Texte intégral
Mme la présidente
L'ordre du jour appelle les questions sur la santé mentale des jeunes. La conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse, sans droit de réplique.
La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre Dharréville (GDR-NUPES)
Pour des raisons de forme et de fond, le dispositif Mon soutien psy a davantage été un échec qu'une réussite. Seuls 7 % des psychologues libéraux s'y sont engagés, sans toujours y rester, peu convaincus de pouvoir sérieusement dispenser leur accompagnement dans ce contexte. Il a également raté sa cible, puisque 10 % des bénéficiaires seulement sont en situation de précarité – cela ne veut pas dire que les autres n'ont pas également des besoins.
Ce dispositif a été créé pour se substituer à une prise en charge gratuite, adaptée et non limitée, en centre médico-psychologique (CMP). Toutefois, au lieu de prendre des mesures fortes pour pallier le manque de psychologues dans les structures et à l'hôpital, on a organisé une forme de contournement, qui s'avère défaillant. Les millions d'euros ainsi engagés permettraient pourtant le recrutement de milliers de psychologues dans les CMP. Il est insupportable de devoir attendre six mois, un an, voire plus, pour obtenir un rendez-vous et un suivi. Cette situation résulte d'un sous-investissement chronique dans les soins psychiques.
C'est vrai pour les adultes comme pour les enfants. Une étude de l'assurance maladie et de Santé publique France, publiée en janvier, a démontré que les pathologies psychiatriques, notamment les retards mentaux ou affectifs, sont plus fréquentes chez les 2 à 3 millions d'enfants les plus modestes.
C'est vrai pour les jeunes. Selon le baromètre de Santé publique France, les pensées suicidaires ont été multipliées par deux chez les 18-24 ans depuis 2014. Il manque des psychologues partout, pour accompagner, prendre en charge et pratiquer une psychiatrie humaine, qui ne soit pas réduite aux situations de crise et qui ne soit pas non plus contrainte à l'usage de la contention.
Le Gouvernement compte-t-il conforter la psychiatrie de secteur ou bien continuer sa désagrégation ? Entend-il recruter et créer des postes, mieux rémunérer et reconnaître les métiers dans le service public pour proposer l'accompagnement pluridisciplinaire auxquels nos concitoyennes et concitoyens ont droit et qui ne correspond pas à l'argent englouti par le dispositif Mon soutien psy ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention
Vous pointez un dispositif, Mon soutien psy, qui est nouveau : il est apparu il y a tout juste deux ans, au printemps 2022. Comme tous les dispositifs à leur lancement, il peine à donner sa pleine mesure, mais il a, au moins, le mérite d'exister. Plus de 250 000 patients ont déjà été pris en charge, adressés par 500 000 médecins, ce qui représente près de 1,3 million de séances réalisées.
Cependant, vous avez raison, le dispositif méritait d'être revu, comme l'a d'ailleurs annoncé le Premier ministre dans son discours de politique générale. Nous y avons travaillé et nous sommes sur le point de déployer des mesures nouvelles que je vais vous exposer.
Quelles étaient les principales critiques opposées à ce dispositif ? Le tarif appliqué, de 30 euros par séance, était jugé trop peu élevé ; le nombre de huit séances prises en charge était jugé insuffisant ; enfin, la condition d'adressage initial par un médecin constituait un frein pour nombre de patients. Les leçons ont été tirées puisque la fin de l'adressage par le médecin généraliste a été décidée ; le nombre de séances passera de huit à douze – permettant de dessiner un vrai parcours de prise en charge ; enfin, une augmentation du tarif des séances est prévue, puisqu'il passera de 30 à 50 euros. Une lettre de couverture permettra d'accéder directement à un psychologue conventionné. Cette disposition sera effective dès le début de l'été, sans attendre des évolutions législatives, afin de simplifier et d'accélérer la prise en charge d'un plus grand nombre de patients. Enfin, l'arrêté de revalorisation des tarifs – qui passeront à 50 euros, je le répète – sera pris dans les prochains jours. L'objectif est que le dispositif soit très rapidement plus opérationnel.
La France est l'un des seuls pays au monde à proposer aux patients, grâce à ce mécanisme, des parcours de prise en charge gratuits, à hauteur de douze séances désormais. Il faut aussi souligner cette innovation.
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet (GDR-NUPES)
Le rapport de notre collègue Marie-George Buffet, publié en décembre 2020, au nom de la commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse nous alertait déjà sur la détérioration de la santé mentale des jeunes dans le cadre de la crise sanitaire. Si les conséquences psychiques ont été mesurées en augmentation dans la population générale, elles répondent à des problématiques bien plus spécifiques chez les jeunes. Il était ressorti de la commission d'enquête que la France ne comptait qu'un psychologue universitaire pour 30 000 étudiants et que le nombre de pédopsychiatres avait baissé de moitié en dix ans. Plus largement, la question des ressources humaines et financières à engager pour permettre un renforcement massif de la pédopsychiatrie, notamment à l'hôpital, était soulevée.
Le secrétaire d'État Adrien Taquet avait alors annoncé à la commission d'enquête la création de postes de chefs de clinique, afin de recréer la filière – tout en expliquant que six à sept ans seraient nécessaires. Où en sommes-nous désormais ?
La commission d'enquête avait également souligné la question du cyberharcèlement et des cyberviolences et recommandé de sensibiliser les jeunes et les familles. Concernant les étudiants, elle avait proposé de renforcer les moyens humains et matériels de l'ensemble des structures qui participent au dispositif de la santé universitaire, notamment pour la santé mentale.
Si nous créons des commissions d'enquête, c'est précisément pour évaluer et contrôler une politique publique avec précision afin, ensuite, d'en tirer des enseignements. Nous connaissons ces enseignements depuis 2020. Nous nous interrogeons donc sur leur application. Monsieur le ministre, où en est la concrétisation de ces recommandations largement consensuelles ? Trois ans et demi après, le Gouvernement compte-t-il s'en saisir ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Votre question est très pertinente et nous avons bien identifié les problèmes que vous pointez du doigt. Le suicide est la deuxième cause de mortalité pour les 10-25 ans. Entre les périodes 2015-2019 et 2021-2022, les hospitalisations pour gestes auto-infligés – ce qui inclut les tentatives de suicide et les automutilations – ont augmenté de 63 % pour les filles de 10 à 14 ans et de 42 % pour les adolescentes de 15 à 19 ans. Je citerai quelques chiffres à l'appui de votre constat : entre mars 2020 et juillet 2021, près d'un enfant sur six a eu besoin de soins pour un motif psychologique – l'impact de la crise sanitaire sur l'état de santé mentale de la jeunesse est bien visible.
Face à cette situation, le Gouvernement n'est pas resté les bras ballants. Parmi les dispositifs déployés, j'évoquerai tout d'abord le 3114, le numéro national de prévention du suicide créé en octobre 2021. Le fait que j'évoque un numéro d'appel vous fera peut-être sourire, mais écoutez d'abord les chiffres et vous verrez qu'il est utile. Les dix-sept centres de réponse répartis sur le territoire national, en métropole et en outre-mer, ont répondu à 270 000 appels en 2023 et à plus de 500 000 appels depuis sa création. Ce numéro a pris en charge de très nombreux jeunes grâce à un financement de 24 millions d'euros.
Le dispositif VigilanS, qui consiste à recontacter et à suivre les personnes, notamment les jeunes, ayant fait une tentative de suicide, a été déployé à l'échelle nationale. Depuis sa création, il a pris en charge 145 000 personnes. À la suite des assises de la psychiatrie et de la santé mentale lancées par le Président de la République, les maisons des adolescents (MDA) ont été déployées. Il en existe 125 sur le territoire national, en métropole et en outre-mer. Les moyens des centres médico-psychologiques pour enfants et adolescents (CMPEA) ont été renforcés : 95 ETP – équivalents temps plein – supplémentaires leur ont été alloués et leur budget a considérablement augmenté.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NUPES)
À l'heure actuelle, 20 % des postes de psychiatres ne sont pas pourvus, soit plus de 1 000 postes. L'état de la psychiatrie en France est catastrophique. À la réflexion, le cœur du problème semble résider dans la politique menée ces dernières décennies : la psychiatrie a été considérée comme une spécialité comme les autres, ce qui, nous le savons, n'est pas le cas. Au contraire, nous devons en faire une priorité, notamment en combattant les préjugés.
La Défenseure des droits estime à six mois le délai d'attente moyen pour consulter un pédopsychiatre. D'après un rapport de 2023 du Conseil de l'enfance et de l'adolescence, intitulé « Quand les enfants vont mal : comment les aider », 597 pédopsychiatres étaient recensés au 1er janvier 2020 et leur âge moyen était de 65 ans. D'après la communication de la Cour des comptes à la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, intitulée « La pédopsychiatrie. Un accès et une offre de soins à réorganiser », alors que 1,6 million d'enfants et d'adolescents souffrent d'un trouble psychique, seuls 0,9 % des professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PU-PH) enseignent la pédopsychiatrie.
Au Havre, où l'existence d'une dizaine d'antennes de centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) permettait une réelle prise en charge des enfants dans leurs lieux de vie, depuis une dizaine d'années, ces antennes ont été regroupées au sein des services de CMPP rattachés au centre hospitalier. Il en reste trois. Désormais, outre les délais d'attente auxquels elles sont confrontées, les familles qui résident en périphérie doivent effectuer des déplacements longs et fastidieux pour que leurs enfants bénéficient d'un accompagnement, ce qui entraîne un grave problème d'éviction des enfants : certains d'entre eux, qui en auraient pourtant besoin, ne s'y rendent plus.
Où en est la stratégie dite d'ampleur promise par le Premier ministre ? Sera-t-elle vraiment déployée ? Grâce à quels moyens ? La création d'un secrétariat d'État à la santé mentale en fait-elle partie ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Oui, à la suite de vingt à trente ans de sous-investissement chronique, la psychiatrie est depuis des années le parent pauvre du système de santé. Soyons francs, la situation de la pédopsychiatrie est encore plus difficile. Les mesures prises depuis les assises de la santé mentale et de la psychiatrie de 2021, alors que la France était encore touchée par l'épidémie de covid, ont contribué à relancer l'investissement. Le Conseil national de la refondation (CNR) sur la santé mentale, qui se tiendra à partir du 12 juin prochain, amplifiera les mesures annoncées en 2021. Un secrétariat d'État dédié n'est pas nécessaire : le ministère de la santé est responsable du champ de la santé dans sa globalité. Si la nomination d'un secrétaire d'État permettait par miracle de résoudre les problèmes, une telle nomination serait certainement intervenue.
Déployer ces mesures et les budgets correspondants requiert un long travail. Je prendrai un seul exemple : les CMPEA, auxquels vous avez fait référence. De nouveaux moyens leur ont été alloués. La création de 400 ETP sur la période 2023-2025 améliorera la prise en charge proposée par ces structures essentielles, situées en ville et animées par des professionnels de ville, et qui nécessitent des budgets. Le rythme des recrutements constitue le principal écueil. Seuls 94 ETP sur les 400 prévus ont été pourvus en 2023. Même si les créations de postes sont échelonnées sur trois ans, nous devons accélérer les recrutements.
Nous devons peut-être aussi faire bouger certains curseurs. Ainsi, nous encourageons l'implantation de nouveaux métiers, en particulier les infirmiers en pratique avancée (IPA), y compris dans le domaine de la santé mentale et de la psychiatrie, ainsi que la reconnaissance des psychologues, de manière à élargir l'éventail de la prise en charge.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Marc Tellier.
