Déclaration de Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt, sur les mesures gouvernementales en faveur de l'élevage français, à Cournon-d'Auvergne (Puy-de-Dôme) le 3 octobre 2024.

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Intervenant(s) : 
  • Annie Genevard - Ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt

Circonstance : Déplacement au Sommet de l'élevage

Texte intégral

Monsieur le président du Sommet de l'élevage Jacques Chazalet, Cher Patrick,
Mesdames et messieurs,


C'est avec un immense plaisir que je m'adresse à vous en cette fin d'après-midi, comme j'ai eu plaisir toute la journée à échanger avec chaque maillon de la grande famille de l'élevage réunie ici à Cournon, tous les automnes, grâce à l'énergie de Monsieur CHAZALET, qui relève chaque année le défi de réussir ce grand rassemblement.

Comme le Salon de la Porte de Versailles ou le SPACE, de tels évènements sont précieux : ils rythment l'année agricole, renforcent les liens entre les acteurs du secteur et ceux qui devraient ne jamais se distendre entre les Français et les agriculteurs qui les nourrissent. Enfin, ce sont de vraies vitrines de ce que la Ferme France produit de meilleur, de son savoir-faire et de sa place irremplaçable pour la richesse, l'équilibre et l'aménagement du pays.

Sommet européen et international, Cournon illustre aussi la place singulière de la France dans la tradition et l'excellence de l'élevage dans le monde.

Mais cette année, l'inquiétude est là, palpable, partagée par toutes les filières et tous les territoires car la crise sanitaire s'est abattue sur le pays : l'élevage français souffre.

Toute la journée, j'ai ressenti une grande et sincère détresse, parfois un découragement.

Je suis venue ici avec un objectif simple : vous aider à surmonter cette épreuve, contribuer de toutes mes forces à ce que les éleveurs retrouvent des perspectives, redonner espoir à ceux qui menacent d'abandonner, donner aux éleveurs le cap dont ils ont besoin.

La France ne perd pas que des animaux, elle perd aussi des éleveurs dans une période où notre souveraineté agricole est menacée. Ça n'est pas supportable et l'élue d'une terre d'élevage qui vous parle ne s'y résoudra jamais.

Vos préoccupations sont légitimes, je les entends et la mission que le Premier ministre m'a fait l'honneur de me confier est d'y répondre.

Pour cela ma méthode est simple : agir, agir et encore agir, pour les agriculteurs et dans l'intérêt du pays, avec des résultats concrets, rapides et mesurables dans les cours de ferme.

Agir, ce n'est pas s'agiter.

Agir efficacement, c'est savoir où l'on va.

Cela suppose un dialogue productif, permanent, avec les acteurs de terrain :

C'est pour cette raison que, 10 jours à peine après mon arrivée au ministère, j'ai déjà reçu les représentants des chambres d'agriculture et des syndicats agricoles, ainsi que les acteurs de toutes les filières en difficulté. Et malheureusement, elles sont nombreuses.

j'arrive à cette responsabilité avec une convergence de crises sanitaires et climatiques qui n'épargnent quasiment aucune production. Peu de ministres de l'agriculture avant moi ont fait leurs premiers pas dans un contexte de crise aussi généralisé.

Mais concerter ne veut pas dire prendre son temps.

j'ai reçu les représentants de la FNPL autour de leur président Yoann BARBE, que je salue, dès le lendemain de l'annonce par Lactalis de la réduction de sa collecte de lait en France. Il m'a assurée de sa détermination à ce que chaque éleveur concerné par cette décision brutale puisse retrouver un nouveau collecteur et poursuivre son activité laitière.

Je recevrai dans les jours à venir tous les industriels laitiers, et en tout premier lieu le Président de Lactalis, pour leur dire très clairement qu'aucun éleveur ne peut être laissé sur le bord du chemin par la conséquence de décisions industrielles privées.

Grêle, manque d'eau ici, excès de pluviométrie là, maladies, ravageurs, chute des rendements, virus: tout cela a une cause que même les plus sceptiques ne peuvent plus refuser d'admettre car ses manifestations sont violentes et presque quotidiennes. Je parle bien sûr du changement climatique et de ses effets dévastateurs sur sa première victime : l'agriculture.

La Présidente de la FNO, Michèle BOUDOIN, a une expression très imagée pour décrire cette exposition des agriculteurs en première ligne : " Nous sommes les sentinelles du dérèglement climatique " m'a-t-elle dit avec justesse.

