Déclaration de M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics, sur les finances publiques, à l'Assemblée nationale le 7 mai 2024.

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Circonstance : Débat à l'Assemblée nationale sur le thème : " L'austérité imposée par le Gouvernement "

Texte intégral

M. le président
L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : " L'austérité imposée par le Gouvernement ".
La conférence des présidents a décidé d'organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement – je salue M. le ministre délégué chargé des comptes publics – ; dans un second temps, nous procéderons à une séquence de questions-réponses.

(…)

M. le président
La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics
Ce débat est bienvenu : dans une actualité chargée sur le plan des finances publiques, il me donne l'occasion de clarifier devant vous plusieurs aspects de la politique que nous menons. Que pouvons-nous retenir de vos interventions ? D'un côté, le Gouvernement conduirait une violente politique d'austérité. De l'autre, il laisserait exploser la dette et les dépenses de façon irresponsable. La vérité doit certainement se trouver entre ces postures, à bonne distance de ces caricatures respectives.

Ceux qui nous accusent aujourd'hui de dépenser trop sont les mêmes qui nous demandaient, il y a encore quelques mois, des dépenses supplémentaires. Permettez-moi de le rappeler : une unanimité existait sur ces bancs en faveur d'une politique de protection des ménages, des entreprises et des collectivités face à la crise sanitaire, aux conséquences de la guerre en Ukraine et à l'inflation.

Notre politique repose sur une réalité, sur un constat et sur une ambition. Commençons par évoquer la réalité : la dépense publique annuelle de la France s'élève à 1 600 milliards d'euros et représente 57,3% du PIB – le taux le plus élevé d'Europe. Elle finance l'ensemble de l'action de l'État, des collectivités territoriales et de la sécurité sociale : l'éducation, la défense, la sécurité, la recherche, la protection des plus fragiles, le soutien à l'investissement, l'action des élus dans les territoires – en somme, toutes nos politiques publiques. Il importe d'avoir en tête les ordres de grandeur pour pouvoir ensuite les mettre en perspective.

Venons-en au constat : en dépit d'un contexte économique international moins favorable, la croissance française reste solide. Nous ne sommes pas le seul pays européen à avoir abaissé sa prévision de croissance en début d'année : en février, l'Allemagne a revu sa prévision de croissance pour 2024 à 0,2% au lieu de 1,3% initialement ; désormais, le gouvernement italien table sur une croissance de 1% cette année, contre 1,2% précédemment. Malgré cette conjoncture moins favorable, les fondamentaux de la croissance française restent solides, soutenus par les réformes structurelles, les investissements consentis depuis 2017 et, de façon plus conjoncturelle, par l'accélération de la consommation des ménages permise par la baisse de l'inflation, qui est désormais de 2,2%. Les derniers chiffres de l'Insee montrent par ailleurs que l'acquis de croissance pour 2024 s'élève désormais à 0,5 % à la fin du premier trimestre, ce qui conforte notre prévision de 1% pour l'année. Et, pour la cinquième année consécutive, la France est le pays le plus attractif d'Europe.

Terminons par l'ambition : ramener le déficit sous les 3% du PIB. Depuis le début des crises successives, en 2020, nous avons été au rendez-vous pour protéger nos compatriotes, grâce au chômage partiel, au fonds de solidarité, aux vaccins ou encore au bouclier tarifaire. Pour protéger le pouvoir d'achat face à l'inflation, nous avons instauré des dispositifs indispensables, qui n'en ont pas moins un coût. Nous sortons de ces crises en ayant préservé notre économie, nos emplois et notre potentiel de croissance.

M. Yoann Gillet
Bravo !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Il faut le dire : sans le " quoi qu'il en coûte ", la crise nous aurait en réalité coûté beaucoup plus cher. Nous devons maintenant retrouver le chemin de la réduction du déficit, en le ramenant sous les 3% en 2027, comme nous l'avons fait en 2018 et 2019. Précisons que ce chiffre est non pas un totem, mais la cible qui permet de stabiliser la dette.

Pour tenir cet engagement, notre stratégie repose sur des efforts ciblés qui n'ont rien à voir avec l'austérité. S'agissant des dépenses de l'État, nous avons annulé 10 milliards d'euros de crédits pour l'année 2024. Je reconnais qu'il s'agit d'un effort, dans lequel tous les ministères se sont engagés. Je reconnais aussi qu'il s'agit d'une décision inédite dans l'histoire budgétaire, qui témoigne de notre détermination et de notre capacité à prendre des décisions difficiles.

Néanmoins, je le rappelle, contrairement aux propos qui ont été tenus ce soir, ces annulations ont été faites dans un cadre totalement conforme à la loi organique relative aux lois de finances (Lolf). Nous les avons assumées et précisées devant la représentation nationale à plusieurs reprises, sans jamais nous dérober. Par ailleurs, les 10 milliards annulés représentent moins de 1,5% des crédits ouverts pour le périmètre des dépenses de l'État. Surtout, ils sont à mettre en regard des 1 600 milliards de dépenses publiques, les dépenses de l'État ayant augmenté massivement depuis 2019. On est donc loin de l'austérité.

M. Yoann Gillet
Ouf, nous sommes rassurés !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Certains considèrent pourtant – je les ai entendus à l'instant à cette tribune – que réduire de 1,5% le budget de l'État et maîtriser la dépense publique en ciblant les dépenses de fonctionnement de l'État et des collectivités territoriales reviendrait à sombrer dans l'austérité. Pardonnez-moi, mais ceux-là n'ont jamais vu de près une politique austéritaire ! Des licenciements massifs de fonctionnaires, des réductions de traitement et de pension, des coupes dans toutes les subventions publiques : telle serait la réalité de l'austérité et de ses conséquences.