M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES)
À la suite de la crise sanitaire, de nombreuses études relatives à la santé psychologique des jeunes ont été menées. Leur santé mentale s'est largement dégradée et la situation des jeunes filles est encore plus inquiétante. D'après une étude de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) publiée en février, le nombre d'hospitalisations pour des tentatives de suicide et des automutilations a augmenté chez les jeunes filles. Les chiffres sont édifiants : l'augmentation atteint 63 % parmi les 10-14 ans et 42 % parmi les 15-19 ans.
Menée conjointement par l'École des hautes études en santé publique (EHESP) et par l'observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) et publiée le 9 avril dernier par Santé publique France, l'enquête nationale en collèges et en lycées chez les adolescents sur la santé et les substances (Enclass) confirme cette tendance : la santé mentale des adolescents s'est nettement dégradée entre 2018 et 2022. Cette dégradation, qui est plus marquée chez les jeunes filles, creuse l'écart, déjà observé auparavant, entre les garçons et les filles. Enfin, d'après les données statistiques disponibles, les troubles du comportement alimentaire (TCA) touchent en moyenne deux à trois fois plus les jeunes filles, ce qui traduit pour partie l'influence des réseaux sociaux sur l'image de la femme.
Dans son discours de politique générale, Gabriel Attal a affirmé vouloir faire de la santé mentale une grande cause de l'action gouvernementale, mais les premières mesures ne répondent pas suffisamment à l'urgence de la situation, qui est de plus en plus préoccupante. Le remboursement de huit à douze séances chez le psychologue dans le cadre du dispositif Mon soutien psy n'est pas à la hauteur des enjeux. Ce dispositif est controversé parmi les professionnels, qui réclament une prise en charge plus générale de la santé psychologique. Enfin, la création d'une maison des adolescents dans chaque département ne suffit pas à répondre à la détresse des adolescents. Il y a urgence : nous ne pouvons pas laisser la situation se dégrader de la sorte. Par quelles mesures entendez-vous répondre au mal-être grandissant des jeunes et plus particulièrement des jeunes filles ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
J'ai déjà cité des chiffres et je partage le constat dressé par les précédents orateurs : le taux de suicide, le désespoir des jeunes et l'état de leur santé mentale s'imposent à notre attention et appellent des réponses. Le renforcement depuis 2021 des moyens alloués à la psychiatrie, à la pédopsychiatrie et aux structures de prise en charge vise à accompagner un nombre croissant de jeunes. J'ai cité tout à l'heure les 500 000 appels reçus par le numéro national d'appel : ce chiffre signifie que des jeunes sont pris en charge. Je le rappelle, ce sont des professionnels qui décrochent les appels, qui accompagnent les jeunes, qui les orientent vers d'autres professionnels sur leur lieu de résidence et qui dirigent les appels vers les centres.
Je ne reviendrai pas sur le dispositif VigilanS. Pas moins de 125 maisons des adolescents sont désormais implantées partout sur le territoire, jusqu'en Polynésie française. Les professionnels jugent ces dispositifs bénéfiques parce qu'ils regroupent en un même lieu des professionnels aux compétences différentes dans l'intérêt de l'enfant. Vous avez cité le dispositif Mon soutien psy. Des mesures telles que la plus grande facilité d'adressage, la hausse de la rémunération des consultations, le passage de huit à douze consultations, qui en fait un vrai parcours – bien sûr, on ne lâche pas les enfants au bout de la douzième séance si une prise en charge plus longue est nécessaire : dans ce cas, ils sont orientés vers d'autres professionnels –, devraient vous rassurer. Elles amélioreront l'adhésion des professionnels – ceux que j'ai rencontrés attendaient de tels signaux et disent que, dorénavant, ils ont très envie d'entrer dans le dispositif.
Mme la présidente
La parole est à Mme Martine Froger.
Mme Martine Froger (LIOT)
Le baromètre de Santé publique France publié le 5 février, à l'occasion de la journée mondiale de prévention du suicide, confirme la grave dégradation de la santé mentale des jeunes adultes. Depuis 2014, la prévalence des pensées suicidaires chez les 18-24 ans a doublé. Entre 2017 et 2021, le nombre de tentatives de suicide déclarées dans cette même tranche d'âge a doublé également. L'ampleur de la propagation chez les jeunes de troubles tels que la phobie sociale, la dépression, la schizophrénie, les conduites addictives, voire, dans les cas les plus tragiques, les violences et les actes suicidaires, mérite une prise de conscience collective afin de concevoir une action publique volontaire et ambitieuse.
Mieux détecter les troubles de santé psychique et mieux soigner les jeunes passe inévitablement par un renforcement de la psychiatrie, qui n'en finit pas d'être le parent pauvre de la médecine. Le désarroi des familles confrontées aux délais d'attente, qui peuvent atteindre plus d'un an pour obtenir une place dans un CMPP, est immense. Nous comptons seulement 600 pédopsychiatres pour près de 10 millions de jeunes, ce qui est peu. La profession souffre d'un manque évident d'attractivité. Il en va de même de la médecine scolaire, qui joue un rôle fondamental pour appréhender les troubles psychiques dès le plus jeune âge. Pourtant, selon les syndicats, on dénombre un médecin scolaire en exercice pour 7 800 élèves alors qu'il en faudrait un pour 5 000. Nous devons y consacrer des moyens et revaloriser leurs rémunérations, qui sont trop faibles.
Enfin, il apparaît urgent de réformer le dispositif Mon soutien psy – Gabriel Attal a d'ailleurs reconnu qu'il n'avait pas produit les effets escomptés et a annoncé une réforme. Face à cette situation préoccupante, quelles réponses spécifiques comptez-vous apporter afin d'instaurer une véritable stratégie nationale, qui fasse de la santé mentale des jeunes une grande cause nationale ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Je profiterai de votre question pour préciser plusieurs points. La feuille de route en santé mentale et psychiatrie, lancée en 2018, comprenait trente-sept actions et était dotée d'un budget de 1,4 milliard d'euros, je le répète. En 2021, lors des assises de la santé mentale et de la psychiatrie, qui ont tiré les conséquences de la pandémie, un budget supplémentaire de 1,9 milliard sur plusieurs années a été alloué au secteur afin de renforcer la prise en charge des Français, adultes comme enfants. J'ai présidé il y a quelques jours le comité de suivi de la feuille de route en santé mentale, qui est animée par le délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, le professeur Frank Bellivier. Ce comité a été l'occasion de faire le point sur l'application des mesures.
Puisque vous suivez ces questions, vous connaissez les actions mises en œuvre. Prenons l'exemple du déploiement du secourisme en santé mentale auprès du milieu étudiant : en 2023, 2 700 étudiants et 1 500 autres jeunes de 18 à 25 ans ont été formés aux premiers secours en santé mentale. Une telle formation permet aux jeunes qui en bénéficient de mieux détecter les signaux faibles chez ceux de leurs camarades qui présenteraient des symptômes nécessitant un accompagnement. J'ai déjà indiqué qu'il existe 125 maisons des adolescents. Par ailleurs, une quarantaine de mesures font l'objet d'un suivi régulier – je ne les citerai pas toutes. Les assises de la santé de l'enfant et de la pédiatrie que j'organise le 24 mai, et dont l'un des volets porte sur la santé mentale, seront l'occasion de les renforcer. Enfin, le CNR santé mentale, dédié spécifiquement à cette question, se réunira du 12 juin au 5 juillet, date à laquelle de nouvelles mesures seront annoncées en complément de celles déjà prises en matière de santé mentale.
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Lenormand.
M. Stéphane Lenormand (LIOT)
L'enquête Enclass publiée récemment révèle que 14 % des collégiens et 15 % des lycéens présenteraient un risque important de dépression. D'après les données de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour 2023, la maladie mentale et les troubles psychiques toucheraient près d'un cinquième de la population, soit environ 13 millions de Français. Au sortir de la crise du covid-19, ce phénomène se serait accentué, en particulier chez les jeunes puisqu'on estime qu'environ 15 % d'entre eux ont besoin d'un suivi ou de soins.
Ce constat est encore plus alarmant dans les outre-mer, où la situation de la santé mentale des 18-25 ans est très inquiétante. Il y a moins de professionnels de la santé mentale et moins de moyens pour le suivi et la prévention sur le terrain. Prenons La Réunion : selon l'observatoire régional de santé, les tentatives de suicide, deuxième cause de mortalité chez les jeunes âgés de 15 à 29 ans, ont représenté 1 100 séjours hospitaliers de 2020 à 2022.
Malgré les annonces faites lors des assises de la santé mentale et de la psychiatrie de 2021 et dans le cadre de la feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie pour 2023-2025, des lacunes persistent. Les professionnels de santé observent un déficit d'attractivité de la psychiatrie et de la médecine scolaire, un épuisement accru des professionnels et une certaine inefficacité des dispositifs d'aide destinés aux jeunes, tels que Mon soutien psy ou Santé psy étudiant.
Compte tenu de la situation, le Premier ministre a déclaré l'état d'urgence pour la santé mentale des jeunes le 7 avril dernier et a demandé à ses ministres chargés de la santé de travailler à une stratégie d'ampleur dans les prochains mois. J'aimerais savoir, monsieur le ministre, les mesures concrètes, fortes et urgentes que vous souhaitez privilégier pour faire face à ce fléau dans l'Hexagone et si vous envisagez une déclinaison particulière dans les outre-mer.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Les outre-mer sont pleinement concernés par l'ensemble des mesures que j'ai déjà citées, et il n'y a aucune raison de voir dans la montée en puissance progressive de certains dispositifs une volonté de les en écarter. Le numéro national 3114, grâce auquel 500 000 personnes ont déjà pu être prises en charge, déjà déployé à La Réunion depuis plusieurs années, vient d'être lancé en Guadeloupe et sera mis en place prochainement en Martinique et en Guyane. Précisons aussi que parmi les 125 maisons des adolescents existantes, huit sont installées en outre-mer, dont une en Polynésie.
Il faut aussi avoir à l'esprit que l'outre-mer inspire des dispositifs qui sont ensuite généralisés à l'échelon national. C'est ainsi que l'équipe de liaison et d'intervention auprès d'adolescents en souffrance (Elias), qui vient en appui aux professionnels de l'aide sociale à l'enfance (ASE), de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et de l'éducation nationale lancée par l'établissement public de santé mentale de La Réunion (EPSMR), va être étendue à tout le territoire national.
Vous le voyez, les outre-mer sont non seulement concernés par l'ensemble des dispositifs mis en place nationalement, mais inspirent des innovations appelées à être généralisées.
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani (LIOT)
Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre assurait vouloir faire de la santé mentale des jeunes une grande cause de son action gouvernementale. Les problèmes de santé mentale ne sont pas anodins : comme vous le savez, ils peuvent avoir des conséquences désastreuses. En 2020, 7,4 % des 18-24 ans interrogés confiaient avoir eu des pensées suicidaires, ce qui constitue un chiffre considérable. Avec 9 000 décès par suicide chaque année, la France est l'un des pays les plus touchés d'Europe et parmi ces victimes, on compte de très nombreux jeunes. Après les accidents de la route, les suicides constituent la deuxième cause de décès dans cette tranche d'âge.
