Interview de M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer, à France Info le 15 juillet 2024, sur la violence dans la politique, la sécurité des Jeux olympiques, les rassemblements anti-bassines et la situation politique après les élections législatives.

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Média : France Info

Texte intégral


JEAN-REMI BAUDOT
Bonjour Gérald DARMANIN.

GERALD DARMANIN
Bonjour.

JEAN-REMI BAUDOT
Ce week-end, Donald TRUMP a été victime d'une tentative d'assassinat lors d'un meeting, aux Etats-Unis, de nombreuses voix dénoncent la violence dans cette campagne américaine. Craignez-vous que cette violence puisse s'installer chez nous, en France ?

GERALD DARMANIN
Oui, c'est possible, c'est possible, parce que la violence politique, malheureusement, elle va de pair avec le bruit, la fureur, les appels à la sédition, parfois les appels à la violence, alors c'est vrai que les Etats-Unis ont malheureusement une tradition de s'en prendre aux personnages les plus importants de leur pays, et notamment les candidats ou les présidents des Etats-Unis, donc, je voudrais avoir une pensée pour monsieur TRUMP, bien sûr, et puis, pour l'Amérique, qui doit être choquée aujourd'hui. Mais c'est tout à fait possible que cela puisse nous concerner dans les prochains temps.

JEAN-REMI BAUDOT
Est-ce que l'atmosphère que nous vivons depuis quelques mois, même à l'Assemblée, avec des invectives, qu'on a souvent vues, des violences envers certains élus, est-ce que ça vous inquiète particulièrement dans le temps présent ?

GERALD DARMANIN
Eh bien, c'est très inquiétant depuis de nombreuses années, alors, évidemment, il y a chez nous l'islamisme radical qui peut commettre ce genre d'attentat, d'action extrêmement violente, y compris contre des personnages politiques, ils sont beaucoup protégés, les femmes et les hommes politiques, on reçoit beaucoup de menaces de mort, le président de la République est particulièrement menacé par l'islamisme radical, mais aussi, il y a des gens d'ultragauche et d'ultradroite qui peuvent être chauffés à blanc pour des raisons politiques, et qui, effectivement, pourraient interpréter des messages extrêmement violents, sur les réseaux sociaux, dans la vie politique, à l'Assemblée nationale, vous avez raison de le dire, pour passer à l'acte. On verra bien quel sera le profil de ce tueur, hier, mais on voit bien que ça peut être aussi un côté monsieur, madame tout le monde. Ce qui est très inquiétant pour les services de sécurité. C'est sûr que quand on appelle à marcher sur Matignon, quand on appelle à la violence, à la violence politique, ce n'est jamais quelque chose qui contribue à refroidir la violence tout court. Donc, voilà, je pense que chacun devrait mesurer ce qui se passe aux Etats-Unis, en tirer des conséquences pour la France, et se dire que les difficultés politiques, on les règle politiquement, on les règle électoralement, on ne les règle pas par la violence.

FANNY GUINOCHET
Et le fait qu'il y ait les JO en ce moment, vous pensez que ça peut favoriser justement, augmenter cette menace ?

GERALD DARMANIN
Non, je ne le crois pas. La menace, elle est endogène dans nos sociétés, il y a une polarisation de la société, c'est incontestable, notamment dans les démocraties. D'abord, il y a de moins en moins de démocraties dans le monde, et dans les démocraties on voit la polarisation. Vous êtes forcé, obligé, on l'a vu pendant cette campagne électorale, de choisir : est-ce que vous êtes pour Israël ou pour la Palestine, est-ce que vous êtes pour les migrants ou anti-migrants, est-ce que vous êtes pour les flics ou contre les flics ? Bon, la société, ce n'est pas ça, vous avez le droit d'avoir un peu de nuances, vous avez le droit de considérer qu'on peut discuter de plus de trois secondes d'un sujet sans pour autant choisir son camp. Et les réseaux sociaux, me semble-t-il, encouragent malheureusement cette polarisation en vous enfermant par algorithmes dans ce que vous pensez être important. Et des images multipliées, et des images multipliées avec, encore une fois, des paroles de responsables politiques extrêmement violentes ou appelant à la violence peuvent faire basculer des personnes dans cette violence. Je pense que les Jeux Olympiques n'ont pas grand-chose à voir avec cette situation. Notre société, elle est violente, et en général, voilà, il faut pouvoir se poser pour éviter que ce qui vient des Etats-Unis ne s'applique à nous. Mais je constate malheureusement que nous nous inspirons beaucoup les Etats-Unis d'Amérique.