Qu'en est-il réellement ? Depuis 2017, le budget de la justice a augmenté de 40%. Les effectifs de magistrats ont été renforcés et continueront à augmenter jusqu'à la fin de la mise en œuvre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (LOPJ).

Depuis 2017, le budget des armées a augmenté de plus de 30%. La dernière loi de programmation militaire (LPM) vise à poursuivre cette dynamique d'ici à 2030, dans un contexte géopolitique qui impose à la France de pouvoir compter sur des forces armées de plus grande qualité encore.

Depuis 2017, le budget du ministère de l'intérieur a augmenté de plus de 25%. Grâce à la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), des milliers de policiers et de gendarmes supplémentaires seront déployés partout sur le territoire au service de la sécurité de nos concitoyens.

Au terme de cette période de dix ans, nous n'aurons jamais autant investi dans la transition écologique. Rien qu'en 2024, les dépenses favorables à l'environnement s'élèvent à 40 milliards ; le budget de cette année est historique : il est le plus vert de l'histoire de notre pays. Je le répète, on est loin de l'austérité.

S'agissant des collectivités territoriales, nous les avons aidées au cours de la période, en augmentant la dotation globale de fonctionnement (DGF), en créant un filet inflation leur permettant de faire face notamment à l'augmentation du coût de l'énergie, en créant le fonds Vert et en étendant le périmètre du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA). L'effort qui leur est demandé aujourd'hui n'implique pas une baisse de leurs dépenses : il s'agit simplement de limiter la progression de leurs dépenses de fonctionnement à l'inflation minorée de 0,5 point, soit une hausse de 1,9% en 2024.

Pour y arriver, nous devons nous interroger sur l'enchevêtrement des responsabilités, sur l'efficacité de l'action publique et sur la façon d'en réduire le coût. Nous ne maîtriserons pas nos dépenses sans réformes structurelles. Tel sera le sens des conclusions qui seront bientôt présentées par le questeur Éric Woerth. De même, la mission confiée à Boris Ravignon permettra d'étayer les constats relatifs au coût de notre désorganisation collective. Je continuerai de mener un dialogue constant avec les élus locaux de tous bords et de toutes les régions, pour que nous avancions ensemble sur ces réformes, dont nous avons collectivement besoin.

Quant aux dépenses de sécurité sociale, elles nous ont permis de faire face à la crise sanitaire et de soutenir notre système de santé. En 2023,  l'Ondam – objectif national de dépenses d'assurances maladie – hospitalier a, pour la première fois, dépassé les 100 milliards d'euros et, grâce à la poursuite de nos efforts en 2024, il aura augmenté de 26 millions par rapport à 2017. Depuis cette même date, les dépenses de l'Ondam en faveur du grand âge et du handicap ont augmenté de 11 milliards d'euros pour atteindre 31 milliards en 2024.

Cette année, nous continuerons de soutenir des réformes structurelles pour plus de travail, plus de croissance et plus de recettes. Ce que je vous décris ici n'a rien à voir avec l'austérité qui fragiliserait la croissance ; c'est la poursuite d'une stratégie économique payante qui s'accompagne d'une gestion sérieuse de nos dépenses publiques.

Cette stratégie économique, je veux l'assumer, nous y serons fidèles. Nous y serons fidèles parce qu'elle a permis de créer plus de 2 millions d'emplois, de ramener le taux de chômage à 7,5% – ce trimestre encore, comme les chiffres de l'Insee le montrent, notre économie a créé plus de 50 000 emplois.

M. Yoann Gillet
Il y a encore des millions de chômeurs !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Nous serons fidèles à cette stratégie parce qu'elle a permis de créer plus de 300 usines partout en France. Nous y serons fidèles tout simplement parce qu'elle a fait ses preuves.

C'est parce que je suis profondément attaché à la bonne gestion de nos finances publiques que j'ai cette conviction profonde : si nous avons la responsabilité en partage et que des efforts doivent être faits tant par l'État que par les collectivités ou nos entreprises, il est de notre devoir de veiller à ce chacun contribue à sa juste part.

C'est là que la lutte contre toutes les fraudes prend tout son sens. Depuis mon arrivée au Gouvernement, dans la continuité de l'action menée par Gabriel Attal, j'ai fait de cette lutte ma priorité car c'est le contrat social même qu'elle met en jeu. Notre bilan est très encourageant : depuis l'annonce du plan de lutte contre la fraude fiscale en 2023, quatorze mesures législatives ont été adoptées,…

M. Yoann Gillet
Pour quel résultat !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
…dix mesures réglementaires ont été prises et sept autres sont en cours de mise en œuvre. Il est de notre responsabilité de poursuivre notre offensive, notamment en luttant contre la fraude aux aides publiques. La lutte contre la fraude peut et doit nous rapporter plus.

Quand certains nous accusent de mener une politique austéritaire, d'autres à l'inverse déplorent à chaque occasion que nous ayons, pendant toutes ces années, trop dépensé. Mais que nous reprochent-ils vraiment ? D'avoir protégé les Français avec le chômage partiel ? Sans cela, les entreprises auraient licencié, le chômage aurait explosé et notre dette serait plus élevée. D'avoir permis à l'ensemble de la population de se tester et de se faire vacciner gratuitement pendant la crise sanitaire ?

