Interview de M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer, à France 2 le 29 juillet 2024, sur la sécurité des Jeux olympiques de Paris, l'opération de sabotage de plusieurs lignes de TGV et la vie politique après les législatives.

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Média : France 2

Texte intégral

THOMAS SOTTO
Bonjour et bienvenue. Je vous laisse le temps de vous installer, bonjour et bienvenue, Monsieur le Ministre de l'Intérieur.

GERALD DARMANIN
Bonjour.

THOMAS SOTTO
Bienvenue dans ces " 4 V ", en format olympique. Alors, installez-vous. Ça va ? J'ai entendu un truc qui est tombé…

GERALD DARMANIN
Tout va bien, c'est le micro…

THOMAS SOTTO
Ça va, c'est le téléphone, bon. Le jour se lève, Gérald DARMANIN, joliment sur ce troisième jour de compétition des JO. La cérémonie d'ouverture s'est bien passée, vous l'avez dit. 19 gardes à vue. La parole est aux sportifs qui nous régalent déjà. Est-ce qu'on peut dire ce matin que le gros de la menace est passé, et qu'il est derrière nous ?

GERALD DARMANIN
Eh bien, ce qui est sûr, c'est que le plus important, le plus dangereux, le plus visé était sans doute la cérémonie d'ouverture, qui est vraiment quelque chose que personne n'a jamais fait, une cérémonie d'ouverture en dehors d'un stade. On est au sixième jour de compétition. Ça a commencé mercredi dernier, les premiers matchs. Il faut rester très concentré, parce que, évidemment, jusqu'au 11 août, nous avons toujours des menaces qui pèsent sur nous, la France bien évidemment, pas simplement aux Jeux olympiques, mais en dehors des Jeux olympiques. Mais, oui, nous pouvons dire que nous sommes pour l'instant, plutôt confiants et concentrés par notre système de sécurité.

THOMAS SOTTO
On est revenu à du plus classique, entre guillemets, dans la surveillance et dans le…

GERALD DARMANIN
Classique, non, mais c'est quand même 30.000 policiers et gendarmes mobilisés rien qu'à Paris. Il y a énormément de sites de compétition en même temps, il faut à la fois faire des couvertures drones, lutter contre les cyberattaques, être présent contre la délinquance. Donc ce n'est pas très classique. Mais je voudrais aussi penser à tous les Français qui ne sont pas dans les Jeux olympiques. Il faut surveiller les plages, il y a des feux de forêt qui peuvent naître, des difficultés de tous les jours dans toutes les villes et villages de France. Donc on est très présent, et je remercie les policiers et les gendarmes qui ont refusé leurs congés pour pouvoir assurer cette belle image pour la France.

THOMAS SOTTO
Alors, entrée réussie pour les pour les JO. Ça a été plus compliqué pour la SNCF avec une opération de sabotage de plusieurs lignes à laquelle on a assisté ce week-end, qui aura mis le bazar jusqu'à hier. Que pouvez-vous nous dire ce matin de cette attaque, Gérald DARMANIN, éventuellement de ses auteurs ou de ses commanditaires ?

GERALD DARMANIN
Donc il y a une enquête judiciaire qui a été ouverte, la procureure de Paris a saisi la police et la gendarmerie comme services enquêteurs. Je ne ferai pas beaucoup de commentaires parce que la justice commentera. Ce que je peux vous dire, c'est que nous avons identifié un certain nombre de profils de personnes qui auraient pu commettre ces sabotages très volontaires, très ciblés aussi. Ce qui nous a beaucoup intéressés, inquiétés, c'est qu'il s'agit de lieux de communication extrêmement précis, donc sans doute avec des renseignements de la part de ceux qui ont saboté.

THOMAS SOTTO
Pardon, donc des complicités internes peut-être à la SNCF ?

GERALD DARMANIN
Je ne peux pas le dire. En tout cas, ce que je peux dire, c'est que c'est manifestement extrêmement bien ciblé. Ça n'a pas été fait au hasard, et ça a touché, vous le savez, trois grandes lignes, et puis, d'autres ont été fort heureusement évitées. Et donc, voilà, j'entends…

THOMAS SOTTO
Mais juste, pardon, sur les profils que vous évoquez, que vous avez identifiés, ce sont des profils d'ultragauche, comme on l'a entendu ce week-end ?