FANNY GUINOCHET
Et sur les JO, justement, on apprenait la semaine dernière qu'il manquait encore du personnel de sécurité. Est-ce qu'aujourd'hui vous êtes prêts, est-ce que tout est sous contrôle ?

GERALD DARMANIN
Non, non, il ne manque pas de personnel de sécurité. Ces Jeux olympiques ont été extrêmement bien préparés par tous les services de l'Etat, en lien avec la Mairie de Paris et le comité d'organisation des Jeux olympiques. Il y a eu encore quelques centaines d'agents de sécurité privée sur les dizaines de milliers que…

JEAN-REMI BAUDOT
C'est 2.000 le chiffre qui circulait la semaine dernière…

GERALD DARMANIN
Voilà, nous avions quelques dizaines de milliers d'agents de sécurité privés à recruter. Nous en sommes arrivés, effectivement, on en a moins de 2.000. Et là, nous sommes arrivés autour de 1.000 à recruter, ce qui est bien normal. Les Jeux Olympiques, c'est dans une quinzaine de jours. Nous avons encore un tout petit…

FANNY GUINOCHET
C'est demain…

GERALD DARMANIN
Oui, c'est demain. Vous savez, ça fait quatre ans que je les prépare. Donc, pour moi…

FANNY GUINOCHET
Justement, pour vous, c'est demain, là, une quinzaine de jours…

GERALD DARMANIN
A chaque jour suffit sa peine, mais vous savez, les Jeux olympiques, c'est déjà aujourd'hui. Regardez la flamme. Elle a parcouru la France dans plus de 50 étapes, dans toute cette diversité, en Outre-mer comme en hexagone, jusqu'à hier à Paris, sans aucun incident, on a eu des millions de Français, des millions de Français qui se sont rendus dans cet événement festif et populaire. Aucun incident. Nous avons su déjouer des attaques terroristes par au moins deux fois, et nous avons donné aux Français le spectacle d'un pays sécurisé, bon enfant, joyeux. Ça n'a pas fait la Une des journaux parce que les journaux font la Une souvent quand ça va mal. Les Français de province ont pu voir que tout allait bien, et encore hier, on a passé un excellent 14 juillet.

FANNY GUINOCHET
Et pour sécuriser ces Jeux, on a vu que la France faisait appel à des troupes extérieures étrangères, notamment des troupes du Qatar avec des véhicules blindés. C'est parce qu'on n'a pas assez… ce n'est pas suffisant les forces nationales, vous comprenez que ça puisse interpeller les Français ?

GERALD DARMANIN
Alors, ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi on n'explique pas que tous les grands événements internationaux dans tous les pays du monde font ça. Les Français ont été sécurisés ; la Coupe du monde de football au Qatar, voilà quelques mois, pendant la Coupe du monde de rugby, nous avions des policiers, des gendarmes étrangers qui sont venus nous aider. Mais si vous aviez été aux Jeux de Londres ou si vous avez participé à l'Euro de football, en ce moment, en Allemagne, il vient de se terminer hier, il y avait des Français qui étaient présents. Donc c'est normal d'avoir des policiers, des gendarmes, des agents de sécurité civile, les démineurs de pays étrangers pour aider au plus grand événement du monde, les Jeux olympiques d'été, c'est le plus grand événement du monde, et qui aident aussi les équipes nationales à bien évoluer, à avoir des contacts avec les policiers et gendarmes de leur pays, mais aussi d'avoir des spectateurs qui peuvent rencontrer des personnes qui parlent leur langue. Et donc, il n'y a pas que le Qatar. Nous avons plus de 80 pays qui nous aident, qui ont envoyé des policiers, des gendarmes, des démineurs pour pouvoir faire que ces Jeux olympiques soient les plus beaux, je l'espère, que les Jeux olympiques aient pu organiser.

JEAN-REMI BAUDOT
Gérald DARMANIN, des rassemblements anti-bassines sont prévus cette semaine, notamment à Melle, dans les Deux-Sèvres. Est-ce que vous craignez des violences comme on a pu les voir ces derniers mois, ces dernières années ?

