Texte intégral
AMANDINE BEGOT
L'invité de RTL Matin, Thomas, vous recevez ce matin le ministre de l'Intérieur, Bruno RETAILLEAU.
THOMAS SOTTO
Bonjour et bienvenue sur RTL, Bruno RETAILLEAU.
BRUNO RETAILLEAU
Bonjour Thomas SOTTO.
THOMAS SOTTO
Monsieur le Ministre de l'Intérieur et Monsieur le porte-parole du Rassemblement national, c'est ça ?
BRUNO RETAILLEAU
Je suis le porte-parole des Français. Mon obsession, c'est d'abord de parler la langue que comprennent les Français, et pas le volapük, pas une langue technocratique, une langue parisienne qui plaît au petit microcosme, médiatique, politique. Moi, je veux parler directement aux Français, et mon obsession, c'est de répondre à leurs aspirations.
THOMAS SOTTO
Et qu'est-ce que vous dites à ceux qui disent : dis donc, RETAILLEAU, c'est du brutal ?
BRUNO RETAILLEAU
Ce n'est pas du brutal, c'est de la fermeté, la fermeté de la loi, la fermeté de l'ordre, de la sécurité. Parce qu'aujourd'hui, malheureusement, j'ai comme ministre de l'Intérieur, le matin, le midi et le soir, une liste, une chronique abominable de faits qui sont terribles. Et ça, je veux protéger les Français contre ces désordres, contre l'insécurité. C'est mon rôle, et je vais m'y employer totalement. Et je ne ferai pas de l'eau tiède. Désolé pour ceux qui voudraient de l'eau tiède, ça ne marche plus.
THOMAS SOTTO
Alors, vous avez ordonné des vols groupés, ce qu'on appelait autrefois des charters, pour rapatrier vers leur pays d'origine des étrangers en situation irrégulière qui se trouvaient à Mayotte, des étrangers originaires de RDC, République Démocratique du Congo. C'est un symbole ou ça va être une politique, ça, les charters ?
BRUNO RETAILLEAU
Ce n'est ni un symbole… C'est une politique qui consiste à dire que celles et ceux qui sont arrivés de façon irrégulière sur le territoire français, en Outre-mer, comme en métropole, n'ont pas vocation à rester chez nous. Lorsque vous pénétrez dans une maison, par exemple, par la fenêtre, c'est un délit. Eh bien, quand on viole nos frontières, ça doit être aussi un délit. C'est contraire à la loi, et on doit s'exposer justement à des mesures en retour.
THOMAS SOTTO
Faire décoller un charter, c'est facile. Le faire atterrir, c'est souvent plus compliqué. Si un pays refuse, qu'est-ce que vous ferez ? Est-ce que vous ferez comme la Grande-Bretagne qui, par exemple, a décidé de délocaliser ces clandestins vers le Rwanda, ils envoient tout le monde là-bas et ils disent : voilà, on gère ça de là-bas et plus chez nous ?
BRUNO RETAILLEAU
Non, mais, Thomas SOTTO, il n'est pas question de faire décoller des avions d'un point de départ sans être certain qu'à leur point d'arrivée, il y aura l'acceptation des autorités locales. C'est la raison pour laquelle…
THOMAS SOTTO
C'est le gros problème, l'acceptation des autorités…
BRUNO RETAILLEAU
Je vais consacrer… non, il y a plusieurs choses, c'est vrai, vous avez raison. Mais dans le déploiement de la nouvelle politique sur la migration, pour reprendre le contrôle, il y a la réponse internationale. Cette réponse internationale, elle va consister à des accords qui seront des accords bilatéraux pour que des pays d'origine, mais aussi des pays de transit acceptent qu'on leur renvoie des ressortissants. Et le cas de la République Démocratique du Congo est un premier exemple. Il y en aura d'autres…
THOMAS SOTTO
Avec un pays de bonne volonté, un pays qui joue le jeu en l'occurrence ?