GERALD DARMANIN
Alors, c'est le mode traditionnel d'action de l'ultragauche, on l'a vu précédemment. Je ne voudrais pas trop m'avancer, puisqu'il est question de savoir si ces personnes ont été manipulées par d'autres personnes ou est-ce que c'est pour leur propre compte. Il y a eu quelque chose qui ressemble à une revendication, qui a été envoyé…

THOMAS SOTTO
Oui, ce mail qui a été envoyé d'une délégation inconnue…

GERALD DARMANIN
Qui a été envoyé à la presse, voilà. Bon, il faut faire attention, parce que ça peut être aussi une revendication d'opportunité. En tout cas, nous avançons très bien, et nous trouverons les personnes qui ont fait ça.

THOMAS SOTTO
Est-ce que ce qui s'est passé pour vous à la SNCF, c'est un acte terroriste ? Est-ce que vous le définiriez comme ça ?

GERALD DARMANIN
Non, d'abord, c'est le Parquet antiterroriste qui qualifie les choses de ce point de vue en France. Je ne le qualifierais pas comme tel, mais c'est manifestement un acte de sabotage. Il y a sans doute une revendication politique. Je mets des guillemets derrière cela. Mais je ne crois pas qu'on puisse le faire.

THOMAS SOTTO
En tout cas, la piste de l'ultragauche est privilégiée ?

GERALD DARMANIN
Ce sont les modes traditionnels de l'ultragauche, et dans l'identification des personnes, voilà, des gens peuvent se rapprocher de cette mouvance. Mais je vais attendre effectivement d'avoir tous les éléments de l'enquête.

THOMAS SOTTO
Ce qui peut inquiéter les usagers de la SNCF notamment, c'est de se demander si notre réseau SNCF est vulnérable aujourd'hui. Est-ce que c'est le cas ?

GERALD DARMANIN
Alors, vu qu'il est très étendu, c'est comme le réseau télécoms, il est très étendu. C'est effectivement un réseau vulnérable. Mais vous avez constaté que, aucun train n'a été empêché pendant des heures et des heures de rouler, alors qu'il y aurait des voyageurs à bord. Il n'y a évidemment eu ni mort, ni blessé. Donc moi, je voudrais saluer le travail extraordinaire que font les agents de la SNCF. Ce qui est sûr, c'est que ça empêche pendant plusieurs heures un certain nombre de touristes ou de Français d'aller sur leur lieu de villégiature. En ça, c'est très embêtant, évidemment, mais vous avez vu que c'est très résilient, en deux jours, ils ont tout rétabli. On peut saluer leurs efforts, et surtout la sécurisation qu'ils ont mise en place.

THOMAS SOTTO
Ils ont très bien réagi. Mais en amont, est-ce qu'il n'y a pas une défaillance peut-être du renseignement intérieur ? Il y a quand même une action qui est organisée sur cinq sites, dont quatre, où ça se passe comme ils l'avaient envisagé. C'est troublant quand même qu'aucun signal ne remonte, non ?

GERALD DARMANIN
Alors, on en fera un RETEXT, évidemment, comme on le fait à chaque fois. Je pense…

THOMAS SOTTO
RETEX, c'est retour d'expérience…

GERALD DARMANIN
Voilà, le retour d'expérience par la police et la gendarmerie, ce qu'on peut quand même voir, c'est que nous avons organisé le plus grand événement au monde, six jours de compétition sans aucun problème, aucun attentat terroriste, aucun mouvement de foule, aucun acte de délinquance. Je pense qu'on peut dire que les policiers et les gendarmes ont fait extraordinairement bien leur travail, et on peut se réjouir de temps en temps en France de ce qu'on a pu faire de bien. Le monde entier salue la cérémonie d'ouverture. Il n'y a que les Français qui continuent de temps en temps encore à la commenter négativement.

THOMAS SOTTO
On va y revenir un tout petit peu à la cérémonie d'ouverture dans un instant. Le Parisien ce matin évoque l'interpellation de 45 personnes du groupe Extinction Rebellion, ça s'est passé samedi matin, d'abord, est-ce que vous nous confirmez cette information ?

GERALD DARMANIN
Oui, alors pour le coup, les services de renseignements ont été très efficaces, puisqu'il y a eu en effet une petite cinquantaine d'interpellations de personnes qui, manifestement, avec d'autres, on évalue ça à 150, voulaient faire des actions, soit, de sabotage, soit, de contestation radicale à Paris, pendant les premières épreuves des Jeux olympiques. Nous avons su à la fois déjouer cela et les interpeller.

