Texte intégral
Avant de commencer, j'aurai un mot pour le premier ministre slovaque, M. Robert Fico, victime d'une attaque brutale et lâche près de Bratislava. Nous lui adressons nos voeux de rétablissement et condamnons avec la plus grande fermeté ces actes de violence extrême, qui sont injustifiables. Je suis certain que la représentation nationale s'associe à cette condamnation
(...)
R - Je n'ai pas plus d'informations à ce sujet que ce qui a été rapporté par la presse.
J'en viens à l'audiovisuel extérieur, qui est un opérateur essentiel du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Chaque semaine, il touche 255 millions de personnes dans le monde, dans vingt et une langues, par l'intermédiaire de chaînes allant de France 24 à RFI - Radio France internationale -, en passant par des chaînes arabophones telles que MCD - Monte Carlo Doualiya. Chacune de ces chaînes ou radios répond à des objectifs précis et respecte un cahier des charges dans l'information qu'elle délivre aux publics étrangers car la manière de s'adresser à eux et les sujets traités peuvent parfois être très différents des nôtres.
Les enjeux en matière d'influence et d'information sont énormes. Dans un contexte international marqué par une forte propagande, par la difficulté à trier entre bonnes et mauvaises informations et par le relativisme des modèles de journalisme, elles garantissent aux publics une information fiable sur notre pays, ses actions et, plus largement, sur nos valeurs. Elles contribuent à une lutte efficace contre la désinformation et constituent un véritable outil pour la diplomatie française.
Pour toutes ces raisons, nous sommes favorables à l'exclusion de l'audiovisuel extérieur de ce qui est en cours de préparation sous l'égide du ministère de la culture. Matignon a rendu son arbitrage : il est favorable à l'amendement que vous avez mentionné et je n'ai aucun doute sur le fait que le Gouvernement émettra un avis favorable en séance.
(...)
Au cours de ma dernière audition par votre commission, j'avais insisté sur les crises qui fracturent le monde : elles ne sont pas résolues, tant s'en faut. Face au risque de basculement de l'ordre international, nous sommes déterminés à organiser et à amplifier la riposte, et ce dans tous les domaines.
Je voudrais revenir sur quelques initiatives menées par mon ministère à propos de la question humanitaire et des efforts de paix conduits dans les crises que vous avez évoquées, sur les grands enjeux de notre avenir européen, sur les négociations climatiques - le ministère ayant pris la charge de celles-ci au niveau international - et sur l'attractivité de notre pays et de son économie.
J'évoquerai d'abord la crise au Soudan, malheureusement oubliée et passée inaperçue pendant plusieurs mois. La France, l'Allemagne et l'Union européenne (UE) ont organisé, le 15 avril dernier, une conférence humanitaire internationale pour le Soudan et les pays voisins. Des milliers de personnes y sont déplacées, des dizaines de milliers vont peut-être décéder et des milliers d'enfants sont privés d'éducation et de logement : c'est une véritable catastrophe humanitaire qui est en cours. Malgré l'actualité internationale très dense, elle mérite d'être discutée. Les besoins des Soudanais sont vertigineux et la famine menace. La mobilisation internationale nous a permis de réunir 2 milliards d'euros. La conférence a aussi été l'occasion de mieux coordonner les initiatives de médiation et de réunir les acteurs de la société civile soudanaise car l'arrêt des combats sera nécessaire pour retrouver une situation normale.
(...)
À Gaza, la France s'emploie depuis plusieurs mois à maintenir une pression maximale afin d'ouvrir des accès humanitaires. Nous exigeons que la population réfugiée à Gaza soit protégée et qu'elle puisse vivre en paix et en sécurité. Au Liban, également concerné par la crise, nous continuons à oeuvrer pour éviter l'effondrement en soutenant la société civile libanaise. La semaine dernière, nous y avons encore acheminé près de 2 tonnes de médicaments. Nous continuons d'agir : la poursuite des combats à Gaza accroît le risque de déstabilisation au Sud du Liban et de déflagration à l'échelle de l'ensemble de la région.
