Entretien de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, avec BFM TV le 23 septembre 2024, sur la politique étrangère de la France.

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Média : BFM TV

Texte intégral

R - Bonjour.

Q - Merci d'être avec nous ce matin, tout nouveau ministre des affaires étrangères, et merci de réserver à BFMTV et au "Live" votre toute première prise de parole comme ministre des affaires étrangères. Vous sortez à l'instant de Matignon. Qu'est-ce qu'il s'est dit autour de la table ? Quel était le message de Michel Barnier ce matin ?

R - Le message de Michel Barnier en nous recevant, c'est de montrer que se forme autour de lui un collectif, qu'il souhaite que nous puissions agir dans un esprit de sobriété, de simplicité et d'efficacité. Chacun a eu l'occasion de se présenter. Et nous voilà partis les uns et les autres procéder aux "passations de pouvoir", comme on les appelle, c'est-à-dire prendre en main nos ministères et commencer à se mettre au travail.

Q - Vous êtes littéralement en route pour le Quai d'Orsay et on vous suit ce matin. Comment ça s'est passé autour de la table, première réunion, premier petit-déjeuner entre des gens qui jusqu'à samedi ne s'appréciaient pas franchement ?

R - Ça s'est passé très simplement, avec une prise de parole du Premier ministre qui, sur le plan de la méthode mais aussi sur le plan de ses priorités - qu'il a d'ailleurs rappelées hier soir au 20h -, a pris le moment de s'exprimer. Et ça a été suivi par un tour de table qui a permis à chacun de se présenter, et donc à celles et ceux qui ne se connaissaient pas de s'identifier les uns les autres.

Q - Alors justement, pour les Français qui ne vous connaîtraient pas, vous avez 41 ans, vous êtes issu du Modem, le parti de François Bayrou, vous avez déjà été en charge des affaires européennes, du numérique également. Il n'y a pas un vertige, quand ce lundi 23 septembre, vous êtes là, vous vous retrouvez ministre des affaires étrangères, que dans quelques heures vous êtes attendu à New York pour l'Assemblée générale de l'ONU, qu'il va y avoir des dossiers lourds à traiter - le Liban, Israël, Gaza, évidemment, l'Ukraine ? Il n'y a pas un vertige ce matin, pour vous ?

R - Il y a un sentiment d'humilité face aux responsabilités qui m'ont été confiées par le Président de la République et le Premier ministre, et puis effectivement une grande concentration, parce que c'est une journée importante, qui va commencer par ce moment qui est un rituel de passation de pouvoir dans le ministère avec mon prédécesseur Stéphane Séjourné, suivi dès cet après-midi de rencontres avec mes homologues et d'une intervention devant l'Assemblée générale des Nations unies. Et donc évidemment j'aborde cette séquence avec humilité et concentration, et en prenant la mesure de l'honneur qui m'a été fait de représenter la France dès aujourd'hui à New York, aux Nations unies.

Q - Humilité, Jean-Noël Barrot, aussi parce que certains s'interrogent sur le fait de savoir si la voix de la France porte encore, justement ?

R - Je crois que la voix de la France porte, grâce au travail de la diplomatie française partout dans le monde. Dans nos réseaux consulaires et diplomatiques, nous sommes pleinement mobilisés pour défendre la paix, pour oeuvrer au service du climat, de la démocratie et de la prospérité partagée de la France, de l'Europe mais aussi du reste du monde. La voix de la France, c'est la voix de la justice, c'est la voix de l'humanisme, c'est la voix de l'équilibre, c'est aussi la voix de l'espérance. Partout, les opprimés attendent la voix de la France et les oppresseurs la redoutent.

Q - Mais alors, qu'est-ce que vous pouvez dire, par exemple, sur ce qui est en train de se passer au Proche-Orient ?