La Nature est votre outil de travail et vous dépendez d'elle : quand elle est malade, vous l'êtes aussi et vos bêtes avec.

Dix jours ne suffisent pas à répondre aux problèmes sur le fond. Cela n'exclut pas toutefois d'obtenir certaines avancées.

Le lancement du déclassement du statut du loup par le Comité des représentants permanents de l'UE la semaine dernière est un signal positif que nous attendions tous. C'est une bataille que j'ai menée avec acharnement comme présidente de l'ANEM et dont je me réjouis aujourd'hui comme ministre. Comme quoi, il n'y a de batailles perdues que celles qu'on ne livre pas.


L'accumulation de ces difficultés et leur gravité requiert une action résolue dans un contexte budgétaire aux contraintes sévères, comme le Premier ministre en a expliqué la grave réalité, avec le souci de dire la vérité aux Français.

Les urgences sont identifiées, de même que les enjeux du temps long.

Le Gouvernement veut apporter des réponses à cette double temporalité et le fait dès aujourd'hui.

Le Premier ministre l'a rappelé dans sa déclaration de politique générale : le soutien à nos producteurs face aux crises climatiques et sanitaires n'est pas une option.

Notre élevage est confronté aujourd'hui, et de manière inédite, à une conjonction d'épizooties.

Je pense bien sûr à l'influenza aviaire hautement pathogène qui, saison après saison, pèse sur de nombreux élevages et requiert le déploiement de modalités de protection rigoureuses.

Grâce à la campagne vaccinale sur les canards, fortement soutenue par l'Etat, nous avançons.

Mais, ici je pense évidemment à la fièvre catarrhale ovine (FCO) et notamment ses sérotypes 3 et 8, très virulents.

Les filières de l'élevage ruminant, ovin comme bovin, sont sévèrement éprouvées pas ces épizooties à cause de la mortalité d'abord, même si elle est très différente entre les espèces, mais aussi en raison des restrictions aux échanges qui en découlent.

Dans ce grand rassemblement de races bovines, ma préoccupation va enfin à la maladie hémorragique épizootique, la MHE, apparue en 2023 et dont le retour sur le territoire depuis cet été impose de contenir la propagation.

Au-delà du risque pour la santé animale, pour notre économie, pour nos échanges et pour notre souveraineté, le risque humain est immense: pour nos éleveurs c'est un drame psychologique de voir leurs animaux souffrir et d'entrer le matin dans la bergerie ou dans l'étable avec l'angoisse de trouver des bêtes mortes dans la nuit.

Le drame de ces élevages où meurent parfois la moitié du troupeau dans de terribles souffrances est d'une très grande violence. Et je pense avec tristesse aux jeunes installés dont ces maladies fauchent les espoirs.

Je l'ai dit à tous les éleveurs que j'ai rencontrés depuis ce matin et je vous le redis ce soir : le sujet sanitaire est la priorité qui m'occupe depuis la première heure que j'ai passée dans mon bureau de la rue de Varenne. Et ma première réunion de travail a été sur ce dossier brûlant avec la direction générale de l'Alimentation.

Il y a d'abord la vaccination. À ce sujet, il faut mettre le paquet, chacun devant jouer son rôle.

Pour la FC0-8, je m'entretiendrai dès lundi avec mon homologue espagnol pour parer à la pénurie de vaccins qu'a entraîné l'absence de commandes sur ce virus endémique.

Ces derniers jours, nous avons également fait pression sur tous les labos susceptibles de relancer la production de vaccin.

Pour la MHE, notre stratégie, c'est le cordon sanitaire pour endiguer la progression de la maladie. Ce choix s'appuie sur les recommandations de l'Anses qui font apparaître cette solution comme la plus optimale compte tenu des disponibilités de vaccins sur le marché.

Pour la FC0-3, nous devons à tout prix stopper l'extension des foyers et de leur impact.

C'est pourquoi j'ai décidé que la vaccination gratuite et prise en charge par l'Etat sera désormais ouverte à toute la France pour la filière ovine. Nous avons le stock de vaccins nécessaire.

La vaccination va permettre d'endiguer la propagation de l'épizootie mais là où le mal est déjà fait, il faut aider les éleveurs à se relever. Et vite.