Monsieur le ministre, le suicide n'est jamais le fruit d'une cause unique. Cependant, chez les jeunes, les réseaux sociaux constituent un catalyseur de différents maux et sont, à ce titre, régulièrement montrés du doigt. Alors qu'ils devaient ouvrir au monde, ils sont source d'isolement, de complexes, de troubles maladifs, de harcèlement et de violences. En 2023, le Parlement a adopté la loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, qui a permis d'établir une majorité numérique à 15 ans. Quelles mesures concrètes sont mises en œuvre pour contrôler l'accès aux plateformes des mineurs concernés ? S'il n'y en a pas encore, quand seront-elles déployées ?
Je profite de cette intervention, monsieur le ministre, pour vous rappeler que je vous ai adressé deux demandes d'entretien au sujet de l'hôpital de Bastia. Nous devons donner suite aux conclusions du rapport du Conseil national de l'investissement en santé (Cnis), car la situation l'exige. Nous attendons votre réponse, tout comme le personnel de cet établissement et les 60 % de la population de Corse dont il assure la protection. J'espère que ce léger hors sujet me sera pardonné.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Bien sûr, je m'accorde avec vous sur la nécessité de mobiliser des moyens dans le domaine de la santé mentale. Les réseaux sociaux sont un enjeu important de la santé mentale des jeunes et nous pouvons saluer la proposition de loi du président Marcangeli, que j'avais eu l'honneur de voter et qui a été adoptée. L'ambition de ce texte est partagée non seulement au sein de cette assemblée, mais aussi par le Gouvernement et le Président de la République, qui l'a évoquée dans son discours prononcé à la Sorbonne le 25 avril dernier. Des démarches au niveau européen devraient aboutir à des avancées – mais nous nous éloignons de la santé mentale des jeunes.
À l'occasion de la remise du rapport de la commission d'experts sur l'impact de l'exposition des jeunes aux écrans, le 30 avril dernier, remise à laquelle j'ai assisté, le Président de la République a confié à mon ministère et à d'autres la mission de donner une traduction concrète aux recommandations qu'il contient. Je peux d'ores et déjà vous annoncer que nous comptons intégrer certaines de ses préconisations en matière de santé aux premières avancées qui seront présentées lors des assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant organisées le 24 mai prochain.
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Serva.
M. Olivier Serva (LIOT)
Alors que nous débattons de la santé mentale de notre jeunesse, je veux me faire l'écho de nos territoires ultramarins, où les moyens de prise en charge manquent souvent à l'appel, alors même que les besoins sont prégnants. En Guadeloupe, une étude menée sur 400 enfants âgés de 10 à 18 ans en octobre dernier par le CMPP Les Lucioles à Grand Camp, dans la commune des Abymes, a montré que 55 % des jeunes Guadeloupéens avaient des idées suicidaires : un chiffre qui fait froid dans le dos. Une autre étude menée en 2020 par le comité scientifique du CMPP sur un échantillon de 893 enfants âgés de 3 à 20 ans a établi que les tentatives de suicide déclarées au cours de la vie ont augmenté de 50 % par rapport à 2017.
Les autres territoires ultramarins ne sont pas en reste s'agissant de la progression inquiétante du mal-être de nos jeunes. À La Réunion, selon l'observatoire régional de santé, un décès tous les quatre jours est dû à un suicide. Après les accidents de la route, le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les 18-29 ans. En Guyane, le phénomène de contagion suicidaire au sein des villages amérindiens, pour reprendre les termes du docteur Caroline Janvier, chef du pôle de santé mentale de l'hôpital de Cayenne, inquiète les autorités sanitaires. En 2020, une enquête de Santé publique France portant sur la période 2010 à 2018 a montré que les taux de suicide sont jusqu'à huit fois plus élevés dans les villages isolés de Guyane que dans l'Hexagone.
Ce triste tableau reflète l'état des moyens destinés à la santé mentale dans ces territoires : ils comptent entre 7 et 13,8 psychiatres pour 100 000 habitants contre 22,5 en France hexagonale et jusqu'à 170 à Paris. Quelles actions concrètes comptez-vous lancer pour améliorer la prise en charge de nos jeunes ultramarins, monsieur le ministre ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
J'ai rappelé quelques données concernant l'outre-mer en répondant à votre collègue Lenormand. Malheureusement, les chiffres que vous citez ne sont pas propres à l'outre-mer : à l'échelon national, en 2022, les tentatives de suicide ont augmenté de 63 % chez les 10-14 ans et de 42 % pour les 15-19 ans. Les outre-mer ne font pas l'objet d'un traitement différent. Y sont appliqués les mêmes dispositifs avec la même progressivité : certains départements d'outre-mer n'ont pas encore de centre d'appel 3114 – c'est le cas pour la Martinique et la Guyane, qui en seront dotées prochainement –, mais il va de même pour certains départements de l'Hexagone. Quant aux maisons des adolescents, plébiscitées par les professionnels pour leur utilité, il en existe huit en outre-mer, dont une en Polynésie.
La jeunesse ultramarine vit la même chose que la jeunesse hexagonale. L'ensemble de la jeunesse française est touchée par l'augmentation des situations de fragilité psychologique. Les causes de ce phénomène sont multiples et nous n'avons pas le temps de les détailler. Toujours est-il que les outre-mer ne font pas l'objet d'un traitement différencié.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Claude Raux.
M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES)
Je tiens à remercier les groupes GDR-NUPES et LIOT d'avoir proposé ce débat : la santé mentale des jeunes ne peut que nous inquiéter et nous mobiliser. La crise sanitaire a conduit à une dégradation de la santé mentale de manière plus marquée chez les jeunes que dans les autres tranches d'âge. Pourtant, le Gouvernement a continué de détricoter avec la dextérité d'une couturière le service public de santé. Je n'ai pas constaté les effets de la montée en puissance des dispositifs que vous évoquiez, monsieur le ministre. En revanche, j'ai retenu un chiffre tragique : à Nantes, en 2023, 123 jeunes de moins de 15 ans venus aux urgences pour des idées suicidaires n'ont pu être pris en charge. Combien seront-ils en 2024 ?
Les aiguilles plantées en plein cœur du service de santé entraînent une pénurie de soignants. Le manque de moyens a laissé tant de jeunes perdre le fil de leur vie ! La psychiatrie est au bord du gouffre, beaucoup de jeunes aussi, qui risquent de finir par chuter. À l'heure des discours montés en épingle sur la violence de la jeunesse, violence qui dit le mal-être, l'abandon, la souffrance, votre chef de gouvernement ne fait que répéter : matons, réprimons, enfermons ! Ce rapiéçage ne durera qu'un temps avant que la déchirure ne s'élargisse.
Je le dis encore : misons sur le soin et l'accompagnement pour vaincre la violence. Écoutons, accompagnons, retissons les liens d'une société plus sereine et donc apaisée. Imaginons ce que l'on pourrait faire avec les 2 ou 3 milliards du service national universel (SNU) pour proposer une véritable politique dédiée à la jeunesse destinée à lutter contre la vulnérabilité, la fragilité, l'angoisse.
La hausse de l'anxiété généralisée qui semble s'imposer à de trop nombreux jeunes n'est pas une fatalité, monsieur le ministre. Si vous comptez faire de la santé mentale une grande cause nationale, il faudra s'occuper sans délai de celles et ceux qui feront le monde de demain.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Le constat que vous dressez est unanimement partagé. Plusieurs actions ont déjà été mises en œuvre à la suite de la feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie en 2018 ou des assises de la santé mentale et de la psychiatrie qui sont venues amplifier les premières mesures. Les moyens budgétaires eux aussi ont été augmentés dès 2021.
Parmi les dispositifs créés pour les jeunes, j'ai évoqué trop rapidement celui du secourisme en santé mentale : en formant des jeunes, on peut faciliter le repérage de signaux faibles et la prise en charge de ceux qui en auraient besoin. En 2023, 2 700 étudiants ont été formés aux premiers secours en santé mentale ; au 1er avril 2024, 115 000 secouristes avaient été formés depuis la création du dispositif en 2019 et l'objectif est d'en avoir 150 000 d'ici à 2025. Sans constituer une véritable prise en charge – on ne forme pas des médecins ou des psychiatres en quelques mois –, ce dispositif permet néanmoins de repérer plus tôt un certain nombre de jeunes et peut réduire en conséquence le nombre de prises en charge par les professionnels de santé.
Cette initiative, parmi d'autres – rappelons les moyens supplémentaires donnés aux maisons des adolescents et aux CMP ou la réforme du financement des établissements spécialisés en santé mentale intervenue en 2021 –, contribue à accroître l'arsenal de prise en charge des Français, et plus spécifiquement des jeunes qui ont besoin d'être accompagnés davantage en ce moment.
Mme la présidente
La parole est à nouveau à M. Jean-Claude Raux.
M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES)
Ce débat sur la santé mentale résonne encore plus fort après que j'ai reçu ces derniers jours, sans doute comme vous, des e-mails effrayés de parents, de proches et de jeunes trans. Les discriminations, les agressions et les violences, le manque d'accompagnement social ou de soutien ressenti par les personnes trans entraînent inévitablement une dégradation de leur santé mentale. L'anxiété, la dépression, l'automutilation et trop souvent le suicide en sont les conséquences.
Dès lors, comment ne pas comprendre les craintes des parents de ces jeunes face aux attaques transphobes formulées et relayées par la proposition de loi no 435 visant à encadrer les pratiques médicales mises en œuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre, déposée au Sénat par le groupe Les Républicains et qui ferait courir un risque grave sur la santé des jeunes trans si elle venait à être adoptée ? Peut-on imaginer, par exemple, interdire les bloqueurs de puberté pour les mineurs, alors qu'ils contribuent à réduire de 60 % les risques de dépression et de 73 % les risques de suicide ? Nous devons nous attaquer aux sources de ce qui entraîne le profond mal-être des personnes trans, non pas à raison de ce quelles sont, mais au titre de ce que les autres leur font subir. Si tel est notre objectif, nous devons faire cesser le front transphobe qui met en péril la santé de ces jeunes. Dans un témoignage recueilli hier par Libération à l'occasion de la journée de manifestations contre la transphobie, Noé affirmait : « Transitionner m'a sauvé la vie. »
Alors, comment s'assurer, monsieur le ministre, que les enfants, les adolescents, les jeunes trans ne soient plus les victimes d'une société qui les rejette ? Comment garantir un accompagnement adéquat pour ne laisser aucun enfant, aucun adolescent, aucun jeune trans sur le bord du chemin, livré à la vindicte populiste et à la transphobie qui nuira aussi gravement que sûrement à sa santé mentale ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Je déplore les attaques transphobes que subissent ceux qui, par leur choix personnel, sont discriminés et parfois violentés : c'est inacceptable. Cependant, les accompagnements proposés aux personnes transgenres sont tout à fait appropriés et les victimes des situations que vous évoquez peuvent bénéficier de tous les dispositifs que j'ai évoqués, de Mon soutien psy jusqu'à l'accompagnement professionnel souhaité et nécessaire en matière de santé mentale. Je ne connais pas dans le détail les dispositions de la proposition de loi que vous évoquez et ce n'est ni le lieu ni le moment d'en débattre, mais je sais que la Haute Autorité de santé (HAS) doit publier très rapidement des recommandations inspirantes qui présenteront les méthodes permettant de bien accompagner les jeunes qui souhaitent faire évoluer leur identité sexuelle, ainsi que les bonnes pratiques à appliquer en matière médicale.
Mme la présidente
La parole est à Mme Virginie Lanlo.