BRUNO RETAILLEAU
Un pays de bonne volonté. Il y a aussi des critères, notamment en matière de sécurité. Il n'est pas question de renvoyer des êtres humains dans des situations qui pourraient les exposer à des problèmes. Donc on peut le faire, encore une fois, avec la fermeté, en s'assurant d'un certain nombre de conditions, y compris d'ailleurs juridiques.
THOMAS SOTTO
Si on prend le cas du drame qui a ému toute la France, la mort tragique de Philippine, on parle beaucoup de ces OQTF, Obligations de Quitter le Territoire Français qui sont massivement non exécutées en France. Vous avez annoncé vouloir faire passer la durée de rétention des migrants en situation irrégulière de 90 à 210 jours. Déjà, ce sera à partir de quand ça ? Quel est l'objectif ?
BRUNO RETAILLEAU
Il faut une loi…
THOMAS SOTTO
Il faut une loi Immigration ?
BRUNO RETAILLEAU
Bien sûr, il faut une loi, je vais vous dire…
THOMAS SOTTO
Quand ?
BRUNO RETAILLEAU
Attendez, aujourd'hui, j'essaie d'expliquer à vos auditeurs les choses, 210 jours, 210 jours, c'est aujourd'hui ce que la loi nous permet de faire pour un dangereux terroriste. Pourquoi quelqu'un qui a commis un crime sexuel, ne s'exposerait-il pas à la même durée ? Moi, je le souhaite. Ça, c'est fondamental, et nous le ferons. Et bien entendu, il faut un vecteur législatif pour modifier ce point-là. De même, modifier le regard du juge. Aujourd'hui, le juge des libertés, personne ne voit l'accusé, parce qu'il a des règles, des règles juridiques, et c'est à ces règles qu'il se réfère. Mais, moi, je pense que la principale règle, lorsqu'il examine la possibilité de libérer quelqu'un qui est dangereux, c'est justement sa dangerosité, et pas tellement la perspective d'avoir…
THOMAS SOTTO
Sachant qu'il y a beaucoup d'étrangers en situation irrégulière qui ne sont pas délinquants dans les centres de rétention administrative. Il n'y a pas que des délinquants, on est d'accord ?
BRUNO RETAILLEAU
Bien sûr, non, mais…
THOMAS SOTTO
Donc ces 210 jours, ça sera pour tout le monde ou que pour les délinquants ?
BRUNO RETAILLEAU
Attendez, attendez, d'abord, on manque de places. Il faut donc construire des nouvelles places. Il y a un programme de 3.000 places de plus. Ça, c'est fondamental. Comme il n'y a pas suffisamment de places, il faut cribler. C'est-à-dire qu'il faut envoyer dans les centres de rétention administrative les individus les plus dangereux, et les gens qui sont aujourd'hui en CRA, croyez-moi, ce sont des gens qui présentent un certain nombre de dangers.
THOMAS SOTTO
Vous la voulez pour quand la nouvelle loi Immigration ? C'est une urgence ?
BRUNO RETAILLEAU
Ça fait partie des urgences, mais on a d'autres moyens à notre disposition. Il y a… je vois, les préfets de France d'ailleurs, dans quelques jours, je vais leur donner des instructions très, très précises, notamment pour l'expulsion, parce qu'il y a déjà une loi, et j'avais fait passer un amendement dans cette loi Immigration du 24 janvier dernier, qui permettait de lever tout ce qu'on appelle les protections pour expulser. Je me souviens d'un individu qui avait commis 42 délits et crimes, et qu'on ne pouvait pas expulser. Ça, on a résolu. Je veux être sûr que les préfets connaissent bien la nouvelle loi, et l'appliquent…
THOMAS SOTTO
Sauf quand le pays en face ne délivre pas de laissez-passer consulaires, parce qu'il faut que…
BRUNO RETAILLEAU
Exactement…
THOMAS SOTTO
Le pays accepte de reprendre son ressortissant. Marine LE PEN a fait une proposition simple, elle dit : zéro visa accordé à ces pays qui ne jouent pas le jeu. C'est une bonne idée ou pas ?
