités territoriales ou de la santé, comme l'ont rappelé mes collègues.
Entre la présentation du projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG), en novembre, et la fin de l'année, le déficit s'est encore aggravé de 2 milliards d'euros, soit une dégradation de 8 milliards par rapport à la loi de finances initiale. C'est extraordinaire ! Entre 2022 et 2023, le déficit s'était déjà creusé de 21 milliards. Ces éléments n'incitent pas à estimer que nous avons affaire à une bonne gestion.

M. Philippe Juvin
Elle a raison !

Mme Marie-Christine Dalloz
Le budget est un équilibre entre recettes et dépenses : lorsque les premières se dégradent, comme ce fut le cas en 2023, il faut éviter que les secondes n'explosent.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Évidemment !

Mme Marie-Christine Dalloz
La hausse de 468 milliards de nos dépenses n'est pas supportable durablement. Un véritable coup de frein devient nécessaire. J'ignore quelle technique – coup de rabot généralisé ou révision de certaines politiques – vous utiliserez, mais la lettre adressée au Président de la République par le gouverneur de la Banque de France est édifiante : entre 2015 et 2023, le PIB par habitant a décroché. C'est votre responsabilité. Comment fait-on ?

M. Pierre Cordier
Bravo !

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
En effet, la dette a augmenté depuis 2017 : nous avons du reste su nous retrouver pour protéger les emplois, les commerces, les collectivités territoriales, les associations, tout le monde.

M. Pierre Cordier
On a payé, aussi !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Il importe d'analyser la progression de la dette. Vous nous reprochez d'être de piètres gestionnaires, irresponsables et inconséquents ; mais entre 2007 et 2012, lorsque les Républicains étaient aux responsabilités,…

M. Pierre Cordier
On a eu la crise de 2008 !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Certes ; reste que la dette a alors augmenté de vingt-six points, contre douze points au cours des dernières années, après plusieurs crises.

Mme Christine Arrighi
L'échec des autres ne vous exonère pas de vos propres responsabilités !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Pour vous répondre, j'attendrai votre question, madame Arrighi. En la matière, il faut prendre en compte le temps long et, avant de donner des leçons, comparer les différentes périodes. Dans le cadre de la loi de fin de gestion, nous avons constaté que les recettes étaient inférieures de 21 milliards aux prévisions. Face à cette baisse soudaine, nous avons fait ce que vous recommandez, madame Dalloz : nous avons immédiatement ajusté les dépenses. Nous avons publié un décret d'annulation de 10 milliards de crédits ; certains nous l'ont reproché, mais c'était la méthode la plus rapide. Nous avons en outre annoncé qu'il faudrait faire un effort de 10 milliards, en recourant à une baisse de la dépense et à un certain nombre de recettes supplémentaires auxquelles ont travaillé les députés – je pense notamment à la rente. Le coup de frein, je le répète, nous l'avons donné : nous sommes conscients qu'une baisse des recettes doit entraîner une réduction des dépenses.

M. Pierre Cordier
Bravo, monsieur le ministre…

Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier (Dem)
S'agissant de la dépense publique, on parle beaucoup des départements, de l'État ; pour ma part, je me suis intéressé aux agences créées par l'État au fil du temps. Entre 2007 et 2023, le montant des fonds que leur accorde l'État a été porté de 18 à 80 milliards – elles emploient, à l'heure actuelle, quelque 400 000 personnes. Par ailleurs, au cours des cinq dernières années, le montant de leurs fonds propres est passé de 33 à 57 milliards.
Ma question – vous l'aurez compris, monsieur le ministre – est donc la suivante : au moment où l'on cherche à réaliser des économies en améliorant l'efficience de l'action publique, vos services se sont-ils penchés sur le fonctionnement des agences ? Envisagez-vous le rapprochement de certaines d'entre elles, afin de favoriser ce que l'on appelle la synergie renforçatrice ?
Seriez-vous disposé à ce que le Parlement évalue chaque année leur gestion pour la rendre encore plus efficace ? Je ne remets pas en cause la pertinence de leur action, mais alors que la dette publique est sur toutes les lèvres, il convient de nous interroger sur les moyens de mieux dépenser l'argent dont nous disposons. C'est avec insistance qu'après mûre réflexion, nous vous posons la question du financement des agences. J'ai été surpris de découvrir que leurs fonds propres avaient quasiment doublé en cinq ans : encore une fois, l'efficience, l'efficacité, le contrôle doivent être au rendez-vous.

Mme Marie-Christine Dalloz
Très bien !

M. Pierre Cordier
Le MODEM rejoint l'opposition !

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Vous avez raison de souligner la constance de vos interrogations au sujet des agences de l'État : nous avons eu souvent l'occasion d'en débattre en commission des finances. La multiplication de ces opérateurs et l'augmentation de leurs ressources font l'objet d'une attention toute particulière de la part du ministère, notamment en cette période où il convient de faire des économies ; aussi les avons-nous directement mis à contribution lorsque nous avons pris le décret d'annulation de 10 milliards de dépenses publiques. Je citerai les exemples de Business France et d'Atout France, opérateurs dépendants de Bercy sur lesquels nous avons fait porter une partie de l'effort,…

M. Pierre Cordier
Ce n'est pas forcément ce qu'il fallait faire !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
…mais cela est également vrai d'agences opérant dans tous les domaines de la politique publique. Bruno Le Maire et moi préparons un courrier destiné à tous les opérateurs de l'État, par lequel nous leur demanderons d'étudier des possibilités d'économiser tant sur leur fonctionnement que sur leurs effectifs, car ils doivent, tout comme les services de l'État, prendre leur part de l'effort budgétaire.
En ce qui concerne la collaboration avec le Parlement, j'attends beaucoup du travail que mènera la commission des finances dans le cadre du Printemps de l'évaluation. Ce sera l'occasion pour les parlementaires d'émettre des propositions et d'alimenter la réflexion commune qui nous permettra de bâtir ensemble le projet de loi de finances pour 2025.

Mme la présidente
La parole est de nouveau à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier (Dem)
J'évoquerai cette fois les collectivités territoriales. L'élu local que je suis – et je le resterai aussi longtemps qu'on me fera confiance – souhaite rappeler au Gouvernement qu'il ne faut pas s'en prendre à leur financement. Je sais que ce n'est pas votre intention ; nos collègues du groupe Les Républicains vous ont d'ailleurs interrogé à ce sujet. Vous connaissez les chiffres encore mieux que nous, vous savez donc que l'investissement repose en grande partie sur les collectivités, qui s'acquittent bien de cette tâche.
Toutefois, la question des sociétés d'économie mixte (SEM) et des sociétés publiques locales (SPL) se pose. Créées au fil du temps, souvent pour pallier des déficiences de l'action publique, elles présentent une particularité : leur éventuel déficit n'est pas pris en compte dans le calcul de celui des collectivités en cause. Il serait souhaitable de disposer de ce critère d'appréciation pour évaluer d'éventuelles dérives financières. Je suis un grand défenseur des SEM et des SPL, qui constituent pour les collectivités un outil maniable, mais là aussi, l'efficacité et le contrôle doivent être au rendez-vous.
Par ailleurs, comme l'a signalé M. Cordier et comme vous l'avez reconnu, la situation financière des départements laisse à désirer, raison pour laquelle le Gouvernement a annoncé la création d'un fonds de soutien. Le problème des MNA se pose depuis des années et n'a jamais été résolu. Le Gouvernement doit aller jusqu'au bout de sa réflexion, en liaison avec Départements de France, anciennement Assemblée des départements de France (ADF), et avec le Parlement. Dans mon département, l'Eure-et-Loir, proche de l'Île-de-France, le nombre de MNA a considérablement augmenté au cours des dernières années. N'est-ce pas la responsabilité de l'État ? Je pense notamment au financement des tests visant à distinguer les mineurs des majeurs. Pourrions-nous entamer à ce sujet une discussion productive ?

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Les SPL et autres SEM, qui ont rencontré un franc succès, constituent un instrument efficace et souple pour mener à bien les projets des collectivités territoriales. On dénombre plus de 1 400 SPL, qui emploient 60 000 personnes. Il convient néanmoins d'être vigilant ; aussi, même si ces sociétés relèvent du droit privé, leurs comptes font l'objet d'un contrôle de la préfecture et peuvent être examinés précisément par la chambre régionale des comptes (CRC) ou par la Cour des comptes. La loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi 3DS, a considérablement renforcé ce dispositif. Ainsi, les commissaires aux comptes ont désormais le devoir de signaler aux collectivités actionnaires et à la CRC les irrégularités ou inexactitudes constatées.
S'agissant des MNA, les dépenses des départements en la matière ont effectivement augmenté, au point de compromettre les finances de certains d'entre eux. Je rappelle que l'État a considérablement augmenté les crédits qu'il leur alloue pour faire face à cette charge nouvelle : ils s'élèvent en 2024 à 73,5 millions, ce qui représente une hausse de plus de 30% par rapport à 2023 et le double des dépenses exécutées en 2022. Vous le voyez, nous accompagnons les départements ; de plus, nous avons créé un fonds de secours pour ceux qui connaissent les plus grandes difficultés.

Mme la présidente
La parole est à Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier (HOR)
Nous l'avons rappelé ici même lundi dernier, le rétablissement des finances publiques doit être une priorité pour notre pays. Le groupe Horizons et apparentés vous soutiendra dans votre volonté de ramener le déficit public sous les 3% du PIB d'ici à 2027. En effet, nous sommes convaincus qu'il s'agit d'un enjeu de souveraineté : il y va de notre capacité à nous projeter pleinement dans l'avenir pour relever les immenses défis qui nous attendent. La maîtrise des finances publiques ne doit pourtant conduire à sacrifier ni la croissance, ni des politiques publiques prioritaires. Dès lors, nous devons redoubler d'inventivité – vous faites d'ailleurs appel aux parlementaires pour cela – afin de réaliser des économies intelligentes, servant l'État et nos concitoyens.
J'ai une piste à vous suggérer. Le secteur du logement connaît une période extrêmement délicate ; n'y aurait-il pas lieu de rationaliser l'action publique en la matière pour la rendre plus efficiente ? Je pense notamment à la gestion du parc immobilier de l'État. Selon l'Insee, en 2023, 3,1 millions de logements étaient vacants en France hors Mayotte, soit 8,2% du parc. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire combien de logements vacants sont possédés ou gérés soit par l'État, soit par des organismes publics ? Avez-vous d'ores et déjà établi une stratégie visant à remettre rapidement ces logements sur le marché, ce qui détendrait celui-ci tout en soulageant nos finances ? Cet enjeu concerne à la fois les finances publiques et l'aménagement du territoire.