En Egypte, en Jordanie, en Arabie saoudite, au Liban et en Israël, la France défend la même position, que j'ai exprimée aussi devant la représentation nationale : l'horreur du 7 octobre 2023 et du terrorisme du Hamas, l'urgence vitale de la libération des otages, la nécessité d'un cessez-le-feu durable à Gaza, l'obligation d'une désescalade et de trouver une voie politique pour une solution à deux Etats, à même de vivre côte à côte en sécurité et en paix. Il est urgent, pour les pays européens et pour les pays arabes partenaires dans la région, de développer une vision commune. La France est bien placée pour assurer le lien auprès de nos partenaires régionaux, C'est sur ces grands principes que nous avons bâti une résolution encore en discussion au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies.
OEuvrer pour éviter l'escalade dans la région à la suite de l'attaque sans précédent contre Israël implique également d'accroître la pression sur l'Iran. Un Iran nucléarisé constituerait un danger inacceptable pour nous, d'autant plus que certains pays, moins démocratiques que le nôtre, pourraient conclure de la situation internationale qu'être doté de l'arme nucléaire autorise à violer le droit international - ou en tout cas que vous n'êtes pas respecté de la même manière - : il y aurait alors un risque terrible de course au réarmement, notamment nucléaire.
La France est impliquée pour dessiner l'Europe de demain et défendre dès aujourd'hui sa souveraineté. En pleine campagne des élections européennes, nous avons décidé, avec l'Allemagne et la Pologne, d'adopter une nouvelle stratégie de dénonciation publique de toute menace envers notre cohésion nationale et notre vie démocratique. Nous nous exprimons désormais publiquement au sujet des campagnes de désinformation, notamment celles menées par la Russie. Il en va de notre souveraineté. Nous sommes dotés d'outils en mesure d'identifier les réseaux, et donc capables de les dénoncer. Personne ne doit être dupe des méthodes de nos adversaires, ceux-là mêmes qui prétendent se préoccuper de la liberté des peuples, que ce soit en Afrique ou ailleurs, tout en utilisant des méthodes de déstabilisation et de désinformation dans nos pays. Faire l'anatomie des campagnes de désinformation qui ciblent la France, c'est aussi faire la preuve de notre détermination à ne rien lâcher en la matière.
Le discours de la Sorbonne prononcé par le Président de la République le 25 avril dernier montre que nous avons pris en considération ce qu'il adviendra après les élections européennes et que la position de la France est déjà en partie structurée, notamment en ce qui concerne le Conseil européen. Dans les prochaines semaines, nous oeuvrerons non seulement à définir des cadres entre pays européens concernant l'industrie, la défense et la compétitivité de notre modèle mais aussi à créer de nouvelles ressources pour le budget européen. En parallèle des élections européennes, la France exercera son influence pour que l'agenda de la future Commission européenne soit le plus proche possible de la position française, qu'il s'agisse de l'évolution du rôle de la Banque européenne d'investissement, de la taxation des revenus d'aubaine générés par le gel des avoirs russes ou de la Facilité européenne de paix. Beaucoup dépendra aussi du rapport de force au Parlement européen à l'issue des élections.
Nous sommes à l'initiative pour défendre la souveraineté ukrainienne face à l'agression russe. L'échec du projet néo-impérialiste russe est la condition pour la sécurité de l'Ukraine, de l'Europe et de la France : nous en sommes convaincus. La Russie s'efforce d'obtenir des gains sur le terrain et il est certain que jamais les Ukrainiens n'ont eu plus besoin de notre aide. Par conséquent nous accélérons les livraisons européennes d'armes. Celles qui ont été votées par le Congrès américain devraient avoir lieu avant novembre. Nous participerons en juin, avec les autres pays qui se fondent sur les principes que nous défendons, à la Conférence de haut niveau sur la paix en Ukraine, qui contribuera à créer les conditions de la paix.
C'est également en cherchant l'unité européenne que le Président de la République a reçu son homologue chinois la semaine dernière. La présidente de la Commission y a été associée et un certain nombre de messages communs ont été décidés, en amont, avec le chancelier allemand. Les échanges avec le président Xi ont permis d'évoquer l'Ukraine de façon substantielle. Nous savons que la Chine a un fort impact sur la Russie et la neutralité chinoise est essentielle. La nécessité de rééquilibrer la relation commerciale entre la Chine et l'UE a également été discutée.