GERALD DARMANIN
Oui, je crains qu'à Sainte-Soline, puisque c'est la nouvelle saison comme malheureusement Les Soulèvements de la Terre l'appelle également, puisse faire comme l'année dernière, des actes d'une très grande violence. Donc nous attendons entre 6.000 et 8,000 manifestants, dont un millier de personnes extrêmement violentes qu'on pourrait qualifier de radicalisées, notamment des personnes qui viennent de l'étranger. Donc, nous avons mis des interdictions d'entrée sur notre territoire à plus d'une centaine de militants d'ultragauche qui viennent des pays d'Europe autour de nous, pendant ces trois, quatre jours, là, de ce week-end prochain à Sainte-Soline, mais aussi à La Rochelle, dans cette partie-là du territoire. Il y aura malheureusement, indépendamment de ceux qui veulent manifester pacifiquement, il y aura malheureusement sans doute des violences. Je rappelle que l'année dernière, c'est plus d'une cinquantaine de gendarmes qui ont été blessés, dont certains extrêmement gravement, et des violences avec des envois de haches, de cocktails Molotov contre les forces de l'ordre pour une manifestation dont je voudrais rappeler ici que non seulement, elles sont interdites, mais par ailleurs, elles viennent contester des décisions de droit de tous les tribunaux, la police et la gendarmerie, elle n'est pas là pour protéger d'être pour ou contre des bassines, ce n'est pas le rôle des policiers et des gendarmes…

JEAN-REMI BAUDOT
Parce que vous parliez de la polarisation tout à l'heure, le côté pour ou contre les bassines, par exemple, quand vous parlez des écologistes comme ceux qui encouragent l'écoterrorisme, est-ce que vous ne participez pas aussi à finalement cette atmosphère où les uns sont contre les autres et on a du mal à se parler ?

GERALD DARMANIN
Non, moi, je suis pour le droit comme les policiers et les gendarmes, nous, on n'est pas pour ou contre les bassines, pour ou contre les agriculteurs, pour ou contre les écologistes, les policiers et les gendarmes, dans un pays démocratique comme le nôtre, ils appliquent le droit. Le droit c'est quoi ? Eh bien, c'est qu'il y a eu de nombreuses contestations contre ces bassines. Chacun peut avoir une opinion pour les bassines, et le droit a toujours donné raison aux agriculteurs. Donc le rôle du policier et du gendarme…

FANNY GUINOCHET
Et en même temps, sur le terrain…

GERALD DARMANIN
C'est de faire respecter ces décisions de justice. Il n'y a pas de raison que les agriculteurs qui ont la justice et le droit avec eux voient leurs biens détruits par ceux qui ne respectent pas le droit.

FANNY GUINOCHET
Et en même temps, sur le terrain juridique, on voit que le tribunal administratif de Poitiers, par exemple, a jugé excessif ces bassines. Donc, il y a quand même aussi sur le terrain juridique des oppositions qui aboutissent ?

GERALD DARMANIN
Non, Madame, l'intégralité des décisions de justice ont été favorables aux agriculteurs. Moi, je voudrais dire ici que s'en prendre aux biens, c'est extrêmement négatif. On est dans une société, et on l'a vu l'année dernière, où on disait s'en prendre aux biens, bon, ce n'est pas très grave, ce n'est pas tout à fait des personnes. Pourquoi vous mettez des gendarmes face à ces manifestants, puisque vous créez vous-même de la violence, c'est-à-dire au ministère de l'Intérieur, puisqu'on veut juste s'en prendre aux biens, eh bien, non, les agriculteurs, ils ont le droit de vivre du fruit de leur travail et de leur production. Et les décisions de justice sont pour eux. Et là où nous avons des désaccords profonds avec un certain nombre de responsables politiques, quand madame TONDELIER va, l'année dernière, sur le site en disant : c'est ma responsabilité d'y être, je ne pense pas que ce soit de la responsabilité des femmes et des hommes politiques de manifester avec des gens qui par ailleurs s'en prennent aux gendarmes, on devrait être du côté de l'ordre, du côté des gendarmes, en l'occurrence, être du côté des agriculteurs, quelque chose de très important nous sépare de ces dirigeants politiques.

JEAN-REMI BAUDOT
Gérald DARMANIN, ministre de l'Intérieur. On se retrouve dans un instant, juste après « Le Fil info ».

(…)

FANNY GUINOCHET
Sur la question justement de ces violences, hier c'était le 14 juillet, ça s'est passé comment ?

GERALD DARMANIN
Ça s'est bien passé. Les 13 et 14 juillet, les deux nuits que nous avons connues, indépendamment des bals populaires et des défilés, dont celui bien sûr à Paris, il y a eu beaucoup moins de violences, beaucoup moins de voitures brûlées, plus d'interpellations en amont, qui ont évité les tirs de mortiers que nous connaissions les années précédentes, ce sont donc des baisses importantes de faits d'insécurité.