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
La politique immobilière de l'État fait partie de mes priorités. J'entends faire advenir un État plus sobre, c'est-à-dire possédant moins de mètres carrés. Nous comptons ainsi céder 25% des surfaces de bureaux possédées par l'État, notamment grâce à une reconfiguration de la fonction et à l'expérimentation d'une foncière pour mieux la gérer.
Vous m'interrogez sur les locaux susceptibles de servir de logements et que l'État pourrait mettre sur le marché : il s'agit d'un axe de notre politique de cession. Pour répondre à vos questions et avancer dans cette voie, j'ai souhaité que la direction de l'immobilier de l'État (DIE) identifie précisément les mètres carrés qui, au sein du patrimoine de l'État, correspondent à des logements et pourraient servir à l'effort de reconquête des logements disponibles. Ce travail d'investigation et de recensement a été lancé grâce à vous ; dans les semaines à venir, j'en partagerai avec vous les résultats, qui pourraient contribuer à alimenter une nouvelle initiative en la matière.

Mme la présidente
La parole est une nouvelle fois à Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier (HOR)
Ma seconde question porte sur la lutte contre la fraude, qui constitue un enjeu en matière de finances publiques, mais également de justice fiscale et sociale. Nous considérons tous, et probablement vous le premier, qu'il est inadmissible que des citoyens, des entreprises, s'exonèrent au détriment des comptes publics de leurs obligations sociales, fiscales ou douanières envers la collectivité.
La semaine dernière, vous avez annoncé la préparation pour l'automne d'un projet de loi qui contiendra des mesures de lutte contre la fraude. Nous saluons cette annonce et formons le vœu que la collaboration avec les parlementaires, que nous pouvons déjà mettre largement à votre crédit, se poursuive et aboutisse à un texte solide, utile. Dans la continuité du plan de lutte contre la fraude présenté l'an dernier par Gabriel Attal, alors ministre délégué chargé des comptes publics, et déjà largement mis en œuvre, nous ne doutons pas que ce nouveau volet de l'action du Gouvernement en la matière permettra de consolider les dispositifs existants.
Vous ciblez notamment deux insuffisances des dispositifs actuels : les lacunes dans le domaine de la lutte contre la fraude aux aides publiques et les difficultés à recouvrer les sommes ayant échappé à l'imposition. Concernant le premier point, je pense au dispositif MaPrimeRénov', au certificat d'économie d'énergie (C2E) ou encore au compte personnel de formation (CPF). Ces aides massives, indispensables pour mener à bien nos politiques publiques et soutenir nos concitoyens, font l'objet de nombreux abus. Nous mobilisons chaque année plusieurs milliards d'euros d'argent public pour financer ces mécanismes : il est absolument indispensable de s'assurer qu'ils ne donnent pas lieu à des détournements. Monsieur le ministre, comment comptez-vous mettre fin à la fraude aux aides publiques ? Par ailleurs, avez-vous déjà quantifié, sous la forme d'objectifs chiffrés, les sommes que l'État pourrait récupérer grâce aux mesures que nous allons construire ensemble ?

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Vous avez raison de le rappeler, le Gouvernement a déployé, à l'initiative de Gabriel Attal, un plan très ambitieux de lutte contre les fraudes. Beaucoup des mesures qu'il contenait ont d'ailleurs été reprises dans des textes financiers tels que la loi de finances pour 2024 ou la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.
Il reste des domaines dans lesquels nous devons aller plus loin, comme la lutte contre la fraude aux aides publiques. Sur son seul budget, l'État dépense en aides publiques l'équivalent de 100 milliards d'euros. Cela fait quelques semaines que mes services m'ont signalé des risques de fraude touchant des aides considérables, car massivement accompagnées par l'État : s'agissant de MaPrimeRénov', Tracfin évalue à 400 millions le montant correspondant à des déclarations qui, sans que la fraude soit pour l'instant avérée, en suscitent du moins le soupçon. Nous nous penchons également sur le cas des C2E. En effet, il importe de garantir que les aides publiques sont versées à l'euro près (Mme Christine Arrighi s'exclame) et que l'argent n'est pas détourné.
Par ailleurs, une fois la fraude constatée, il faut récupérer l'argent. Ainsi, ayant constaté l'équivalent de 1,2 milliard d'euros de travail dissimulé au sein des entreprises, nous n'avons pu recouvrer que 80 millions. Il convient d'y travailler, notamment en s'intéressant aux sociétés éphémères qui utilisent la procédure de transmission universelle du patrimoine à des fins frauduleuses.
Les textes que nous bâtirons ensemble devront notamment améliorer la transmission d'informations entre les différentes administrations, afin de resserrer suffisamment les mailles du filet. Je défends également la mesure, déjà proposée par mon prédécesseur, consistant à suspendre le versement des aides dès le premier soupçon, car il est ensuite très difficile de récupérer l'argent frauduleusement acquis. Je ne doute pas que nous aurons l'occasion de concevoir ces mesures, puis d'en débattre ici même.

M. Pierre Cordier
Cela fait sept ans que vous êtes au pouvoir !

Mme la présidente
La parole est à Mme Valérie Rabault.

Mme Valérie Rabault (SOC)
Je vous adresserai cinq questions. Premièrement, en période de croissance inférieure à 2%, la France n'a jamais pu réduire son déficit de plus de 0,5%. Quelle méthode comptez-vous employer pour faire exception à cette règle ? Jusqu'à présent, votre gestion du déficit public n'a pas été exceptionnelle : je souhaiterais donc savoir comment vous pensez atteindre votre objectif.
Deuxièmement, alors que les crédits alloués à la recherche étaient déjà inférieurs de 1 milliard d'euros à la trajectoire prévue par la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, vous y avez pratiqué une coupe budgétaire de 900 millions. Comment le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), dont le budget de 3,7 milliards subira en 2024 une baisse de plus de 387 millions, c'est-à-dire de 10%, pourra-t-il piloter les missions de recherche dont dépend l'avenir de la France ?
Troisièmement, nous confirmez-vous que vous signerez un arrêté empêchant la cession du laboratoire pharmaceutique Biogaran aux Indiens ou à tout autre acheteur non européen ? Une telle décision peut en effet avoir un impact sur les finances publiques.
Quatrièmement, sachant que la charge de la dette s'élève à plus de 50 milliards par an, quelle lettre de mission avez-vous adressée au directeur de l'Agence France Trésor (AFT) que vous avez nommé à la fin du mois de septembre 2023 ? Comment est organisé le pilotage de cette charge ? En particulier, Philippe Brun et moi avons dénoncé le fait que les obligations indexées sur l'inflation représentent 10% du stock de dette, mais 30% du coût de la dette.
Enfin, je vous demanderai de répondre seulement par oui ou par non à ma cinquième question : envisagez-vous de mettre à contribution la Banque publique d'investissement, BPIFrance, afin de réaliser des économies ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
J'essaierai de répondre à toutes ces questions, ou presque. Premièrement, il est possible de réduire le déficit public.

Mme Valérie Rabault
Je n'ai pas dit que c'était impossible, mais qu'il n'avait jamais été réduit de plus de 0,5 point lorsque la croissance était inférieure à 2 points.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Vous prétendez que notre performance en la matière n'est pas terrible, mais ce n'est pas vrai. En 2018 et en 2019, nous avons ramené le déficit public au-dessous de 3% : je ne crois pas que c'était le cas pendant le quinquennat précédent, entre 2012 et 2017. Permettez-moi donc de souligner que nous avons réussi à sortir de la procédure pour déficit excessif et à réduire le déficit public. Malheureusement, nous avons ensuite été frappés par de nombreuses crises ; ne regrettons donc pas à présent la protection que nous avons apportée aux Français et dont la nécessité, à l'époque, faisait l'objet d'un consensus.
Comment diminuer le déficit ? D'une part, je le répète, nous avons réagi immédiatement : dès cette année, nous consentons un effort de 20 milliards, dont 10 milliards d'annulations de crédits. Ensuite, nous préparons le projet de loi de finances pour 2025 : une revue des dépenses est en cours.

Mme Valérie Rabault
Et les recettes ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Je discuterai avec les groupes qui le souhaitent de leurs propositions d'économies, et j'espère que le groupe Socialistes présentera des suggestions pour nous aider à réduire le déficit public.
Deuxièmement, les crédits prévus dans la loi de programmation de la recherche sont maintenus ; les recrutements prévus seront effectués.

Mme Valérie Rabault
Non, les crédits ne sont pas maintenus !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Passons au quatrième point : pour évaluer les émissions d'obligations indexées sur l'inflation par l'AFT, il faut examiner, comme toujours, si une telle décision est bénéfique à long terme. Vous n'ignorez pas l'appétence des investisseurs pour une grande diversification des produits ; ces émissions contribuent à accroître la liquidité de notre dette et à préserver des taux très compétitifs.
Quant à votre cinquième question, la réponse est oui : BPIFrance, comme l'ensemble des opérateurs de l'État, est mise à contribution afin de redresser les finances publiques.
En revanche, je ne peux répondre à votre troisième question, au sujet de la cession de Biogaran ; je ne dispose pas de cette information.

Mme la présidente
La parole est à M. Bertrand Petit.