Mme Virginie Lanlo (RE)
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, nous constatons une dégradation de la santé mentale des jeunes, notamment depuis la crise sanitaire de la covid-19. Cette situation dramatique chez de nombreux enfants, adolescents et jeunes adultes est due à plusieurs facteurs : des fractures et conflits intrafamiliaux, des violences subies au sein du cercle des proches, des situations de fragilité sociale et économique, de la vulnérabilité causée par un ou plusieurs handicaps – dernier point, mais non le moindre, les situations de harcèlement.
Le Gouvernement s'est déjà saisi avec justesse de ce problème de la santé mentale des jeunes, avec notamment le dispositif Mon soutien psy. Cependant, au vu de l'ensemble des facteurs de vulnérabilité, il nous faut construire de façon transverse, avec l'ensemble des acteurs, un réel parcours d'accompagnement des jeunes. Nous devons poursuivre nos efforts pour que tous les enfants soient mieux accompagnés en matière de santé mentale, en resserrant la focale sur la prévention à l'école, en lien avec les professionnels de l'éducation nationale comme les infirmiers et les médecins scolaires, mais aussi avec les psys-EN (psychologues de l'éducation nationale) et les assistants sociaux.
En effet, l'école est le point de convergence des facteurs de vulnérabilité que je viens d'énumérer. Il faut donc créer un continuum entre santé scolaire, santé de ville et tout l'écosystème qui entoure le jeune, afin de pouvoir construire un parcours global d'accompagnement des jeunes en souffrance. Afin de décupler le travail déjà effectué par les acteurs de la santé et de l'éducation nationale, par quels moyens pouvons-nous accompagner les jeunes de manière plus transversale, de leurs premiers pas à l'école jusqu'à leur entrée dans la vie d'adulte ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Vous avez raison : l'une des clés de la prise en charge réside dans le lien entre l'école et la médecine de ville, puisque l'école est le lieu où on peut repérer, parfois très en amont, des enfants qui auraient besoin d'être accompagnés. Je rappelle que l'éducation nationale est un des partenaires du réseau des maisons des adolescents, au même titre que les représentants des personnels de santé institutionnels et libéraux, les services d'action sociale, la protection judiciaire de la jeunesse et les collectivités locales. Elle est donc partie prenante des 125 maisons de l'adolescent actuellement déployées.
Il existe aussi les centres régionaux du psychotraumatisme, plutôt tournés vers les mineurs victimes de violences. Au nombre de quinze, ils ont pris en charge un peu moins de 15 000 enfants en 2023 et s'appuient aussi beaucoup sur le réseau de l'éducation nationale, qui collabore toujours aux dispositifs de prise en charge de la santé mentale. Le 24 mai prochain – je le répète –, les assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant présenteront, s'agissant du volet de la santé mentale, des propositions visant à renforcer encore le lien avec l'éducation nationale, le ministère de l'éducation nationale participant à l'organisation de ces assises.
Mme la présidente
La parole est à Mme Natalia Pouzyreff.
Mme Natalia Pouzyreff (RE)
D'après une nouvelle étude de Santé publique France, le risque de dépression concerne 15 % des élèves de la quatrième à la terminale. On estime d'ailleurs qu'entre 2 et 3 millions de jeunes Français souffrent de troubles de santé mentale. À cet égard, les CMP assurent le suivi des jeunes patients et jouent un rôle central pour la mobilisation et la coordination de tous les acteurs du territoire. Or, les délais d'attente pour obtenir un rendez-vous dans les CMP peuvent atteindre plusieurs mois. Cela s'explique notamment par la difficulté à recruter du personnel médical et paramédical. Les CMP sont dirigés par des psychiatres dont le nombre est en baisse, c'est pourquoi la possibilité de déléguer la prise en charge à des professionnels de santé tels que les psychologues ou les IPA va dans le bon sens. Pour que cette ouverture aux professionnels paramédicaux soit effective, il est indispensable de soutenir ces métiers à travers leur rémunération, en prenant en compte leur exercice en multisites ainsi que l'élargissement du périmètre de leurs tâches.
Un autre enjeu est celui de la prévention. À cet égard, je salue la décision du Premier ministre qui, décrétant l'état d'urgence sur la santé mentale, a annoncé l'élargissement du dispositif Mon soutien psy. D'autre part, dans le cadre du projet territorial de santé mentale des Yvelines auquel je participe, l'accent est mis sur la formation des professionnels et non-professionnels aux premiers secours en santé mentale, ainsi qu'au développement des compétences psychosociales dès l'école primaire. Enfin, les maisons des adolescents représentent aussi des ressources appréciables à développer. Monsieur le ministre, pouvez-vous vous prononcer sur la juste reconnaissance des personnels paramédicaux œuvrant au sein des CMP, ainsi que sur la place réservée à la prévention ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Les centres médico-psycho-pédagogiques ne suffisent pas – vous avez raison – à répondre à l'ensemble des besoins, même si leurs moyens ont été rétablis : il faut s'appuyer sur d'autres professionnels qui, à côté des psychiatres, peuvent faciliter la prise en charge des jeunes qui en ont besoin. C'est pourquoi, comme vous l'avez rappelé, le nouveau dispositif Mon soutien psy va reposer principalement sur les psychologues qui pourront recevoir, sans adressage préalable par un médecin – notamment par un psychiatre –, les jeunes qui en ont besoin. C'est un signal adressé à la profession des psychologues et qui montre l'importance que nous attachons au rôle qui peut être le leur dans le système de santé.
Nous soutenons aussi la formation des IPA pour faciliter les parcours et diminuer les temps d'attente. Sept régions proposent la formation à la mention psychiatrie et santé mentale et depuis 2019, 318 IPA en santé mentale et psychiatrie ont été formés : un IPA sur cinq est donc formé dans le secteur de la santé mentale. Les IPA sont compétents pour évaluer l'état de santé des patients en relais de consultation médicale, pour définir et décliner le projet de soin de chacun d'entre eux, et pour les accompagner en collaboration avec l'ensemble des acteurs concernés.
Mme la présidente
La parole est à M. Matthieu Marchio.
M. Matthieu Marchio (RN)
La France fait face à une hausse inquiétante des pathologies psychiatriques chez les enfants et les adolescents depuis la crise sanitaire. Deux rapports récents de la Cour des comptes et du Conseil de l'enfance et de l'adolescence alertent sur l'insuffisance de l'offre pédopsychiatrique face aux besoins croissants des jeunes : environ 1,6 million d'enfants et d'adolescents souffrent d'un trouble psychique et la prévalence de l'ensemble de ces troubles chez les jeunes est évaluée à 11,2 % sur l'ensemble du territoire ; 13 % des enfants de 6 à 11 ans présentent un trouble probable de la santé mentale.
Selon le rapport annuel de la Défenseure des droits, ces enfants et adolescents doivent attendre un délai de six mois pour consulter un pédopsychiatre : ce chiffre ne surprend pas, car de nombreux spécialistes alertent depuis des années sur la terrible pénurie de pédopsychiatres. L'offre de soins est insuffisante : le nombre de pédopsychiatres a baissé de 34 % entre 2010 et 2022, pour n'être plus que 700 aujourd'hui. Nous sommes donc confrontés à une situation alarmante. Près de dix-sept départements sont entièrement dépourvus de pédopsychiatres : là encore, les raisons de cette pénurie sont les conséquences d'un manque de moyens, précisément ceux que votre gouvernement refuse d'accorder.
Les pédopsychiatres comptent parmi les spécialistes les moins bien payés au sein de la psychiatrie, un secteur déjà considéré comme le parent pauvre de la médecine, un repoussoir pour les jeunes médecins. Il faut aussi souligner le manque d'enseignants dans cette spécialité, ce qui nuit à la vocation. La pédopsychiatrie souffre d'un défaut d'encadrement des étudiants par les enseignants, l'un des plus faibles des spécialités médicales, souligne la Cour des comptes – un enseignant pour dix-sept internes. Après sept ans au pouvoir à ignorer cette question de santé publique majeure, allez-vous enfin prendre des mesures afin de répondre à l'urgence de fournir des pédopsychiatres à nos jeunes pour les accompagner au mieux et éviter ainsi de terribles situations ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Ni la pédopsychiatrie ni la psychiatrie n'ont été les oubliées des efforts généraux qui ont été réalisés en matière de santé. Globalement, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), a augmenté de plus de 60 milliards d'euros entre 2018 et 2024, passant de 191 milliards à 255 milliards.
Je rappelle qu'en matière de santé mentale, le budget de la psychiatrie est passé de 9 milliards d'euros en 2020 à plus de 12 milliards d'euros en 2023, soit une augmentation de 32 % en trois ans. Des moyens sont également investis pour mieux former : on compte, en septembre 2023, 25 % d'élèves de plus en deuxième année de médecine qu'en 2019. Cette augmentation conduira davantage de jeunes médecins vers la psychiatrie, et je l'espère vers la pédopsychiatrie. Enfin, les moyens des établissements – publics ou privés – qui portent la politique de santé mentale ont aussi été renforcés dans des proportions inédites depuis des années, par une réforme de leur financement en 2021.
Nous connaissons donc actuellement un renversement de situation, qui ne peut être que progressif, parce qu'il ne peut en aller autrement en matière d'études de médecine ou de réforme du système de santé. Néanmoins, nous sommes sur la bonne voie pour améliorer la situation. Nous souffrons toujours d'un manque de pédopsychiatres – il faut une quinzaine d'années pour en former un –, mais les dispositifs mis en place – Mon soutien psy notamment – et les moyens alloués aux maisons de l'adolescent doivent permettre de surmonter cette difficulté. Tout ne se résume pas au nombre de pédopsychiatres en France.
Mme la présidente
La parole est à M. Serge Muller.
M. Serge Muller (RN)
En analysant de manière approfondie les données disponibles, il est impossible de ne pas reconnaître l'ampleur de la crise de la santé mentale infantile en France. Environ 20 % des enfants et adolescents français présentent des symptômes de troubles mentaux. Face à cette réalité on ne peut plus grave et alarmante, les infrastructures et les services de pédopsychiatrie demeurent insuffisants et incapables de répondre à une demande croissante : seulement 20 % des enfants ayant besoin de soins psychiatriques en bénéficient réellement, laissant ainsi une grande partie de la population juvénile sans accès adéquat à des services de santé mentale. C'est grave !
C'est d'autant plus grave que le rapport de la Cour des comptes, « La pédopsychiatrie : un accès et une offre de soins à réorganiser », publié en mars 2023, indique que « 35 % des pathologies psychiatriques adultes débuteraient avant 14 ans, 48 % avant 18 ans ». Or, quand la maladie mentale n'est pas prise en charge suffisamment tôt, les troubles s'aggraveront largement à l'âge adulte. L'absence d'investissement crée donc une bombe à retardement.
De plus, les disparités régionales sont flagrantes, avec des zones rurales et périphériques particulièrement sous-dotées en infrastructures et en professionnels qualifiés. Dans mon département, la Dordogne, seulement six lits de pédopsychiatrie pour adolescent sont disponibles. Cette absence de lits en pédopsychiatrie fait que des événements qui ne devraient jamais arriver se produisent, notamment quand des mineurs se retrouvent dans des services pour adultes, ce qui donne lieu à des agressions sexuelles. Je vous demande, monsieur le ministre, d'investir dans des lits de pédopsychiatrie dans mon département de Dordogne, dont le faible nombre de lits – six pour un département entier – ressemble à une vaste blague.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Vous dressez le même constat que votre collègue Matthieu Marchio. Je ne répéterai pas tous les chiffres que j'ai déjà cités et me contenterai de rappeler qu'en trois ans, entre 2020 et 2023, le budget alloué à la psychiatrie a été augmenté de 32 %, atteignant 12 milliards d'euros. Je ne rappellerai pas non plus la réforme du financement des établissements en santé mentale. Tous ces éléments contredisent totalement le propos que vous martelez, selon lequel la psychiatrie serait le parent pauvre, laissé de côté, sous-financé. Il faut comprendre que le problème numéro un du système de santé actuel n'est pas lié au financement, mais au nombre insuffisant de professionnels (M. Yannick Neuder rit) aptes à prendre en charge les patients.