FANNY GUINOCHET
Parce que vous aviez mieux préparé le terrain cette année ?

GERALD DARMANIN
Parce que je pense que le travail que nous menons au ministère de l'Intérieur depuis quelques années est efficace, ça fait deux ans que les choses se passent mieux, que ce soit le nouvel An ou la nuit du 14 juillet, et qu'il n'y a pas de concours de voitures brûlées, c'est une très bonne chose pour les Français.

JEAN-REMI BAUDOT
Gérald DARMANIN, ministre de l'Intérieur encore pour combien de temps, il se dit que demain la démission du gouvernement Attal sera acceptée ?

GERALD DARMANIN
Eh bien écoutez, vous êtes bien renseignés, je le ne sais pas.

FANNY GUINOCHET
Vous n'avez pas d'infos ?

GERALD DARMANIN
J'ai cru comprendre, en effet, qu'il fallait que les parlementaires qui avaient été élus et qui étaient ministre puissent voter jeudi pour la présidence de l'Assemblée nationale, ce sera mon cas puisqu'à Tourcoing ils ont bien voulu me réélire député, donc j'ai cru comprendre que mardi ou mercredi ce gouvernement serait démissionnaire, mais je n'en n'ai pas la certitude.

FANNY GUINOCHET
Comment ça va se passer ?

JEAN-REMI BAUDOT
Gouvernement démissionnaire, très concrètement comment ça va se passer, ça veut dire est-ce que vous allez rester ministre de l'Intérieur démissionnaire le temps des Jeux olympiques, par exemple, parce que c'est une séquence qui est importante, tout en étant député ?

GERALD DARMANIN
Alors, le président de la République choisira, s'il souhaite que je reste à mon poste pendant les Jeux olympiques que nous avons préparés, je le serai évidemment, c'est un grand honneur, et bien sûr, pendant cette période-là je ne serai pas député, j'irai voter à l'Assemblée nationale, point, et je ferai mon travail de ministre de l'Intérieur. Vous ne pouvez pas être ministre de l'Intérieur à mi-temps ou à quart-temps, et, affaires courantes, ou pas affaires courantes, il se trouve qu'il se passe tous les jours quelque chose dans notre pays, et tous les jours le ministre de l'Intérieur il est prêt, auprès des pompiers, des policiers, des gendarmes, donc je ferai mon travail jusqu'au bout.

JEAN-REMI BAUDOT
Ce week-end Gabriel ATTAL a été élu président du groupe Renaissance à l'Assemblée, est-ce que vous lui reconnaissez ce statut de chef de ce qu'on appelait avant la majorité présidentielle ?

GERALD DARMANIN
Ah non, mais d'abord je félicite Gabriel ATTAL, j'ai moi-même voté pour lui, il était le seul candidat, il est désormais le président du groupe Renaissance, c'est à lui de montrer désormais quelle est la ligne politique que nous voulons mener. Moi, je pense que le débat que nous devons avoir, avant de savoir qui dirige quoi, c'est pour quoi faire, pour quoi faire pour les Français ? Il serait bon désormais que nous parlions un peu des Français et pas de nous, un peu de l'intérêt général, et pas des combinaisons. On ne sait pas très bien manifestement ce que les coalitions, parce que moi je lis le journal comme tout le monde, veulent dire. Moi, ce qui m'intéresse, c'est la ligne politique. Est-ce qu'on est pour ou contre continuer l'énergie nucléaire ? Si on est pour, on ne peut pas faire de deal avec les Verts, c'est comme ça. Est-ce qu'on est pour ou contre protéger les policiers, les gendarmes ? Si c'est le cas, on ne peut pas faire de deal avec le NFP puisque je constate que c'est le désarmement de la BAC et c'est 20 % de détenus libérés immédiatement, le programme du NFP. Est-ce qu'on est pour ou contre la sortie de l'OTAN ou non, l'arme nucléaire pour nos forces armées ? Donc je pense qu'on a un vrai débat de fond, et c'est ça la politique, c'est des idées, et moi j'invite désormais mon groupe politique, auquel j'appartiens depuis plusieurs années désormais, à trancher cette ligne de fond, donc j'invite Gabriel ATTAL…

JEAN-REMI BAUDOT
Mais ça, ça se tranche au niveau du groupe politique ?

GERALD DARMANIN
C'est bien qu'un groupe politique pense de la politique, je pense que c'est positif, que dans un groupe politique on parle de politique ça me paraît important.