M. Bertrand Petit (SOC)
En 2024, le déficit sera supérieur à 5%, alors que vous prétendiez qu'il ne dépasserait pas 4,4% ; vous seuls en porterez la responsabilité, car vous avez imposé votre budget sans vote de notre assemblée. Vous voulez faire payer ce déficit aux plus précaires. Après avoir pratiqué 10 milliards de coupes, notamment dans les budgets de l'école, de l'écologie et du logement, vous exigez désormais 20 milliards d'euros de sacrifices pour l'année prochaine. Réforme de l'assurance chômage, baisse de l'indemnisation des personnes souffrant d'une affection de longue durée (ALD), suppression de postes dans l'école publique : encore et toujours, vous voulez imposer une cure d'austérité sans précédent aux Français qui ont le plus besoin de la solidarité.
Vous cherchez à faire des économies : regardez plutôt du côté des aides directes et indirectes aux entreprises, qui s'élèvent à plus de 150 milliards d'euros. Leur part au sein du PIB a plus que doublé en vingt ans. Comment justifiez-vous que l'État soutienne des entreprises qui versent en dividendes plus de 50% de leur résultat net ? Ce sont 5 milliards de dépenses injustifiées. L'État doit d'abord aider les PME ; il faut accompagner les entreprises quand elles créent de l'emploi, non quand elles enrichissent leurs actionnaires ! Il y a aussi des économies à faire du côté des niches fiscales brunes, qui représentent, selon vos services, 7,6 milliards. Il faut examiner les recettes : quand reviendrez-vous sur la suppression des impôts de production ? Ce cadeau fait aux grandes entreprises, et non aux PME, prive l'État de 15 milliards. Enfin, quand mettrez-vous à contribution les superprofits et les superdividendes ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)

M. Philippe Brun
Bravo !

M. Bertrand Petit
Ils vous rapporteraient 10 milliards, le même montant que vous avez retiré, en février, aux services publics. Quand donc rendrez-vous à l'État les moyens dont il a besoin pour financer ces services ? Quand redonnerez-vous un sens et un cap à ce qu'on appelle la solidarité nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
D'abord, je ne qualifierais pas notre politique de " cure d'austérité ". En prévoyant 10 ou 20 milliards d'économies sur 1 600 milliards de dépense publique, nous en sommes loin : les pays réduits à de telles cures ont massivement taillé dans la fonction publique, diminué le traitement des fonctionnaires et les pensions de retraite. Personne ici n'envisage un tel scénario. En revanche, nous devons redresser les finances. Mme Rabault soutenait à l'instant qu'il fallait faire davantage pour réduire le déficit public :…

Mme Valérie Rabault
Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Si, puisque vous avez prétendu que nous gérions mal les finances publiques. Nous examinons toutes les dépenses ; nous avons ainsi entrepris une revue des aides versées aux entreprises. Si certaines aides ne sont pas assez efficaces, nous les ajusterons, afin que chaque euro investi devienne utile. Il n'y a pas de tabou.
De même, monsieur Petit, vous me demandez ce que nous attendons pour récupérer les superprofits : nous n'avons pas de tabou non plus dans ce domaine. Ainsi examinons-nous les profits des énergéticiens. Des parlementaires de la majorité, Jean-René Cazeneuve, François Jolivet, le président Mattei, travaillent sur ce sujet. Nous regardons la réalité en face ; quand il existe des profits exceptionnels, nous envisageons de les récupérer. Bruno Le Maire et moi sommes également prêts à taxer les rachats d'actions par des entreprises qui les annulent ensuite.
En revanche, nous ne voulons pas casser la croissance. Il ne s'agit pas de faire des cadeaux aux entreprises, mais, par un environnement attractif, de créer davantage d'emplois ; en d'autres termes, c'est en vue du plein emploi, non pour elles-mêmes, que nous aidons les entreprises. Or notre stratégie est payante : la France enregistre une croissance de 1% et, pour la cinquième année consécutive, elle est le pays le plus attractif d'Europe. Pourquoi voulez-vous que nous changions une façon de faire qui profite au plus grand nombre, notamment à ceux qui n'avaient pas d'emploi il y a encore quelques années et en retrouvent désormais un ?

Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Marc Tellier.

M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES)
Le 21 mars, le Gouvernement a pris un décret visant à annuler 10 milliards d'euros de crédits budgétaires. Présentées comme indolores, ces coupes auront au contraire des effets palpables sur les politiques publiques. La preuve en est que les ministres n'ont pas encore rendu leur copie concernant les déclinaisons effectives de ces annulations.
Parmi les principales, citons celle de 2,14 milliards de crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables. Ils concernent principalement le dispositif MaPrimeRénov' : la suppression de ces dépenses d'intervention qui financent des travaux de rénovation aura un effet économique mécanique sur le secteur du bâtiment. De manière similaire, la mission Enseignement scolaire voit ses crédits pour les dépenses de personnel réduits de 478 millions. Là aussi, la contribution des fonctionnaires au PIB étant appréciée en fonction de leur coût, c'est-à-dire de leur rémunération, la baisse pèsera mécaniquement sur la croissance.
Au-delà de ces deux exemples, je souhaite vous interroger sur les effets économiques de ces coupes. Les avez-vous mesurés ? À combien de points les estimez-vous ? Enfin, vous n'avez jamais répondu à Nicolas Sansu : envisagez-vous, oui ou non, de désindexer les pensions de retraite ?

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Pour revenir en détail sur les conséquences du décret d'annulation, prenons des exemples concrets. Vous prétendez qu'en annulant 10 milliards de crédits, nous avons sacrifié des politiques entières, notamment la mission Écologie, développement et mobilité durables et en particulier MaPrimeRénov' ; or, depuis, le budget consacré à ce dispositif a augmenté de 800 millions, notamment du fait d'un accroissement des ressources de l'Agence nationale de l'habitat (Anah). Cette politique continue donc de progresser, certes un peu moins vite, mais ce choix s'explique par le fait que l'an dernier, nous n'avions pas dépensé l'intégralité des fonds prévus pour MaPrimeRénov'.
De même, après le décret d'annulation, le budget 2024 reste le plus vert de notre histoire. (Mme Eva Sas s'exclame.) Il comprend 8 milliards supplémentaires de dépenses vertes : ce n'est peut-être pas assez, mais jamais un budget français n'avait autant favorisé la transition écologique, de la défense de la biodiversité à la rénovation énergétique ou aux transports propres.
En ce qui concerne les dépenses de personnel, l'annulation repose sur le constat d'une sous-exécution du budget consacré à la masse salariale durant les années précédentes ; autrement dit, le décret traduit simplement le fait que, dans une partie des ministères, les crédits alloués aux dépenses de personnel n'étaient pas intégralement utilisés.
Je le redis, notre projet est, à travers le budget pour 2024, de réarmer les services publics. Nous dépensons plus pour la sécurité, l'éducation ou la justice. Nous continuons à recruter. Par ailleurs, nous faisons des choix afin de tenir le budget. Voilà quelle est notre stratégie.

Mme la présidente
La parole est de nouveau à M. Jean-Marc Tellier.

M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES)
Dans la logique des coups de rabot que vous donnez depuis quelques semaines, deux décrets concernant la formation professionnelle ont été signés mercredi dernier. Le premier de ces décrets acte la suppression de l'aide exceptionnelle accordée pour l'emploi de salariés en contrat de professionnalisation. De l'avis de nombreuses personnes que j'ai auditionnées en tant que corapporteur de la mission d'information sur les dépenses fiscales et budgétaires en matière de formation professionnelle, l'aide exceptionnelle pour l'embauche d'une personne en alternance, qui conduit bien souvent à annuler purement et simplement le coût de cette embauche, constitue un gouffre financier conduisant à des effets d'aubaine massifs. Si la remise en cause de l'aide exceptionnelle s'avère nécessaire, je regrette qu'elle ne s'applique pas à l'ensemble des contrats d'alternance, notamment aux contrats d'apprentissage, qui représentent l'écrasante majorité des 4,4 milliards d'euros d'aides distribuées. Pire, en décidant sa suppression pour les seuls contrats de professionnalisation, vous ciblez un dispositif utilisé majoritairement par les personnes les plus éloignées de l'emploi, alors que l'apprentissage profite relativement plus aux étudiants de niveau licence ou master.
L'aide exceptionnelle à l'apprentissage étant inutile et coûteuse, ma question sera simple : comptez-vous la supprimer également ? (Mme Eva Sas applaudit.)

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
S'il y a une politique que nous défendons avec acharnement depuis 2017, c'est bien celle de l'apprentissage. Le bilan est significatif : nous avons réussi à installer l'apprentissage et l'alternance au cœur des formations, à changer les mentalités, à convaincre les entreprises et les étudiants d'en faire une voie d'excellence – vous ne pouvez le contester. Nous y consacrons des sommes considérables : 4 milliards d'euros pour les primes d'apprentissage, 10 milliards pour les contrats. Cette politique publique est donc largement financée par les aides.
Il est vrai que quelques économies ont été annoncées. Arrêtons-nous un instant sur le contrat de professionnalisation : ce dispositif fait partie des mesures que nous avons instaurées au beau milieu de la crise pour soutenir l'activité économique, l'apprentissage et ses filières. Or, avec Bruno Le Maire et Catherine Vautrin, nous nous efforçons de sortir progressivement de ces dispositifs exceptionnels, dont la pérennisation serait intenable. Un dispositif de crise vise par définition à faire face à la crise ; une fois que celle-ci est derrière nous, on revient à un cadre normal. Par ailleurs, les dizaines de millions d'euros que vous évoquez ne sont pas comparables aux milliards que, je le répète, nous consacrons à cette politique dont les résultats font notre fierté.

Mme la présidente
La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson (LIOT)
La trajectoire présentée par le Gouvernement dans le programme de stabilité 2024-2027 prévoit que le solde public passera de -5,5% du PIB fin 2023 à -2,9% en 2027, soit une augmentation de 2,6 points, autrement dit de 70 milliards d'euros. Toujours d'après vos prévisions, le solde des collectivités territoriales passerait pour sa part d'un déficit de 0,4 point en 2023 à un excédent de 0,4 point en 2027. Cela représente une amélioration de 0,8 point de PIB, soit de 22 milliards, près du tiers de l'amélioration prévisionnelle des déficits publics.
Cette prévision est-elle réaliste ? Elle suppose que les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales baissent de 0,5% par an en volume et que les éventuels excédents soient utilisés pour désendetter ces collectivités, non pour faire de nouvelles dépenses. Mes questions sont donc les suivantes : comment espérez-vous tenir cet objectif concernant les administrations publiques locales (Apul), alors que vous n'avez pas réussi – et c'est heureux – à inscrire dans la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques les pactes de confiance, nouveau nom des contrats de Cahors ?
Par quelle réforme espérez-vous obtenir de tels résultats ? Pouvez-vous nous indiquer où vous en êtes dans l'examen des pistes évoquées lors de la dernière réunion du Haut Conseil des finances publiques locales (HCFPL) ?