M. Yoann Gillet
Cela représente un tiers de la dette !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Nous reprochent-ils encore ne pas avoir laissé la facture d'électricité des Français exploser lors du choc inflationniste ? De ne faire aucun effort en matière de fonctionnement de l'État ? Rappelons que nous avons réduit les dépenses de fonctionnement de l'État et des opérateurs. Ces efforts en faveur d'un État plus sobre nous ont déjà conduits à réduire l'an dernier de 150 millions la facture énergétique de l'État, à céder pour 280 millions d'euros de biens immobiliers et à diviser par trois les dépenses de conseil en deux ans. Soulignons encore que nous réduisons les dépenses de déplacement et les flottes de véhicules de fonction et que nous fixons des objectifs ambitieux de gains sur les achats de l'État.

Voici posés, mesdames et messieurs, les termes du débat de ce soir. Malgré les accusations de tous bords que j'entends depuis bientôt dix mois que je suis à la tête du ministère des comptes publics, je reste fidèle à ma détermination de travailler collectivement, avec les parlementaires de la majorité comme de l'opposition, pour bâtir avec méthode un projet de budget pour 2025 qui nous permettra d'être à la hauteur de ce qu'attendent nos concitoyens.

D'ici là, je le redis avec force : ni austérité, ni légèreté. Il est de notre responsabilité politique d'atteindre et de préserver l'équilibre des finances publiques au service de notre avenir.

M. le président
Nous en venons aux questions, dont la durée, comme celle des réponses, est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à M. Alexis Corbière.

M. Alexis Corbière (LFI-NUPES)
Derrière des chiffres froids, il y a des vies. En février, M. Bruno Le Maire a annoncé une purge budgétaire de 10 milliards d'euros. Quelques semaines plus tard, il indiquait aux Français qu'il faudrait faire un effort – mot que vous avez repris, monsieur le ministre – de 12 milliards à 20 milliards d'euros d'économies supplémentaires pour l'année 2025. Mais à qui demandez-vous de consentir cet effort ? Aux grands groupes comme Total qui a réalisé l'année dernière un bénéfice record de 21,7 milliards ? Non. Aux actionnaires qui ont reçu 67,8 milliards de dividendes l'année dernière ? Non.

En revanche, pour l'éducation nationale, vous réclamez une réduction budgétaire de 692 millions d'euros. Le Premier ministre, lors de sa déclaration de politique générale, n'avait-il pas affirmé que pour lui, l'école était " la mère des batailles " et qu'il fallait lui donner tous les moyens nécessaires pour réussir ? J'insiste : tous les moyens pour réussir ! Résultat : 692 millions en moins.

Aucune précision n'a été apportée au sujet des postes sur lesquels porteront ces économies. Un mail récemment envoyé aux chefs d'établissement leur a notifié une mesure de réduction de dotations des heures supplémentaires effectives – HSE – et des indemnités pour mission particulière, qui permettent pourtant que des heures devant élèves soient effectuées. Devant l'émotion que cette annonce a suscitée, vous avez reculé mais un flou demeure. Je vous demande donc de nous dire dans cet hémicycle où ces 692 millions vont être pris au sein de l'éducation nationale, à laquelle je limite ma question ; vous avez le devoir d'y répondre.

Mme Belloubet a assuré dans un premier temps que ces fonds ne seraient ponctionnés que sur les réserves du ministère puis a fini par avouer devant les syndicats que cette opération ne serait pas indolore. Quand le Premier ministre a déclaré que l'école était la mère des batailles, nous n'avions pas compris que les batailles en question devaient être menées contre l'école publique elle-même. Si vous supprimez 692 millions, les Français comprendront ce qu'il en est de vos priorités. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Vous faites bien de rappeler que lorsque nous avons constaté qu'il y aurait 20 milliards de recettes en moins que prévu, nous avons réagi immédiatement. Or moins de recettes, c'est moins de dépenses.

M. Jocelyn Dessigny
Mais non !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Tout le monde peut le comprendre. Nous en avons informé la représentation nationale et avons pris un décret portant sur l'annulation de 10 milliards de crédits. L'effort, je le précise, ne repose que sur l'État, l'ensemble des ministères étant mis à contribution. Nous avons travaillé finement avec chacun d'entre eux en prenant en compte les sous-exécutions de l'année précédente – tous les crédits alloués ne sont pas forcément dépensés – afin de déterminer comment pouvait être absorbé l'effort demandé, effort qui nous paraît totalement légitime, et c'est peut-être ce qui nous sépare.

S'agissant de l'éducation nationale, je tiens à rappeler que même après le décret d'annulation, son budget aura augmenté entre 2023 et 2024 de près de 3 milliards d'euros. La mère des batailles, dites-vous ? Oui, c'est bien la mère des batailles : cette hausse des crédits est la preuve que le Gouvernement, le Premier ministre et Président de la République en font une priorité absolue. Les annulations porteront sur 213 millions d'euros hors titre 2 et sur 470 millions d'euros pour ce qui est de la masse salariale, sans remise en question du schéma d'emplois, compte tenu des sous-exécutions constatées chaque année.

M. le président
La parole est à Mme Clémentine Autain.

Mme Clémentine Autain (LFI-NUPES)
Vous imposez 10 milliards d'euros d'annulation de crédits pour 2024, par décret, donc sans vote, et vous annoncez 20 milliards de coupes supplémentaires pour 2025. Comment allez-vous faire ? Jouerez-vous à Am, stram, gram, pic et pic et colégram pour savoir où couper dans les financements et quel service public décimer, quels emplois de la fonction publique supprimer ?

