Interview de M. Patrice Vergriete, ministre délégué, chargé des transports, à France Inter le 9 août 2024, sur la politique des transports, le sabotage des lignes TGV et les Jeux olympiques de Paris.

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Média : France Inter

Texte intégral

CHRISTELLE REBIERE
Les transports méritent-ils une médaille de l'efficacité ? On est presque à mi-parcours, la fin des J.O se profilent avec les départs des athlètes lundi et les paralympiques à suivre fin août, alors c'est l'occasion de faire un premier bilan avec celui qui est ministre des Transports, démissionnaire, mais toujours à son poste, Patrice VERGRIETE bonjour.

PATRICE VERGRIETE
Bonjour.

CHRISTELLE REBIERE
On prédisait des transports saturés, compliqués par les restrictions de circulation dues aux Jeux dans la ville, finalement pas d'incident notable, les métros, bus, RER, sont plus fréquents, moins perturbés, plus propres que d'habitude, on dirait presque une parenthèse enchantée. Avez-vous les chiffres de fréquentation ?

PATRICE VERGRIETE
Oui, tout à fait, c'est vrai que c'est plutôt un succès. Aujourd'hui, si on regarde simplement l'Ile-de-France, pour faire un bilan, il y a à peu près 7,2 millions de voyageurs par jour là où d'habitude, au mois d'août, on est aux alentours de 6 millions, donc c'est, vous voyez, un petit peu plus d'1 million de voyageurs supplémentaires chaque jour. C'est quelque chose qu'on avait anticipé en amont, c'est la raison pour laquelle on avait globalement augmenté de 15% l'offre de service de transports collectifs, et puis on a aussi les vélos, les vélos marchent plutôt pas mal, 10 000 spectateurs par jour à vélo, donc voilà, donc effectivement l'anticipation que nous avions prévue correspond assez bien à la réalité et donc ça permet d'être efficace.

CHRISTELLE REBIERE
Alors, il existe des cellules de crise, 24/24h, pour surveiller ce qui se passe, est-ce qu'il y a eu des moments un petit peu compliqués quand même ?

PATRICE VERGRIETE
Oui, il y a eu forcément des moments un peu difficiles…

CHRISTELLE REBIERE
Par exemple ?

PATRICE VERGRIETE
D'abord il y a eu ce bug mondial sur le logiciel Crowd juste avant la cérémonie d'ouverture, je crois que ça devait être deux ou trois jours avant, ça, ça a perturbé évidemment le transport aérien, et en particulier un certain nombre de nos transporteurs, il y a eu évidemment cette opération de sabotage criminelle le jour de la cérémonie d'ouverture à la SNCF, qui a plus finalement impacté les chassés-croisés des vacances des Français que directement les Jeux olympiques, mais ça a été une énorme crise à gérer, moi je remercie d'ailleurs le personnel de la SNCF qui s'est mobilisé de manière exceptionnelle pour remettre le réseau à flot très rapidement, et puis ça nous a conduit à renforcer considérablement la surveillance du réseau, c'est 28 000 kilomètres le réseau ferré français, on a accentué la surveillance et tout ça a permis finalement de ne plus avoir de gros bugs à partir de là.

CHRISTELLE REBIERE
Puisque vous en parlez justement de ce qui s'est passé à la SNCF le 26 juillet, qui a quand même impacté 100 000 personnes, où en est l'enquête aujourd'hui ?

PATRICE VERGRIETE
Alors, l'enquête se poursuit, je n'ai pas plus d'éléments. Nous, ce qui était important au ministère des Transports, c'était que ça revienne rapidement et qu'on n'ait plus de sabotage, on a surtout travaillé sur la surveillance du réseau, c'est ça qui était la priorité, l'enquête, évidemment, c'est la justice maintenant qui suit ça.

CHRISTELLE REBIERE
Et comment surveillez-vous le réseau, avec des drones par exemple ?

PATRICE VERGRIETE
Oui, alors la SNCF a mobilisé des moyens exceptionnels, notamment la sûreté ferroviaire, du côté des forces de l'ordre beaucoup de mobilisation, on a même fait à Beauvau, avec Gérald DARMANIN, une réunion spécifique sur cette question de la surveillance du réseau, mobilisé la gendarmerie, des hélicoptères, des drones, du personnel, je le disais, de la SNCF en surveillance, donc on a vraiment accentué très fortement la surveillance du réseau ferroviaire.