M. Pierre Cordier
La méthode ! (Sourires.)

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Nous ne nous en sommes jamais cachés et vous avez raison de le rappeler : notre trajectoire suppose la participation des collectivités territoriales à l'effort prévu. Je parle bien de participation, car nous n'avons jamais montré du doigt les élus locaux en prétendant qu'ils étaient de mauvais gestionnaires et contribuaient directement au déficit. Le déficit public dépasse le déficit de l'État. Il faut prendre en compte l'ensemble des dépenses et des recettes des administrations publiques. Ces élus et nous avons les finances publiques en partage. En substance, nous leur avons toujours dit : " Les contrats de Cahors ne seront pas renouvelés. En revanche, nous demandons que vos dépenses de fonctionnement évoluent moins vite que l'inflation. Peut-on se mettre d'accord sur ce point ? "

M. Pierre Cordier
Quand on augmente le RSA, comment est-ce possible ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Dans le cadre du HCFPL, Bruno Le Maire, Christophe Béchu, Dominique Faure et moi-même avons échangé avec les associations d'élus. Il n'y aura, je le répète, pas d'autres contrats de Cahors, mais nous devons instaurer ces pactes de confiance pour nous aider mutuellement à tenir les objectifs de déficit public, pour les aider à ralentir l'évolution des dépenses de fonctionnement. Tel est le cadre dans lequel nous nous inscrivons.
Nous avons en partage les finances publiques, je le redis, mais aussi des surcoûts : compétences qui font double emploi, procédures trop longues, excès de normes. Deux rapports importants seront publiés dans les prochaines semaines. D'abord celui de la mission sur la décentralisation confiée au questeur Éric Woerth par le Président de la République : j'attends que ses propositions participent à l'objectif de clarification, de simplification et d'allègement des coûts. Ensuite celui de la mission confiée au maire de Charleville-Mézières, Boris Ravignon, qui doit estimer le surcoût lié à la complexité des normes. Quand le diagnostic sera posé, nous pourrons travailler avec les élus à déterminer quelles mesures – législatives ou réglementaires – les aideront à faire des économies, afin d'atteindre les objectifs des contrats et ceux que nous nous sommes fixés en commun.

M. Pierre Cordier
Deux rapports d'énarques, ça m'inquiète ! (Sourires.)

Mme la présidente
La parole est à M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani (LIOT)
Du fait de son insularité, la Corse se trouve dans une situation périphérique à l'origine de nombreux inconvénients et en particulier de surcoûts pour les ménages, les entreprises, par rapport à leurs homologues continentaux. La dotation de continuité territoriale (DCT), qui tend à limiter ce handicap, constitue donc une mesure élémentaire de justice économique et sociale. Or, gelée depuis 2009, elle est désormais en décalage total avec l'évolution des charges depuis quinze ans. Cela fait sept ans que nous demandons sa revalorisation. À chaque projet de loi de finances, nous devons défendre le même objectif, qui est pourtant une requête naturelle. L'an dernier, face à l'explosion des coûts, nous avons plaidé pour une rallonge de 50 millions d'euros : nous en avons obtenu 40. L'année précédente, c'était 33 millions. Cette politique au coup par coup est regrettable.
Je vous demande donc de bien vouloir prendre en considération les besoins objectifs exprimés par le vote unanime de l'Assemblée de Corse. Nous attendons de l'État qu'il pérennise le complément de 40 millions, la dotation étant, je le répète, bloquée à 227 millions depuis quinze ans. Je vous demanderai également de systématiser l'adéquation de cette enveloppe à l'évolution des prix, ce qui nous épargnerait ces pénibles transactions annuelles.

Mme Marie-Christine Dalloz
Oui, c'est vrai !

M. Michel Castellani
Ces mesures nous permettraient d'attendre le statut fiscal que nous souhaitons, qui rassemblera enfin les relations fiscales, budgétaires et financières de la Corse avec l'État central.

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Je vous remercie, monsieur Castellani, pour la continuité – qui n'est pas territoriale – des demandes que vous adressez au Gouvernement. Vous dites que la dotation est gelée depuis quinze ans, que rien n'a bougé depuis 2009 : ce n'est pas tout à fait vrai. Je me souviens d'avoir échangé avec vous, au sujet de la continuité territoriale, lors de l'examen du PLFG : celui-ci nous a permis de corriger le tir. Afin de faire face à l'augmentation des coûts, nous avons prévu une augmentation de 40 millions d'euros pour les secteurs aérien et maritime. Cela rejoint les demandes des élus dont vous faites partie, mais aussi des élus locaux, de tenir compte de votre situation.
Il convient désormais de s'y prendre tôt, comme je vous l'ai proposé, pour préparer le projet de loi de finances pour 2025. Je sais que vous aurez à cœur de débattre du sujet en amont du dépôt du texte, et ma porte vous est ouverte en vue de poursuivre les discussions.

Mme la présidente
La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES)
Par votre entêtement idéologique, depuis 2017, à baisser constamment les impôts, vous avez miné les finances publiques. Le désarmement fiscal de la France coûte, au bas mot, 52 milliards par an. Notre budget dépend de recettes de plus en plus volatiles – notamment de l'impôt sur les sociétés, qui représente désormais 18 % des recettes fiscales –, et ce, en raison du transfert massif du produit de la TVA, dont l'État n'est plus attributaire que de 46% : la majeure partie sert à compenser les exonérations de cotisations sociales, dont le montant exorbitant atteint 2,5 points de PIB, les baisses d'impôts locaux et la suppression de la contribution à l'audiovisuel public.
Selon vous, grâce à l'augmentation des profits des entreprises et des revenus du capital, ces baisses d'impôts seraient indolores pour les finances publiques. Cette illusion n'aura duré qu'un temps ; le roi est nu. L'État n'a plus de marge de manœuvre fiscale. En 2023, le déficit public s'élevait à 5,5% du PIB, au lieu de 4,9% annoncés.
Pourtant, nous n'avons cessé de faire des propositions en faveur d'un juste rétablissement de l'impôt : impôt de solidarité sur la fortune (ISF) climatique, contribution exceptionnelle sur le patrimoine financier des plus aisés, extinction des niches fiscales brunes, écocontribution sur les billets d'avion, taxation des superprofits des groupes pétrogaziers. Vous les avez toutes rejetées. Les Français, chaque jour confrontés à la dégradation de leurs services publics, règlent l'addition.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Oh là là…

Mme Eva Sas
Les fermetures de classe se multiplient à Paris, les transports collectifs sont bondés, l'hôpital est sous-financé. Parmi les premiers budgets sacrifiés se trouve l'écologie : que la planète brûle, si cela peut sauver les bénéfices des grands groupes pétroliers ou des compagnies maritimes !
Quand écouterez-vous les propositions des Écologistes en faveur du redressement des finances publiques ? Quand accepterez-vous de vous attaquer aux ultrariches et aux superprofits des groupes pétrogaziers ? Vous dites que ce n'est pas un tabou pour vous, mais le Royaume-Uni, l'Espagne, l'Italie, la plupart des pays européens l'ont déjà fait, et non la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Nous n'avons pas baissé les impôts au point de descendre du podium en la matière. Avec un taux de 43 % de prélèvements obligatoires, il n'y a dans l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) que la Norvège et le Brésil qui nous dépassent. On ne peut donc soutenir qu'il n'y a plus d'impôts dans notre pays, que le roi est nu, pour reprendre votre expression.
En outre, nous avons subi un choc conjoncturel : 21 milliards d'euros de baisses de recettes. On n'y répond pas par un choc fiscal ; ce serait risquer d'aggraver la situation.

Mme Christine Arrighi
Donc, tout va bien !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Quand nous avons dû revoir notre prévision de croissance, les Allemands ont ramené la leur de 1,3% à 0,2% du PIB ; l'Italie a également réduit ses prévisions, tout comme la Commission pour l'ensemble des pays de l'Union européenne. Vous pouvez donc reconnaître que c'est le ralentissement économique, notamment international et européen, qui a pesé sur nos recettes.

Mme Eva Sas
Non, pas du tout !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Nous avons besoin de préserver la croissance et la création d'emploi. Or, je le répète, le contre-choc fiscal que vous préconisez risquerait de ralentir la croissance, aggravant nos problèmes de recettes, de cotisations sociales et de chômage. Ni vous ni moi ne le souhaitons.
Par ailleurs, vous dites que l'écologie serait sacrifiée. Vous n'aimez pas que je vous réponde ainsi, mais le budget 2024 comporte 40 milliards de dépenses vertes, soit 8 milliards de plus que l'année dernière. Vous pensez que ce n'est pas assez :…

Mme Christine Arrighi
C'est le moins qu'on puisse dire !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
…il s'agit d'un effort considérable, compte tenu de la situation des finances publiques.

Mme Eva Sas
Ce n'est pas en répétant un mensonge qu'il devient une vérité !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Encore une fois, nous n'avons pas de tabou. Concernant la rente des énergéticiens ou les rachats d'actions, nous sommes prêts à travailler avec les députés. Nous souhaitons aussi réfléchir à la taxation des très riches, qui échappent à l'impôt en raison de leur mobilité. Toutefois, nous voulons traiter ce sujet à l'échelle internationale. Si nous le faisons à l'échelle nationale, le jour où nous commencerons, les intéressés passeront la frontière. Il faut donc agir comme nous l'avons fait pour les multinationales en mettant en place un impôt minimal sur les sociétés.

Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Arrighi.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES)
Il ressort des comptes certifiés par la Cour des comptes qu'en 2023, le passif de l'État s'élevait à 3 170 milliards d'euros et son actif à 1 294 milliards. La situation nette est donc très négative : un trou de 1 875 milliards. Malgré cela, à vous entendre, tout va bien.
Cette année, huit semaines après l'adoption du projet de loi de finances par un 49.3 qui avait empêché le bon déroulement du travail parlementaire, vous avez pris un décret d'annulation de crédits portant sur 10 milliards d'euros en autorisations d'engagement, autant en crédits de paiement. Au motif d'une diminution des ressources publiques, ce décret s'applique à plusieurs programmes de la loi de finances. Malgré cela, à vous entendre, tout va bien.
Certains d'entre nous ont demandé aux ministères de leur indiquer les enveloppes les plus affectées par ces annulations : aucun n'a reçu de réponse. Pourtant, à plusieurs reprises, nous avons appelé votre attention sur le budget présenté, en raison de la surestimation de la prévision de croissance. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a jugé celle-ci élevée par rapport à l'hypothèse retenue par le consensus des prévisionnistes, et surtout par rapport au risque de dégradation du déficit public, après le rejet par 49.3 de nos nombreuses propositions visant à augmenter les recettes. Eva Sas les a mentionnées : taxation des superprofits et des superdividendes, contribution des plus hauts patrimoines, suppression des niches fiscales brunes. Tout va bien, vous avez tout refusé.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Ce n'est pas vrai !