Au-delà de ces éléments concrets, le nouveau discours de la Sorbonne a dressé un diagnostic et formulé des propositions pour garder la main sur les souverainetés française et européenne. Nous nous employons à faire progresser cette dynamique, d'autant plus que nous avons constaté que les réponses des capitales européennes à ce projet étaient positives.
Le ministère mène aussi des initiatives au sujet du climat. J'ai participé aux dialogues de Copenhague et de Petersberg il y a quelques semaines et j'y ai rappelé l'urgence de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré. Chaque fraction de degré supplémentaire augmente le danger, comme on le voit au Brésil comme en Normandie. La France est garante de la méthode et des objectifs inscrits dans l'accord de Paris, signé il y a presque dix ans. Je suis convaincu que notre action diplomatique donnera son sens à notre action nationale : il faut embarquer le plus possible de pays en direction de ces objectifs.
Nous oeuvrons à l'application de l'accord de Dubaï sur la sortie progressive des énergies fossiles. À la réunion des ministres du climat, de l'énergie et de l'environnement du G7, nous sommes parvenus à convaincre nos partenaires de s'engager pour la sortie du charbon d'ici la première moitié des années 2030, horizon recommandé par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et proposé par le Président de la République à la COP28. C'est une bonne nouvelle car les pays membres du G7 sont les plus gros émetteurs. La France s'était engagée à sortir du charbon d'ici 2027 ; nous avons donc rapproché nos partenaires de cette date.
La présence française dans le monde et les partenariats que sa diplomatie cherche à rénover produisent des avantages stratégiques. En Amérique latine, où je me suis rendu à deux reprises, j'ai évoqué avec nos différents partenaires les principaux dossiers et les enjeux globaux. Sur ces sujets nous sommes des alliés et nous ne laissons pas s'installer une opposition Nord-Sud que certains souhaitent afin de fragmenter le monde.
Dans cette logique, je me suis rendu au début du mois de mars au Kenya, au Rwanda et en Côte d'Ivoire pour approfondir des partenariats dont la forme a changé - plus équilibrés, plus respectueux et naturellement bénéfiques pour les uns et les autres - et dont les résultats sont déjà visibles, à rebours des stéréotypes et des narratifs que voudraient imposer certaines puissances. Le Kenya, pays anglophone, n'était pas un partenaire traditionnel de la France et pourtant le nombre d'entreprises françaises y a triplé en dix ans, le nombre d'apprenants du français a augmenté de 30% et nous travaillons désormais main dans la main sur des enjeux globaux, comme la réforme des institutions internationales.
Au Rwanda, nous avons surmonté ensemble le passé et, en Côte d'Ivoire - un partenaire plus ancien -, j'ai rencontré des jeunes, des entrepreneurs et des personnalités de la société civile. J'ai souhaité préparer cette tournée en amont, en rencontrant des membres des diasporas au Quai d'Orsay : c'est une méthode inédite qui nous permet de faire évoluer concrètement ces partenariats dont nous avons besoin.
(...)
R - Les Jeux ont beaucoup été abordés sous l'angle de la sécurité qu'ils exigeront et le ministre de l'intérieur a mis en avant le dispositif qui sera mobilisé mais c'est aussi un grand événement international qui doit nous permettre de rayonner. Ce seront un peu plus de 120 chefs d'Etat et de gouvernement qui seront présents sur place, 206 et 184 délégations sportives qui participeront respectivement aux Jeux olympiques et aux Jeux paralympiques ; 185 agents de liaison seront déployés pour l'occasion au ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Ce moment doit nous servir à créer des liens diplomatiques, à faire rayonner la France, à laisser une trace économique, touristique, sportive et culturelle. J'invite donc la représentation nationale à parler de manière positive de ces Jeux et à contribuer au rayonnement de cet événement diplomatique et international.
Concernant Choose France, les résultats sont là. Cinquante-six nouveaux projets et 15 milliards d'euros d'investissements ont été annoncés cette année ; cela pourrait entraîner la création de 10.000 emplois. La France est pour la cinquième année consécutive le pays d'Europe le plus attractif pour les investissements étrangers : c'est remarquable. J'ajoute que nous sommes aussi la première destination européenne pour les investissements en matière d'intelligence artificielle et dans les projets industriels. Ce sont deux secteurs d'avenir qui nous permettront de créer des emplois. Ce sommet constitue une innovation par laquelle il est possible de convaincre et où les entreprises françaises et les investisseurs étrangers peuvent discuter. C'est un élément d'attractivité pour notre territoire et un véritable succès économique et diplomatique.