R - Ce sera au coeur des discussions que nous aurons à l'ONU. Vous connaissez la position de la France, celle qui consiste à trouver une solution durable avec un cessez-le-feu, avec la libération des otages et avec la création de deux Etats, qui garantisse la sécurité de l'un et de l'autre. Et c'est dans cet esprit que je me rendrai aux Etats-Unis tout à l'heure pour échanger avec mes homologues du monde arabe et puis mes homologues des pays européens et des pays occidentaux, pour que nous puissions aligner nos positions et peser de tout notre poids pour faire advenir une paix juste et durable dans la région.

Q - Je rappelle qu'on est avec vous dans votre voiture, que vous allez au Quai d'Orsay pour la passation de pouvoir avec Stéphane Séjourné. Au fait, Jean-Noël Barrot, comme ministre de l'Europe et des affaires étrangères, c'est qui votre patron ? C'est Emmanuel Macron ou c'est Michel Barnier ?

R - Vous connaissez la Constitution et je ne vais pas vous la relire. C'est Michel Barnier qui a proposé ma nomination, à laquelle a procédé le Président de la République. Et il va de soi que s'agissant des affaires étrangères, des affaires européennes, je travaillerai en étroite coordination avec Michel Barnier et Emmanuel Macron.

Q - Parce que la question, c'était de savoir si les affaires étrangères c'était un domaine réservé au Président ou partagé, ce que semble dire Michel Barnier ?

R - Non, la question c'est de savoir comment faire en sorte que la voix de la France puisse être entendue, que les intérêts français puissent être défendus. Et je sais, pour les connaître, qu'Emmanuel Macron et Michel Barnier partagent cette ambition. Charge à moi de faire en sorte qu'elle puisse aboutir.

Q - Jean-Noël Barrot, petite question très personnelle Votre père était ministre - Jacques Barrot. Une pensée pour lui ce matin forcément, là, dans cette voiture qui vous emmène au ministère des affaires étrangères ?

R - Une pensée pour lui, une pensée pour ma famille plus généralement, mon épouse, mes enfants. Je considère que c'est pour eux, en quelque sorte, que je me suis engagé en politique et que je m'engage aujourd'hui. Et donc évidemment, il y a cette émotion-là aussi qui m'accompagne, au moment où j'entre, si je puis dire, dans ce ministère.

Q - Avec le sentiment d'être dans un gouvernement en sursis ?

R - Avec le sentiment d'être dans un gouvernement qui, comme Michel Barnier l'a rappelé hier soir et tout à l'heure, est composé de personnes qui ne viennent pas tous du même endroit, qui ne vont pas tous au même endroit, mais qui partagent le sens de l'urgence de se rassembler, au-delà de nos différences, pour bâtir des compromis au service des Français, qui ont exprimé, lors des élections législatives du mois de juillet, des attentes immenses.

Q - Il y a la passation qui arrive avec Stéphane Séjourné, on le disait. Et juste après, qu'est-ce qui se passe quand on arrive dans un ministère comme celui-là, un grand ministère comme le ministère des affaires étrangères ? Qu'est-ce que vous faites dans les minutes qui suivent ?

R - Aujourd'hui c'est un peu particulier parce que je devrai partir assez rapidement pour être à l'heure aux Nations unies. Mais ce que l'on fait, c'est se coordonner avec les ministres avec lesquels on va travailler, puisque je ne serai pas seul au Quai d'Orsay. Avec Benjamin Haddad, avec Sophie Primas, avec Thani [Mohamed] Soilihi, nous allons nous coordonner. Et puis nous allons, dans les toutes prochaines heures, composer nos équipes, de manière à être opérationnels le plus rapidement possible et nous mettre au service des Français.

Q - Et votre priorité, la priorité numéro un pour vous ce matin, quand on est nommé ?

R - La priorité c'est de réussir, évidemment, cette première journée, si je puis dire, que cette passation se passe bien et que je puisse dès cet après-midi porter les priorités qui sont celles de la France et des Français aux Nations unies. Elles sont nombreuses et donc je m'attache à n'en oublier aucune.

Q - Merci d'avoir été avec nous, Jean-Noël Barrot, merci à vous. Merci, Monsieur le Ministre.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er octobre 2024