Déclaration de M. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur la situation économique et la politique budgétaire de la France, à Paris le 10 octobre 2024.

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  • Antoine Armand - Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Circonstance : Conférence de presse du projet de loi de finances 2025

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,

Notre pays se trouve dans une situation inédite et à un moment pivot. Nous sortons d'une crise sanitaire sans précédent et nous avons traversé une crise énergétique majeure. La guerre est en Europe et l'escalade au Moyen-Orient fait peser des risques pour notre économie.

Ces chocs nous ont marqué et nous marquent.

Dans notre économie d'abord. Notre croissance subsiste mais elle a eu besoin d'être relancée avec des investissements publics massifs, et reste atone dans l'ensemble du continent européen.

Dans ce contexte, les économies européennes font face à un ralentissement qui fait courir un risque d'effacement face à l'interventionnisme de nos concurrents internationaux, en particulier de la Chine et des Etats-Unis.

Ce ralentissement, ce risque d'effacement commande un sursaut européen.

Il implique un agenda de compétitivité nouveau.

Car sans meilleure coordination de nos politiques économiques et industrielles, sans une défense ferme et résolue de notre tissu productif, sans un investissement massif, public comme privé, dans l'industrie et les transitions écologique et numérique, les économies européennes sont condamnées à l'affaissement productif qui guette aujourd'hui notre continent.

* L'économie française résiste

Dans ce contexte, la France résiste. Sa croissance est meilleure que la moyenne des autres pays de la zone euro. Elle devrait s'élever en 2024 à 1,1%.

Le chômage de masse n'est plus le fléau que nous avons connu : le taux de chômage est même proche de son plus bas niveau depuis 40 ans [7,3%].

Des usines rouvrent, nos exportations augmentent, notre pays est le plus attractif de la zone euro, l'inflation continue à baisser.

Nos fondamentaux sont donc solides. Nous le devons à l'agenda ambitieux de réformes que nous portons depuis l'élection du Président de la République. Nous le devons à l'action constante et déterminée des gouvernements qui se sont succédés.

Nous avons baissé les impôts de 60 Md€ et montré qu'une doctrine fiscale fondée sur la stabilité et la confiance était efficace.

Nous avons réformé le droit du travail et l'assurance chômage pour viser le plein emploi, parce que le travail est le meilleur moyen de créer de la richesse.

Nous avons aussi réformé notre système de retraites et fait progresser le taux d'emploi des seniors.

Nous avons investi dans la recherche, dans l'apprentissage.

Nous avons simplifié.

Bref, nous avons transformé et modernisé notre économie pour la libérer et les résultats sont là.

Suffisant ? Sûrement pas. Et c'est tout le travail que nous continuerons à mener.

Le problème de la dette

L'économie française résiste mais notre dette publique est colossale. Ne pas le voir, ne pas le dire, ne pas le reconnaître serait cynique et fatal.

En 2024, elle devrait s'établir à 3 300 Md€ soit près de 113% du PIB.

Elle est le résultat combiné de cinquante budgets nationaux en déséquilibre et d'une dépense publique qui a augmenté quasiment chaque année dans les dernières décennies. Elle est aussi le résultat de la réponse efficace et massive que nous avons apportée aux crises financière, sanitaire et énergétique.

La dette n'est pas qu'une question financière.

C'est une question politique. Elle concerne tous les Français.

La question de la dette, c'est la question de la France que nous laissons à nos enfants. Est-ce que c'est à eux de payer les dépenses des cinquante dernières années et les efforts consentis pour répondre aux crises ?

La question de la dette, c'est un enjeu de souveraineté car, si nous ne pouvons plus nous financer sur les marchés, nous ne pourrons pas continuer de préparer l'avenir avec le nucléaire et les nouvelles technologies, et nous dépendrons des autres.

C'est aussi un enjeu de crédibilité car nous sommes le troisième pays le plus endetté de la zone euro, et que nos déficits continuent de filer.

C'est pour cela que ce budget est le premier d'une série qui vise à passer, en 2029, sous le seuil des 3% de déficit comme l'a annoncé le Premier ministre, Michel BARNIER.

Ce seuil est celui qui nous permettra de stabiliser notre dette et donc de nous donner un horizon de désendettement.

La dette c'est enfin et surtout une question économique et sociale.

Nous payerons 50 Md€ d'intérêts cette année. Si nous ne faisons rien, ils deviendront le premier poste de dépenses de l'Etat. Concrètement, cela signifie que nous dépenserons plus d'argent pour rembourser nos emprunts que pour nos écoles, notre sécurité ou notre tissu économique. Je ne peux m'y résoudre.

Evidemment, ce sera difficile. Evidemment, cela implique de bousculer nos pratiques et notre façon de dépenser l'argent public. Mais c'est nécessaire.

Si nous ne le faisons pas, la prochaine crise sera douloureuse, et elle frappera d'abord les emplois et les petits salaires.

C'est pour cela que l'objectif premier de ce budget et de la trajectoire qui l'accompagne est de réduire notre déficit et de contenir notre endettement.

* Réduire la dette pour protéger l'économie

Cette réduction de nos déficits doit commencer dès maintenant.

C'est une nécessité pour protéger la signature de la France, et plus largement pour assurer notre stabilité économique.

Et c'est possible.

C'est possible si nous regardons en face la dépense publique. Elle est devenue la plus importante de l'Union européenne. Elle n'a fait qu'augmenter dans les dernières décennies et son efficacité doit nous interroger alors que nos dépenses pour les services publics augmentent et que les citoyens n'en sont pas plus satisfaits.