M. Yannick Neuder
Il faut en former plus, alors !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Des lits rouvrent dans beaucoup d'établissements de santé, parce que les perspectives de recrutement s'améliorent : c'est le cas de l'AP-HP à Paris ou du centre hospitalier universitaire (CHU) de Besançon, entre autres établissements. Ajouter des lits de pédopsychiatrie sans avoir un nombre suffisant de professionnels pour en assurer le fonctionnement…
M. Sébastien Delogu
Faites-le !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
…ne servira pas à grand-chose et ne permettra pas d'améliorer la prise en charge des enfants touchés par des problèmes de santé mentale. Nous sommes en train de former davantage de professionnels, de mieux les accompagner – les améliorations des rémunérations à l'hôpital, depuis le Ségur de la santé, en sont le témoignage. Progressivement, nous remontons une pente de vingt ans de laisser-aller qui, depuis le milieu des années 2000,…
M. Sébastien Delogu
Depuis que Macron est au pouvoir !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
…a fait de l'hôpital et du système de santé, public en particulier, le parent pauvre des politiques publiques. Jamais le budget de la santé en général, et de la pédopsychiatrie en particulier, n'a autant été augmenté que durant ces dernières années.
M. Matthieu Marchio
Sept ans que vous êtes au pouvoir, il serait temps !
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Dragon.
M. Nicolas Dragon (RN)
La détérioration de la santé mentale de nos jeunes concitoyens est une préoccupation croissante depuis la crise du covid. Les étudiants, en particulier, constituent une population à haut risque, en raison du stress accru associé aux exigences académiques et aux pressions sociales. Pour faire face à cette situation, le Gouvernement avait présenté, en mars 2021, le dispositif Santé psy étudiant. Même si ce dernier allait dans le bon sens, il s'est révélé peu efficace : seulement 2 % des étudiants y ont eu recours, alors que plus de 30 % d'entre eux présentent des signes de détresse psychologique. Le Premier ministre a annoncé le renforcement et la simplification d'un autre dispositif – Mon soutien psy –, qui est ouvert à tous, et cumulable avec Santé psy étudiant.
Au 1er juin 2024, Mon soutien psy évoluera, alors que Santé psy étudiant stagnera et continuera de souffrir des mêmes défauts – je n'en citerai que deux. Premièrement, ce dernier dispositif souffre d'un nombre insuffisant de psychologues partenaires : alors que la France compte plus de 84 000 praticiens, Santé psy étudiant ne recense qu'un peu plus de 1 200 praticiens partenaires. Je me suis rendu sur la plateforme Santé psy étudiant, afin de trouver un psychologue partenaire dans ma circonscription, située dans le département de l'Aisne, et qui compte 197 communes : je n'en ai trouvé qu'un seul. Est-ce tolérable ?
Deuxièmement, le chèque psy est limité à huit séances par année universitaire. C'est trop peu pour créer un lien et apporter une réponse à certaines situations. La fin des séances ne devrait pas être déterminée par l'État, mais être plutôt le fruit du dialogue entre le patient et le psychologue. Que comptez-vous faire pour renforcer et simplifier le dispositif Santé psy étudiant ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Santé psy étudiant est un dispositif à parfaire, mais il a quand même permis de prendre en charge 60 000 étudiants – ce n'est pas rien –, avec l'intervention d'environ un millier de psychologues. Je peux d'ores et déjà vous annoncer que nous travaillons, avec la ministre Sylvie Retailleau, à la fusion des dispositifs, de telle sorte que Mon soutien psy devienne le dispositif de référence pour l'ensemble de la population, y compris les jeunes. L'accès à ce dispositif sera facilité, sans adressage médical préalable, avec une consultation mieux rémunérée et un parcours de prise en charge allongé jusqu'à douze séances. Le dispositif Mon soutien psy est financé par l'assurance maladie, ce qui n'est pas le cas du dispositif Santé psy étudiant ; nous sommes en train d'étudier techniquement comment les fusionner. Cela se fera très rapidement, dans les prochains mois, de façon à ce qu'un seul et même dispositif puisse être offert à la rentrée prochaine.
Mme la présidente
La parole est à M. Thierry Frappé.
M. Thierry Frappé (RN)
Ce débat portant sur la santé mentale des jeunes me permet d'appeler votre attention sur la situation des étudiants en médecine. Ils sont confrontés à des exigences tant universitaires que personnelles qui nuisent à leur bien-être psychologique. Ces futurs médecins doivent affronter un volume de travail élevé, avec des responsabilités croissantes, des examens, des horaires éprouvants, donnant lieu à une pression constante qui engendre un stress chronique, de l'anxiété, des troubles dépressifs ou encore des burn-out. Fin 2021, 75 % des étudiants en médecine présentent des symptômes anxieux ; 39 % présentent des syndromes dépressifs ; 19 % ont des idées suicidaires. En conséquence, un étudiant en médecine sur deux envisage de changer de voix, et 64,7 % des étudiants en médecine ne recommandent pas leurs propres études, pour de multiples raisons – situation financière, conditions d'études, déroulement des stages, stress, manque de considération. Ainsi, 42 % de ces étudiants envisagent d'abandonner leur parcours pour des raisons financières.
Comme vous le savez tous, la France traverse une crise de l'offre de soins. Les études de médecine doivent retrouver leur attrait, avec des conditions d'études acceptables financièrement et psychologiquement. Si le nombre d'étudiants en deuxième année de médecine a augmenté ces dernières années, le fait qu'ils soient nombreux à envisager l'arrêt de leurs études pourrait accentuer la désertification médicale, malgré l'instauration du numerus apertus.
Les rapports et enquêtes montrent que la santé mentale de ces étudiants est inquiétante. Il faut la prendre en considération. Il semble important d'améliorer la situation financière des internes, d'écouter leurs troubles en créant des cellules d'accompagnement psychologique, mais aussi de réformer le travail des étudiants à l'hôpital comme à l'université. Que comptez-vous mettre en place pour aider nos étudiants ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Votre question porte sur la situation des internes. Pour les étudiants en médecine comme pour tous les étudiants de France, quelle que soit leur discipline, les mêmes dispositifs sont ouverts (M. Matthieu Marchio s'exclame). Bientôt, le dispositif simplifié Mon soutien psy permettra à ceux qui le souhaitent et qui ressentent une fragilité psychologique d'accéder à un accompagnement par un professionnel en santé mentale.
Vous avez raison de souligner que les étudiants en médecine sont soumis à des rythmes éprouvants, et ce durant plusieurs années. J'ai commencé à travailler avec les syndicats représentatifs des étudiants en médecine, et avec l'ensemble des représentants des étudiants des autres filières de santé – même si la pression y est apparemment moins forte, elle demeure élevée pour l'ensemble des étudiants en santé –, de manière à améliorer la qualité des stages, en lien avec les hôpitaux qui les organisent, et ainsi adoucir les rythmes imposés aux internes.
Il n'y a pas de préoccupation majeure à avoir quant à l'accompagnement proposé aux internes, mais la situation exige que nous fassions preuve de vigilance et qu'un travail de fond soit conduit, notamment avec les fédérations hospitalières, afin de mieux encadrer les internes en médecine.
Mme la présidente
La parole est à M. Louis Boyard.
M. Louis Boyard (LFI-NUPES)
Monsieur le ministre, mes chers collègues macronistes, je vais vous vexer, mais l'une des causes de la détérioration de la santé mentale des jeunes, c'est vous ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) C'est vous qui passez la plupart de votre temps à critiquer les réseaux sociaux et les jeux vidéo, sans jamais faire état de votre responsabilité dans le fait qu'un quart des jeunes sont en dépression et que 7 % des jeunes ont des pensées suicidaires. C'est vous qui avez transformé l'école en Hunger Games géants ; c'est vous qui avez mis en compétition des adolescents de 15 à 18 ans pour savoir quel sera le métier de leur vie ; c'est vous qui avez mis des ados dans des classes de quarante élèves, de huit heures à dix-huit heures, où chaque note compte et où Parcoursup constitue une pression et une angoisse – parce que, oui, tracer la destinée d'un adolescent sur la base de ses trois dernières années de lycée, ce n'est pas bon pour sa santé mentale ! (Mêmes mouvements.)
Ajoutez à cela le fait que les élèves savent très bien que les inégalités sociales sont déterminantes dans la compétition, et à l'angoisse vous ajoutez l'injustice. C'est vous qui entretenez un système économique dans lequel l'ultramajorité des jeunes sont pauvres ; c'est vous qui avez causé le problème de la précarité étudiante ; c'est vous qui conseillez aux jeunes de traverser la rue pour trouver du boulot, dans un pays où il y a dix fois plus de chômeurs que d'emplois disponibles. (Mêmes mouvements.) Ce sont les jeunes qui sont les premières victimes du chômage de masse, c'est à eux qu'on réserve les bas salaires et les emplois difficiles. Face à cela, que leur proposez-vous ? Un service civique, un contrat d'alternance pour moins qu'un Smic ! Ajoutez à cela le fait que les jeunes savent très bien que les inégalités sociales sont déterminantes pour trouver un emploi, et à l'angoisse vous ajoutez l'injustice.
La question de la confiance en l'avenir est au cœur du problème de la santé mentale des jeunes. Demandez à un jeune comment il voit le monde tel qu'il sera dans cinquante ans : cette question est une source d'angoisse terrifiante. La planète est en train de cramer, et c'est comme si la politique et la télévision n'en avaient rien à faire ! Alors que vingt-cinq multinationales sont, à elles seules, responsables de 70 % des émissions de gaz à effet de serre, vous passez votre temps à faire des cadeaux à ces entreprises et nous n'en débattons jamais dans cet hémicycle, alors que cela devrait nous occuper quotidiennement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Certes, les réseaux sociaux sont également un sujet d'importance considérable ; mais ces réseaux sont avant tout des entreprises géantes qui font de l'argent avec le temps de cerveau des jeunes.
Deux minutes sont bien peu pour parler de la santé mentale des jeunes, mais voici ma question : quand comprendrez-vous, monsieur le ministre délégué, que le problème vient en grande partie de votre politique et de ses logiques capitalistes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme Rachel Keke
Bien dit ! Nous attendons une réponse !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Je ne sais pas très bien comment prendre votre question (« À la lettre ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES) et y esquisser une réponse en deux minutes : ce que je pourrais vous répondre vous semblerait de toute façon à côté de la plaque et – bien entendu – totalement faux.
Mme Rachel Keke
Non, non !