Puisque vous ne dites jamais ce que vous allez faire, vous contentant de donner des chiffres désincarnés, je vais me référer à la comptabilisation concrète opérée par le collectif Nos services publics. C'est ainsi que les 690 millions dans l'éducation correspondent à la suppression de 436 écoles primaires, de 54 collèges et à la fin de l'accompagnement de 14 000 élèves en situation de handicap. Quant au milliard en moins pour le dispositif MaPrimeRénov', cela représente 100 000 à 150 000 logements non rénovés, soit le nombre de logements d'une ville comme Rennes ou Lille. Pour ce qui est de la recherche et de l'enseignement supérieur, 900 millions en moins, c'est l'équivalent de 1 500 projets de recherche non financés ou de la suppression d'un tiers de cours pour chaque étudiant en licence. Enfin, pour le travail et l'emploi, l'annulation de 1 milliard de crédits, c'est 130 000 aides à l'embauche supprimées, un poste d'apprenti sur trois affecté dans l'enseignement secondaire. Tout cela est considérable !

Le budget de la France, ce n'est pas du vent. Ces suppressions appellent des décisions précises. Ma question est simple : qui va trinquer ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Je tiens à préciser le cadre dans lequel nous avons procédé à cette annulation. Vous soulignez qu'elle a été faite par décret, sans vote du Parlement. Or nous n'avons fait qu'appliquer la loi organique relative aux lois de finances issue d'une proposition de loi, donc d'une initiative parlementaire, voulue à une très large majorité. Son article 14 prévoit que le montant des crédits annulés peut aller jusqu'à 1,5% des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours. Pourquoi ? Justement pour faire face aux aléas, aux incertitudes, aux événements nouveaux. Nous n'avons donc fait qu'appliquer strictement cet article – et encore le plafond nous aurait-il permis d'aller jusqu'à 12 milliards, mais nous en sommes restés à 10 milliards.

Je comprends que vous ne partagiez pas notre choix de réduire les dépenses publiques mais ne nous accusez pas de ne pas respecter un cadre que le Parlement a lui-même fixé.

M. Alexis Corbière
Et le 49.3 ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Non, il s'agit de la Lolf.

M. Alexis Corbière
Peut-être, mais le budget, lui, a été imposé par 49.3 !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Vous parlez de coupes sombres auxquelles nous procéderions dans le budget de l'État. Sachez qu'entre 2019 et 2023, les dépenses de l'État ont augmenté de 100 milliards. La crise passée, il est légitime que nous repassions progressivement à un mode plus normal de gestion de nos finances publiques.

S'agissant de MaPrimeRénov', les crédits n'ont pas été totalement dépensés l'année dernière.

Mme Eva Sas
C'est un problème !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Mettre beaucoup d'argent dans un tel dispositif ne suffit pas. Il faut des artisans formés, vous le savez très bien.

Mme Clémentine Autain
En effet !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Rien ne sert de se faire plaisir avec des montants très élevés si l'on ne peut leur donner une traduction dans la réalité. Après cette annulation, le budget de MaPrimeRénov' continuera à augmenter de 800 millions d'euros.

M. Jocelyn Dessigny
Arrêtez les mensonges !

M. Alexis Corbière
On réclame 350 millions pour la seule Seine-Saint-Denis !

M. le président
La parole est à M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul (SOC)
Par cette annulation de 10 milliards d'euros, le Gouvernement engage une politique d'austérité sans l'assumer. Depuis l'annonce de cette coupe dans le budget de la nation, votre gouvernement n'a de cesse de tenter d'en minimiser ou d'en taire les effets. Vous essayez de nous faire croire que ces gros coups de rabot n'auraient aucun effet sur le quotidien de nos concitoyens, notamment les plus fragiles, mais c'est faux. Personne n'est dupe. Contrairement à ce que vous voulez faire croire aux Français, cette suppression aura un impact bien réel dans leur vie quotidienne.

Alors que la rénovation énergétique des bâtiments est essentielle, votre coup de rabot se traduit par une baisse du budget de MaPrimeRénov' de 1 milliard d'euros sur les 5 milliards d'euros prévus au budget 2024. Concrètement, plusieurs centaines de ménages ne pourront financer l'isolation thermique de leur logement ou l'installation d'une pompe à chaleur.

À y regarder de plus près, l'acte 1 de votre cure d'austérité sélective se traduit par une baisse de 1,1 milliard d'euros pour le ministère de l'emploi, dont 863 millions au titre du programme Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi, qui permet de prévenir les licenciements et d'aider concrètement au reclassement des salariés licenciés.

Dans ma circonscription, à Port-Jérôme et à Lillebonne, l'entreprise Exxon Mobil a annoncé l'arrêt de son activité chimie et la suppression de 647 emplois, qui risque d'entraîner la destruction totale de plus de 4 000 emplois induits sur le territoire et la baisse des ressources fiscales des collectivités locales. Si rien n'est fait, c'est une austérité programmée qui se dessine pour tout le territoire, alors que l'entreprise est largement bénéficiaire au niveau national comme au niveau mondial.

En parallèle des annonces austéritaires sélectives du Gouvernement et de certaines entreprises, des groupes du CAC40 réalisent des profits tellement mirifiques qu'ils financent le rachat d'actions pour favoriser la survaleur actionnariale au lieu de favoriser l'économie circulaire, l'emploi et les sous-traitants locaux.