Mme Christine Arrighi
Cela explique peut-être votre choix injustifiable de ne pas présenter de projet de loi de finances rectificative (PLFR).

M. Pierre Cordier
Ce n'est pas obligatoire !

Mme Christine Arrighi
Ma question est simple : pendant la discussion du projet de loi de finances pour 2024, puis au moment de la prise du décret d'annulation des crédits, plusieurs notes de Bercy signalaient-elles la dégradation des finances publiques, sans que cette information ait été communiquée au Parlement ? Plus spécifiquement, existait-il une note concernant le très faible rendement de la rente inframarginale : 600 millions d'euros, pour une prévision initiale de 13 milliards ? Si ce n'était pas le cas, c'est inquiétant. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES.)

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Il n'est pas exact que nous ayons appliqué le 49.3 sans garder aucun de vos amendements. S'agissant des amendes dans le transport aérien, nous avons ainsi intégré au texte l'amendement Arrighi.

Mme Christine Arrighi
Il a été rejeté ! C'était malin, mais c'est raté !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Vous pouvez dire que ce n'est pas suffisant, mais ne prétendez pas que nous sommes restés sourds aux demandes des députés, y compris de ceux de l'opposition : dans la rédaction du projet de loi issue du recours au 49.3, nombre d'entre eux ont retrouvé des dispositions qu'ils proposaient. C'est bien normal, même si, encore une fois, je comprends que l'on objecte qu'il n'y en avait pas assez. Quant au décret d'annulation, nous avons bien fait de le prendre en février : quand on constate une baisse des recettes, il faut réagir tout de suite. C'est notre responsabilité.

Mme Christine Arrighi
Bien sûr ! Depuis quand étiez-vous alertés ?

Mme Eva Sas
Vos fiches ne sont pas à jour !

Mme la présidente
Madame Arrighi, s'il vous plaît ! La parole est au ministre.

Mme Christine Arrighi
Alors dites-lui de nous répondre !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Concernant le 49.3, je vous ai répondu en vous disant que vous aviez la mémoire courte au sujet du contenu des articles. Selon vous, j'étais informé du problème au moment du PLFG. C'est très grave. Vous savez bien que ce texte a été adopté fin novembre.
Les services de Bercy n'ont commencé à nous alerter que début décembre, à travers une note datée du 7, que j'ai rendue publique et diffusée à tous les députés qui l'ont souhaité, en leur annonçant qu'il y avait de mauvaises nouvelles s'agissant des recettes et que nous ne tiendrions peut-être pas notre objectif de limitation du déficit public. Mais il était encore beaucoup trop tôt pour communiquer, puisque les estimations, qui n'étaient fondées que sur les données de l'année 2023, dont le PLFG venait d'être adopté, restaient très fragiles – les données pour 2024, dont nous étions encore en train de débattre alors, n'avaient pas été prises en compte. Il a fallu attendre le mois de février pour que Bercy confirme que les recettes seraient moins importantes que prévu.

Mme Christine Arrighi
Ça a bien baissé, à Bercy !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Toutes ces informations étaient à la disposition de la représentation nationale : nous n'avons rien caché, comme celles et ceux qui sont venus sur place, à Bercy, ont pu le constater.

Mme la présidente
La parole est à M. Fabrice Le Vigoureux.

M. Fabrice Le Vigoureux (RE)
Les déséquilibres successifs de nos comptes publics depuis un demi-siècle alimentent une dette grandissante, dont les seuls intérêts dépasseront bientôt tous nos efforts communs pour l'éducation de nos enfants.
Nous avons affronté la plus grave crise que notre économie ait connue depuis 1929 ; elle a été suivie d'un choc inflationniste sans précédent depuis plus de quarante ans. Si la batterie de mesures déployées pour répondre à ces crises a lourdement grevé les comptes publics, et pour longtemps, elle a permis à des millions de personnes de conserver leur emploi, à des centaines de milliers de petites entreprises de résister, et à notre économie de tenir debout. Comme l'a très bien montré l'Institut des politiques publiques, sans cette politique du " quoi qu'il en coûte ", la dette aurait dépassé 140 points de PIB et se serait stabilisée 8 à 10 points au-dessus de son niveau actuel.

M. Pierre Cordier
C'est intéressant…

M. Fabrice Le Vigoureux
Il n'en reste pas moins qu'il est aujourd'hui de notre responsabilité, pour assurer l'avenir de nos enfants et dégager des marges pour de futurs investissements, de retrouver la bonne trajectoire que nous suivions avant la pandémie et qui nous avait permis de sortir de la procédure pour déficit excessif. Pour atteindre cet objectif, notre principal levier est de faire progresser encore et toujours le taux d'emploi dans notre pays. S'il a enfin progressé de quatre points depuis 2017, ce dont nous devons nous féliciter, il reste trois points en dessous de la moyenne des pays de l'Union européenne, et neuf à dix points derrière l'Allemagne. Cette différence, ce sont autant de cotisations sociales non acquittées et de richesses non produites, et cinq points de déficit en plus : avec le taux d'emploi de l'Allemagne, nous serions, à n'en pas douter, en excédent budgétaire.

M. Pierre Cordier
Carrément ! (Sourires.)

M. Fabrice Le Vigoureux
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser quelles sont les mesures du programme de stabilité pour les années 2023 à 2027 qui soutiennent une politique active de l'emploi ? Ces mesures répondront-elles au manque de main-d'œuvre qui touche tant de secteurs – nous le constatons tous – et à ses conséquences sur nos finances publiques ?

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Les uns et les autres finissant parfois par l'oublier, je vous remercie de rappeler que protéger nos entreprises pendant la crise nous a, au bout du compte, coûté beaucoup moins cher que si nous ne l'avions pas fait. Aujourd'hui, notre déficit public est certes élevé, mais il l'aurait probablement été beaucoup plus encore si nous avions laissé les entreprises fermer les unes après les autres, ce qui aurait entraîné une hausse du taux de chômage. Notre stratégie était donc la bonne, tant pour la cohésion sociale que pour nos finances publiques.
Notre ambition est désormais, à travers le programme de stabilité, de reprendre le chemin que nous suivions depuis le début du premier quinquennat, et qui nous avait permis de sortir de la procédure pour déficit excessif et de ramener le déficit sous la barre des 3% de PIB. La crise nous a interrompus, mais c'était une parenthèse, que nous devons refermer.

M. Jocelyn Dessigny
Vous avez raison, il faut refermer la parenthèse Macron !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Et ce sont bien le travail et l'activité qui nous permettront d'atteindre l'objectif de limitation du déficit public à 2,9% en 2027. Lors du premier quinquennat, nous avons ainsi mené la réforme de la formation professionnelle, du travail, de l'apprentissage, de l'assurance chômage et, pour aller plus loin encore, la réforme des retraites. Puis nous avons conduit la réforme de France travail et du RSA, et nous poursuivons les discussions s'agissant de la réforme de l'assurance chômage – le tout dans l'optique d'atteindre le plein emploi, meilleur allié pour redresser nos finances publiques. Pour cette raison, notre priorité va aux réformes structurelles, notamment celles qui permettront d'augmenter le taux d'emploi, en particulier celui des seniors et des jeunes.

Mme la présidente
La parole est à Mme Stéphanie Rist.

Mme Stéphanie Rist (RE)
Le niveau de notre déficit public s'inscrit dans un contexte de sortie de crise du covid-19 et d'inflation, sur fond de situation géopolitique tendue entraînant un ralentissement de la croissance mondiale. Dans ce contexte particulier, le Gouvernement et la majorité se sont mobilisés pour maintenir le pouvoir d'achat et la croissance française. Évaluée à 0,2% au premier trimestre 2024 – un taux supérieur aux prévisions –, celle-ci résiste d'ailleurs mieux que celle de nos voisins.
Face à la dégradation de nos recettes, vous avez pris, en responsabilité, un premier décret d'annulation de 10 milliards d'euros de crédits dès février 2024, et 10 milliards d'euros d'économie supplémentaires seront trouvés cette année.
En tant que rapporteure générale du budget de la sécurité sociale, je suis consciente que ces mesures d'économie pourraient affecter la sphère sociale. En effet, selon les projections du Haut Conseil du financement de la protection sociale, le déficit de nos comptes sociaux, porté par les dépenses d'assurance maladie et d'assurance vieillesse, devrait à nouveau augmenter, mettant sous pression l'Urssaf Caisse nationale et la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), chargée d'amortir la dette sociale à l'horizon 2033. Le retour à l'équilibre de nos comptes sociaux est donc plus que jamais une nécessité.
Cela a été dit, une bonne partie de la solution réside dans l'objectif de plein emploi que nous visons, ainsi que dans notre capacité à poursuivre les réformes structurelles. Ma question est donc simple : quel regard portez-vous sur la situation de nos comptes sociaux, et quelles réformes structurelles avez-vous identifiées ?

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Comme vous, madame la rapporteure générale, je constate que le déficit de la sécurité sociale a diminué en 2023 par rapport aux années précédentes – en particulier les années de crise –, s'établissant désormais à 10,8 milliards d'euros, contre 19,7 milliards en 2022 et près de 40 milliards en 2020. Nous suivons donc une bonne trajectoire. Néanmoins, je constate aussi que ce déficit s'est aggravé de 2 milliards d'euros par rapport aux prévisions de la loi de financement de la sécurité sociale, en raison, je l'ai expliqué à l'instant, des moins-values sur les recettes liées au ralentissement économique – celui-ci ayant entraîné une diminution de la masse salariale, donc des cotisations.
Néanmoins, au regard des perspectives dans les différents champs de la sécurité sociale, le maintien d'un déficit permanent jusqu'en 2027 n'est pas une bonne option. Pour redresser la situation, nous devons continuer à prendre des mesures d'économies, qui seront partagées entre les assurés, les industriels et les professionnels. (Mme Clémence Guetté s'exclame.) La lutte contre la fraude, à laquelle je vous sais également très attachée, permettra également de réaliser des économies.
Par ailleurs, il faudra absolument respecter l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) pour 2024, car c'est la clé pour réaliser les 3,5 milliards d'euros d'économies prévus. À cette fin, je travaille avec les différentes administrations concernées à un pilotage de l'Ondam le plus précis possible. Pour l'année 2025 et les suivantes, nous devrons trouver des pistes d'économies supplémentaires : nous aurons l'occasion d'en discuter, et je sais que nous pourrons nous appuyer sur le travail des députés pour alimenter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

Mme Christine Arrighi
Mais vous n'adoptez pas nos propositions !

Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Lottiaux.

M. Philippe Lottiaux (RN)
Alors que vous nous parlez enfin d'économies, le Président de la République a récemment déclaré : « Nous n'avons pas un problème de dépenses excessives, mais un problème de moindres recettes » : j'avoue qu'on ne sait plus trop qui croire.
Pour notre part, nous considérons que nous avons à la fois un problème de dépenses et un problème de recettes. S'agissant de ces dernières, par exemple, la crise du logement – et donc de la construction – que vous regardez s'installer depuis des mois, et à laquelle le projet de loi récemment déposé ne répondra pas, engendre des milliards d'euros de pertes de recettes issues de la TVA et des droits de mutation. Quand allez-vous enfin prendre des mesures pour relancer réellement la construction, comme nous vous l'avons proposé ?
S'agissant des dépenses, vous prévoyez de raboter de-ci de-là, alors que des changements majeurs s'imposent. En matière de politique migratoire, par exemple, combien de temps encore allons-nous dépenser des milliards pour des personnes présentes de manière irrégulière sur notre sol ? Quand allons-nous débattre des 1,2 milliard que coûte l'aide médicale d'État (AME), comme cela nous a été annoncé il y a quelques mois ? Quand rendrons-nous enfin obligatoires les tests visant à vérifier que les prétendus mineurs, qui coûtent 3 milliards par an aux départements, le sont vraiment ?
En matière de comptes sociaux, plutôt que d'augmenter les forfaits à la charge des Français, quand allons-nous enfin mieux contrôler les 6,5 milliards de pensions de retraite versées à l'étranger, comme la Cour des comptes le suggère depuis 2017 ? Quand allez-vous enquêter sur les millions d'assurés sociaux surnuméraires par rapport à notre population ? Sur le plan organisationnel, enfin...

M. Pierre Cordier
Pour être organisés, ils sont organisés !

M. Philippe Lottiaux
…quand allez-vous supprimer ou internaliser les quelques dizaines d'agences dont les missions font doublon avec celles de l'État, ce qui les complexifie et les opacifie ? Quand arrêterons-nous de transposer, voire surtransposer, des normes bruxelloises qui coûtent des milliards aux Français, aux collectivités et aux entreprises ?
Ces quelques exemples – et mon collègue Franck Allisio en donnera d'autres – prouvent qu'il est possible de redresser les finances publiques. " Là où il y a une volonté, il existe un chemin ", disait Guillaume d'Orange. C'est pourquoi nous nous interrogeons et nous vous interrogeons, monsieur le ministre, sur l'existence de cette volonté politique, qui nécessiterait de rompre avec l'actuelle idéologie immigrationniste et européiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Le Président de la République a dit que nous avions un problème de recettes, et nous ne disons pas autre chose. À la fin de l'année 2023, nos recettes étaient en baisse de 20 milliards d'euros en raison du ralentissement économique international, et notamment européen – car c'est bien ce dont il est question. Il n'y a donc pas eu une explosion de 20 milliards d'euros des dépenses, mais bien une diminution des recettes de 20 milliards, résultat d'un choc conjoncturel.

M. Jean-François Coulomme
Vous n'allez pas chercher l'argent là où il est !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
En revanche, je vous invite à faire preuve de davantage de mesure concernant l'impact de la crise du secteur de la construction sur nos recettes, car contrairement à ce que prétendent certains, la crise du logement n'explique pas le trou dans nos recettes. Mes services ont estimé à 600 millions d'euros le manque de recettes issues de la TVA par rapport à ce qui avait été prévu dans le projet de loi de finances pour 2023, soit un écart d'environ 10 %. Comme vous le constatez, ce n'est pas du tout le même ordre de grandeur.
S'agissant de l'AME, MM. Claude Evin et Patrick Stefanini ont, comme vous le savez, remis un rapport dans lequel ils ont rappelé son utilité, notamment pour des raisons sanitaires.
Ils ont également souligné la nécessité de garantir une lutte efficace contre la fraude. Le Premier ministre a demandé à l'assurance maladie de travailler sur ce sujet, et j'ai une bonne nouvelle, monsieur le député : alors qu'on comptait près de 2 millions de cartes Vitale surnuméraires en 2018, il n'y en a plus qu'une dizaine.
Les besoins financiers sont considérables, et les pistes que vous proposez, comme l'exemption des moins de 30 ans d'impôt sur le revenu, l'abaissement de la TVA et la nationalisation des autoroutes, ne permettront jamais de redresser les finances publiques.

M. Jocelyn Dessigny
Vivement le 9 juin !

Mme la présidente
La parole est à M. Jocelyn Dessigny.

M. Jocelyn Dessigny (RN)
Il y a un mois, la représentation nationale a pris connaissance des chiffres catastrophiques – et j'insiste sur ce terme – du déficit public pour 2023. Quand on voit la manière dont les comptes publics sont gérés par votre gouvernement, cette situation n'est malheureusement pas surprenante. Les prévisions de croissance de M. Le Maire sont à l'image de l'ensemble de sa stratégie économique depuis plus de sept ans : un véritable scandale d'incompétence et de mensonges. En sept ans, la dette publique a triplé pour atteindre un sommet : 3 000 milliards d'euros, une première dans l'histoire ! En 2027, le remboursement des intérêts de la dette publique sera le premier budget de l'État, devant la défense, l'éducation nationale ou encore la sécurité. Les Français vous demandent ce que vous avez fait de leur argent. Vous êtes ici pour répondre à cette question, monsieur le ministre : qu'avez-vous fait de l'argent des Français ? Où sont passés les milliards d'euros que les Français vous ont versés en contribuant à l'impôt ?
D'ailleurs, bien loin de chercher à réduire ce déficit ou d'œuvrer à renverser la vapeur, vous avez augmenté la dépense publique, passée de 330 milliards d'euros en 2019 à 455 milliards d'euros en 2023. Les 10 milliards d'euros d'économies que vous nous annoncez depuis des semaines ne sont en réalité que de futures annulations de crédits dans des budgets volontairement trop ambitieux, à l'image du fonds Vert devant financer la rénovation thermique des bâtiments.
Monsieur le ministre, la date du 9 juin vous ferait-elle peur ? En cette période électorale, on est en droit de se demander s'il n'y a pas un plan caché de coupes budgétaires et d'austérité à venir, qui serait dévoilé cet été. Un certain nombre des députés Renaissance se posent d'ailleurs eux aussi la question. Ou peut-être préférez-vous simplement attendre que Jordan Bardella demande la dissolution de l'Assemblée nationale, avant d'être nommé Premier ministre et de disposer d'une majorité, dans un hémicycle bleu marine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

M. Jean-François Coulomme
La dystopie infernale !

Mme Clémence Guetté
Un cauchemar !

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Je ne suis pas sûr qu'il y ait une véritable question…

M. Jocelyn Dessigny
Mais si ! Où est l'argent ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
…mais je vais quand même essayer d'y répondre. Vous évoquez la stratégie économique conduite par Bruno Le Maire depuis maintenant sept ans. Je rappelle quelques chiffres, qui ne vous feront pas plaisir : nous avons ramené le taux de chômage à 7,5%, nous avons créé plus de 2 millions d'emplois…

M. Jocelyn Dessigny
Ce n'est pas vous qui créez les emplois !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
…nous avons rouvert des centaines d'usines, nous sommes encore le pays le plus attractif d'Europe. Voilà le résultat de notre stratégie économique !

M. Jocelyn Dessigny
Des mensonges !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Ce ne sont pas nos chiffres, monsieur le député.

M. Jocelyn Dessigny
Si, si !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Je vous invite à consulter l'ensemble des publications qui attestent mes propos. Je comprends que cela ne vous fasse pas plaisir, car vous préférez prospérer sur le malheur des uns et des autres. (Protestations sur les bancs du groupe RN.) Vous avez du mal à vous réjouir qu'on crée des emplois, qu'on lutte contre le chômage de masse, qu'on réindustrialise le pays…

M. Jocelyn Dessigny
Ce n'est pas vrai, ce sont des mensonges !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Mais surtout, monsieur Dessigny, ne nous donnez pas de leçons de finances publiques ! Toutes vos propositions sont un gouffre : baisser la TVA, exonérer Mbappé d'impôt sur le revenu…

M. Frédéric Cabrolier
Pas seulement Mbappé !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
…nationaliser les autoroutes. Ce n'est pas sérieux ! Vous ne pouvez pas me donner tranquillement des leçons de finances publiques. Il n'y a pas de plan caché : quand nous avons constaté qu'il y avait moins de recettes, nous avons baissé nos dépenses, en adoptant un plan d'économies de 10 milliards d'euros – c'est un vrai plan, vous verrez qu'il y a bien 10 milliards d'euros de dépenses en moins. Nous réaliserons 10 milliards d'euros d'efforts supplémentaires pour contenir le déficit public à 5,1% cette année.

Mme Clémence Guetté
Sur le budget, pourquoi on ne vote pas ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Tel est, ne vous en déplaise, le résultat de notre politique économique.

Mme la présidente
La parole est à M. Franck Allisio.

M. Franck Allisio (RN)
La répétition étant la meilleure des pédagogies, je réitérerai les questions de mes collègues. Mille milliards de dette supplémentaires en sept ans ! Malgré l'extrême humilité à laquelle un tel résultat devrait vous astreindre, vous avez l'indécence de vous poser sans cesse en donneurs de leçons.
Comme vous êtes manifestement incapables d'aller chercher des économies substantielles là où elles se trouvent, voici quelques propositions directement issues du programme de Marine Le Pen, que vous critiquez pourtant avec véhémence : la privatisation de l'audiovisuel public – 4 milliards d'euros d'économies ; la suppression des agences régionales de santé, dont l'inutilité a été démontrée lors de la crise sanitaire – 600 millions d'euros d'économies ; la fin des subventions versées par l'État à des associations sans-frontiéristes – au moins 3 milliards d'euros d'économies ; des mesures d'économies sur l'immigration, telles que la suppression des prestations sociales non contributives aux étrangers ou l'instauration d'un délai de carence de cinq ans pour les prestations contributives – au moins 16 milliards d'euros d'économies.
En moins d'une minute, je vous propose près de 25 milliards d'euros d'économies ! (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Jean-François Coulomme
Et des centaines de morts !