THOMAS SOTTO
Vous êtes aussi ciblé, Gérald DARMANIN. Est-ce que vous pouvez vous confirmer qu'un colis suspect vous étant adressé a été découvert au centre de tri de Longvilliers, en Côte d'Or, et que ce colis contenait une poudre noire positive à la peste ?

GERALD DARMANIN
Moi je pense qu'il s'agissait dans ce cas-là très précis de faux positifs. Donc il ne s'agissait pas d'éléments pour m'atteindre. Même si je reçois, comme beaucoup de femmes et d'hommes politiques, ou de journalistes ou de magistrats, des menaces, ce n'est pas très important. Ce qui est important, c'est de voir comment les choses fonctionnent pour le ministère de l'Intérieur. C'est sûr que notre image et notre position de fermeté peut embêter un certain nombre de personnes qui veulent ternir l'image de la France. Je suis très fier d'être ministre de l'Intérieur, même si effectivement quelques menaces peuvent peser sur moi et sur ma famille.

THOMAS SOTTO
Gérald DARMANIN, vous êtes aussi le ministre des Cultes. La Conférence des évêques de France a été choquée et l'a fait savoir publiquement par une partie de la cérémonie d'ouverture que vous évoquiez tout à l'heure, notamment la Cène, la reconstitution de la Cène avec des scènes de dérision et de moquerie du christianisme, ont dit les évêques de France. Est-ce que vous partagez déjà ce malaise des évêques de France ?

GERALD DARMANIN
La France, c'est un pays de libertés, liberté sexuelle, liberté religieuse, liberté de se moquer, liberté de caricature. Voilà, et cet esprit français de contestation, de liberté de critiquer les hommes politiques, liberté de pouvoir faire ce que l'on souhaite, et c'est ça que la cérémonie d'ouverture a célébré. On peut aimer ou pas aimer un certain nombre de tableaux. Ça a été mon cas. Mais je pense qu'il ne faut pas tout prendre au-delà de ce que la France laisse comme message, qui est ce message de liberté. Donc les évêques de France font la communication qu'ils souhaitent. Evidemment, ils sont libres de le faire par ailleurs. Mais depuis toujours, l'art, et ce qu'on a vu, c'était de l'art, a été critiqué par les responsables religieux, par d'autres personnes. Mais, il faut accepter ce débat autour de l'art, et cette liberté de création des artistes. Sinon, nous ne sommes pas la France. Donc hier, ce sont…

THOMAS SOTTO
Donc vous, vous n'avez pas été choqué ? Il y a des choses qui vous ont peut-être moins plu que d'autres, mais vous n'avez pas été choqué ?

GERALD DARMANIN
Non, mais, comme on dit dans le proverbe latin, des goûts et des couleurs, ça ne se discute pas, on a le droit d'aimer…, moi, j'ai adoré les fumigènes bleu blanc rouge, sur le premier pont de la Seine…

THOMAS SOTTO
Vous êtes consensuel là-dessus ?

GERALD DARMANIN
Eh bien, c'était magnifique cette image pour la France, c'était magnifique. J'ai adoré les danseurs qui mimaient le travail que faisaient les ouvriers de Notre Dame de Paris, la Garde républicaine avec cette magnifique chanteuse. Il y a des choses qu'on a peut-être moins aimées, mais pour autant, faut-il censurer et interdire ? Non, c'est fait pour discuter, pour créer cette liberté d'expression, et y compris dans les messages, comme la liberté sexuelle…

THOMAS SOTTO
Mais certains ont trouvé que c'était un message très politique, trop politique, c'est ce que dit Marion MARECHAL par exemple…

GERALD DARMANIN
Non, mais il y a toujours des grincheux qui n'aiment pas que son pays réussisse. Moi, ce que je retiens, c'est que notre pays a réussi quelque chose d'absolument magnifique, sans aucun accroc. Et on a démontré que nous étions un très grand pays. Il n'y a que la France et quelques pays dans le monde qui sont capables, en matière culturelle, de sécurité, de démonstration architecturale et artistique, de faire ce que nous avons fait. Nous pourrions être heureux quand la France est heureuse.