Alors que plusieurs membres de votre majorité ont pris position en faveur du rétablissement de l'ISF ou d'une taxation, même temporaire, des superprofits, vous vous obstinez à refuser ces options, préférant rogner sur la solidarité nationale – sécurité sociale, allocations chômage, allocation de logement sociale, éducation. Ma question est simple : alors que la théorie du ruissellement est un échec cuisant, quand allez-vous nous écouter et instaurer une taxation des superprofits ? L'austérité n'est pas une fatalité, mais c'est malheureusement votre choix politique.

M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Nous avons fait le choix de concentrer les 10 milliards d'euros de réduction de dépenses sur l'État, considérant qu'il était normal que nous soyons les premiers à faire les efforts nécessaires. Les dépenses consacrées à la transition écologique, contrairement à ce que vous affirmez, vont progresser, après le décret d'annulation, de plus de 8 milliards d'euros entre 2023 et 2024. De plus, je répète que les aides à la rénovation énergétique accordées par l'Agence nationale de l'habitat (Anah) vont augmenter de 800 millions d'euros. Le budget 2024 demeure donc le budget le plus vert de notre histoire : 40 milliards d'euros consacrés aux dépenses en faveur de la transition écologique, même après le décret d'annulation.

S'agissant des dépenses en faveur des politiques de l'emploi, elles sont passées entre 2014 et 2024 de 15 à 21 milliards d'euros. En 2024, après le décret d'annulation, nous y consacrerons 450 millions d'euros de plus par rapport aux dépenses de 2023. C'est la raison pour laquelle le terme d'austérité fausse notre débat. Nous ne faisons qu'ajuster nos dépenses par rapport à l'évolution de nos recettes, sans remettre en cause l'équilibre de notre budget.

Enfin, nous avons dit que nous sommes prêts à étudier la taxation des superprofits pour les énergéticiens, compte tenu du faible rendement de la contribution sur la rente inframarginale. Des députés de la majorité y travaillent et nous sommes prêts, comme en matière de rachat d'actions, à évoluer sur le sujet.

M. Gérard Leseul
Vous mettez beaucoup de temps à travailler !

M. le président
La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES)
Tout d'abord, je m'inquiète de l'absence de réponse à la question que je vous pose pour la quatrième fois : allez-vous maintenir l'indexation sur l'inflation des pensions de retraite et des allocations sociales en 2025 ? Je crains que l'absence de réponse ne vaille réponse…

J'avais prévu de m'attarder sur les difficultés des collectivités territoriales consécutives à vos choix de réduire les soutiens à l'investissement, qui constituent une ineptie devant l'urgence écologique, sociale et démocratique. Vous estimez que les collectivités locales, en premier lieu le bloc communal, devraient participer à la réduction du déficit. Mais les collectivités locales, vous le savez, ont des budgets de fonctionnement en équilibre et des budgets d'investissement dont la dette est stable : elles ne sont donc pour rien dans l'aggravation du déficit public.

Néanmoins, ma question sera tout autre et je souhaiterais que vous puissiez y répondre.

M. Jocelyn Dessigny
Ce n'est pas gagné !

M. Nicolas Sansu
Venue de nombreux bancs de notre assemblée, monte l'exigence d'une contribution sur les hauts patrimoines pour financer la transition écologique. Cette disposition qui, de Gabriel Zucman aux auteurs Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz, d'Oxfam à la plateforme Tax the Rich, fait consensus, sera soutenue par plusieurs groupes dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025. De même, une proposition de loi visant à lutter contre les mécanismes d'optimisation et d'évasion fiscales sur les dividendes versés, qu'on appelle CumCum et CumEx, a été déposée et se trouve sur le bureau de l'Assemblée.

Ma question est simple : quelle est la position du Gouvernement sur ces deux sujets, à savoir la contribution exceptionnelle sur les revenus pour financer la transition écologique et la lutte contre les CumCum et CumEx ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES.)

M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Je vous referai la même réponse : il y a quelques mois, nous avons procédé à la revalorisation des pensions de retraite en les indexant sur l'inflation, soit une augmentation de 5,3% – 13 milliards d'euros – qui a permis de protéger les retraités contre l'inflation. Les prestations sociales ont elles aussi été indexées, ce qui représente un effort de 19 milliards d'euros.

Vous m'interrogez sans arrêt sur le projet de loi de finances pour 2025. Nous aurons l'occasion d'en débattre, car vous savez que des rendez-vous sont prévus à ce sujet.

S'agissant des dotations d'investissement pour les collectivités, je ne peux pas vous laisser dire ce que vous avez dit.

M. Nicolas Sansu
Si.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
On n'a jamais autant aidé les collectivités territoriales ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

Mme Yaël Menache
C'est une honte !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
De quand date la création du fonds Vert avec ses 2 milliards d'euros ? Oui, c'était il y a deux ans. Et nous n'aurions fait aucun effort ? Quand il a fallu mettre les collectivités territoriales à contribution pour plus de 10 milliards d'euros sur la dotation globale de fonctionnement, je crois d'ailleurs qu'on ne vous a pas entendu à l'époque.