M. Louis Boyard
Essayez !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Vous avez mélangé beaucoup de choses. Il y a certes ce que provoquent les réseaux sociaux, qui ne sont pas conçus par des États, par cette majorité, par une classe politique arriérée qui ne comprendrait rien à la jeunesse, mais qui utilisent effectivement le temps de cerveau des jeunes – comme vous dites –, et qui, même, le détournent. C'est ce que font TikTok et tous ces programmes conçus par les Gafam, dont on ne peut pas dire que les concepteurs soient français. Mais nous sommes loin de la véritable question, et cette façon que vous avez de dire que tout est dans tout et qu'au bout du compte, c'est de la faute du Gouvernement,…
M. Jean-François Coulomme
Il faut assumer, monsieur le ministre !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
…n'appelle pas de réponse particulière – je connais l'art du résumé et des a priori sur vos bancs. Je détaille depuis tout à l'heure différents dispositifs qui montrent, au contraire, qu'en termes de budget,…
M. Louis Boyard
Mais les causes ?
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
…nous luttons contre l'éco-anxiété. Nous avons une approche globale, comme on le préconise de nos jours, qui ne se résume pas au traitement médical des pathologies, mais qui prend aussi en compte les conditions de vie, les conditions sociales et environnementales. Cette approche est longue à déployer, mais nous le faisons avec détermination.
Pour en revenir à la santé mentale, tous les dispositifs que j'ai décrits sont des dispositifs de prise en charge et d'accompagnement…
M. Louis Boyard
Les causes !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
…qui sont bien plus utiles que les grandes incantations et les grands discours, vides de sens et de contenu.
M. Louis Boyard
Mais qu'il est nul !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Le seul à être bon, c'est vous ? C'est bien ça ? Soyez un peu respectueux !
Mme la présidente
Monsieur Boyard, il y a des propos qu'on ne doit pas tenir dans cet hémicycle.
La suite des questions est renvoyée à la prochaine séance.
(…)
Mme la présidente
L'ordre du jour appelle la suite des questions sur le thème : « La santé mentale des jeunes ».
La parole est à Mme Nadège Abomangoli.
Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES)
Le combat pour la santé mentale des jeunes devrait être une priorité gouvernementale. Pourtant, vous ne faites rien – ou si peu – pour ces filles et ces garçons, ces jeunes majeurs en demande d'une oreille attentive, ou confrontés à des troubles psychiques toujours plus prégnants dans notre société.
Pire, si ces enfants vivent en Seine-Saint-Denis, c'est un véritable parcours du combattant qui les attend pour identifier des professionnels ou des associations agréées en mesure de les prendre en charge. Pourtant, un constat fait consensus : plus la réponse aux troubles psychiques est apportée tôt dans l'enfance, plus le traitement est efficace.
Malheureusement, l'un des départements les plus jeunes de France est aussi l'un des plus démunis pour traiter un phénomène qui ne cesse de prendre de l'ampleur. Les professionnels font état d'une situation intenable : prises en charge de plus en plus tardives, manque criant de moyens et de places en structures spécialisées ou à l'hôpital. C'est le reflet de votre politique de désinvestissement continu dans le secteur médical – tous les services sont affectés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Ugo Bernalicis
Elle a raison.
Mme Nadège Abomangoli
Le cas de l'hôpital psychiatrique de Ville-Évrard est éloquent : la pénurie de lits et de personnels entraîne des délais importants d'attente aux urgences et empêche de fournir un traitement adéquat aux patients. Certains se retrouvent ligotés pendant des heures, le temps qu'un lit se libère.
Du côté du soutien psychique aux élèves, rien non plus ! Depuis des semaines, personnels éducatifs, parents d'élèves et étudiants se mobilisent en faveur d'un plan d'urgence dans le département. Quelles sont leurs revendications ? Ils plaident notamment pour le recrutement des 390 psychologues de l'éducation nationale qui manquent dans les établissements du département – 390 postes désespérément vacants. En outre, alors que la Seine-Saint-Denis compte plus de 60 000 étudiants, aucun bureau d'aide psychologique universitaire ne peut les accueillir.
La Seine Saint-Denis est à nouveau un symbole : celui de l'échec de l'État en matière de pédopsychiatrie et de bien-être des jeunes. Quand comptez-vous mettre les moyens pour répondre à ce véritable problème de santé publique dans les départements les plus sous-dotés au regard de leurs besoins ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.
Mme Andrée Taurinya
Nous attendons une réponse précise !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention
J'ai déjà indiqué, dans le cadre de ce débat, les efforts et les moyens que nous avons déployés pour rebâtir ce secteur, plongé depuis très longtemps dans une crise grave. Depuis le milieu des années 2000, il pâtit d'un sous-financement important, mais aussi d'un manque d'attractivité.
M. Ugo Bernalicis
C'est la même chose !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Cela explique qu'on manque de professionnels pour répondre aux besoins de la population, notamment des jeunes.
Depuis 2018, nous avons déployé des dispositifs, grâce à la feuille de route Santé mentale et psychiatrie, aux budgets – 1,9 milliard en 2021 – et aux assises de la santé mentale et de la psychiatrie, qui se sont tenues en 2021.
Le dernier dispositif en date, Mon soutien psy, permet aux jeunes et aux autres, en Seine-Saint-Denis comme ailleurs, de bénéficier d'un accompagnement. (Mme Danielle Obono s'exclame.)
M. Ugo Bernalicis
C'est l'esprit « start-up nation » !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Son organisation a été entièrement revue : il sera plus facile et plus simple d'accès – sans adressage médical, on pourra se tourner directement vers un psychologue –…
M. Ugo Bernalicis
Ce sont vos seuls arguments ?
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
…et la sécurité sociale prendra en charge douze séances, contre huit actuellement. Il sera également plus attractif, afin d'intéresser plus de professionnels et de permettre la prise en charge de ceux qui le souhaitent.
Il s'agit de dispositifs très concrets, utiles, et même novateurs en Europe…
M. Ugo Bernalicis
L'innovation, le maître-mot !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
…qui apportent une réponse immédiate à des besoins immédiats.
Mme Andrée Taurinya
Qui ne fonctionnent pas !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Nous travaillons également sur la formation : beaucoup plus d'étudiants sont inscrits, dans toutes les spécialités – y compris dans les filières de santé mentale. À la rentrée 2023, on comptait 25 % d'étudiants en deuxième année de médecine de plus qu'en 2019.
Nous faisons également confiance à d'autres professionnels de santé : psychologues ou infirmières en pratique avancée (IPA).
Mme Andrée Taurinya
Cela n'a rien à voir !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Nous orientons ces dernières vers la mention psychiatrie et santé mentale. La solution est donc globale parce que nous n'avons pas de baguette magique !
Mme Andrée Taurinya
Pas de réponse, comme d'habitude !
M. Ugo Bernalicis
Tout va bien…
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Viry.
M. Stéphane Viry (LR)
Depuis quelques heures, nous posons de nombreuses questions en lien avec la santé mentale des jeunes, évoquant le manque de professionnels ou l'insuffisante coordination des services d'intervention. Se dessine l'idée d'ériger la santé mentale des jeunes en grande cause nationale. Je forme le vœu que chacun y mette toute l'énergie nécessaire.
J'ai été interpellé par un constat de la Cour des comptes : un jeune sur deux fait l'objet d'une prise en charge psychiatrique. La détresse psychique est manifeste puisqu'ils sont nombreux, entre 18 et 24 ans, à exprimer des tendances suicidaires.
Face à cette crise, la réponse des services est souvent la prescription médicamenteuse : celle d'hypnotiques et de sédatifs a augmenté de 155 % en quelques années, celle d'antidépresseurs a bondi de 63 %.
Je ne cherche pas à diaboliser le recours aux médicaments, mais je déplore une politique de santé publique où, plutôt que de chercher d'autres voies de traitement pour ces jeunes en difficulté, le recours aux médicaments est devenu monnaie courante pour les professionnels de santé.
Que fait-on de la prévention ? Pourquoi attendre que les jeunes soient dirigés vers des services de psychiatrie, déjà en difficulté ? Ne serait-il pas préférable d'aller à leur rencontre en instaurant une politique proactive ambitieuse ?
Les médicaments ne sont pas adaptés à notre jeunesse. La posologie trop élevée de comprimés, surdosés et parfois non sécables, devient une habitude – c'est condamnable.
En outre, de nombreux mineurs sont orientés vers des lits de psychiatrie d'adultes et en ressortent très choqués. Monsieur le ministre, il est temps de mettre un terme à cette situation.
Certes, nous savons les difficultés en termes de ressources humaines, mais comment voulez-vous que les jeunes aillent mieux et contribuent à la vitalité de la nation si nous ne prenons pas ce dossier à bras-le-corps ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Vous avez raison, le recours aux médicaments en première intention n'est pas forcément la réponse la plus adaptée face à la détresse de la jeunesse. Le rapport du Haut Conseil de la famille de l'enfance et de l'âge (HCFEA) de mars 2023 nous alerte sur la hausse de la consommation de psychotropes chez l'enfant et l'adolescent entre 2014 et 2021 : + 49 % pour les antipsychotiques, + 63 % pour les antidépresseurs et + 155 % pour les hypnotiques et sédatifs.
En première intention, la prise en charge ne doit pas être effectuée par les psychiatres. C'est l'intérêt des différents dispositifs que nous soutenons, comme la montée en puissance des maisons des adolescents ou Mon soutien psy, qui permet aux jeunes de se tourner d'abord vers des psychologues, qui éventuellement – mais pas systématiquement – les adresseront à des psychiatres. Les psychologues, qui ne peuvent pas prescrire de médicaments, sont un premier recours utile pour libérer la parole des jeunes, mieux les comprendre avant de les orienter peut-être vers des structures spécialisées ou des solutions médicales.
Je pourrais aussi citer les centres médico-psychologiques (CMP) pour enfants et adolescents, ainsi que toutes les structures de premier recours permettant de diminuer la réponse médicamenteuse, dont la proportion actuelle doit nous alerter.
Mme la présidente
La parole est à Mme Josiane Corneloup.
Mme Josiane Corneloup (LR)
Nous avons été nombreux à vous alerter sur la dégradation inquiétante de la santé mentale des jeunes : les passages aux urgences pour gestes ou idées suicidaires et troubles de l'humeur chez les 11-17 ans ont augmenté, les enfants de 11 ans à 14 ans étant les plus touchés. Chez les 18-24 ans, le nombre de tentatives de suicide a doublé.
L'accompagnement psychologique des jeunes – notamment en milieu scolaire – constitue l'angle mort de nos politiques de santé publique. Les médecins, infirmiers et psychologues scolaires occupent une place essentielle dans la prévention et la détection des pathologies et des situations de harcèlement.
Pourtant, avec seulement un médecin scolaire pour 15 000 élèves, avec 7 700 infirmiers et infirmières scolaires pour 12 millions d'élèves et d'étudiants, avec 3 300 psychologues de l'éducation nationale contre 4 700 dans les années 1980 – soit un pour 1 500 élèves –, nous passons à côté de beaucoup de jeunes en souffrance et les retards de prise en charge sont dramatiques.
Mme Sylvie Bonnet
Elle a raison.
Mme Josiane Corneloup
Vous avez évoqué deux dispositifs : Mon soutien psy et Santé psy étudiant. Mais ils ont démontré leur inefficacité, tant en termes d'attractivité pour les professionnels que d'accessibilité pour les étudiants.
Monsieur le ministre, si je me réjouis que la consultation auprès d'un médecin généraliste ne soit plus obligatoire pour obtenir une lettre d'orientation chez un psychologue, il faut également reconsidérer le nombre de consultations remboursées et les tarifs, jugés insuffisants par les professionnels. Qui, mieux que le psychologue, peut déterminer le nombre de séances nécessaires ? Il est significatif que seuls 7 % des psychologues libéraux se soient engagés dans ces dispositifs.