BRUNO RETAILLEAU
C'est une idée toute théorique. Moi, je vais instituer un rapport de force. D'abord, il y aura le dialogue, par exemple avec le Maroc. C'est un pays ami, que je respecte énormément. J'ai déjà eu mon homologue, le ministre de l'Intérieur, eh bien, nous allons d'abord dialoguer.
THOMAS SOTTO
Il s'est engagé ?
BRUNO RETAILLEAU
Pour les pays qui vont être récalcitrants, il y a trois leviers. Il y a la politique des visas, l'Algérie délivre plus de 200.000 visas, et on a un peu moins de 2.000 laissez-passer consulaires en retour totalement déséquilibrés. Je veux la réciprocité. Première chose, les visas. Deuxième chose, un certain nombre de pays, on les subventionne, on fait de l'aide au développement. Eh bien, conditionnons notre aide au développement, à la réciprocité en matière…
THOMAS SOTTO
Vous couperez le robinet sinon…
BRUNO RETAILLEAU
Voilà. Et troisième chose, on est en train de négocier à Bruxelles. J'y serai d'ailleurs à Strasbourg pour un Conseil des ministres de l'Intérieur la semaine prochaine. Ce qu'on appelle le mécanisme de préférences commerciales, c'est-à-dire qu'on doit pouvoir jouer, y compris sur les tarifs douaniers, vous m'entendez bien, pour les pays qui ne respecteraient pas leurs engagements pour les laissez-passer consulaires. Voyez, je ne m'autorise rien, et en tout cas, tous les leviers seront utilisés…
THOMAS SOTTO
Vous n'interdisez rien, vous autorisez tout. Venons-en à la situation…
BRUNO RETAILLEAU
Je n'écarte rien, je voulais dire.
THOMAS SOTTO
On avait compris. Venons-en à la situation internationale au Liban, en Israël, en Iran, à ces conséquences chez nous : faut-il craindre une forme d'importation du conflit chez nous ? Ce qu'il se passe là-bas renforce-t-il la menace terroriste ici ?
BRUNO RETAILLEAU
Les services ont produit une étude sur les possibilités et les impacts que peuvent avoir la déstabilisation du Moyen-Orient. La communauté iranienne en France est très largement opposante au régime iranien, donc il n'y a pas de problème. La communauté libanaise, on a des liens très anciens, très profonds, c'est un pays que j'ai visité à plusieurs reprises. Là non plus, c'est une communauté absolument pacifique. Et aujourd'hui, la communauté musulmane, même si bien entendu, elle supporte, elle soutient la cause palestinienne, elle n'a jamais embrayé, n'a jamais été à l'initiative des démonstrations publiques. Ceux qui sont à l'initiative, ce sont les ultragauches, c'est l'extrême gauche qui essaye d'instrumentaliser cette cause-là à des fins politiciennes.
THOMAS SOTTO
Et la menace djihadiste, elle en est où, en France ?
BRUNO RETAILLEAU
La menace djihadiste est à un haut niveau, je peux vous le dire…
THOMAS SOTTO
Mais au niveau, comme toujours ou plus haut niveau ? Est-ce que là, 7 octobre, lundi, on se souviendra qu'il y a un an, des terroristes du Hamas commettaient des attentats monstrueux en Israël, nos compatriotes juifs sont-ils aujourd'hui particulièrement menacés en France ?
BRUNO RETAILLEAU
Ecoutez, sur les huit premiers mois de l'année, on a une augmentation de 181 % des actes antisémites et là, ce mois d'octobre est un mois de danger, dans la mesure où vous avez l'anniversaire du 7 octobre du pogrom, vous avez les quatre grandes fêtes juives qui commençaient par le Nouvel An juif, au début octobre et vous avez la déstabilisation, notamment au Moyen-Orient, au Proche-Orient. Donc, vous voyez bien que cette conjonction peut créer un arc électrique favorable à un terreau islamiste et un terreau terroriste.