Je veux donc que les éleveurs qui ont perdu des bêtes dans les foyers identifiés puissent être rapidement indemnisés pour pouvoir recapitaliser leur troupeau et relancer leurs élevages.

A cela plusieurs réponses, adaptées à chaque virus.

D'une part, je vous annonce que les programmes FMSE sur la MHE et la FCO-8 sont désormais validés jusqu'à la fin de l'année (et non plus seulement jusqu'en août) et vont permettre de lancer le processus d'indemnisation.

j'aurai une réunion de travail la semaine prochaine avec le Président Christophe CHAMBON, que j'ai vu hier soir et que je salue, pour que nous nous assurions que tout est bien opérationnel pour un démarrage rapide du processus d'indemnisation -dont je rappelle que l'Etat prend à sa charge 65% des dépenses.

D'autre part, sur la FCO-3 qui est une maladie émergente, l'Etat prendra ses responsabilités.

Nous mettrons en place un fonds d'urgence qui permettra d'indemniser les éleveurs touchés par les pertes directes de ce virus et dont l'enveloppe vous sera annoncée demain par le Premier ministre.

j'ajoute que j'ai demandé officiellement à la Commission européenne que la France puisse bénéficier de la réserve de crise européenne au titre de cette épizootie qui, par son ampleur et sa récente émergence, justifie le recours à cet instrument communautaire.

Je vous annonce enfin que nous activerons la reconnaissance de force majeure pour la campagne des aides PAC 2025 pour que les éleveurs ne subissent pas la double peine de la perte d'animaux et de la réfaction du calcul des aides.

Je veux aussi qu'on se mette en capacité, collectivement, de mieux se mobiliser face aux émergences virales en replaçant les professionnels agricoles au cœur de la stratégie d'anticipation. Nous devons travailler ensemble à une stratégie renforcée de veille sanitaire et je vous propose d'attaquer ce chantier sans tarder.

Cette meilleure anticipation sera aussi un levier de résilience des élevages face aux effets directs et indirects du changement climatique.

A cet égard, le nouveau système assurantiel entré en vigueur en 2023, et doté d'un budget annuel jusqu'à 680 millions d'euros, est une avancée qui était très attendue par les agriculteurs.

Pour autant, je suis consciente de la défiance des éleveurs dans l'application du système de l'assurance-récolte aux prairies.

Ce système repose sur un indice, fondé sur une observation par satellite dont la fiabilité est questionnée par les filières d'élevage.

Aussi, j'ai pris la décision de publier un nouvel appel d'offres, comme s'y était engagé mon prédécesseur, de manière à étendre le réseau de mesure de la pousse de l'herbe à tout le territoire. Je sais que la FNB y tenait beaucoup, Monsieur le Président.

Par ailleurs, j'ai la conviction chevillée au corps que la transparence n'est jamais un problème mais toujours une solution : vous pouvez donc compter sur ma vigilance pour que les assureurs, en cours de campagne, transmettent aux éleveurs les données sur l'état de l'indice pour la suivante.

Je voudrais maintenant vous parler de quelque chose qui a toujours guidé mes choix et mon engagement, c'est la confiance.

La confiance dans la parole donnée.

La confiance dans ses partenaires.

La confiance dans les résultats promis.

Sur ce dernier point, bien sûr, je pense au paiement des avances PAC au 16 octobre.

Nous n'avons aucune alerte à cette heure. Néanmoins, mes services sont prévenus: je fais un point d'honneur du respect de cette échéance.

Et dans le contexte que nous connaissons, je vous l'annonce, le taux de l'avance sera porté à 70% pour le premier pilier et à 85% pour l'ICHN.

La confiance dans la parole donnée, c'est aussi la nécessité d'honorer celle de l'Etat quand les promesses faites n'ont pas été suivies d'effet.

L'Etat a une parole, il doit la tenir et nous la tiendrons. Cela s'appelle la continuité de l'Etat et elle est indispensable sauf à abîmer le crédit de la parole politique.

Je vous confirme donc que, dans le prochain projet de loi de finances, le Gouvernement sera au rendez-vous des engagements pris pour l'élevage il y a quelques mois par le précédent gouvernement.

Le projet de budget intégrera bien un nouvel avantage fiscal et social pour lutter contre la décapitalisation du cheptel bovin français et soutenir le développement de l'élevage bovin en France.

Concrètement, chaque année, les éleveurs pourront ainsi déduire de leur résultat une provision à hauteur de la hausse de la valeur de leur stock de vaches laitières et allaitantes. C'est un effort exceptionnel de 150 millions d'euros.