Pour ces jeunes angoissés, anxieux, déprimés, stressés, qui ont du mal à dormir, manifestent des troubles addictifs ou du comportement alimentaire, il est essentiel que l'intervention soit la plus rapide possible et la prise en charge efficace.
En France, la psychiatrie est en grande difficulté. Mon département, la Saône-et-Loire, compte moins de cinq psychiatres pour 100 000 habitants de moins de 16 ans. Les CMP et leurs équipes pluridisciplinaires font un travail remarquable, mais ils souffrent aussi du manque de psychiatres. Il est essentiel d'accélérer la délégation des tâches et le recrutement de psychiatres.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Je partage votre constat. La mauvaise répartition géographique des médecins est une réalité dans toutes les spécialités, en psychiatrie aussi. Ainsi certains départements n'ont-ils pas de pédopsychiatres. Dans d'autres, même l'accès à un psychiatre est compliqué.
Vous avez évoqué le lien entre médecine scolaire et médecine de ville pour améliorer la prise en charge. Lors des assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant, dont un volet sera consacré à la santé mentale des jeunes et des enfants, le 24 mai, et dans le cadre du volet santé mentale du Conseil national de la refondation (CNR), le 12 juin, nous présenterons différentes propositions et des moyens nouveaux pour améliorer la prise en charge.
Nous n'attendrons pas ces deux dates pour accélérer la transformation de Mon soutien psy – évoquée par le Premier ministre lors de son discours de politique générale. Vous estimez que ce dispositif est totalement inopérant. Il a quand même permis la prise en charge de 250 000 patients et s'est traduit par 1,3 million de consultations. Certes, il n'a pas été aussi efficace que nous le souhaitions mais il n'est pas inexistant ! Les changements portent sur le tarif de la consultation, l'augmentation du nombre de consultations remboursées – de huit à douze – et la fin de l'adressage par les médecins. Le dispositif intéressera donc plus de professionnels – c'est aussi l'objet de l'ajustement.
Ce dispositif a deux ans. Reconnaissez donc que nous n'avons pas attendu dix ans avant de l'ajuster, et que nous veillons à améliorer son efficacité et la prise en charge.
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Neuder.
M. Yannick Neuder (LR)
Le passage aux urgences pour gestes et idées suicidaires, troubles de l'humeur ou troubles anxieux a augmenté chez les jeunes de moins de 18 ans. En 2022, 24 % des lycéens déclarent avoir eu des pensées suicidaires. Enfin – et c'est le plus triste –, le suicide est la première cause de mortalité chez les moins de 35 ans.
Ces constats illustrent un gouffre sanitaire et social : celui de la prise en charge de la santé mentale, particulièrement celle des plus jeunes. Préoccupations liées à leur avenir, crise économique et sociale, impact du confinement, éco-anxiété, amplification des phénomènes par les réseaux sociaux, tous ces facteurs créent troubles, angoisses et isolement.
La santé mentale est le parent pauvre de notre système de santé : alors que les besoins dans ce domaine vont grandissant, la situation de la psychiatrie est dramatique, que l'on considère les conditions d'exercice des professionnels ou le manque d'attractivité du secteur. Le délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie a lui-même récemment reconnu l'inadéquation persistante entre les besoins, très élevés, et l'offre proposée. Un rapport de la Cour des comptes s'inquiète de la forte diminution de l'offre en pédopsychiatrie : 30 % des postes de psychiatre et 50 % des postes de pédopsychiatre sont vacants. En mai 2023, j'avais mis sur la table une proposition de résolution pour demander un plan Marshall de la psychiatrie – je regrette de ne pas avoir pu en discuter dans cet hémicycle.
Ce constat, monsieur le ministre, vous oblige à provoquer un choc d'attractivité et de formation dont on ne trouve pas trace dans les propositions du Gouvernement. Que prévoyez-vous pour renforcer l'attractivité des métiers du soin en psychiatrie et améliorer les conditions de travail des professionnels ? S'agissant de la psychologie, ferez-vous évoluer le dispositif Mon soutien psy pour qu'il soit à la hauteur des enjeux ? Notre jeunesse nous regarde : ne la sacrifions pas, et agissons !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Je ne peux pas vous laisser dire que le Gouvernement reste les bras ballants devant cette réalité. Je rappelle les chiffres, qui sont têtus : l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) est passé de 191 milliards d'euros en 2017 à 255 milliards en 2024. Nous avons aussi augmenté la capacité des filières de formation, avec l'espoir que de jeunes médecins fassent le choix de la psychiatrie, même si l'on ne peut pas les forcer à choisir une spécialité en fonction des besoins. En 2018, la feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie prévoyait 1,4 milliard de dépenses et les assises de la santé mentale ont abondé cette somme de 1,9 milliard en 2021.
Le comité stratégique de la santé mentale et de la psychiatrie, présidé par le délégué ministériel, le professeur Bellivier, s'est réuni il y a quelques jours – j'étais présent. Ce comité…
M. Stéphane Viry
Qui ne sert à rien !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
…suit de près la cinquantaine de mesures en cours de déploiement, comme la création des maisons de l'adolescent ou la refonte du dispositif Mon soutien psy. Nous revoyons complètement ce dernier pour le rendre plus attractif aux yeux des professionnels, et que plus de personnes encore en bénéficient. Afin de renforcer l'attractivité financière du secteur, nous avons aussi travaillé sur le financement de la santé mentale, en laissant une plus grande marge de manœuvre tant au secteur privé qu'à l'hôpital. Nous avons favorisé la délégation des tâches et renforcé la confiance accordée aux professionnels, psychologues ou IPA, qui peuvent assurer une première prise en charge au côté des psychiatres. Un cinquième des IPA sont spécialisés en psychiatrie, c'est une ressource précieuse.
Nous activons donc plusieurs leviers pour améliorer la prise en charge – nous avons bien conscience qu'il y a urgence.
Mme la présidente
La parole est à Mme Maud Gatel.
Mme Maud Gatel (Dem)
La dégradation de la santé mentale chez les plus jeunes est particulièrement inquiétante et touche tout à la fois les enfants, les adolescents et les jeunes adultes. Un lycéen sur dix déclare avoir déjà fait une tentative de suicide. Le phénomène est encore plus marqué chez les jeunes filles puisque 31 % d'entre elles déclarent avoir eu des pensées suicidaires au cours des douze derniers mois, contre 17 % des garçons. Cette dégradation s'est accentuée depuis la pandémie, comme le montre le doublement de la prévalence des symptômes anxiodépressifs sévères entre 2017 et 2022.
Les mesures prises depuis 2017 ont mis fin à des années de sous-investissement pour la psychiatrie, longtemps restée le parent pauvre de notre système de santé. Les effets de la pandémie sont tels que la prévention, la détection et la prise en charge de la santé mentale des plus jeunes doivent être une priorité de notre système de santé.
Dans ma circonscription, j'ai la chance de disposer de professionnels et d'établissements d'excellence tels que le groupe hospitalier universitaire (GHU) Sainte-Anne ou la Maison de Solenn. Afin que nous construisions ensemble des réponses à la hauteur des enjeux, j'ai organisé il y a dix-huit mois une concertation sur la santé mentale dans le cadre du CNR. Elle a débouché sur plusieurs recommandations : la formation et la sensibilisation de l'ensemble des acteurs en contact avec les jeunes – je pense évidemment aux professionnels de santé, mais également aux pairs, très utiles s'agissant de jeunes adultes – et le recensement et la mise en réseau des dispositifs existants, comme le 3114 ou Mon soutien psy.
Toutes les annonces que vous avez faites étaient attendues des professionnels. Elles vont dans le bon sens en améliorant encore davantage la prise en charge. Au-delà de la nécessaire revalorisation de la rémunération des infirmières scolaires, qui est actée, quelles sont les perspectives quant au recrutement de ces maillons essentiels de la chaîne de détection en santé mentale ? Comment augmenter significativement le nombre de professionnels formés en pédopsychiatrie ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Vous avez parlé de l'importance de la prévention et des attentes des professionnels que vous avez rencontrés. La prévention est au cœur de mon action. Nous n'avons pas encore eu l'occasion d'évoquer le programme Feel Good, la campagne d'information #JenParleA, en partenariat avec Fil Santé Jeunes, qui s'adresse aux jeunes de 12 à 25 ans, ou le site psycom.org, créé en 2023, qui est devenu, avec 700 000 visites en un an – elles ont explosé –, le premier site consulté par les jeunes qui souhaitent se renseigner sur les dispositifs existants. Au 1er avril de cette année, pas moins de 114 000 jeunes avaient reçu une formation de secourisme en santé mentale ; l'objectif est de former, d'ici à la fin de l'année 2025, 150 000 jeunes au repérage des signaux faibles, révélateurs d'une détresse.
S'agissant de l'attractivité des dispositifs, vous avez compris qu'à la demande du Premier ministre, nous avons fait en sorte que le dispositif Mon soutien psy devienne beaucoup plus intéressant pour les psychologues dans les prochaines semaines.
J'ai redonné les chiffres des études médicales : c'est en formant des psychiatres que nous parviendrons à remonter la pente, que ce soit en psychiatrie générale ou en pédopsychiatrie. Le manque d'attractivité de ces spécialités a plusieurs causes, comme le système de financement de la santé mentale. Nous avons revu ce dernier, mais seulement en 2021. Tous ces éléments finiront par convaincre beaucoup plus de soignants de se tourner vers la santé mentale. C'est un long chemin parce qu'il faut du temps pour former un médecin.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Pradal.
M. Philippe Pradal (HOR)
Qu'il me soit permis, en préambule, de rendre hommage aux équipes de la fondation Lenval, notamment à celles de pédopsychiatrie.
La similarité des questions et les réponses précises que vous y avez apportées reflètent à la fois un constat partagé quant à la dégradation de la santé mentale des jeunes, mais aussi le désarroi des adultes face à cette situation, car derrière les chiffres, il y a des jeunes femmes, des jeunes hommes et des enfants qui souffrent.
Nous avons le devoir d'être des sentinelles et de repérer les signaux faibles de la dégradation de la santé mentale des jeunes. Comment mieux former et sensibiliser tous ceux, adultes ou non, qui sont au contact des jeunes et susceptibles de détecter que « ça ne va pas » ? La formation doit commencer par les parents et passer par les éducateurs et les enseignants. Comment la collaboration interministérielle peut-elle permettre de généraliser cette formation en santé mentale et de créer ainsi un réseau de sentinelles au service des jeunes ?
Une fois les signaux faibles détectés, comment faire remonter l'information au sein du réseau et garantir une prise en charge, pas nécessairement médicamenteuse, mais rapide de ces jeunes qui ont besoin de nous et nous le disent ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Vous avez raison : la détection est une étape majeure. Un jeune accompagné tôt obtiendra une réponse adaptée et n'aura pas nécessairement besoin de médicaments si sa détresse est rapidement prise en compte.
C'est la stratégie qui guide le secourisme en santé mentale : les 150 000 jeunes formés pourront aider à repérer, au sein de leur groupe d'amis, dans leur classe ou dans leur amphithéâtre, ceux qui ont besoin d'être accompagnés pour les orienter sans délai vers un professionnel. Les campagnes d'information et les sites internet partagent cet objectif. Le travail en équipe autour des psychiatres, qui permet à d'autres professionnels – psychologues, IPA spécialisés en santé mentale – de monter en compétences, permettra aussi de disposer d'un réseau plus large de prise en charge. En décloisonnant médecine de ville et hôpital, notamment en matière de santé mentale, et en donnant davantage de moyens aux CMP, nous souhaitons encourager la création de ces cabinets de consultation qui associent public et privé, et qui apportent des réponses adaptées au plus près des lieux de vie.
