Texte intégral
FLAVIE FLAMENT
C'est l'heure du rendez-vous politique et de l'événement dans Télématin. Julien, c'est Laurent SAINT-MARTIN, qui est ministre auprès du Premier ministre, chargé du Budget et des Comptes publics, que vous recevez ce matin dans les 4V.
JULIEN ARNAUD
Oui, et c'est vrai que sa parole est particulièrement attendue, parce que c'est lui, Laurent SAINT-MARTIN, qui va dire pour qui sont les hausses d'impôts. Il ne s'est pas encore exprimé depuis sa nomination. Laurent SAINT-MARTIN, bonjour.
LAURENT SAINT-MARTIN
Bonjour.
JULIEN ARNAUD
Merci d'avoir réservé votre toute première interview aux 4V. Vous avez une mission, donc, qui est compliquée, on vient de le dire, 60 milliards d'euros à trouver. Pas facile. On va commencer par ce coup dur que les retraités ont appris hier, un peu en catimini, il faut bien le dire, leurs pensions ne seront pas augmentées le 1er janvier comme prévu, mais le 1er juillet. Pourquoi les mettre ainsi à contribution ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Je vais répondre à la question des retraités. Il faut quand même toujours rappeler où on en est. 6 % de déficit en 2024. Je l'ai dit, c'est grave. Ce n'est pas non plus la morosité et l'anxiété, mais il faut agir. Et le redressement des comptes publics, ça va être l'affaire de tous et c'est extrêmement important que ce soit entendu, parce que finalement, c'est aussi la conséquence de ce qui s'est passé. Ces dernières années, un État qui a protégé, tout le monde était tout à fait volontaire à vouloir l'État qui protège pendant la crise Covid, mais aussi pendant la crise de l'inflation, souvenez-vous du bouclier qui s'est mis en place…
JULIEN ARNAUD
Non mais c'est le diagnostic, ça on sait. Sur les retraites…
LAURENT SAINT-MARTIN
Non mais, Julien ARNAUD, c'est extrêmement important de toujours rappeler pourquoi aujourd'hui nos finances publiques sont dégradées. Parce qu'on a été au rendez-vous pour protéger collectivement, et tout le monde était d'accord là-dessus.
JULIEN ARNAUD
Mais qui va payer ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Maintenant, c'est aussi en responsabilité qu'il faut les redresser. Qui va payer ? Ça a été très bien dit juste avant, baisse de la dépense publique d'abord et surtout. Et là-dessus, je serai extrêmement…
JULIEN ARNAUD
On va le détailler, mais d'abord, si vous le voulez bien, mesure par mesure...
LAURENT SAINT-MARTIN
…extrêmement important…
JULIEN ARNAUD
...les retraités, pourquoi les mettre à contribution ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Mais mesure par mesure, il faut donc les faire par ordre d'importance. C'est d'abord la baisse de la dépense publique. Est ce qu'il faut pour autant s'interdire un débat sur la fiscalité ? Non. Et là, le Premier ministre a aussi été très clair, on va faire des contributions ciblées, temporaires, exceptionnelles, d'abord sur les grandes entreprises, mais aussi sur les ménages qui peuvent participer. Mais je ne vais pas éluder la question sur les retraites, parce que vous me l'avez posée en entrée. Sur les retraites, il y a eu une augmentation en 2024 de plus de 5,3 % pour l'ensemble de nos retraites, pour une inflation à peu près de 2 %. En 2025, il va y avoir une inflation d'un peu moins de 2 %, ce sont nos estimations, et à peu près 1,8 %. Donc effectivement, il va y avoir un lissage, puisque l'augmentation de l'indexation des retraites a été plus importante que l'inflation. Et surtout, cela c'est très important, bien plus importante que l'augmentation moyenne des actifs. Donc effectivement, il va y avoir un décalage de six mois, mais ce que tout le monde doit bien entendre, c'est qu'il y aura une indexation des retraites sur l'inflation en 2025. Il y en aura une, il n'y aura pas de désindexation…
JULIEN ARNAUD
Mais ce sera au 1er juillet.
LAURENT SAINT-MARTIN
Elle sera effectivement au 1er juillet au lieu du 1er janvier. Mais c'est tout simplement, comme je vous l'ai dit, logique. C'est un lissage si vous voulez, par rapport à l'augmentation qui a eu lieu en 2024.
JULIEN ARNAUD
Il y a plein de questions à vous poser…
LAURENT SAINT-MARTIN
Bien sûr.