THOMAS SOTTO
De quand date la dernière tentative d'attentat en France ? Récemment ?
BRUNO RETAILLEAU
Récemment, avant les Jeux olympiques, plusieurs attentats ont été déjoués. Ça ne fait pas la une de la presse. Je veux vraiment ici, au micro de RTL, saluer nos services toutes celles et ceux qui, dans l'ombre, dans le secret, protègent les Français.
THOMAS SOTTO
Il va y avoir un match de foot à haut risque, Bruno RETAILLEAU, France-Israël, le 14 novembre au Stade de France. Ce match, se déroulera-t-il comme prévu au Stade de France ?
BRUNO RETAILLEAU
Ecoutez, pour l'instant, il est prévu de s'y dérouler. Je ferai le point très précisément avec la préfecture de police, avec l'ensemble de nos services et nous saurons prendre les bonnes décisions au bon moment.
THOMAS SOTTO
S'il le faut, ça pourrait être du huis clos ? Ça pourrait être délocalisé ? Ça fait partie des hypothèses ? C'est vous qui déciderez en tant que ministre de l'Intérieur.
BRUNO RETAILLEAU
Nous déciderons, mais je le déciderai non pas à un micro, sur un plateau, je déciderai avec le conseil des services qui m'entourent et qui sont des services très professionnels.
THOMAS SOTTO
Vous avez déclaré que l'état de droit - on va y revenir - n'est ni sacré ni intangible. Hier encore, devant la commission des lois, on l'entendait à 7 h et 30. Vous avez dit : " On peut toujours faire des ronds dans l'eau avec l'état de droit ". C'est quoi l'état de droit pour vous aujourd'hui ? C'est un obstacle à la sécurité des Français ?
BRUNO RETAILLEAU
Ça, c'est la tempête, la tempête dans un verre d'eau.
THOMAS SOTTO
Ça affole même votre Premier ministre a remis les choses au point ?
BRUNO RETAILLEAU
Non, non, franchement, franchement, moi, l'état de droit ne me pose pas de problème, au contraire, j'y suis attaché. Qu'est-ce que l'état de droit ? Ce sont des principes intangibles, ce sont des normes, une hiérarchie de normes, un contrôle juridictionnel, une séparation des pouvoirs, mais la source de l'État de droit, elle doit s'articuler aussi avec la souveraineté du peuple, c'est ça la démocratie. Moi, je n'ai pas de problème et je n'ai jamais voulu abolir l'Etat de droit. Simplement, je veux que, à l'intérieur de l'état de droit, on déplace le curseur, parce qu'il y a des lois, il y a des règles juridiques qui ne protègent pas les Français. Et celles-là, je veux les déplacer. Or, Or, il y a un certain nombre d'individus, de mouvements qui considèrent que bouger ces lignes là, ce serait toucher à l'Etat de droit, je dis non. Il ne faut pas confondre cet État de droit avec l'Etat de droit et moi, je ne veux pas être confronté à ce que j'appelle l'impossibilisme juridique, c'est-à-dire qu'on ne pourrait rien faire, on ne pourrait rien toucher, rien bouger…
THOMAS SOTTO
Mieux protéger les Français et moins peut-être les délinquants, les criminels, etc. c'est bouger le curseur ?
BRUNO RETAILLEAU
Oui, parce que, bien sûr, parce qu'on a des jurisprudences, je pense à la Cour européenne des droits de l'homme qui nous empêchaient par exemple de renvoyer des individus qui ont commis des crimes de sang dans leur pays sous prétexte qu'ils étaient exposés à, par exemple, des procès qui pouvaient être inéquitables. Donc je pose la question : qu'est-ce qu'on veut faire comme choix ? Protéger des individus dangereux dans leur liberté individuelle ou protéger la société ? Moi, je suis ministre de l'Intérieur, j'y réponds, moi, je veux protéger les Français.
THOMAS SOTTO
Merci, Bruno RETAILLEAU, d'être venu ce matin sur RTL et bonne journée à vous.
BRUNO RETAILLEAU
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 octobre 2024