CHRISTELLE REBIERE
Est-ce que cette surveillance sera pérenne ?

PATRICE VERGRIETE
On ne peut pas mobiliser évidemment les forces de l'ordre de manière pérenne sur le réseau ferroviaire, la SNCF y travaille, on avait déjà renforcé notamment la surveillance du réseau sur l'Île-de-France, le problème c'est à l'échelle, évidemment, nationale, on ne parle plus d'un même nombre de kilomètres de réseau à surveiller, donc on le fera progressivement, et notamment la technique des drones c'est quelque chose qu'on va pouvoir prolonger sans doute sur un certain nombre de sites un peu stratégiques.

CHRISTELLE REBIERE
Revenons-en aux Jeux olympiques de Paris. L'offre de transport, vous le disiez, elle est supérieure de 15 % à la normale, on comprend effectivement pourquoi ça se passe aussi bien, ça veut dire que là aussi il faudrait la pérenniser ?

PATRICE VERGRIETE
Elle est adaptée déjà, j'ai envie de dire, à la demande, globalement. On pourra sans doute pérenniser un certain nombre de choses. Il y a eu des infrastructures nouvelles, on l'oublie, mais le prolongement de la ligne 14 au sud et au nord, la ligne 11 jusque Rosny-Bois-Perrier, le RER E Eole jusque Nanterre-La-Folie…

CHRISTELLE REBIERE
Oui, mais moi je vous parle des conducteurs, je vous parle de la sécurité…

PATRICE VERGRIETE
Oui, mais tout ça c'est de l'acquis.

CHRISTELLE REBIERE
Je vous parle de la ponctualité, Monsieur VERGRIETE.

PATRICE VERGRIETE
La ponctualité, eh bien on a eu plus de conducteurs, vous savez, qu'à un moment donné, que ce soit à la SNCF ou à la RATP, il y avait des enjeux de régularité et pas qu'en région Ile-de-France, la région des Hauts-de-France, que je connais bien, a été particulièrement concernée, il y a eu des recrutements qui ont été faits, d'ailleurs pour certains indépendamment des Jeux olympiques, aussi pour la mobilité du quotidien qui est une priorité, et aujourd'hui on sait que la régularité fonctionne mieux, que ce soit à la SNCF ou à la RATP, et ça c'est un acquis, et pas qu'un acquis des J.O, c'est aussi un travail qui se fait pour améliorer la mobilité du quotidien des Français.

CHRISTELLE REBIERE
Alors, le plus dur est quand même un petit peu à venir, au moment de la rentrée, lorsque la fréquentation des touristes s'ajoutera à celle des Franciliens qui vont aller au travail, ils représentent déjà à eux seuls 6,5 millions de personnes, 21 000 agents seront mobilisés, 2000 de plus que cet été, et ensuite ?

PATRICE VERGRIETE
On a anticipé aussi cette semaine un peu particulière. Alors d'abord, pour rassurer un peu, les Jeux paralympiques ce n'est pas tout à fait le même nombre de sites que les Jeux olympiques, c'est 17 au lieu de 25, on attend à peu près la moitié de spectateurs par rapport aux Jeux olympiques, donc l'impact des Jeux sera sans doute un peu moindre sur le réseau. Pour autant j'invite vraiment, notamment les Franciliens, à bien garder cette habitude d'aller sur les sites internet qu'on a mis en place pour pouvoir anticiper la circulation, notamment " anticiperlesjeux.gouv.fr ", cette semaine-là, effectivement, on sait qu'on aura une superposition de la rentrée et donc de la circulation un peu normale de l'Ile-de-France avec encore les Jeux paralympiques, donc c'est vrai qu'il faudra encore veiller à cette semaine un peu particulière. On s'y prépare, au ministère des Transports, j'accueillais hier le monde du transport, on s'y prépare, on sait que c'est une semaine un peu particulière, on s'est adaptés…

CHRISTELLE REBIERE
Il y aura plus d'effectifs ?

PATRICE VERGRIETE
Oui, il y a plus d'effectifs.

CHRISTELLE REBIERE
C'est ce que je disais tout à l'heure.