FANNY GUINOCHET
Et à être trop restrictif, est-ce que vous ne craignez pas, du coup, de vous priver de certaines alliances ?

GERALD DARMANIN
Mais moi, je m'en fiche, je n'ai pas peur d'être dans l'opposition, moi ce qui m'intéresse c'est d'être cohérent avec mes idées, je ne pense pas qu'il faille gouverner avec le NFP ou une partie du NFP aujourd'hui, on a peut-être des différences entre nous, mais il faut qu'on en discute. Il y a des gens avec lesquels on peut tout à fait discuter, si les socialistes quittaient le NFP, quittez la France Insoumise et les Verts, et mettaient désormais un cordon sanitaire entre eux et nous, nous pourrions travailler bien sûr avec des socialistes raisonnables, républicains, laïcs, et on pourrait chacun faire un effort pour un compromis pour notre pays, mais le compromis n'est pas la compromission. Je renvoie à la question des Verts, puisqu'on en parle, tout le monde a bien compris qu'on ne peut pas traiter avec LFI, ça c'est entendu, mais nous n'avons pas la même conception de la laïcité que les Verts. Est-ce qu'on peut désormais se dire finalement la laïcité, on peut en discuter, on peut continuer à inviter Médine à l'université d'été des Verts, Madame TONNELIER, Madame ROUSSEAU, ils étaient très critiques envers Monsieur ATTAL sur l'abaya, bon, eh bien non, je veux dire la laïcité on ne peut pas en discuter selon les coalitions. Donc, ce n'est pas une question d'être sourcilleux dans le détail, c'est très important de ce qu'on pense, sur le nucléaire, sur les policiers, sur la laïcité.

JEAN-REMI BAUDOT
Ça veut dire qu'une éventuelle coalition qui aurait Renaissance, ou en tout cas Ensemble, irait finalement plutôt vers la droite, mais est-ce que ça pèse suffisamment pour tenir un gouvernement ?

GERALD DARMANIN
Non, je ne vous dis pas ça, je dis que personnellement je ne participerai pas, ni au gouvernement, ni au Parlement, avec une coalition qui travaillerait avec le NFP, je pense que…

FANNY GUINOCHET
C'est votre ligne rouge.

GERALD DARMANIN
C'est le contraire de ce que je pense, donc je préfère…

JEAN-REMI BAUDOT
Y compris les socialistes… ?

GERALD DARMANIN
Non, sauf si les socialistes, je vous l'ai dit il y a un instant, se désolidarisent. En fait, le noeud gordien de notre histoire, c'est qu'il faut que les socialistes se séparent de la soumission qu'ils ont avec les Insoumis, qu'ils puissent mettre enfin une démarcation entre eux, qui sont des hommes, certes, ou des femmes de gauche, qui respectent la laïcité, qui ont une grande histoire politique dans notre pays, qui sont des démocrates et des républicains que je respecte, et les gauchistes, voilà, il y a une différence assez forte entre les socialistes et les autres membres de cette coalition électorale, un peu du déshonneur, il faut bien l'avouer, qu'est celle du NFP, sur tout un tas de sujets qui sont très importants pour nous, l'antisémitisme, la laïcité, encore une fois la question nucléaire, la question du soutien à nos forces de l'ordre, et donc, quand les socialistes se sépareront de la France Insoumise, se sépareront du programme délirant de la France Insoumise, je crois que nous pourrons travailler avec eux, mais tant qu'ils ne l'ont…

JEAN-REMI BAUDOT
Et ça, ça peut prendre combien de temps ?

GERALD DARMANIN
Il faut le demander aux socialistes.

JEAN-REMI BAUDOT
Parce que, par exemple, Gérard LARCHER dit " voilà, en gros, il y aura un nouveau gouvernement après les Jeux olympiques, en gros après l'été ", est-ce qu'on peut réellement décemment avoir un mois sans un gouvernement qui est de plein exercice ?

GERALD DARMANIN
Moi je ne peux pas répondre à cette question, c'est le président de la République et lui seul qui nomme le Premier ministre qui forme le gouvernement. C'est souhaitable pour mon pays que nous ayons un gouvernement de plein exercice le plus rapidement possible, bien sûr, après une élection législative c'est tout à fait normal et souhaitable, mais pas au prix de faire n'importe quoi. Ceux qui ont une responsabilité de fin de crise institutionnelle et politique ce sont les socialistes, et moi je les appelle, une nouvelle fois, à se séparer de la France Insoumise et à se séparer du programme délirant, que les Français voient bien comme étant l'alliance de la carpe et du lapin, donc cette alliance électorale étant finie, puisque les élections étant finies, il faut que les socialistes deviennent raisonnables.