(...)
R - Tous les postes que vous avez cités sont en train d'être pourvus. Encore ce matin, il a été procédé à vingt-trois nominations en Conseil des ministres. Nous sommes dans l'attente des agréments des Etats, ce qui peut prendre du temps. Il y a aussi un délai entre la situation précise et ce qui est écrit sur les sites Internet. En tous cas, 60% des nominations ont été effectuées et le reste suivra dans les prochaines semaines.
Pour ce qui concerne l'Arménie, vous évoquiez, je suppose, les manifestations arméniennes provoquées par la rétrocession de quatre villages à l'Azerbaïdjan ?
(...)
R - Nous soutenons avec force nos amis arméniens, avec qui nous avons construit des liens de plus en plus étroits et qui prennent la forme de soutiens humanitaires ou défensifs, sans intention d'escalade. Un accord a été trouvé mais la rétrocession des quatre villages crée des troubles parmi la population. Nous nous inquiétons également de la situation. Nous soutenons pleinement l'action du premier ministre Nikol Pachinian en faveur de la délimitation de la frontière ente l'Arménie et l'Azerbaïdjan, dans le respect de la déclaration de 1991 à laquelle la France est très attachée.
De manière plus générale, une coordinatrice a été nommée au sein du ministère de l'Europe et des affaires étrangères - Mme Florence Provendier, ancienne députée -, afin de préparer un certain nombre d'événements. Vous pourrez la solliciter pour vous joindre à toutes ces initiatives.
(...)
R - Je partage votre préoccupation et nous sommes mobilisés auprès de la Tunisie et des Tunisiens, non seulement dans le cadre du partenariat d'égal à égal qui nous lie mais aussi par notre capacité à changer de regard sur nos accords et notre relation commerciale. C'est dans cette logique que le premier ministre a accueilli son homologue à Paris le 29 février. J'ai également reçu mon homologue tunisien. Ce dialogue, franc et transparent, nous a permis d'évoquer ces sujets et de faire part de notre préoccupation, notamment à la suite des récentes arrestations dans le pays.
Je rappelle que la liberté d'expression, la liberté d'association, l'indépendance de la justice et le droit à la défense sont garantis par la Constitution tunisienne, ainsi que par les conventions des Nations Unies auxquelles la Tunisie, comme la France, a souscrit. Tout le monde doit pouvoir s'y référer. La France est particulièrement attachée à ces principes et nous l'avons publiquement rappelé. Un dialogue que j'espère productif va se poursuivre et j'aurai l'occasion de reparler à mon homologue dans les prochaines semaines.
(...)
R - La visite du président Xi avait notamment pour objectif d'aborder la situation en Ukraine. Je me suis déplacé en Chine il y a quelques semaines pour préparer cette visite car nous souhaitions pouvoir aborder publiquement ce sujet. On peut s'interroger quant à la neutralité, vous avez raison, mais nous la souhaitons. Si la Chine venait à réellement aider militairement la Russie, alors la situation ne serait plus la même. Il faut en avoir conscience. Les efforts diplomatiques de la France visent à démontrer au président chinois que la question ukrainienne est une question existentielle pour l'Europe. Les Chinois nous expliquent avoir compris notre position sur cette question, qu'il s'agisse de la défense du droit international ou de la souveraineté territoriale ukrainienne. Et la conférence de presse semblait le confirmer, puisqu'ils y ont évoqué la trêve au sujet de l'Ukraine.
En matière commerciale, les règles doivent être équitables pour tous et le déséquilibre actuel avec la Chine n'est pas soutenable, ni pour la France, ni pour l'Europe. Les surcapacités chinoises empêchent une concurrence équitable dans nombre de secteurs, notamment ceux qui créent des emplois en France et en Europe. Il ne faut pas être naïfs et expliquer franchement que les règles doivent être respectées et que des mesures miroirs seront instaurées selon l'ouverture ou non de leur marché. Pourquoi le marché européen devrait-il être ouvert pendant que le marché chinois ne l'est pas entièrement ?