PATRICE VERGRIETE
On continue le dispositif Jeux, donc il y aura plus d'effectifs, il y aura plus d'offres. Néanmoins, ce sera encore une semaine un peu difficile.

CHRISTELLE REBIERE
Est-ce qu'il y aura encore plus d'effectifs après les Jeux paralympiques ?

PATRICE VERGRIETE
Sur les effectifs, oui. Les effectifs, on les garde. Je le disais tout à l'heure, ils ont d'abord été recrutés pour la mobilité du quotidien, pas forcément pour les Jeux olympiques. Ce qui risque de changer, c'est peut-être l'information voyageurs. Vous avez beaucoup d'agents qui accompagnent des spectateurs qui viennent de l'étranger, qui ne connaissent pas forcément les systèmes franciliens. Donc ça, évidemment, ça va sans doute un peu évoluer, parce que voilà, dans la mobilité du quotidien, on connaît un peu mieux ses propres transports. Mais pour ce qu'il s'agit des conducteurs et de la régularité du réseau, tout ça sera amélioré. Et puis, il y a des processus qui ont été améliorés grâce aux Jeux olympiques, je l'évoquais hier avec les agents des transports, ne serait-ce que sur l'entretien, la propreté, des choses nouvelles sont mises en place, et ça, ça va perdurer.

CHRISTELLE REBIERE
Il y a un point noir, toujours, c'est l'accessibilité. 240 gares ont été aménagées, SNCF, RER. C'est vrai, il y a eu un système, Il y a un système de navettes dans les endroits qui n'étaient pas accessibles aux personnes en situation de handicap pour ces Jeux. Mais le métro est toujours loin du compte. Il n'y a que trois lignes de métro qui sont accessibles de bout en bout. Il faudrait enfin en faire une priorité, Patrice VERGRIETE ?

PATRICE VERGRIETE
Et vous auriez dû continuer parce que, peut-être le plus gros effort qui a été fait sur l'accessibilité, c'est peut-être dans l'aérien. Aujourd'hui, on peut accéder, avec son fauteuil par exemple, jusqu'à l'avion, ça n'existait pas avant, par exemple sur AIR FRANCE. Il y a 1 000 taxis aussi qui ont été mis en place, qui étaient accessibles. On n'en avait que 200. Donc il y a eu des efforts considérables qui ont été faits pour l'accessibilité. Effectivement, et vous l'avez dit, vous avez raison, le métro parisien est ancien et pas adapté effectivement, et ça coûte très très cher de le rendre accessible. Ces efforts se font progressivement, et ils sont partagés entre l'Etat, entre la région Ile-de-France. Cet effort, il va continuer après, il se fera progressivement. Mais je pense qu'il y a eu, grâce aux Jeux olympiques et paralympiques, un effort substantiel qui a été fait. L'accessibilité sonore du métro aussi, qui s'est considérablement améliorée. Voilà. Donc, il y a des efforts qui ont été faits. Il reste à faire, c'est vrai.

CHRISTELLE REBIERE
Oui. Et il vous reste aussi une dernière haie à franchir, si j'ose dire, c'est le retour des athlètes. Grosse journée lundi dans les aéroports. Est ce qu'il y a un dispositif particulier ?

PATRICE VERGRIETE
Oui, bien sûr, parce que le retour sera sans doute plus difficile pour les aéroports notamment, que l'aller, qui a été beaucoup plus échelonnée. Et donc tout ça a été largement préparé. Tout s'est bien passé à l'aller, vous l'avez vu, y compris même pour le transport de bagages un peu volumineux qui n'est pas facile, toujours à transporter. Mais effectivement, on s'y prépare, et AEROPORTS DE PARIS notamment, s'y est bien préparé.

CHRISTELLE REBIERE
Patrice VERGRIETE, vous êtes ministre des Transports démissionnaire. Est-ce que vous serez encore là pour l'ouverture des Jeux paralympiques le 26 août ?