Simplification et réforme de l'Etat.

Maîtrise de la dépense de l'Etat, de la dépense sociale et de la dépense locale.

Maîtrise de l'ensemble des emplois publics.

Autant de postes à contrôler pour pouvoir dépenser mieux, investir dans la croissance et dans nos services publics de proximité.

C'est aussi le sens de ce budget qui protège nos leviers de croissance et de transformation.

C'est pour cela que l'effort que nous consentons et qui nous permettra d'atteindre un déficit de 5% en 2025 portera d'abord et majoritairement sur la baisse des dépenses plutôt que sur les prélèvements obligatoires, dans un des pays qui taxe déjà bien assez.

Ces efforts temporaires doivent être accompagnés de réformes de structure profondes nous permettant d'améliorer l'efficacité de nos dépenses publiques.

Ces réformes, elles sont engagées par ce projet de budget, qui propose un ensemble de mesures ambitieuses, identifiées par la revue de dépenses publiques engagée par le précédent gouvernement, permettant de recalibrer de nombreux dispositifs d'aides pour en améliorer l'efficacité, et de réduire les effectifs de l'Etat. Laurent Saint-Martin les présentera dans quelques minutes.

Avec Guillaume Kasbarian, ministre de la Fonction publique, de la Simplification et de la Transformation de l'action publique, et Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics,  nous engagerons un plan de simplification et de modernisation du service public, nous permettant de générer des gains durables d'efficacité tout en améliorant l'expérience des usagers et des entreprises, notamment par un recours écrit aux technologies numériques.

Je souhaite également que nous puissions améliorer la qualité de nos prévisions et de suivi de nos comptes. Il y a eu beaucoup d'interrogations concernant les écarts de prévision tant en dépenses qu'en recettes sur le budget de l'Etat en 2023 et 2024. Je souhaite que toute la transparence soit faite sur ce sujet.

Une mission IGF a rendu ses conclusions à l'été 2024 sur les causes des écarts constatés. Il reste maintenant à en tirer les conséquences opérationnelles dans l'organisation des travaux du ministère.

Je souhaite le lancement d'un plan d'action permettant d'améliorer la qualité et la transparence des prévisions de finances publiques, sur la base des propositions de la mission IGF rendues publiques en juillet 2024 et d'un diagnostic actualisé sur les écarts apparus entre prévision et exécution en 2024.

Un point d'étape sur le renforcement des outils et des procédures de prévision sera présenté avant la fin de l'année 2024 aux parlementaires.

Ce n'est qu'en ayant posé ce diagnostic et en ayant pris ces engagements que nous pouvons parler des prélèvements exceptionnels et temporaires qui seront nécessaires l'année prochaine pour réduire notre déficit.

Sur la fiscalité des entreprises

J'insiste sur le caractère temporaire de ces hausses d'impôts qui ne doivent pas pénaliser notre développement ni s'inscrire dans le temps.

Je souhaite aussi rappeler que les entreprises ont été soutenues à la fois face aux crises et dans leur croissance tout au long des 7 dernières années.

C'est dans cette perspective que nous proposons que les plus grandes entreprises, celles dont le chiffre d'affaires dépasse 1 Md€, paient un complément exceptionnel sur leurs profits. Cela représente 8Md€ pour 2025 et 4 Md€ pour 2026, et concerne 440 groupes.

C'est un effort important que nous demandons, nous en avons conscience, mais c'est un effort nécessaire et, je le répète, temporaire.

En responsabilité, devons également reporter la suppression de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Je n'ai pas changé d'avis sur cet impôt qui pénalise en particulier notre industrie. Cette baisse reprendra dans trois ans et nous l'inscrivons dans la loi, même si nous ne pouvons pas nous le permettre budgétairement aujourd'hui.

C'est aussi la raison pour laquelle nous poursuivons la trajectoire d'évolution du malus automobile, qui permet d'inciter les constructeurs français et étrangers à déployer en priorité une offre de voitures électriques sur notre territoire [500M€].

C'est enfin avec ce même objectif de verdissement que nous proposerons, par amendement, une hausse de la taxe sur les billets d'avions [1 Md€] et l'inclusion des jets privés dans le périmètre de celle-ci. L'augmentation sera mesurée mais il est normal que ceux qui voyagent beaucoup en avion contribuent davantage aux  investissements que nous devons faire pour la transition écologique.


Conclusion

En conclusion, même si l'outil fiscal est nécessaire à court terme pour rétablir nos comptes publics, pour rester crédibles vis-à-vis de nos partenaires européens et pour préserver notre modèle social, nous conservons notre doctrine en maintenant une politique de l'offre et un soutien ferme à l'activité.

En ce sens, dans le cadre du débat parlementaire, je m'y engage personnellement, chaque proposition documentée qui permettra de remplacer un euro de fiscalité par un euro d'économie sera instruite, et retenue chaque fois que ce sera possible.

Ce projet est, comme son nom l'indique, un projet. Un projet évidemment perfectible au vu de la situation politique et des délais de son élaboration. Il est désormais aux mains des parlementaires pour un débat que j'espère sincère et constructif.

Avec Laurent Saint-Martin, ministre chargé du budget et des comptes publics, nous sommes à la disposition de la représentation nationale. Soyons collectivement à la hauteur du moment.


Je vous remercie.


Source https://www.economie.gouv.fr, le 11 octobre 2024