Ces leviers devraient nous permettre d'améliorer la prise en charge tout en la rendant plus rapide – vous avez raison, c'est un point important. Nous fondons beaucoup d'espoir – moi le premier – sur l'efficacité du dispositif Mon soutien psy revu et corrigé. La facilité d'accès, le repérage, la confiance accordée aux professionnels, notamment aux psychologues, sont les ingrédients d'une prise en charge rapide.
Mme la présidente
La parole est à Mme Stéphanie Kochert.
Mme Stéphanie Kochert (HOR)
Je souhaite vous alerter sur un sujet au croisement des politiques de santé et d'éducation : la santé mentale des enfants atteints de troubles du comportement. Comme le montrent plusieurs études, les jeunes vont mal : leur santé mentale se dégrade, des dépressions apparaissent de plus en plus tôt. Les passages aux urgences pour gestes et idées suicidaires et les consultations pour troubles anxieux et angoisse n'ont cessé de croître chez les enfants âgés de plus de 10 ans, en particulier quand ils sont atteints de troubles du comportement.
Les situations de ces enfants sont très hétérogènes, en fonction de la nature et de la lourdeur de leur handicap – physique, sensoriel, cognitif ou psychique. Selon les estimations retenues par le Défenseur des droits dans un rapport publié en 2015, au moins 70 000 enfants confiés à l'Aide sociale à l'enfance (ASE) sont concernés ; ce chiffre a depuis augmenté. Outre le secteur de la santé, celui de l'éducation est concerné. De nombreuses écoles sont touchées par ces problématiques, car beaucoup d'enfants scolarisés sont atteints de troubles du comportement. L'accompagnement n'est pas adéquat, les structures d'accueil de type Itep (institut thérapeutique, éducatif et pédagogique) ne suffisent pas. C'est un accompagnement personnalisé, au croisement des politiques de santé et d'éducation, qu'il faudrait proposer. Les personnels des établissements scolaires, de la protection de l'enfance, des établissements de santé, les parents et surtout les enfants sont en grande souffrance : tous pâtissent de cet état de fait. Quelle politique d'accompagnement transversal pourrions-nous déployer pour prendre à bras-le-corps ces situations ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Vous avez raison de poser cette question, qui est d'importance et concerne des enfants dont on parle trop peu. En France, toutes les six heures, un enfant naît avec des lésions cérébrales ; 1 500 nouveau-nés sont concernés chaque année. Vous avez donné des chiffres s'agissant de ces enfants qui doivent aussi être accompagnés tout au long de leur parcours de soins et de leur prise en charge.
Depuis 2016, des évolutions législatives ont permis d'améliorer le bilan de santé dès le plus jeune âge, ce qui permet de bénéficier d'un accompagnement le cas échéant. La loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé (OTSS ou loi « Ma santé 2022 ») a formalisé la coordination du parcours de soin, notamment pour les mineurs en situation de handicap. Il faut aussi encourager la recherche : en mai 2023, l'Institut Robert-Debré du cerveau de l'enfant a figuré parmi les lauréats de l'appel à projets visant à créer des instituts hospitalo-universitaires (IHU), en proposant la création d'un IHU dédié à la compréhension du handicap neurologique et du polyhandicap chez l'enfant.
Les structures existantes doivent être adaptées, comme les unités d'accueil pédiatrique des enfants en danger (Uaped). Aucune question n'ayant porté sur ces structures, nous n'avons pas eu l'occasion d'en parler, mais elles sont en plein développement et nous souhaitons en implanter dans de nombreux hôpitaux. Elles s'adaptent à la prise en charge d'enfants handicapés, ce qui n'était pas le cas jusque-là.
Différents dispositifs permettent ainsi de mieux appréhender cette prise en charge. Je pense notamment à la charte Romain Jacob : signée par de nombreux établissements, elle veille à la qualité de la prise en charge des personnes handicapées et à la spécificité de leur accueil, en particulier celui des enfants. Tous ces ajustements doivent permettre une meilleure prise en considération des enfants handicapés.
Mme la présidente
La parole est à Mme Chantal Jourdan.
Mme Chantal Jourdan (SOC)
Les études s'enchaînent, mettant en évidence une dégradation de la santé mentale des collégiens, des lycéens et des étudiants, notamment depuis la crise sanitaire liée au covid et particulièrement chez les jeunes filles.
Les professionnels ne cessent de nous faire connaître leurs craintes. Or les manques sont criants, tant en matière de prévention que d'accompagnement. Il est urgent de se préoccuper de la santé mentale de notre jeunesse. Les constats sont connus et précisément documentés.
Mon collègue Joël Aviragnet et moi-même avons récemment déposé une proposition de loi visant à prendre dix grandes mesures pour la santé mentale, une proposition de loi visant à instaurer des mesures d'urgence pour la santé mentale des jeunes, ainsi qu'une proposition de loi transpartisane, que nous avons élaborée avec la majorité.
Mais le Gouvernement repousse encore le moment de passer à l'action et lance un CNR santé mentale. Pourquoi ? Vous disposez pourtant d'un très large panel de solutions, dont la première demeure une augmentation des moyens humains et financiers.
À ce stade, les professionnels ne souhaitent plus être consultés : ils veulent du concret. À quand le lancement du nouveau dispositif Mon soutien psy ? À quand une couverture nationale pour les maisons des adolescents ?
Le milieu scolaire est évidemment très concerné par la santé mentale des jeunes. Vous avez récemment admis que les professionnels de santé devaient renforcer les rangs de la communauté éducative. Je voudrais vous alerter sur deux points.
Premièrement, compte tenu du lien incontestable entre les conditions de vie et d'apprentissage des jeunes et leur santé mentale, la création de groupes de niveau dans les collèges, qui agira sur la détermination sociale, accentuera la pression scolaire, la stigmatisation et le risque de mal-être.
Deuxièmement, à la suite du covid-19, les orthophonistes nous alertent sur la nette augmentation des troubles du langage chez les enfants, qui risquent d'altérer leur développement et leurs capacités d'adaptation sociale et relationnelle. Monsieur le ministre, sur ces deux sujets, que proposez-vous en matière de prévention ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Certaines des mesures que j'ai évoquées permettront d'améliorer la prise en charge et l'efficacité des dispositifs. Le CNR ne vise pas à se faire plaisir ou à repousser les échéances ; il a pour objectif de faire collectivement progresser des propositions qui font consensus ou à tout le moins emportent l'adhésion des professionnels de santé, quels que soient leur statut et la nature de leur intervention dans le système de santé. Le CNR est une étape qui permettra, trois semaines après les assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant, qui se tiendront le 24 mai, de concrétiser des décisions et d'engager des moyens pour la santé mentale des jeunes. Ces deux événements sont très attendus, comme je l'ai constaté lors des nombreuses concertations préalables – car on ne décide pas seul dans son coin de la pertinence de telle ou telle mesure.
Comme je l'ai dit, le dispositif Mon soutien psy a été revu. Il sera opérationnel très rapidement, sans attendre les évolutions législatives prévues dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Par lettre de couverture, nous mettrons fin à l'adressage par le médecin généraliste, ouvrant ainsi l'accès direct à un psychologue conventionné. Le nombre de séances prises en charge par la sécurité sociale sera augmenté et un arrêté de revalorisation du tarif de la consultation, à 50 euros, sera pris dans les prochains jours. Ces mesures très concrètes permettront au dispositif de démarrer dès le début de l'été.
La question des moyens humains est avant tout celle de la formation. On ne forme pas des professionnels d'un claquement de doigts : si nous avons rouvert les filières de formation et que nous accueillons désormais plus d'étudiants, y compris en santé mentale, il faut attendre quelques années pour en constater les effets sur le terrain. Comme vous, je suis impatient – puisque les besoins sont là – mais je me réjouis que nous ayons réenclenché une dynamique positive.
Mme la présidente
La parole est à M. Joël Aviragnet.
M. Joël Aviragnet (SOC)
La crise du covid a mis en lumière un sujet jusqu'alors trop souvent tabou dans notre société : la santé mentale des jeunes. Isolement, incertitudes quant au présent et perte de confiance dans l'avenir ont plongé de nombreux jeunes dans un état de détresse mentale. Les délais d'attente dans les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) excèdent souvent plusieurs mois, quand ils n'atteignent pas une année.
Notre pays n'est pas armé pour faire face à la situation actuelle. Certaines catégories de jeunes sont plus susceptibles de développer des troubles en santé mentale ; je pense tout particulièrement aux jeunes relevant de l'ASE. Ces jeunes ont souvent connu des parcours de vie chaotiques ; il est de notre responsabilité de les accompagner et nous devons agir vite. Des mesures d'urgence peuvent et doivent être prises, telles que l'accès direct aux psychologues pour les jeunes – que vous avez évoqué.
La prévention en santé mentale est importante ; instaurer cet accès direct offrirait à tous les jeunes la possibilité d'aller mieux avant que leur santé mentale se dégrade nettement. Le Premier ministre l'avait annoncé lors de sa déclaration de politique générale ; après le temps des annonces vient celui des actes. Un consensus transpartisan à ce sujet est possible.
Enfin, le fléchage des financements sur des troubles précis a mis à mal les budgets des centres de consultations plus générales. Or ces consultations sont essentielles pour détecter les situations de détresse psychologique. Monsieur le ministre, quand instaurerez-vous l'accès direct aux psychologues pour les jeunes ? Comment comptez-vous réduire les délais d'attente pour les consultations dans les CMPP ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
J'ai déjà apporté une réponse au sujet de l'accès facilité aux psychologues pour les jeunes, avec la réforme du dispositif Mon soutien psy. J'ai discuté avec plusieurs représentants de la profession : les psychologues attendaient cette réforme pour s'engager dans le dispositif. Il n'existe désormais plus d'arguments pour ne pas le faire : la revalorisation de la consultation et l'accès direct sans adressage par le médecin généraliste sont autant d'éléments de simplification. Je n'ai aucun doute : dès cet été, le dispositif montrera son efficacité.
Nous nous sommes fixé comme objectif de recruter sur la période 2023-2025 400 personnels supplémentaires pour renforcer les moyens des CMP pour enfants et adolescents. À ce jour, 94 soignants ont été embauchés. Si nous ne pouvons pas aller plus vite, ce n'est pas par manque de financement, mais parce que les professionnels formés sont insuffisamment nombreux pour répondre aux besoins. C'est bien la raison pour laquelle nous avons rouvert des filières.
Le CNR santé mentale se tiendra le 12 juin. Tous les groupes parlementaires sont invités à s'y faire représenter par un député. Je vous encourage à en discuter avec votre président de groupe afin que l'Assemblée nationale participe activement à ces réflexions collectives.
Ce sujet requiert la mobilisation de tous et vos questions montrent à quel point il constitue une priorité. Il ne s'agit pas de faire de la politique politicienne ; nous tendons tous vers le même objectif : déployer des dispositifs utiles, accessibles et pertinents pour les jeunes qui ont des besoins en santé mentale. Je vous remercie pour ce débat.
Mme la présidente
La séance de questions est terminée.
Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 13 mai 2024