PATRICE VERGRIETE
Oh, vous savez, le destin personnel n'intéresse pas beaucoup les Français aujourd'hui, et je pense que ce que vit notre pays aujourd'hui est très important. On est sans doute à un moment où on attend des acteurs politiques un petit peu plus de responsabilité. Ce qui intéresse les Français aujourd'hui, finalement, c'est de savoir quelles vont être les priorités pour le budget qui doit être voté d'ici la fin de l'année. Quels vont être les grands textes de loi qui vont arriver au Parlement ? Quelles vont être les priorités du prochain gouvernement ? C'est ça qui intéresse les Français aujourd'hui. Et je trouve que ce n'est pas du tout le moment pour les acteurs politiques de parler de destins personnels ou d'égo. Je suis un peu frappé par ça aujourd'hui. Ce qui m'intéresse véritablement, c'est quelle priorité on veut. On l'a prouvé dans un certain nombre de territoires. Chez moi à Dunkerque, on a réussi à faire un front républicain dès le premier tour, on a réussi à prouver que la priorité, c'était les valeurs républicaines et le développement. Eh bien c'est des choses qu'on devrait rendre aujourd'hui prioritaires pour le destin national.

CHRISTELLE REBIERE
Justement, quel profil faudrait-il pour Matignon, vous qui venez de la gauche ? Lucie CASTETS ?

PATRICE VERGRIETE
Moi je... Les destins personnels ne m'intéressent pas, c'est plutôt qu'est-ce qu'on va dire aux Français demain en termes de priorités ? Je dis, il y a un budget à voter dans quelques semaines. Ce seront quoi les priorités de ce budget ? C'est ça qui m'intéresse. Moi c'est ça que j'ai envie d'entendre. Les noms, je m'en fiche un peu.

CHRISTELLE REBIERE
Il y a un Conseil des ministres ou pas lundi ?

PATRICE VERGRIETE
Apparemment non. Il y a une réunion à l'Élysée juste après, pour pouvoir notamment parler des Jeux et faire le bilan des Jeux. Evidemment, le ministère des Transports est invité, parce qu'on a joué un rôle en la matière. Mais à mon agenda, je n'ai pas de Conseil des ministres lundi matin.

CHRISTELLE REBIERE
Donc c'est une réception de remerciements pour l'organisation des Jeux olympiques, c'est ça ?

PATRICE VERGRIETE
Je ne sais pas si c'est remerciements, en tout cas, ou bilan. En tout cas, il y a effectivement une manifestation à l'Elysée qui tournera autour du bilan des Jeux olympiques.

CHRISTELLE REBIERE
Et vous, comment voyez-vous votre avenir, Patrice VERGRIETE ?

PATRICE VERGRIETE
Mais je dis, moi, mon destin personnel n'a pas d'importance. Ce que j'ai envie d'entendre aujourd'hui, c'est où on a envie d'emmener notre pays demain. Je pense que c'est ce que les Français attendent véritablement. Moi, peu importe, ce n'est pas très très important.

CHRISTELLE REBIERE
Et que restera-t-il de cette parenthèse enchantée ? On attend les politiques au tournant, vous le savez, à partir de la semaine, Patrice VERGRIETE. On les a peu entendus durant les Jeux, on a beaucoup vibré, on s'est beaucoup amusés, après une période politique extrêmement difficile. Les politiques ont plus que jamais une responsabilité sur cette rentrée, non ?

PATRICE VERGRIETE
Oui, ils sont très attendus par les Français aujourd'hui. C'est pour ça que je disais, ce serait l'honneur de la politique de montrer qu'à un moment donné, quand l'intérêt supérieur du pays est en jeu, il y a à se rassembler. Et d'ailleurs, on a un bel exemple. Vous venez de citer les Jeux olympiques, c'est un exemple extraordinaire. J'ai travaillé avec Valérie PECRESSE, Anne HIDALGO. On a fait un plan de transports ensemble. On n'est pourtant pas de la même sensibilité. Ce qui a fait la réussite des Jeux olympiques, c'est la capacité de se rassembler dans ce pays. Eh bien, prouvons-le, donnons cette image de la politique qui a marché pendant les Jeux olympiques. Donnons-le maintenant sur l'ensemble des politiques publiques. C'est ça. Les Français nous attendent là. Et moi, j'ai envie de voir ça. Donc, la responsabilité du politique, oui, plus que jamais.

CHRISTELLE REBIERE
Merci Patrice VERGRIETE…

PATRICE VERGRIETE
Merci à vous.

CHRISTELLE REBIERE
... d'avoir été l'invité de France Inter ce matin.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 août 2024