JULIEN ARNAUD
... plein de précisions à attendre. Donc on va essayer d'avancer. D'abord, sur les consultations médicales, est-ce que c'est vrai, comme le dit Les Echos, que la Sécurité sociale ne remboursera plus 70 % mais 60 % ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Le texte du projet de loi de financement de la Sécurité sociale sera présenté en même temps que le projet de loi de finances la semaine prochaine. Vous verrez les mesures qui seront présentées à ce moment-là. Il y en aura…
JULIEN ARNAUD
C'est dans les tuyaux ou pas ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Il y en aura aussi dans le projet de loi de finances. Ce que je peux vous dire, c'est que l'État devra être exemplaire effectivement en réduisant ses dépenses. L'État. Il y aura aussi, effectivement un effort fait sur la Sécurité sociale. Il faudra…
JULIEN ARNAUD
C'est la bonne piste ? C'est cette piste-là qui est à l'étude ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Il faudra aussi travailler avec les collectivités territoriales. Mais vous savez, le Premier ministre a été très clair. Sur les sujets de Sécurité sociale, sur le sujet des collectivités, on le fera en partenariat avec nos partenaires sociaux. On ne le fera pas de façon verticale. Et donc, là aussi, il y a besoin de dialogue, et vous le comprendrez bien, il reste quelques jours et surtout, il reste un débat parlementaire qui va durer plusieurs semaines, plusieurs mois. Parce que je ne veux pas éluder l'importance du moment. Si la France n'est pas au rendez-vous du redressement de ses finances publiques, pour tout le monde et pour l'État, la Sécu, les collectivités, toutes les parties prenantes de ce qui font aujourd'hui nos finances publiques. Si on n'est pas tous en responsabilité face à ce redressement…
JULIEN ARNAUD
Ça finira mal. Les impôts…
LAURENT SAINT-MARTIN
Qu'est ce qui va se passer…
JULIEN ARNAUD
Les impôts, si vous le voulez bien, parce que vous en appelez à la responsabilisation de tous. Et donc il y a cet effort qui est demandé pour les plus fortunés, a dit le Premier ministre. Mais c'est quoi exactement ? C'est qui les plus fortunés ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Ecoutez, aujourd'hui, nous considérons que quelques ménages. On parle de 0,3 %, Julien ARNAUD, donc ceux qui nous regardent doivent comprendre que nous parlons vraiment des plus fortunés, des plus fortunés.
JULIEN ARNAUD
C'est quoi ? C'est les revenus ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Prenez un ménage sans enfant, qui touche à peu près des revenus de 500 000 € par an, 500 000 € par an. Je crois qu'après les années de protection de l'emploi, des revenus, de la croissance que nous avons eues ces dernières années, nous pouvons demander légitimement aux contribuables les plus fortunés de ce pays de participer, exceptionnellement, temporairement, à cet effort de redressement…
JULIEN ARNAUD
Un an seulement ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Parce que, nous verrons ça dans le débat, mais il faut que ce soit temporaire. De la même façon que pour les très grandes entreprises, il faut que ce soit temporaire. Pourquoi est-ce qu'il faut que ce soit temporaire ? Pour montrer que la politique de croissance, la politique d'investissement, la politique qui a porté ses fruits depuis 2017, qui fait qu'on a baissé le chômage, qui fait qu'on a ouvert plus d'usines, qu'on en a fermées. Tout cela doit perdurer.
(...)
LAURENT SAINT-MARTIN
Vous savez, moi, j'aurai quelques exigences pendant ce débat budgétaire. Le premier, c'est que cette politique de l'offre et de croissance ne soit pas cassée, ne soit pas abîmée et que ces contributions restent donc exceptionnelles. Que les ménages les plus fragiles, et notamment les classes moyennes et celles qui travaillent, ne soient pas touchés par une augmentation de prélèvements obligatoires.
JULIEN ARNAUD
Là, pour les 500 000 foyers dont vous nous parlez, c'est une augmentation…
LAURENT SAINT-MARTIN
500 000 euros…
JULIEN ARNAUD
Pardon, les 500 000 €, 0,3 % des foyers. C'est une augmentation du taux d'impôt sur le revenu ? C'est cela, une contribution ? Par un taux exceptionnel ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Nous verrons la mesure. Cela avait été déjà fait, par exemple, pour sortir de la crise des subprimes en 2008-2009. Nous verrons effectivement le mécanisme qui sera trouvé. Mais je veux juste rassurer là-dessus. Oui, on va demander une contribution exceptionnelle, temporaire aux plus fortunés et aux grandes entreprises. Attention, il n'y aura pas d'augmentation généralisée de l'impôt sur le revenu. Et d'ailleurs, là-dessus, s'il faut le répéter, je le répète : non, il n'y aura pas de désindexation du barème de l'impôt sur le revenu. C'est-à-dire que ce qui touche, finalement, tous les contribuables de l'impôt sur le revenu, on n'y touchera pas. Et quand on parle de 0,3 %, on peut aussi dire qu'on ne touche pas 99,7 % de nos contribuables sur cette mesure exceptionnelle.
JULIEN ARNAUD
Autres mesures qui peuvent concerner pas mal de monde : le malus automobile. Vous confirmez qu'il va concerner un champ beaucoup plus élargi de voitures ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Je confirme qu'on va accompagner, on va continuer à accompagner la transition écologique aussi par la fiscalité. Vous parlez de malus ; moi, je peux aussi vous parler de bonus. Oui, on a besoin d'aider davantage nos concitoyens qui font cette transition écologique vers des véhicules plus propres. C'est quelque chose qui existe déjà depuis de nombreuses années. Je pense qu'il faut continuer ce mouvement-là.