La Chine est également un acteur clé en matière environnementale, qu'il s'agisse du financement de la transition énergétique, du respect des règles ou du droit international tel qu'il résulte des COP. La Chine sera un acteur clé de la COP30 de Belém.
Ces trois sujets justifiaient la venue du président chinois en France, afin de les aborder directement avec lui - que ce soit au sein de délégations ou dans des formats plus réduits - et d'avoir un impact. Les objectifs fixés par la délégation française me semblent avoir été atteints.
(...)
R - Concernant le conflit entre la RDC et le Rwanda, la position de la France repose sur plusieurs exigences. D'abord, nous ne transigeons pas quant à l'intégralité territoriale de la RDC. J'ai eu l'occasion de le répéter lors d'un déplacement au Rwanda. Nous n'hésitons pas à pointer les responsabilités et nous condamnons les actions du M23 : j'ai suivi les auditions que vous avez menées à ce sujet, Monsieur le Président. Nous devons mettre fin à la présence de milices rwandaises en RDC. Nous condamnons aussi la coopération de soldats congolais avec des groupes armés tels que les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Nous soutenons les procédures diplomatiques et les négociations régionales.
Le passé ne nous empêche pas d'aborder les choses, je vous rassure. Nous avons réussi à retisser le lien avec le Rwanda, notamment par la diplomatie. C'était un travail difficile et le discours du Président de la République y a été très apprécié mais cela ne nous empêche pas de dire les choses.
(...)
R - À l'Organisation des Nations Unies (ONU), la France tient la plume sur ces questions, c'est-à-dire qu'elle rédige les textes, grâce à nos excellents ambassadeurs et spécialistes. Cela nous oblige aussi à être lucides.
(...)
R - En recevant le statut de candidate à l'adhésion à l'UE, la Géorgie progressait significativement dans son cheminement européen. Son avenir était plutôt de ce côté, soutenu par 80% de sa population en ce sens. Cet objectif est d'ailleurs inscrit dans sa Constitution.
En adoptant la loi sur l'influence étrangère, clairement d'inspiration russe, le gouvernement géorgien met en péril - ou pire - ce processus d'adhésion à l'Union. Nous devons condamner les violences envers les manifestants pacifiques et l'ensemble des Etats membres doivent être particulièrement attentifs à l'avenir de ce texte, déterminant pour la poursuite du processus. Il y a des signaux positifs que j'ai évoqués et des gens qui se battent pour l'"ADN européen", fondé sur la démocratie, la liberté de la presse et l'indépendance de la justice, auxquels fait face un texte visant à entraver ces efforts. L'UE aura à décider si ce texte constitue une ligne rouge à ne pas franchir.
(...)
R - Vous m'éloignez là du domaine de la diplomatie, sur lequel j'entends rester. Je resterai factuel : nous dénonçons les violences envers les manifestants et nous soutenons la démocratie et l'enthousiasme européen. Il ne s'agit pas de s'ingérer dans la politique intérieure géorgienne. Il faut convaincre. En cas d'échec, il y aurait un risque que je préfère ne pas encore évoquer.
(...)
R - La réponse que j'avais envoyée à Mme la présidente Mathilde Panot au sujet des livraisons d'armes vous sera transmise : nous la communiquerons au secrétariat de la commission, afin que tous ses membres aient accès aux informations qu'elle indique. Vous constaterez que nous n'exportons pas d'armes et que la France et Israël sont davantage des concurrents sur le marché mondial de l'armement. L'explication et la précision des éléments exportés incombent toutefois au ministre des armées mais il me semble qu'il avait adressé un courrier sur ce sujet à la commission concernée ; je vérifierai ce qu'il en est.
Nous avons peut-être été les premiers en Europe à sanctionner les colons violents en Cisjordanie. J'ai moi-même, à l'occasion du Conseil européen, insisté pour qu'il n'y ait pas "deux poids, deux mesures" alors que des sanctions ont été prises à l'encontre des membres du Hamas. Peut-être que cela est insuffisant à vos yeux mais nous l'avons fait.
(...)