M. Franck Allisio
Nous les rendrons directement aux Français, en supprimant la cotisation foncière des entreprises (CFE), en baissant le taux de TVA à 5,5% sur l'énergie et à 0% sur un panier de cent produits de première nécessité, en baissant les droits de succession et de donation, en créant une part fiscale pleine dès le deuxième enfant.
Fort de ces quelques propositions, monsieur le ministre, aurez-vous, oui ou non, le courage d'aller chercher l'argent là où il se trouve pour le rendre aux Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

M. Bruno Bilde
Très bien !

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Vous n'avez pas dissipé mes inquiétudes, je juge toujours votre programme aussi peu crédible. Vous avez présenté une série de propositions que je laisse à l'appréciation de chacun – notamment la suppression de l'audiovisuel public pour 4 milliards d'euros – qui conduiraient à faire une vingtaine de milliards d'euros d'économies. Mais après, on y va : baisse du taux de la TVA à 5,5% et à 0%, part fiscale, baisse des droits de mutation… Vous proposez, en fait, une perte de recettes considérable qui entraînerait, comme je l'ai dit précédemment, 100 milliards d'euros de déficit supplémentaire !
Vous n'êtes pas crédibles : ce ne sont pas des mesures de redressement des finances publiques que vous présentez, puisque, dès que vous envisagez une économie, vous prévoyez tout de suite une dépense supplémentaire. Comment voulez-vous, dans ce cadre, redresser les finances publiques ? Ce débat permet à tout le monde de se faire une idée de la crédibilité de votre programme.

M. Bruno Bilde
Aucune leçon à recevoir !

M. Jocelyn Dessigny
Avec 3 000 milliards de dette, vous n'avez aucune leçon à donner !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Quant à nous, nous considérons depuis le début que c'est un exercice difficile, qui exige de la patience et de la méthode. Nous avons réduit le déficit entre 2018 et 2019. Nous avons ensuite ouvert une parenthèse pour protéger massivement – je ne me souviens pas que le Rassemblement national ait alors contesté ces mesures de protection. Maintenant que les crises sont derrière nous, nous redressons progressivement les finances publiques. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Cabrolier.

M. Frédéric Cabrolier (RN)
En demandant aux collectivités locales, en 2024, 2,5 milliards d'euros d'économies – ou d'efforts, comme vous l'avez dit à M. Cordier – pour faire face au déficit public, vous cherchez à vous dérober à vos responsabilités, car la dégradation des finances publiques est essentiellement imputable à l'État et aux comptes sociaux. La dette des collectivités, qui ne sert à financer que des investissements, ne représente que 9 % de la dette publique.
Depuis sept ans, vous avez mis à mal l'autonomie financière et fiscale des collectivités, que ce soit par des baisses de dotations, notamment celle de la dotation globale de fonctionnement, ou du moins sa non-indexation sur l'inflation, comme dans le dernier budget, ou par la suppression progressive de la taxe d'habitation (TH) et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), qui auront coûté 35 milliards d'euros à l'État.

M. Pierre Cordier
Oui, quelle erreur !

M. Frédéric Cabrolier
Sur la période allant de 2018 à 2022, les contrats de Cahors avaient imposé aux plus grandes collectivités locales un objectif de progression des dépenses réelles de fonctionnement de 1,2% par an, assorti d'un mécanisme de contractualisation avec l'État et d'un dispositif de sanction. Les collectivités ont ressenti cela comme une mise sous tutelle, qui remettait en cause leur autonomie financière. Ces restrictions imposées les ont, en outre, conduites à réduire leurs investissements, alors qu'elles portent plus de 70% de l'investissement public, soutenant ainsi la croissance.
Au vu des résultats passés et de la libre administration des collectivités territoriales, comment pouvez-vous leur demander un effort supplémentaire de 2,5 milliards d'euros, correspondant à une augmentation de 0,5% de leurs dépenses de fonctionnement, alors que, entre 2017 et 2022, les normes nouvelles imposées aux collectivités ont entraîné 2,5 milliards d'euros de dépenses supplémentaires ?
Question subsidiaire : envisagez-vous un dispositif de sanctions, comme dans le cadre des contrats de Cahors ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Les questions s'enchaînent avec leur lot de contradictions : alors qu'il y a un instant, vous appeliez à faire des économies, vous regrettez à présent que nous n'ayons pas indexé la dotation globale de fonctionnement sur l'inflation. Il s'agit à peine de 5 à 6 milliards d'euros – quand je vous disais que c'est toujours plus, toujours plus…

M. Frédéric Cabrolier
Il fallait aller les chercher ailleurs !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Il faut toujours aller chercher ailleurs d'après vous, mais l'on ne voit pas très bien où est cet ailleurs. S'agissant de la dotation globale de fonctionnement, nous ne l'avons certes pas indexée, mais il est complètement faux de dire que nous l'avons baissée : nous l'avons augmentée de plus de 320 millions d'euros cette année, comme l'année précédente. En outre, nous avons mis en place un bouclier tarifaire contre l'inflation, notamment sur les prix de l'énergie, nous avons créé le fonds Vert – dites-moi si je me trompe –, nous avons élargi le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) et nous avons compensé la suppression de la taxe d'habitation. En définitive, les collectivités territoriales ont été soutenues par l'État.

M. Jocelyn Dessigny
Sous perfusion !

M. Frédéric Cabrolier
Ce n'est pas ce qu'elles disent !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Nous leur proposons, non de diminuer leurs dépenses ni de baisser leurs dotations, mais de ralentir l'évolution de leurs dépenses, dans un cadre distinct des contrats de Cahors. Lors du Haut Conseil des finances publiques locales, nous les avons invitées à faire des efforts, avec un taux de progression des dépenses légèrement inférieur à l'inflation, quand l'État supporte la plus grande part des économies : 10 milliards d'euros ont été annulés sur son budget, sans commune mesure avec les 2,5 milliards d'euros que l'on demande aux collectivités territoriales – d'autant que l'État doit encore réaliser 10 milliards d'économies.
L'État assume l'essentiel de la responsabilité. Tout en respectant leur libre administration et leur bonne gestion, nous appelons donc les collectivités territoriales à contribuer à cet effort national d'intérêt supérieur en ralentissant un peu la croissance de la dépense.

Mme la présidente
La parole est à Mme Clémence Guetté.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES)
Vous êtes des incapables. Vous l'avez de nouveau annoncé aux Français d'un air contrit : il va falloir encore davantage se serrer la ceinture. Cela fait des années que macronistes et lepénistes répètent en chœur qu'il y a urgence à décider toujours plus d'austérité. Pourtant, tout le monde sait que les dépenses publiques sont stables et que la charge de la dette diminue. Le déficit ne vient que des cadeaux fiscaux que vous avez faits aux riches et aux multinationales. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
La Macronie fait perdre 71,6 milliards d'euros aux comptes publics chaque année : 11 milliards d'impôt sur les sociétés, 11 milliards d'impôts de production, 3 milliards d'ISF – la liste est longue. Vous avez sciemment ruiné le pays, par aveuglement dogmatique et par volonté acharnée de servir les milliardaires, les actionnaires et les agences de notation. Nous faisons aujourd'hui face aux conséquences de vos choix.
Vos économies n'en sont pas, elles ruinent nos services publics : dans les quartiers populaires comme dans la ruralité, les écoles ferment et les classes sont surchargées ; les hôpitaux ferment et les Français meurent sur des brancards. Pire, vos économies mal placées font exploser le coût du malheur : moins d'argent pour l'Inspection du travail, et le mal-être en entreprise coûte désormais 15 000 euros par an par salarié ; moins d'argent pour la bifurcation écologique, et la pollution de l'air coûte 100 milliards chaque année.
Le budget de la France n'est pas une suite de petits choix comptables décidés à Bercy, c'est le choix politique du peuple souverain. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Votre budget est insincère, c'est un mensonge – notamment à la jeunesse : il nie l'urgence vitale des investissements écologiques et sociaux.
Il faut, en réalité, dépenser plus au service des classes moyennes et populaires. Robespierre disait : « Vous n'avez donc rien fait pour le bonheur public si toutes vos lois, si toutes vos institutions ne tendent pas à détruire cette trop grande inégalité des fortunes. » Quand allez-vous enfin mener une politique au service du peuple et de ses besoins ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

M. Jean-François Coulomme
Elle a tout dit ! Ce n'est pas glorieux !

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Je garde la comparaison avec Robespierre, madame la députée…

M. Jean-François Coulomme
C'est son anniversaire aujourd'hui, il faut bien lui rendre hommage !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
…et je vous remercie pour les termes tout à fait choisis et élégants que vous avez employés dans cet hémicycle, mais peu importe, seuls les résultats comptent. Est-ce qu'avoir ramené le taux de chômage à 7,5% ne compte pour rien ? Ce n'est rien d'avoir créé 2 millions d'emplois, d'avoir rouvert des usines ? Tel est le bilan économique de notre politique. Vous ne voulez pas voir que l'objectif ultime est que chacun trouve sa place et qu'il faut créer des emplois à cette fin – c'est notre bilan depuis 2017.
Vous m'expliquez que nous cassons les services publics. (" Oui ! " sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Si vous aviez consulté les chiffres, ce dont je doute, vous sauriez de combien le budget de l'éducation nationale a progressé entre 2023 et 2024. De combien, madame la députée ? Je vais vous le dire : de plus de 3 milliards d'euros.

M. Louis Boyard
Et par élève ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Plus de 3 milliards d'euros ! (Protestations sur quelques bancs LFI-NUPES.)

Mme la présidente
Laissez la parole au ministre, monsieur Boyard, je vous remercie.

Mme Clémence Guetté
Vous accroissez les inégalités entre les jeunes !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Il faut montrer l'exemple, monsieur le député. Le dialogue exige de respecter son interlocuteur.

M. Louis Boyard
Et le 49.3 ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Je sais que ces chiffres vous contrarient, mais on n'a jamais autant investi dans l'école. Il en est de même pour la transition écologique : nous réalisons 7 milliards d'euros supplémentaires de dépenses vertes. Vous pouvez considérer que ce n'est pas assez, mais cela représente un effort historique.

Mme la présidente
La parole est à Mme Martine Etienne.