THOMAS SOTTO
Il y a une discipline olympique à laquelle plus personne ne semble comprendre les règles. C'est l'épreuve de domination de Premier ministre, Gérald DARMANIN, les JO peuvent-ils être un anesthésiant de la démocratie ? Est-ce qu'on peut vraiment attendre encore longtemps ?

GERALD DARMANIN
Oh, personne ne comprendrait, je crois. Peu de Français comprendraient que nous fassions de la politique politicienne pendant cette période…

THOMAS SOTTO
Ce n'est pas que de la politique politicienne…

GERALD DARMANIN
Pendant cette période particulière qui est celle des Jeux olympiques…

THOMAS SOTTO
Tirer les conséquences d'une élection…

GERALD DARMANIN
Le président de la République a dit ce qu'il avait à dire, y compris sur votre plateau, au lendemain des Jeux olympiques, il procéderait à la nomination d'un Premier ministre et de son gouvernement, ce qui est tout à fait normal. Mais est-ce qu'il fallait changer le ministre de l'Intérieur la veille des Jeux olympiques ? Voilà, c'est une question. Aujourd'hui, les choses se sont très bien passées. C'est grâce aux policiers, aux gendarmes et aux sapeurs-pompiers, c'est peut-être aussi le travail qu'a fait ce gouvernement depuis quatre ans.

THOMAS SOTTO
Donc il doit attendre avant de recevoir Lucie CASTETS éventuellement ?

GERALD DARMANIN
C'est au président de la République de désigner le Premier ministre. Je suis Gaulliste, et je pense que tout le monde devrait s'inspirer de ce qu'est la Constitution, c'est au président de choisir le Premier ministre. Ce n'est pas aux partis politiques. On n'est pas sous la 4ème République.

THOMAS SOTTO
Vous êtes un Gaulliste investi quand même. Est-ce que Xavier BERTRAND, qui est votre ami, pourrait faire un bon Premier ministre ?

GERALD DARMANIN
Mais, le président de la République choisira qu'il souhaitera comme Premier ministre. Evidemment, j'ai mes amitiés, mais je ne suis pas le président de la République, ça ne vous aura pas échappé.

THOMAS SOTTO
Mais vous pensez que ça ferait un bon Premier ministre, Xavier BERTRAND ?

GERALD DARMANIN
Je pense que Xavier BERTRAND est un homme politique avec une très grande compétence et peut servir grandement la France. Mais c'est au président de la République de choisir.

THOMAS SOTTO
C'est vrai que vous vous êtes endormi en regardant en regardant le replay de la cérémonie ou pas ? Parce qu'il paraît que vous étiez évidemment mobilisé aux PC sécurité. Mais on a lu, qu'après, vous être rentré chez vous, vous avez regardé et vous vous êtes endormi dessus.

GERALD DARMANIN
Eh bien, je me suis levé à 3h du matin ce jour-là, j'ai passé ma journée auprès des forces de l'ordre. J'étais effectivement aux PC sécurité avec un " s ", plusieurs PC de sécurité auprès des forces de l'ordre, et à 1h du matin, quand j'ai vu que vous rediffusiez, France 2, le replay, j'ai regardé, et effectivement, après la Garde républicaine, je me suis endormi…

THOMAS SOTTO
En plusieurs morceaux…

GERALD DARMANIN
Je me suis réveillé très tôt le lendemain matin avec encore France 2 en fond d'écran.

THOMAS SOTTO
De quand date votre dernière vraie nuit de sommeil, Gérald DARMANIN ?

GERALD DARMANIN
De plusieurs temps. On va dire ça. En fait, depuis que je suis ministre de l'Intérieur, depuis quatre ans, même quand vous avez le temps de dormir, vous vous réveillez la nuit. Donc, vous vous inquiétez pour les Français, et c'est normal, c'est le job.

THOMAS SOTTO
Merci beaucoup à vous, Gérald DARMANIN.

GERALD DARMANIN
Merci à vous.

THOMAS SOTTO
Merci à travers vous à toutes les forces de l'ordre qui assurent notre sécurité dans ce contexte…

GERALD DARMANIN
Et ils sont souriants…

THOMAS SOTTO
Et souriants, c'est vrai, merci…

GERALD DARMANIN
Ce que j'aime, c'est qu'on me dise qu'en plus, ils sont souriants, accueillants, bienveillants, et c'est la police et la gendarmerie qu'on aime. Voilà.

THOMAS SOTTO
Merci beaucoup Gérald DARMANIN.

GERALD DARMANIN
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 juillet 2024