JULIEN ARNAUD
72 % des véhicules seront concernés si la mesure est acceptée ; trois véhicules sur quatre. On dépasse largement les SUV ultra polluants. Vous êtes d'accord là-dessus ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Je crois que vous l'avez bien montré dans votre reportage ; il y a un véritable enjeu de décarbonation dans notre pays. C'est aussi un enjeu de santé publique. Il y a beaucoup de nos concitoyens qui veulent faire cette transition écologique, notamment par leurs véhicules personnels ; il faut continuer à les accompagner. La fiscalité est un outil là-dessus. On a aussi démontré, ces dernières années, qu'on savait l'accompagner, notamment par le leasing, notamment par un certain nombre de mesures d'accompagnement de l'achat de véhicules électriques. Eh bien, on va continuer à le faire avec ce mécanisme-là.
JULIEN ARNAUD
Puisque vous parlez d'électricité, y aura-t-il une nouvelle taxe sur les énergéticiens, à commencer par EDF évidemment ? Vous avez entendu que votre collègue Agnès PANNIER-RUNACHER, hier, est très opposée à cette idée. Vous lui dites quoi ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Je dis qu'il y a probablement plus intelligent à faire que d'avoir le réflexe de la taxe tout le temps. Je suis ministre du Budget, je ne suis pas ministre de la Taxe…
JULIEN ARNAUD
Donc pas de taxe sur les énergéticiens ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Je crois qu'on a forcément matière à travailler plus intelligemment. Votre collègue a parlé d'intelligence pour faire de la réduction de dépenses publiques ; il a raison. Il y a aussi de l'intelligence à chercher avec les entreprises plutôt que d'être dans le seul mécanisme permanent de la taxe. Donc on va travailler avec les énergéticiens. Agnès PANNIER-RUNACHER a raison.
JULIEN ARNAUD
Donc il n'y aura pas de nouvelle taxe, mais une contribution quand même, si je comprends bien ce que vous nous dites.
LAURENT SAINT-MARTIN
Il faut que toutes les grandes entreprises, chacune, comme elles le peuvent et par rapport à leur secteur d'activité, contribuent au moment qui est stratégique pour elles, pour nous tous, le redressement des finances publiques.
JULIEN ARNAUD
Ça prendra quelle forme sur les entreprises ? Pour les entreprises qui font… Est-ce que c'est bien ça ?... Qui font plus d'un milliard d'euros de bénéfices ? Il y aura une hausse du taux de l'impôt sur les sociétés. C'est comme ça que ça va se passer ? C'est ça la procédure ?
LAURENT SAINT-MARTIN
À partir du moment où c'est sur une année, à partir du moment où c'est exceptionnel et que c'est présenté comme tel, oui, je crois qu'on peut être dans ce contexte d'entreprises qui ont aussi intérêt à ce que notre pays renforce et assainit ses finances publiques. Pardon d'insister là-dessus, mais un pays qui n'a pas de bonnes finances est un pays qui n'aura pas de croissance demain. C'est extrêmement important. C'est un enjeu de responsabilité collective. Les chefs d'entreprise le savent très bien, mais je sais que nos concitoyens le savent aussi. C'est un moment de vérité, c'est un moment d'action, c'est un moment de courage aussi. On a besoin de tout le monde, juste on protège – et c'est très important – le travail, la croissance, l'activité de notre pays. On ne va pas casser la dynamique qui a été très bien initiée ces dernières années. Et surtout, on protège les plus vulnérables de nos concitoyens. Il est hors de question, évidemment que ce soit le plus fragile qui paie, aujourd'hui, cette facture.
JULIEN ARNAUD
Et pour ces entreprises, ce sera le taux de l'impôt sur les sociétés qui sera relevé, qui repassera de 25 % à 33 % comme avant ?
LAURENT SAINT-MARTIN
Oui. Ce sera… c'est-à-dire une surtaxe, comme on dit, exceptionnelle. Donc il n'y aura pas de hausse de l'impôt sur les sociétés parce que la compétitivité de nos entreprises doit rester la même. Mais il y aura, effectivement, autour de l'impôt sur les sociétés, une contribution exceptionnelle.
JULIEN ARNAUD
Allez en rappelle l'information principale. Merci beaucoup, Laurent SAINT-MARTIN. Les foyers sans enfant, à deux, avec des revenus supérieurs 500 000 euros nets donc paieront davantage. Ça représente 0,3 % des foyers fiscaux. Merci beaucoup pour toutes ces précisions.
LAURENT SAINT-MARTIN
Merci à vous.
JULIEN ARNAUD
Et puis, bon courage pour le débat sur le budget parce que cela promet d'être un peu "rock'n'roll."
LAURENT SAINT-MARTIN
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 octobre 2024