Interview de Mme Maud Bregeon, ministre déléguée, porte-parole du Gouvernement, à TF1 le 2 octobre 2024, sur l'actualité au Proche-Orient et la déclaration de politique générale du Premier ministre.

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Média : TF1

Texte intégral

BRUCE TOUSSAINT
Bonjour Adrien GINDRE.

ADRIEN GINDRE
Bonjour Bruce.

BRUCE TOUSSAINT
Votre invitée, ce matin, est la porte-parole du Gouvernement, Maud BREGEON.

ADRIEN GINDRE
Et avant d'en venir à la déclaration du Premier ministre hier, Maud BREGEON ; un mot de cette actualité : l'Iran qui a lancé 200 missiles sur Israël hier soir. Benyamin NETANYAHOU, le Premier ministre israélien, prévient ce matin : l'Iran paiera pour cette erreur. Le chef de l'État a réuni en conseil de défense hier soir. Et maintenant, que demande la France ? Que peut faire la France ?

MAUD BREGEON
D'abord, je voudrais vous dire que ces images sont effroyables et nous touchent tous. Le Président de la République a réuni, hier, un Conseil de défense et de sécurité nationale autour du Premier ministre, du ministre des Armées, du ministre des Affaires étrangères et du ministre de l'Intérieur. Les choses sont très claires : la France condamne, avec la plus grande fermeté, les attaques de l'Iran contre Israël et continuera à se mobiliser au service de la paix et de la désescalade. Le Président de la République a, d'ailleurs, demandé à Jean-Noël BARROT – le ministre des Affaires étrangères – de se rendre de nouveau sur place. Il s'y était déjà rendu dans la région, au Liban, vous le savez, il y a quelques jours.

ADRIEN GINDRE
Là, il ira où ?

MAUD BREGEON
Et donc il s'y rendra de nouveau dans la région (ça reste à préciser), mais pour rencontrer l'ensemble des acteurs.

ADRIEN GINDRE
Sur l'intervention de la France, l'Élysée a précisé, hier soir : la France a mobilisé des moyens militaires au Moyen-Orient pour parer la menace iranienne. On parle de quoi ? Qu'est-ce que la France a fait hier soir ?

MAUD BREGEON
Alors, je vous renverrais plus précisément vers le ministre des Armées, Sébastien LECORNU. Mais tous nos moyens diplomatiques, nos ambassades et nos moyens, effectivement de défense, de légitime défense, en cas de besoin, sont mobilisés…

ADRIEN GINDRE
Nos avions sont intervenus, hier soir, pour intercepter des missiles ?

MAUD BREGEON
Non. Je ne vous confirmerais pas ça ce matin et je vous renverrai vers Sébastien LECORNU. Ce que je peux vous dire, encore une fois, c'est que la France et le Chef de l'État se situeront toujours du côté de la paix et de la désescalade, comme elle l'a fait depuis plusieurs semaines et plusieurs mois déjà.

ADRIEN GINDRE
Il y a une position de la France qui n'est pas tout à fait claire. C'est notre regard sur la mort d'Hassan NASRALLAH, le leader du Hezbollah. Joe BIDEN, le Président américain, dit très clairement que c'est une mesure de justice. Pour nous c'est quoi ?

MAUD BREGEON
La France n'oublie pas le rôle délétère qu'a tenu la branche militaire du Hezbollah et condamne toutes les organisations terroristes, toutes les attaques terroristes qui ont fait souffrir nos concitoyens et qui ont fait souffrir également le peuple libanais.

ADRIEN GINDRE
Et donc, est-ce qu'on considère que c'est une mesure de justice, comme le Président américain ?

MAUD BREGEON
Nous ne qualifions pas les choses ainsi de façon juste ou injuste. Encore une fois, le Président de la République œuvre pour la paix et pour la désescalade dans la région. Trop de civils ont été touchés. Ce qui se passe là-bas est effroyable. Et donc, nous continuerons à agir aux côtés de toutes les parties prenantes qui souhaitent, encore une fois, la paix pour les peuples.

ADRIEN GINDRE
Mais on s'est abstenu de tout commentaire sur cette mort comme si ce n'était pas un événement.

MAUD BREGEON
Je n'ai pas dit que ce n'était pas un événement. Et je viens de vous en donner la réponse. Le fait que le Président de la République demande à Jean-Noël BARROT de se rendre au Liban, il y a quelques jours ; le fait qu'un Conseil de défense et de sécurité nationale ait été tenu hier à l'Élysée montre qu'au contraire, la France prend la situation au sérieux.