JEAN-REMI BAUDOT
Vous appelez à clarifier la ligne politique de Renaissance est-ce qu'il y a une clarification qui doit se faire au sein du groupe parlementaire, on l'a bien compris, et au sein du parti, est-ce que, par exemple, vous vous seriez intéressé pour prendre la direction du parti ?

GERALD DARMANIN
Non, moi je ne suis pas intéressé à prendre des postes à responsabilité, mon travail c'est d'être ministre de l'Intérieur et quand je ne serai plus ministre de l'Intérieur, si je ne le suis plus, après quatre ans d'exercice du pouvoir au ministère de l'Intérieur, c'est de réfléchir à ce qui n'a pas bien marché dans notre bilan, il faut aussi qu'on fasse notre autocritique. Nous avons perdu les élections, j'ai parfois l'impression, dans la majorité, que certains pensent qu'on les a gagnées, nous avons perdu les élections, et quand on a perdu il doit avoir une phase, assez normale, de silence, de réflexion, de voir ce qui n'a pas été, pour pouvoir construire un projet pour la prochaine élection présidentielle, parce que cette élection présidentielle va venir très vite, et si on ne veut pas que Madame LE PEN l'emporte, si on n'a pas compris que les électeurs nous ont dit dernier inventaire avant liquidation, eh bien il faut peut-être arrêter la course effrénée au pouvoir et pouvoir se poser et proposer quelque chose aux Français, quelque chose de sincère et quelque chose de réfléchi.

FANNY GUINOCHET
Justement, pour vous, rassembler à droite ce serait une manière d'entendre ces 10 millions d'électeurs du Rassemblement national ?

GERALD DARMANIN
Alors, il y a une partie des électeurs du Rassemblement national qui viennent de la droite, incontestablement, mais il y a aussi une grande partie des électeurs du Rassemblement national qui viennent de la gauche. Moi je vois les bureaux de vote, chez moi à Tourcoing, ou à Halluin, le bureau de vote de la Rouge porte à Halluin, un quartier, une ancienne ville de gauche très importante, « Halluin la rouge » disaient les sociologues politiques, a voté Rassemblement national, donc je pense qu'il ne faut pas… il faut s'adresser à tous les électeurs. Qu'est-ce qu'ils veulent les électeurs du Rassemblement national ? D'abord de la considération, ils ont l'impression qu'ils ne sont pas respectés, et peut-être nous, dans la majorité, nous avons donné l'impression de donner des leçons de morale, il n'y a pas de leçons de morale à donner aux électeurs, il y a à comprendre ce qui ne va pas chez eux. Deuxièmement, ils veulent de la fermeté sur le plan de la justice, de l'immigration, de la sécurité, peut-être nous n'avons pas été assez loin. Et troisièmement, ils veulent de la justice sociale, ils veulent pouvoir vivre du fruit de leur travail et considérer qu'il y a tout aujourd'hui un tas de population, qui ne vit pas bien, les femmes seules qui élèvent leurs gamins, qui bossent à l'hôpital de Tourcoing, eh bien elles n'arrivent pas à boucler les fins de mois…

JEAN-REMI BAUDOT
Ça, ça fait partie du mea culpa à faire ?

GERALD DARMANIN
Bien sûr, nous avons à travailler pour comprendre pourquoi les travailleurs… pourquoi nous n'avons plus que les CSP+ qui votent pour nous, c'est quand même une inquiétude, voyez ce que je veux dire, il faut comprendre que toute une partie de la population, alors soit des gens qui viennent de la droite, artisans, commerçants, policiers, gendarmes, soit des gens qui viennent de la gauche, des ouvriers, des employés, n'ont pas voté pour nous, il faut s'en rendre compte, ils votent massivement pour le Rassemblement national, et je pense qu'un homme ou une femme politique doit entendre pourquoi les Français ne votent plus pour lui, et réfléchir à ça, et faire son mea culpa.

JEAN-REMI BAUDOT
Merci beaucoup Gérald DARMANIN, ministre de l'Intérieur, peut-être encore donc pour quelques jours si le gouvernement est démissionnaire d'ici quelques jours, merci d'avoir été l'invité du 8.30 France Info.

GERALD DARMANIN
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 juillet 2024