M. Nicolas Sansu
Moi ? Vous plaisantez ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
C'est un " vous " général, monsieur le député.
J'en viens à la lutte contre la fraude fiscale : elle a produit 15 milliards d'euros de constatations et de redressements, grâce à une hausse de 25% des contrôles fiscaux. Vous savez que la lutte contre la fraude fiscale, sociale et douanière est notre priorité et je serais ravi d'en débattre avec vous. Nous sommes preneurs de vos propositions.
S'agissant enfin de la contribution sur les plus riches, Bruno Le Maire et moi-même nous sommes déclarés favorables à une initiative internationale, européenne, comme nous l'avons fait pour l'impôt sur les sociétés des multinationales, pour taxer celles et ceux qui échappent à l'impôt.

M. Nicolas Sansu
Et la lutte contre les CumCum et les CumEx ?

M. le président
La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES)
Monsieur le ministre, vous répétez à qui veut l'entendre que la France n'a jamais autant dépensé pour l'écologie. On a envie de vous répondre : encore heureux ! Qui pourrait imaginer qu'on dépense moins qu'il y a dix ans pour l'écologie alors que les conséquences du dérèglement climatique sont là et que nous n'avons que quelques années pour agir ? Mais, vous le savez, votre effort n'est pas du tout à la mesure de cet enjeu historique : selon le rapport de Selma Mahfouz et Jean Pisani-Ferry sur les incidences économiques de l'action pour le climat, les financements publics supplémentaires nécessaires devraient être portés à 34 milliards d'euros, dont on peut estimer que les deux tiers doivent être engagés par l'État.

Or, à rebours de l'histoire, vous avez clairement décidé de sacrifier l'écologie sur l'autel de l'orthodoxie budgétaire. Sur les 10 milliards d'euros de coupes budgétaires décidées par décret en février dernier, 2,2 milliards concernaient le budget de l'écologie : 1 milliard sur MaPrimeRénov, 341 millions sur les infrastructures de transport, 430 millions sur le fonds Vert. Concrètement, ce sont des actions de végétalisation dans les villes, de protection contre les incendies et les inondations, des rénovations thermiques d'écoles qui ne seront pas réalisées.

Dans la deuxième tranche de 10 milliards prévue dès cette année, les premières informations sont parues aujourd'hui, faisant état de nouvelles coupes à venir dans le budget de l'écologie – entre 1 et 1,4 milliard d'euros. Ma question est simple : confirmez-vous que vous prévoyez de nouvelles coupes budgétaires, une fois de plus sur le budget de l'écologie ? Êtes-vous conscient que vous laissez les Français seuls et désarmés face aux conséquences du dérèglement climatique, au moment où ils ont le plus besoin d'être accompagnés ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR-NUPES.)

M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
La lecture des chiffres du budget constitue décidément un point de désaccord entre nous. Ce n'est pas le Gouvernement qui a fixé la méthodologie qui nous permet de retracer finement dans le budget de l'État les dépenses dites vertes, celles qui contribuent directement à la transition écologique. En examinant ensemble ce budget, nous constaterions que plus de 40 milliards d'euros de nos dépenses sont directement dédiés à la transition écologique, soit une augmentation de 8 milliards. Ce n'est quand même pas rien, 8 milliards ! Vous voudriez probablement plus, c'est en tout cas ce que j'ai cru comprendre dans vos différentes prises de parole.

Mme Eva Sas
Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le rapport de Selma Mahfouz et Jean Pisani-Ferry !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Les dépenses liées à MaPrimeRénov' augmentent et le budget vert, qui n'existait pas auparavant, accompagne notamment la végétalisation des villes et la rénovation de nos écoles. Répondant à une demande des collectivités territoriales, nous avons élargi le FCTVA aux dépenses d'aménagement de terrain, pour plus de 250 millions d'euros. C'est pourquoi je ne peux pas vous laisser dire que nous laisserions les Français seuls face à l'enjeu de la transition écologique et du réchauffement climatique, alors que nous investissons comme jamais dans la rénovation énergétique, que nous soutenons la biodiversité et que nous avons réformé la politique de l'eau. Notre action porte sur tous les champs de la transition écologique.

Enfin, il n'y aura pas de nouveau décret d'annulation. Les 10 milliards d'euros supplémentaires seront obtenus, à la fois par la mise à contribution des réserves de précaution des ministères. Dans le ministère de la transition écologique, de nombreux opérateurs possèdent une trésorerie qui peut être utilisée pour faire des efforts. Nous allons aussi demander aux collectivités territoriales de ralentir leurs dépenses et un travail sur les recettes est engagé par les parlementaires de la majorité. Tous ces leviers permettront d'atteindre les 10 milliards d'euros supplémentaires, pour tenir notre engagement de ramener le déficit à 5,1% du PIB cette année.

M. le président
La parole est à M. Stéphane Vojetta.

M. Stéphane Vojetta (RE)
Face au ralentissement économique en France et en Allemagne, le Gouvernement s'est engagé à rétablir nos comptes publics, avec l'objectif de revenir sous les 3% de déficit d'ici à 2027, puis d'atteindre l'équilibre des comptes publics en 2032. Les marchés financiers et les agences de notation expriment leur confiance en notre capacité collective à tenir cette trajectoire exigeante. Nous devrons en faire bon usage.

Le titre absurde du débat proposé ce soir par le groupe La France insoumise sur le thème de " l'austérité imposée par le Gouvernement " m'a personnellement ramené à l'année 2012. À l'époque déjà, je vivais parmi les Français d'Espagne qui, aujourd'hui, ne pourraient que sourire en lisant cette question. Austérité, sérieusement ? Les mots ont un sens, chers collègues. Alors permettez-moi de vous rappeler ce qu'est l'austérité budgétaire.