ADRIEN GINDRE
Alors venons-en à la déclaration de politique générale du Premier ministre hier. Il a notamment parlé des impôts. Il a confirmé qu'il y allait avoir des hausses d'impôts qui vont toucher les grandes, très grandes entreprises qui réalisent des profits importants et les Français les plus fortunés traduisant les plus fortunés. Alors, traduisons ; les plus fortunés, c'est qui ? Qui va être concerné par ces hausses d'impôts ?

MAUD BREGEON
Alors, d'abord, le constat est clair : la situation budgétaire est grave. La situation budgétaire est grave. Il faut que chacun s'en rende compte. Le déficit va atteindre 6 % cette année. Pour avoir un ordre d'idée, c'est le déficit le plus haut de l'Union européenne après l'Italie. Donc nous, on met les propositions sur la table. Cela ne signifie pas qu'elles sont figées et qu'on ne peut pas en discuter.

ADRIEN GINDRE
Mais qu'est-ce qu'il a derrière la tête quand il dit "les plus fortunés ? Il a forcément une idée derrière la tête, le Premier ministre.

MAUD BREGEON
Pardonnez-moi. D'abord, la première proposition qui est mise, c'est la réduction des dépenses pour les deux tiers de l'effort. Et ensuite, on estime…

ADRIEN GINDRE
Oui. On va en parler mais je vous interrogeais sur les impôts, Maud BREGEON.

MAUD BREGEON
On estime… Et j'y viens. On estime, effectivement, que des contributions ciblées, exceptionnelles et temporaires doivent faire partie de la réponse globale.

ADRIEN GINDRE
Et donc pour qui ?

MAUD BREGEON
Au fond – et ce sera à préciser lors du projet de loi de finances – mais on propose, nous, et on proposera…

ADRIEN GINDRE
Donc pour le moment, on lance l'idée en l'air sans savoir exactement à qui on pense ?

MAUD BREGEON
Et on proposera, avec Laurent SAINT-MARTIN une équation qui marche. On a quinze jours, quinze jours pour faire un budget – c'est historique dans la Cinquième République – avec une marche qui est très, très haute. On a besoin d'un budget de redressement pour le pays, sauf à léguer une situation calamiteuse pour les mois à venir et pour nos enfants.

ADRIEN GINDRE
Donc il y aura impôts et économies. On comprend bien.

MAUD BREGEON
Exactement.

ADRIEN GINDRE
J'insiste, pardon, Maud BREGEON… Vous n'allez pas nous répondre sur les Français les plus fortunés, mais je retente ma chance sur les entreprises. Hier, le président du groupe Ensemble pour la République, Gabriel ATTAL, votre parti politique, a mis un point d'alerte. Il dit "augmenter les impôts de nos entreprises, cela peut nous affaiblir beaucoup." Il prend des exemples : la COMPAGNIE DES ALPES, RENAULT, ATOS, KIABI, les CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE, la SOCIETE BRETONNE DE VOLAILLES, et cetera, et cetera. Quel sort sera réservé à ces entreprises ?

MAUD BREGEON
Le Premier ministre en est pleinement conscient. Et quand il explique que des contributions exceptionnelles et ciblées doivent faire partie de l'équation, il a toujours précisé que c'était pour les entreprises qui en avaient les moyens, au regard de la situation qui est la leur.

ADRIEN GINDRE
Celle que je viens de vous citer tout à l'heure sont-elles concernées ?

MAUD BREGEON
On regarde les situations. On regardera évidemment, on regardera l'ensemble des situations. Le but n'est pas de mettre en difficulté les entreprises, le but n'est pas de freiner la création d'emplois ou de freiner la création de richesse. Mais la philosophie qui est la nôtre, c'est de demander, encore une fois, à ceux qui le peuvent le plus de contribuer à l'effort national. Maintenant, je vais vous dire encore une fois, la méthode BARNIER, c'est la construction. Donc, si les groupes parlementaires ont des idées pour faire différemment et mieux, mais moi, je leur dis "Proposez ! Proposez et on regardera ensemble avec le Premier ministre, avec le ministre du Budget." Nous, on vient avec des propositions sur la table. Encore une fois, avec une situation qui est extrêmement inquiétante et grave. Mais on est ouverts, on est ouverts à toutes les propositions.