Je vous confirme aussi que le plan de « Souveraineté élevage» annoncé il y a un an ici même par mon prédécesseur continuera son déploiement.

La souveraineté, elle passe d'abord par des prix qui permettent aux éleveurs de vivre décemment de leur travail.

L'élevage français, comme le reste de l'agriculture, ne peut pas reposer sur les sacrifices toujours croissants des producteurs. Le métier d'éleveur doit trouver des prix rémunérateurs, seule condition pour dégager un revenu digne et faire vivre une famille sur la ferme.

C'est aussi la clé pour attirer les jeunes et leur offrir les conditions d'un vrai projet de vie décent et attractif.

L'application de la loi Egalim est au cœur de toutes les discussions.

De nombreuses pistes prometteuses étaient évoquées par les anciens députés Anne-Laure BABAULT et Alexis IZARD dans le cadre de leur mission parlementaire. Cette mission, initiée sous la précédente législature et n'ayant pu arriver à son terme, ne doit pas rester lettre morte.

Sur ces sujets, je tiens à vous rassurer : nous relancerons dans les semaines à venir les réflexions sur l'évolution du cadre législatif Egalim.

Mais il n'y a pas que les prix qui forment le revenu. Il y a aussi les charges. Les charges financières, les charges sociales, mais aussi et de plus en plus ces dernières années, la charge réglementaire et administrative : en un mot la paperasse et les interdits, tout ce qui éloigne les paysans de l'acte de produire. Tout ce qui fait perdre du sens au métier d'agriculteur.

Je veux que les agriculteurs passent plus de temps dans leurs champs et moins de temps assis à leur bureau.

Je veux que la réglementation s'adapte à la Nature et pas l'inverse.

Je veux que la France arrête de laver plus blanc que blanc.

Je veux qu'on débarrasse le quotidien des paysans de toutes les règles, normes ou d'obligations qui ignorent la réalité agronomique.

Il faut débarrasser les paysans de tout ce qui handicape inutilement leur métier.

Pour ça, il faut du courage, j'en ai.

Il faut se retrousser les manches, je sais faire aussi.

j'ai déjà été longue mais je veux évoquer deux dossiers qui me tiennent à cœur avant de conclure.

D'abord le MERCOSUR, et plus généralement les accords de libre échange.

j'appartiens à une famille politique dont la position a été constante sur ce projet d'accord et je n'en varierai pas. L'agriculture, et singulièrement l'élevage, est un secteur à part dont les intérêts ne sont pas interchangeables ou troquables avec d'autres.

Et pour finir, je voudrais vous dire ma détermination à mener la LOA jusqu'au bout.

Certes ce n'est pas la loi du siècle, vous l'avez dit, nous l'avons dit.

Mais nous l'avons amendée grâce au travail parlementaire, avant que son examen ne soit interrompu par la dissolution.

Il y a dedans des avancées importantes qu'il faut engager car elles sont attendues. Je pense en  particulier à l'article 1 et la qualification d'intérêt général majeur reconnu à l'agriculture.

Il y a aussi des avancées en matière d'enseignement agricole, d'installation/transmission, un volet social important et la dépénalisation des atteintes non- intentionnelles et non irréversibles à l'environnement.

Je veux sécuriser rapidement ces acquis au Sénat pour ne pas risquer de les détricoter avec la tentation d'un nouveau texte livré aux équilibres incertains de l'Assemblée Nationale.

Voilà en quelques mots, ce que je voulais vous annoncer et ce que j'avais envie de vous dire en cette période de grande inquiétude dans les élevages.

Je n'ai pas eu besoin de forcer ma nature pour venir ici et vous dire tout ce que l'élevage représente dans l'idée que je me fais de l'identité de la France.

Vous trouverez toujours en moi un ardent défenseur des prairies et des alpages, comme des produits qui en sont issus.

j'ai passé une journée intense, car beaucoup de témoignages sont emprunts d'une réalité poignante, mais une journée magnifique quand même, car malgré d'immenses difficultés, le courage est toujours là.

L'élevage pourra toujours compter sur moi, comme il peut compter, vous le savez, sur la fidélité de notre Premier ministre.

Je suis sûre qu'il vous le redira avec ses mots demain.


Source https://agriculture.gouv.fr, le 4 octobre 2024