En Espagne, à la suite de la crise des subprimes, devenue crise immobilière, puis crise bancaire, puis crise de la dette publique, après trois ans de récession et d'application d'un plan de rigueur engagé par un gouvernement socialiste, la part des dépenses publiques dans le PIB était passée de 46,3% à 41,6%, soit une réduction de cinq points en trois ans : c'est cela, l'austérité. Aujourd'hui, en France – vous l'avez rappelé, monsieur le ministre – les dépenses publiques représentent 57% du PIB. Pour la seule année 2012, les budgets des ministères espagnols furent réduits de 17% en moyenne et un énième plan d'austérité était annoncé : réduction du nombre de jours de congé des fonctionnaires, augmentation du taux de TVA de trois points, de nombreux produits passant du taux réduit de 8% à 21% : c'est cela, l'austérité. Par ailleurs, la stratégie espagnole visant à restaurer la compétitivité provoqua également une baisse des salaires réels par tête. Malgré cela, le taux de chômage en Espagne atteignit en 2012 plus de 25% en moyenne, 55% chez les jeunes de moins de 25 ans, et les indemnités chômage passèrent de 60% à 50% du dernier salaire : c'est cela, l'austérité.

Alors, chers collègues mélenchonistes et lepénistes, vous devriez cesser de parler d'austérité, sinon quel mot vous restera-t-il pour qualifier les sacrifices auxquels vous devrez rapidement soumettre tous les Français si nous avions le malheur de vous voir un jour présider à la politique économique de notre pays ? Monsieur le ministre, ma question est simple : comment qualifieriez-vous notre politique économique et budgétaire actuelle, qui est tout sauf une politique d'austérité ?

M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Comme M. Vojetta, que je remercie, je ne comprends pas le titre du débat. Vous auriez pu le dire aux députés du groupe La France insoumise, mais ils n'assistent même pas à la fin du débat organisé à leur demande !

Je partage votre point de vue : comment affirmer sérieusement que nous menons une politique d'austérité ? Vous rappeliez l'exemple espagnol que vous connaissez très bien. Je pourrais évoquer l'exemple de la Grèce, où la dépense de l'État a chuté de plus de 20% entre 2013 et 2014 ! Avec 10 milliards de réduction de dépenses sur un budget de 1 600 milliards, nous en sommes très loin.

En revanche, nous sommes très fiers de nos résultats en matière de politique économique. (M. Jocelyn Dessigny rit.) Vous pouvez ricaner sur les bancs du Rassemblement national, mais il n'empêche : quand vous créez plus de 2 millions d'emplois, que le taux de chômage est de 7,5% et que vous restez le pays le plus attractif d'Europe... Je comprends que cela vous déplaise parce que vous vivez du malheur des autres, donc la réussite vous déplaît manifestement. Je le regrette. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

M. le président
La parole est à M. Matthieu Marchio.

M. Matthieu Marchio (RN)
Incapable de rassembler une majorité autour d'un projet de loi de finances rectificative, votre gouvernement s'attaque par décret à la santé des Français pour faire des économies. À partir du 15 mai, pour chaque consultation et chaque acte médical, ce n'est plus 1 euro, comme à présent, mais 2 euros qui resteront à la charge du patient. Cette mesure scandaleuse fait suite au doublement des franchises médicales sur les boîtes de médicaments et s'appliquera aux affections de longue durée (ALD). Une fois de plus, vous vous en prenez aux Français qui souffrent.

Alors que vous demandez un effort supplémentaire à des millions de Français qui ne peuvent déjà plus se soigner, nous apprenons qu'un individu entré clandestinement en France et bénéficiaire de l'aide médicale de l'État (AME), lui, ne verra pas son reste à charge augmenter. On l'a compris, pour se soigner dans la France de Macron, il vaut mieux être clandestin que Français.

Pire encore, toujours par décret, vous envisagez de demander aux patients bénéficiant d'une ambulance ou d'un taxi remboursé d'avancer les frais. À partir de 2025, ils devront même payer une pénalité. Vous faites donc des économies sur le dos des Français qui souffrent de graves maladies et qui peuvent revenir par exemple d'une dialyse ou d'une séance de chimiothérapie.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
C'est faux !

M. Matthieu Marchio
Pour se soigner dans la France de Macron, il vaut mieux être riche que pauvre.
Le manque d'humanité de ce gouvernement envers les personnes gravement malades n'est pas très étonnant lorsqu'on sait qu'une de ses ministres a osé comparer l'attente d'une nomination ministérielle à celle des résultats du diagnostic d'un cancer. Quelle honte !
Je rappelle l'alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946 : " [La nation] garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé. " Ma question est simple : quand cesserez-vous de mener une politique d'austérité sur le dos des Français qui souffrent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

Mme Yaël Menache
Bravo !

