Texte intégral
Bonjour, merci beaucoup à tous.
Je voulais d'abord remercier le Président Yoon, merci beaucoup, cher Président, et Rishi Sunak, Monsieur le Premier ministre, pour l'organisation de cette réunion, et remercier tous les collègues, chefs d'Etat et de gouvernement et les chefs d'entreprises et experts qui ont pris le temps aujourd'hui de cet échange essentiel. Il vient prolonger en effet la dynamique du Sommet de Bletchley Park en novembre dernier et nous permet de raviver les échanges tenus lors de la fondation du Partenariat mondial pour l'intelligence artificielle à l'initiative du Canada en novembre 2018.
Vous l'avez tous dit très clairement et cela ressort très largement des interventions : l'intelligence artificielle n'est pas simplement une révolution économique et technologique - elle porte le potentiel d'un profond changement de paradigme de nos sociétés, c'est-à-dire notre rapport au savoir, notre rapport au travail, notre rapport à l'information et donc à la démocratie, notre rapport à la culture et même au langage. Et rapidement, nous devrons l'adopter au sein de nos entreprises si nous ne voulons pas perdre la bataille de la productivité, mais aussi intégrer les bons et mauvais usages dans nos démocraties.
Pour toutes ces raisons, c'est devenu clairement un enjeu politique et ça peut l'être pour la pire ou la meilleure des raisons, si je puis dire, et c'est pourquoi avoir une conversation internationale intégrée qui permette de donner une place aux leaders technologiques, aux usagers mais aussi aux gouvernants de la planète, me parait essentiel. C'est pourquoi nous avons accepté la responsabilité de prolonger la dynamique initiée par le Royaume-Uni et la Corée, en accueillant en France, les 10 et 11 février 2025, un sommet pour l'action sur l'IA, pour lequel je compte sur votre engagement.
Nous allons nous mettre au travail dès les prochains jours et mon envoyée spéciale, Anne Bouverot, réunira ce 28 mai nos principaux partenaires en ce sens, pour bâtir, au fond, un agenda autour de notre double responsabilité à l'égard de l'IA et cela correspond à ce qui vient d'être dit - celle à la fois de partager, d'innover et de continuer d'accélérer et celle de protéger face aux mauvais usages et d'intégrer aussi les conséquences directes et indirectes de l'IA.
En premier lieu, donc partager, ouvrir. C'est comment faire en sorte que l'adoption massive de l'intelligence artificielle puisse réaliser la promesse initiale du numérique, qui est l'émancipation individuelle et collective, et donc le progrès, la connaissance et derrière la croissance économique. Pour cela, il faut un agenda d'investissement pour favoriser l'innovation et éviter la concentration - ce faisant, nous renforçons les libertés d'entreprendre, de créer et d'apprendre. Il nous faut aussi encore plus fortement inciter l'innovation en faveur du bien commun et des objectifs de développement durable, qu'il s'agisse d'ailleurs de l'environnement ou de la santé, en bâtissant aussi une architecture pleinement "ouverte" de l'intelligence artificielle, je sais combien certains d'entre vous - et Yoon vient d'y faire référence - y tiennent, et pour travailler à une technologie accessible à tous.
Je ne veux pas ici être plus long mais pour moi le premier volet de notre agenda d'action pour l'IA, c'est en effet comment investir davantage, comment on peut accélérer, l'innovation, la diffusion et comment s'assurer qu'il y ait un socle d'architecture "ouverte" pour permettre le développement possible de nos objectifs principaux.