ADRIEN GINDRE
Vous êtes, vous-même, Maud BREGEON, dans une position très particulière parce que vous portez la parole du Gouvernement ce matin et du Premier ministre ; en même temps, vous êtes membre d'un parti qui, hier, on l'a entendu, a émis plusieurs réserves sur le discours du Premier ministre. Est-ce que vous, à titre personnel, vous avez des lignes rouges ? Gabriel ATTAL disait hier "Aucun soutien ne peut se tenir pour acquis." Est-ce que, vous, votre soutien à Michel BARNIER est acquis à 100 % ?

MAUD BREGEON
Moi, j'ai confiance en Michel BARNIER et j'ai d'abord confiance en la méthode de Michel BARNIER. Michel BARNIER, c'est de l'écoute, c'est du respect, c'est du pragmatisme. Et puis, c'est une forme d'apaisement, de calme, de façon de faire de la politique…

ADRIEN GINDRE
Donc rien ne pourrait vous faire sortir du Gouvernement, quitter votre poste, dire "ce n'est pas pour moi" ?

MAUD BREGEON
…à laquelle les Français n'étaient pas nécessairement habitués ces dernières années. Et moi, je vais vous dire, je trouve que cela fait du bien. Et puis ensuite, il n'est pas dans une position verticale et qui est descendante avec les parlementaires et avec les membres de son Gouvernement. On a beaucoup discuté avant la déclaration de politique générale hier.

ADRIEN GINDRE
Au-delà de la méthode, sur le fond de décision, Maud BREGEON, est-ce que, vous, il y a des lignes rouges pour vous ? Des choses que vous ne pourriez pas, en tant que porte-parole, assumer demain ?

MAUD BREGEON
Sur le fond, il continue à tracer des chemins de compromis et moi je me retrouve là-dedans. Et ensuite, sur les valeurs, il a été extrêmement clair là-dessus, quand il dit aucune tolérance avec le racisme, avec le communautarisme, avec les violences faites aux femmes, avec l'antisémitisme, aucune remise en cause de l'état de droit…

ADRIEN GINDRE
Quand il recadre votre collègue de l'Intérieur, en l'occurrence, Bruno RETAILLEAU, à ce sujet.

MAUD BREGEON
Aucune remise en cause de l'état de droit, évidemment, aucune remise en cause… Mais évidemment, des garanties…

ADRIEN GINDRE
Il a eu raison de recadrer Bruno RETAILLEAU ?

MAUD BREGEON
Je termine là-dessus… Des garanties et des lois sociétales qui sont des grands acquis de la France, ces dernières années, moi, cela me va bien. Et puis, je vais vous dire une chose : on n'a pas gagné les élections, nous concernant. Et donc, il est aussi normal qu'au sein de ma famille politique, on entende ce que nous ont dit les Français et qu'on entende que sur certains sujets, nous n'avons pas fait exactement tout ce qu'il fallait. Ce qui ne veut pas dire qu'il y a eu des réussites… qu'il n'y a pas eu de réussites extrêmement positives, mais charge à chacun de mettre un peu d'eau dans son vin. Cela vaut aussi pour les Républicains. Il faut qu'on arrive à travailler ensemble. Parce que c'est quoi l'autre option ? Il se passe quoi sinon, le jour d'après, si ça ne marche pas ?

ADRIEN GINDRE
Le risque d'une censure, en l'occurrence. La gauche en déposerait une en fin de semaine. Marine Le PEN a, à nouveau, fait planer la menace hier. Elle a des demandes très précises : une nouvelle loi immigration début 2025. Est-ce qu'il y aura, oui ou non, une nouvelle loi immigration début 2025 ?

MAUD BREGEON
Je crois que les Français nous demandent de la fermeté en matière de sécurité et d'immigration clandestine. Le Premier ministre a ouvert un certain nombre de portes hier. Il n'en a pas fermé d'ailleurs, mais il a dit… Sur les questions de sécurité, il s'est engagé à la création d'un certain nombre de places de prison, à la remise en cause, à l'atténuation, c'est extrêmement important de l'excuse de minorité dont on parle beaucoup, à la création de peines courtes et exécutées immédiatement. Et sur l'immigration, il a réaffirmé la nécessité d'avoir davantage de contrôles aux frontières, comme par exemple ont fait nos amis Allemands. Donc, ça me semble être des mesures extrêmement concrètes. Maintenant, on continuera à discuter.

BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Maud BREGEON.

MAUD BREGEON
Merci à vous.

BRUCE TOUSSAINT
Merci à Adrien GINDRE.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 octobre 2024