M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Nous clôturons le débat en beauté ! Après nous avoir accusés de ne pas savoir tenir les comptes publics, vous vous montrez incapables de soutenir la moindre mesure d'économie. En outre, vous formulez des contrevérités manifestes. Contrairement à ce que vous affirmez, nous protégeons bien sûr les patients souffrant d'ALD contre l'augmentation des franchises et des participations forfaitaires. En effet, leur cas est couvert par un forfait qui, lui, n'évolue pas, destiné aux patients dont la situation exige des visites médicales et des prescriptions régulières.
Vous qui défendez un programme économique qui mènerait notre pays à la ruine…

M. Jocelyn Dessigny
Pas de leçons de morale !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Je ne vous fais pas une leçon de morale, je rappelle des faits : vous voulez exonérer d'impôt sur le revenu les moins de 30 ans,…

M. Matthieu Marchio
On est ici pour parler de vous !

Mme Yaël Menache
C'est de votre bilan qu'on parle !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
…nationaliser les autoroutes et baisser la TVA. Vous ne proposez aucun financement pour les 100 milliards d'euros que coûteraient ces mesures, sinon celui que vous voulez tirer de l'étranger, votre obsession. Vous pensez qu'il suffira à financer ces dépenses ! Vous n'êtes pas crédibles en matière de finances publiques.

Mme Yaël Menache
Parce que vous, vous l'êtes ?

M. le président
La parole est à M. Jocelyn Dessigny.

M. Jocelyn Dessigny (RN)
Nous avons eu hier un débat similaire, lors duquel vous n'avez pas voulu répondre à mes questions. Je vais donc les réitérer. Qu'avez-vous fait de l'argent des Français ?
Vous parlez de lutte contre la fraude, mais vous savez pertinemment que vous n'avez rien fait en la matière, comme nous l'avons vu lors d'une récente semaine de contrôle où nous vous avons interrogé à ce sujet.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
C'est faux !

M. Jocelyn Dessigny
Vous n'avez pas été au rendez-vous et vous avez esquivé les questions que nous vous posions.

Vous parlez des collectivités territoriales, mais vous les avez mises sous perfusion. Les départements sont en souffrance. Pour la première fois de son existence, le département de l'Aisne, dans lequel je suis élu, déposera cette année un budget en déséquilibre. Le président du conseil départemental est pourtant le secrétaire de Départements de France chargé des finances. La faute n'en est donc pas à une mauvaise gestion, mais aux transferts de compétences que vous n'avez pas assumés pleinement et qui mettent les collectivités territoriales en grave difficulté.

Interrogé sur votre budget vert, vous vantez les 10 milliards d'économies réalisées par décret, mais vous savez pertinemment, comme je vous l'ai rappelé encore hier, qu'il s'agit là de fausses économies. En effet, vous aviez volontairement surévalué les budgets en question pour pouvoir ensuite en réduire les dépenses.

Vous n'êtes pas au rendez-vous, monsieur le ministre. Votre bilan est éloquent. Vous allez demander des efforts aux collectivités territoriales, alors qu'elles sont les seules à rendre systématiquement un budget à l'équilibre. Quant à vous, vous présentez chaque année un budget en déséquilibre, depuis toujours ! Vous faites partie d'un gouvernement qui a porté à 3 000 milliards d'euros la dette de la France ; Emmanuel Macron, votre ministre Bruno Le Maire et vous-même êtes directement responsables de 900 millions – pardon, 900 milliards d'euros de dette. Les chiffres sont si considérables qu'on s'y perd !

Je n'ai pas de question à vous poser, mais une demande à vous faire : ne nous donnez pas de leçons de morale. Quand on est le dernier de la classe, on a l'humilité de rester à sa place ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

Mme Yaël Menache
Bravo !

M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.

M. Tomas Cazenave, ministre délégué

M. Dessigny ne m'a pas posé de question mais s'est livré à un commentaire libre, qui appellera de ma part un commentaire tout aussi libre. Je pense que vous faites semblant de ne pas comprendre mes réponses. En matière de lutte contre la fraude, par exemple, nous avons présenté nos résultats. Ainsi, nous avons augmenté de 50% les recouvrements d'argent liés au travail dissimulé. Ces chiffres sont publics. Quant à la fraude fiscale, notre taux de recouvrement a augmenté de plus de 20%.

M. Jocelyn Dessigny
Ce n'est pas grand-chose !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Je sais que ces chiffres ne vous conviennent pas : vous préféreriez que nos mesures ne marchent pas (Exclamations sur les bancs du groupe RN),…

M. Jocelyn Dessigny
Non, on préférerait qu'elles marchent !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
…que nous n'ayions pas créé 2 millions d'emplois en France, que le taux de chômage soit très élevé et que nous n'attirions aucun investisseur étranger. Je vous comprends, car vous êtes ici en campagne électorale, et c'est probablement pourquoi vous n'avez aucune question à me poser.

Mme Yaël Menache
N'importe quoi !

M. Jocelyn Dessigny
Vous en parlerez aux ouvriers qui sont au chômage à cause de vous !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
En revanche, lors de ce débat ou des précédents, je ne vous ai jamais entendu nous proposer de mesures d'économie.

Mme Yaël Menache
On a un programme, il faut le lire !

M. Jocelyn Dessigny
M. Gillet vous a donné nos propositions tout à l'heure !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Bien au contraire, quand nous faisons des économies, vous les estimez absolument insupportables, comme vient de le dire M. Marchio à propos des franchises médicales.

Mme Yaël Menache
Il faut nous écouter et prendre des leçons !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué
Où sont vos mesures d'économie, à part la suppression de l'AME, qui ne rapporterait guère que 1 milliard d'euros ? Ce n'est pas avec cela que nous allons redresser les comptes publics ! Je crois que vous le savez, monsieur le député, aussi n'ai-je rien à ajouter à ce débat. Je pense avoir expliqué notre stratégie et démontré l'efficacité économique de la politique que nous menons depuis 2017.

Mme Yaël Menache
Ah oui, cela se voit !

M. le président
Le débat est clos.


Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 13 mai 2024