R - La position française est claire : la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est ne sont pas des territoires israéliens. Aux termes du droit international, ils ont le statut de territoires occupés et les colonies qui y sont implantées sont illicites. On pourrait les boycotter mais aucune règle en droit international ne nous y oblige. En revanche, comme l'exige la résolution 2334 de l'ONU, nous devons distinguer le traitement d'activités en Israël de celui de ses colonies. L'étiquetage que pratique la France permet aux consommateurs de faire cette distinction et de décider librement, en connaissance de cause, de l'achat ou non de ces produits, ce que ne peut pas faire l'Etat, statut oblige. Vous ne pouvez pas nous demander d'appliquer ou non le droit international selon les circonstances. La position de la France a toujours été de faire primer le seul droit international et la Charte des Nations Unies, quelle que soit la situation.
(...)
R - Défendre Mayotte suppose de réduire la pression migratoire. Vous connaissez les actions de mon ministère en la matière, notamment la négociation en 2019 d'un accord qui a permis de réaliser 25.000 reconduites à la frontière chaque année et de lutter, en partenariat avec les Comores, contre les départs de migrants illégaux. C'est un accord difficile à appliquer. Le rôle de mon ministère était de le négocier ; sa mise en oeuvre relève des ministères qui ont autorité sur le territoire français.
Ces trente dernières années, il n'y a pas eu une seule résolution à l'Assemblée générale des Nations unies remettant en cause la souveraineté française à Mayotte et aucune demande en ce sens n'a été formulée. La communauté internationale accepte donc largement cette souveraineté. La France a aussi soutenu la candidature de Mayotte pour l'accueil des Jeux des îles de l'océan Indien.
La ministre Chrysoula Zacharopoulou siège en ce moment à la Commission de l'océan Indien et formule les messages que vous avez évoqués. Nous vous tiendrons informée des initiatives que nous prendrons sur ce sujet.
(...)
R - Nous ne faisons pas à l'étranger le travail de prospective - en quelque sorte pour le business - des entreprises françaises. En revanche, nous pouvons les accompagner en formulant des recommandations quant aux opportunités présentées par certaines activités et selon les pays. Les services économiques du ministère disposent d'une véritable expérience en la matière.
Nous anticipons les dégradations politiques et économiques dans certains pays, afin de mettre à disposition des entreprises de l'information brute, mais cela reste leur décision de s'implanter, cesser une activité ou quitter un pays. Nous veillons au respect des sanctions et informons les entreprises du régime des sanctions auquel elles peuvent être soumises.
Quand il est nécessaire d'évacuer des ressortissants - employés d'entreprises par exemple - et de les aider en raison d'un problème politique, nous sommes également présents. La France est l'un des rares pays à disposer d'une telle couverture et d'un système aussi étendu d'alertes économiques et politiques. Nos entreprises doivent pouvoir s'en servir, puisque cela contribue à leur compétitivité.
(...)
R - S'agissant de la région, nous tenons également la plume aux Nations Unies en ce qui concerne les sanctions. Nous sommes attentifs à la situation de la RDC et notre passé compliqué avec certains pays ne nous empêche pas de nous exprimer clairement sur ce sujet. Le discours du Président de la République en 2021 a notamment réglé la question avec le Rwanda.
Nous condamnons le soutien du Rwanda au M23 de même que nous condamnons la collaboration des soldats congolais avec les FDLR. Lors de son passage à Paris, le président de la RDC s'est engagé à ce que celle-ci cesse. Les discussions continuent mais ne croyez pas qu'il y aurait une double appréciation de la situation.
(...)
R - Je partage votre indignation mais, encore une fois, la France n'est pas partie prenante. Nous ne pouvons que participer à créer les conditions d'une résolution des conflits, en parlant avec tout le monde et en disant les choses telles que nous les voyons. Un tel effort est d'ailleurs souvent plus efficace que l'expression d'une indignation, surtout sélective et temporaire. Je me félicite des actions d'autres Etats, notamment l'Angola. C'est un effort de la communauté internationale.
(...)