En deuxième lieu, notre rôle est clairement de protéger les citoyens des risques qui sont générés par le développement très rapide de l'IA, que les usages les plus risqués soient pleinement empêchés, ce dont il avait été beaucoup question au Royaume-Uni l'an dernier ; c'est le fil directeur du règlement européen sur l'IA adopté en mars dernier. Et très clairement apparaissent des usages impossibles de l'IA, la militarisation de l'IA et autres, cela je crois qu'il faut dès le début l'intégrer. Il faut dès le début avoir une conversation mondiale sur ce sujet si on veut être efficace et donc se dire qu'on a une forme d'ordre public international qui doit éviter certains mauvais usages de base. Et puis, il y a des choses qu'on doit aussi pouvoir intégrer très rapidement et calibrer : la protection de la propriété intellectuelle, la préservation des données de chacun, l'impact environnemental des IA, les conditions de rémunération, la prolifération des attaques cyber et de campagnes de désinformation. Donc, on voit bien que la protection va supposer aussi d'avoir une approche sans doute un peu différente d'une approche classique, c'est-à-dire d'avoir une approche par stress test, par scénario et se mettre d'accord aussi sur un agenda commun.
Pour cela et je finirai par-là, il faut une nouvelle gouvernance internationale de l'intelligence artificielle et je crois que le grand risque, ce serait qu'il y ait des gouvernances régionales et qu'au fond, il y ait une fragmentation de la conversation et des préférences parce qu'elles créeraient une forme de disparité et viendraient obérer nos capacités à investir et innover ensemble et créeraient des préférences collectives différentes, alors même que si on veut être efficace, il faut bâtir un vrai socle international commun. Je crois que cette nouvelle gouvernance internationale dont on a posé les fondements avec ce Partenariat mondial pour l'intelligence artificielle, elle repose autour du triptyque sciences, solutions et standards.
Sciences d'abord, il faut chercher en permanence à bâtir ensemble un consensus scientifique robuste. Là-dessus, je veux rendre hommage aux travaux confiés au groupe d'experts dirigé par Yoshua Bengio et dont les résultats définitifs arriveront en février prochain mais dont les résultats provisoires ont déjà été rendus et font déjà référence, ce qui permet d'avoir une vue panoramique des risques et des opportunités. Je crois que c'est important que ce soit à chaque fois scientifiquement basé, fondé, qu'éventuellement il puisse y avoir une discussion et des désaccords mais que ce ne soit pas l'objet d'un débat de biais politique.
Le deuxième élément pour la gouvernance mondiale, c'est de pouvoir unir nos forces pour créer les solutions techniques ouvertes à tous, permettant ainsi d'auditer les modèles, de déterminer les bons standards d'évaluation de risques, d'évaluer leur impact environnemental. Je pense essentiel que nos différents instituts d'évaluation des modèles d'IA puissent partager leurs résultats, notamment avec les pays qui sont autant concernés par les enjeux mais ne sont aujourd'hui pas dotés des mêmes capacités d'analyses. Les entreprises doivent aussi pouvoir contribuer mais je pense que c'est très important d'avoir ces solutions techniques ouvertes à tous sinon, il n'y aura pas véritablement de gouvernance commune.
Et puis enfin, c'est des standards, des normes internationales de l'IA qu'il nous faut bâtir pour avoir des règles communes qui soient pleinement compatibles et qui ne créent pas de distorsion entre les espaces, de surcoût pour les entreprises. C'est aussi pour cela que je crois beaucoup à la capacité qu'on aura d'inclure tous les espaces géographiques et toutes les grandes puissances technologiques et économiques de la planète. Il ne faut pas que cette gouvernance se fasse en excluant tel ou tel, il faut vraiment éviter une fragmentation des cadres réglementaires qui ne profiterait vraiment à personne.
Voilà, ces trois objectifs pour moi - sciences, solutions, standards - sont au coeur du projet de relance du Partenariat mondial pour l'intelligence artificielle dont, on fait tous partie, aux côtés de grands partenaires comme l'Inde, le Brésil, le Sénégal, une trentaine de pays au total, bientôt rejoints par d'autres. C'est une nouvelle étape qui s'ouvre mais c'est autour de ces principes qu'on va bâtir et donc mener ce travail en vue de février prochain.
Je crois que j'ai épuisé le temps qui m'était imparti et je ne veux pas être plus long mais l'objectif était vraiment de remercier les collègues et dirigeants d'entreprises, contributeurs qui se sont exprimés aujourd'hui et d'essayer ainsi de donner les principaux objectifs pour le sommet de février prochain. Merci beaucoup.