Mme Martine Etienne (LFI-NUPES)
Bruno Le Maire nous avait demandé de lui envoyer des propositions d'économies, car vous aviez été insincères dans vos prévisions et vous vous rendiez compte que faire des cadeaux aux riches coûte cher. Nous, les Insoumis, avons été bons élèves. Nous vous avions déjà présenté, lors de l'examen du projet de loi de finances, un contre-budget qui, lui, tenait la route ; mais comme vous sembliez de nouveau en difficulté, nous vous avons à nouveau proposé des économies : rétablir l'ISF, taxer les superprofits, créer un impôt universel sur les entreprises, etc. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

Mme Marie-Christine Dalloz
Ce sont des recettes nouvelles, pas des économies !

Mme Martine Etienne
Vous avez choisi de balayer toutes ces propositions, préférant comme toujours économiser sur le dos des plus pauvres. Je vous en transmettrai quand même une nouvelle : la compensation fiscale.
Vous n'êtes pas sans savoir que les Français qui travaillent au Luxembourg y paient aussi leurs impôts : plusieurs millions d'euros se retrouvent ainsi chaque mois dans les caisses de ce pays, alors même que la France assume seule les dépenses d'hébergement, de formation, de transport et de santé des travailleurs frontaliers concernés. Le Luxembourg ne reverse absolument rien à la France en échange.
Cette situation est déplorable, vous en conviendrez, surtout si on la compare avec ce qui se passe ailleurs. En effet, les travailleurs français qui exercent à Genève y paient également leurs impôts : toutefois, le canton de Genève rétrocède à la France 3,5% de la masse salariale desdits frontaliers, ce qui permet de financer les transports, les hébergements, les formations et la santé. C'est ce que nous appelons la compensation fiscale. Si un tel dispositif était appliqué au Luxembourg, cela rapporterait à la France 185 millions d'euros par an. Il suffit de le demander, ce qui ne devrait pas vous poser de problème.
Choisirez-vous, monsieur le ministre, de vous asseoir sur ces 185 millions d'euros d'économies, pour protéger, une fois encore, le Luxembourg ? Préférez-vous courber l'échine et accepter une coopération injuste et inéquitable entre nos deux pays ? Ou permettrez-vous, enfin, aux communes concernées de supporter les coûts du travail frontalier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

Mme Clémence Guetté
Bruno Le Maire ne demande plus rien !

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Non, le budget n'est pas insincère. Si, avec Bruno Le Maire, nous avions été les seuls à revoir nos prévisions de croissance en février dernier, vous auriez peut-être pu dire qu'il y avait un problème. Toutefois, au même moment, l'Allemagne a également reconsidéré ses prévisions de croissance, tout comme l'a fait la Commission européenne s'agissant des États membres. C'est bien la preuve que nous n'avons pas revu nos prévisions tout seuls dans notre coin, mais que nous avons tous été percutés par un ralentissement de l'activité économique au niveau international, et singulièrement au niveau européen.
Le vrai débat, parmi tous ceux qui nous séparent, c'est celui de la dette : vous considérez, en définitive, que ce n'est pas grave et qu'elle ne constitue pas un problème.

M. Jean-François Coulomme
La dette, vous y avez tout de même un peu contribué !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Vous estimez que nous ne sommes pas obligés de la rembourser et qu'elle pourrait, un jour, être annulée. C'est d'ailleurs ce qui vous conduit à demander toujours plus de dépenses ! Là est notre principal point de désaccord.
En ce qui concerne les recettes, vous évoquez le rétablissement de l'ISF : permettez-moi de vous rappeler qu'il n'a pas été supprimé, mais transformé en impôt sur la fortune immobilière. Ce dernier a rapporté 2 milliards de recettes supplémentaires.

M. Louis Boyard
Vous rigolez ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Or, savez-vous combien a coûté le bouclier énergétique dans le budget pour l'année 2023 ? Plus de 40 milliards !

Mme Clémence Guetté
Ils ont fini dans les poches des actionnaires !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Les initiatives de ce type ne sont donc pas du tout à la hauteur de l'enjeu qui est le nôtre, à savoir redresser les finances publiques et faire un effort en matière de dépenses. Lorsqu'on applique le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé de l'Union européenne, il est normal qu'on pose la question des dépenses.
Enfin, s'agissant de la convention fiscale qui nous lie avec le Luxembourg, un avenant est en cours de finalisation, qui nous permettra, je l'espère, de récupérer un peu plus de recettes.

Mme la présidente
La parole est à M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel (LFI-NUPES)
Permettez-moi de revenir sur l'annulation de 10 milliards d'euros de crédits, décidée en raison d'une croissance inférieure aux prévisions. Vous nous indiquez qu'il s'agit d'une goutte d'eau, d'une opération indolore puisque ces crédits étaient envisagés au titre de la réserve de précaution. Il n'y aura donc pas lieu, selon vous, de présenter un projet de loi de finances rectificative, dans la mesure où ces annulations ne dépassent pas 1,5% des crédits totaux.
Cependant, puisque vous annoncez aussi 5 milliards d'euros d'économies supplémentaires qui, même s'ils ne figurent pas encore dans le décret d'annulation et correspondent à des crédits qui seront gelés, seront bien annulés à la fin de l'année, je pense qu'il y a un peu d'esbroufe de votre part à déclarer qu'il n'y a pas matière à présenter un PLFR ; en réalité, à la fin de l'année, ce sont bien 15 milliards de crédits qui seront annulés.
Permettez-moi d'ajouter que l'annulation des crédits prévus au titre de la réserve de précaution n'est pas une opération indolore. De ce fait, les ministères ne sont pas en mesure de répondre à des besoins urgents : c'est ce qui explique, par exemple, que le ministère de l'éducation nationale se trouve dans l'incapacité de satisfaire les enseignants du département de Seine-Saint-Denis qui réclament un projet de loi d'urgence. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
Enfin, il ne s'agit pas que de la réserve de précaution. Vous m'avez indiqué récemment que tous les ministères avaient répondu sur le détail de ces annulations de crédits. J'ai donc voulu vérifier et j'ai écrit à Bruno Le Maire, qui m'a précisé : " Cette reprogrammation a donné lieu à des échanges entre les ministères et le ministère chargé des comptes publics, afin de s'assurer de la soutenabilité de chaque programme budgétaire. Mais chaque ministère demeure responsable de ses programmes et de la priorisation de ses dépenses. "
Pour commencer, je suis inquiet de constater que Bercy ne dispose pas d'une vision globale pour la suite, mais passons. J'ai continué à interroger chaque ministère. Or je dois dire que, parfois, les retours sur les programmes – je ne parle même pas des actions – confinent à l'impressionnisme : on nous annonce une réduction de 14,4 millions d'euros des dépenses de personnels au titre de la mission Action extérieure de l'État, tout en nous expliquant que ce n'est pas de nature à entraver la croissance des effectifs – croyons-le sur parole. Il en est de même du programme Français à l'étranger et affaires consulaires. Autre exemple, 65 millions de crédits ont été annulés sur les programmes Création et Patrimoines du ministère de la culture, pour lesquels on nous affirme que cela n'aura pas de grandes conséquences. Voilà, à peu près, les détails qui nous ont été communiqués. Permettez-moi de citer encore, en ce qui concerne votre ministère, les 8,2 millions d'euros d'effectifs absorbés par la direction générale des finances publiques (DGFIP) ou les 22 milliards qui ne sont pas des annulations de crédits prévus au titre de la réserve.

Mme la présidente
Posez votre question, s'il vous plaît.

M. Éric Coquerel
Deux ministères n'ont pas répondu du tout : celui de l'éducation nationale, à qui vous demandez 692 millions d'euros d'économies – aucune réponse, mais ce n'est pas un hasard, car c'est la plus grosse somme ; et celui des transports, pour lequel vous prévoyez 221 millions d'annulations de crédits.
Ces annulations ne sont donc ni transparentes ni indolores. Ma question est donc la suivante : à quand un PLFR ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Stéphane Lenormand applaudit également.)

Mme Clémence Guetté
Un vote !

M. Jean-François Coulomme
Ah ça, ils n'en veulent pas du PLFR !

Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
En tant que président de la commission des finances, vous savez bien que les 10 milliards d'euros d'annulations de crédits annoncés dans le décret s'appliquent programme par programme. C'est précisément ce que nous définissons avec les ministères, qui seront ensuite libres d'affecter les crédits, à l'intérieur de leur enveloppe, aux actions qu'ils souhaitent – il n'y a rien de nouveau sur ce plan. D'ailleurs, les crédits votés dans le cadre du projet de loi de finances, et qui sont détaillés dans l'annexe notamment, le sont à titre indicatif pour chaque programme ; ensuite, les dépenses varient en cours d'année. Il ne s'agit pas de voter des crédits à un tel degré de précision, qui ne correspondrait pas à la réalité de la gestion du budget ; l'autorisation parlementaire s'applique, vous le savez, au programme.
Enfin, pour quelle raison n'est-il pas nécessaire de présenter un PLFR ? Tout simplement parce que les 10 milliards d'euros annulés sont bien en dessous du seuil des 12 milliards d'euros, autorisés par la loi organique relative aux lois de finances (Lolf).

M. Louis Boyard
Comme par hasard !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Je rappelle que la Lolf était une initiative parlementaire, le législateur souhaitant laisser à l'exécutif la possibilité de procéder à des ajustements. Les 10 milliards d'euros d'efforts supplémentaires correspondent aux crédits prévus au titre de la réserve de précaution, qui sert précisément à cela. Et si, demain, une difficulté particulière apparaît, nous saurons ouvrir des crédits supplémentaires en cours d'année, comme cela nous arrive de le faire en fin d'année – peut-être sera-t-il nécessaire d'ouvrir des crédits sur un programme et d'en fermer sur un autre ; c'est tout à fait classique.
Soyez donc rassuré, monsieur le président : vous avez obtenu toutes les informations par programme que vous souhaitiez ; la commission des finances peut parfaitement auditionner, avec ses rapporteurs spéciaux, les ministres compétents ; le Printemps de l'évaluation est en cours et nous en attendons d'ailleurs beaucoup ; enfin, je reste à votre disposition pour éclaircir, si besoin était, les derniers éléments d'ombre qui persisteraient dans le décret d'annulation.

Mme Clémence Guetté
Pourquoi refusez-vous de présenter un PLFR ? On veut voter !

Mme la présidente
Nous avons terminé les questions sur les comptes publics.


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 13 mai 2024