R - J'incite vraiment la représentation nationale à se mobiliser pour les Jeux et à communiquer à ce sujet, au-delà de la simple dimension sécuritaire propre à rassurer nos concitoyens. C'est un outil de rayonnement pour notre pays, avec la présence, je le rappelle, de 120 chefs d'Etat, et une importante occasion culturelle et politique. Des images de l'événement seront diffusées à travers le monde. Elles ne montreront pas seulement Paris mais toutes les régions de France accueillant les Jeux, contribuant ainsi à l'attractivité de notre pays.
Le Quai d'Orsay se mobilisera pour accueillir toutes les délégations étrangères présentes, pour faire mieux connaître notre pays et pour tisser des liens. Nous entendons aussi en profiter pour avancer sur d'autres dossiers, souvent moins drôles et plus sensibles.
Je vous invite donc à nous aider à faire de ces Jeux un événement international positif pour la France.
(...)
R - Il ne faut pas entretenir de confusion entre la reconnaissance d'un Etat, qui suppose un acte bilatéral entre deux pays, et un acte multilatéral d'une organisation internationale. Les résolutions qui ont été votées ne concernent pas la reconnaissance de l'Etat palestinien mais le rehaussement du niveau de représentation des Palestiniens : peuvent-ils s'exprimer à titre individuel ou au nom d'un groupe, représenter d'autres Etats à l'Assemblée générale des Nations Unies ? Etant donné la situation, nous considérons que les Palestiniens devraient bénéficier d'un rehaussement de leurs droits au sein de l'ONU. Cela est très différent de la question de la reconnaissance d'un Etat palestinien, décision qui relève de la France seule pour ce qui la concerne.
Il y a souvent une confusion dans le débat public entre ces deux aspects. On peut défendre un rehaussement des droits de la Palestine à l'ONU et considérer qu'une reconnaissance immédiate de l'Etat palestinien ne leur serait pas bénéfique. La position de la France est très claire à ce sujet : nous sommes favorables à une solution à deux Etats, ce qui passera irrémédiablement par la reconnaissance de l'Etat palestinien. Il n'y a pas de tabou en la matière.
Mais la reconnaissance d'un Etat relève d'enjeux diplomatiques et stratégiques. Certains y voient un moyen de pression ; nous pensons qu'il s'agit avant tout d'un levier diplomatique pour avancer dans le processus de paix. D'autres que nous ne l'envisagent aucunement, parce que refusant la solution à deux Etats.
(...)
R - Je n'ai pas été de toutes les discussions avec le président Xi Jinping mais ces sujets ont été abordés, notamment lors de la préparation des échanges. J'ai fermement répété à plusieurs reprises que nous demeurons attentifs à la question des droits humains et de leur respect par la Chine. Nous appelons à la libération inconditionnelle et immédiate des défenseurs des droits fondamentaux et à la fin de toute pression envers eux. La discussion à laquelle j'ai assisté a été franche et directe, des deux côtés. C'est l'intérêt de discuter avec tout le monde de tout. Il faut le faire de façon coordonnée et selon des objectifs clairs et précis.
Une distinction entre Israël et les colonies est possible par l'étiquetage des produits dont j'ai déjà parlé. La décision du boycott relève donc davantage de l'individu que de l'Etat.
(...)
R - Il m'est difficile de discuter ouvertement de ces situations. J'avais pris le risque - et certains d'entre vous me l'avaient d'ailleurs reproché - de parler directement avec mon homologue iranien à l'occasion d'une conférence multilatérale à l'ONU. J'ai fait d'une discussion sur les otages un préalable à toute future rencontre avec les autorités iraniennes, quel qu'en soit le sujet. Je n'ai pas eu d'autres contacts avec mon homologue ; il y a des contacts à d'autres niveaux. Je n'en dirai pas plus à ce sujet.
Quatre de nos compatriotes sont retenus de façon parfaitement arbitraire, dans des conditions très différentes les uns des autres. Leur libération demeure l'une de nos priorités. J'ai revu récemment leurs familles et nous suivons l'évolution de la situation mais la tension avec l'Iran ne facilite rien.
(...)
R - J'en resterai là.
(...)
R - Une réunion à huis clos m'aurait permis d'aborder certains éléments spécifiques que je ne peux pas évoquer publiquement. Je reste toutefois disponible pour chacun d'entre vous et je peux inviter le bureau de la commission au Quai d'Orsay pour une discussion un peu plus libre.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 mai 2024