Interview de Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine, à LCP le 15 octobre 2024, sur une nouvelle loi immigration en 2025, la cession d'une filiale de SANOFI qui fabrique le Doliprane, le budget 2025 et la politique du logement.

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Média : LCP Assemblée nationale

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Et notre invité politique ce matin, c'est Valérie LETARD, bonjour.

VALERIE LETARD
Bonjour.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être avec nous en tant que nouvelle ministre du Logement et de la Rénovation urbaine, on est ensemble pendant vingt minutes pour une interview en partenariat avec la presse régionale représentée par Stéphane VERNAY de Ouest-France. Bonjour Stéphane.

STEPHANE VERNAY
Bonjour Oriane. Valérie LETARD, bonjour.

VALERIE LETARD
Bonjour.

ORIANE MANCINI
On va évidemment, parler de vos dossiers, ils sont nombreux, les dossiers qui concernent le logement, mais quelques questions d'actualité pour commencer. Et d'abord, le Gouvernement qui a donc annoncé ce week-end une nouvelle loi immigration en 2025, ça fait moins d'un an que le Parlement s'est prononcé sur une loi immigration. Est-ce que c'est vraiment la priorité ?

VALERIE LETARD
Mais je pense que c'est un signal donné à une aspiration et une attente forte des Français qui pour une bonne partie, ont le sentiment qu'en fait, aujourd'hui, en France, il y a un problème autour de l'immigration, je pense que s'il y a un sentiment autour de l'immigration aujourd'hui est subie, plus qu'un sentiment et qu'elle n'est pas choisie, et qu'il est peut-être indispensable, en tout cas de regarder quelles sont les solutions complémentaires à apporter par la voie législative pour venir compléter l'arsenal dont on dispose déjà, mais de le faire de façon équilibrée parce que qui dit accélérer et être plus efficace dans la gestion des flux migratoires qui arrivent en étant peut-être, en réorganisant les capacités à instruire rapidement un dossier d'une demande d'entrée sur le territoire au titre de l'asile ou à d'autres titres, comment faire pour effectivement être au rendez-vous ? Mieux de l'instruction plus rapidement ? On sait qu'aujourd'hui c'est parfois difficile et de créer aussi tous les outils et tous les dispositifs pour y arriver, mais ça ne veut pas dire plus d'immigration, ça veut aussi dire, comme l'a rappelé le Premier ministre, qu'une immigration choisie, une immigration dont on a besoin pour le travail est aussi nécessaire qu'elle nécessite de regarder globalement cette question et ce sera bien l'objet d'un projet de loi que souhaite en même temps Bruno RETAILLEAU et notre Premier ministre, un projet exigeant mais aussi équilibré et qui nécessitera de marcher sur deux jambes.

STEPHANE VERNAY
C'est aussi un sujet qui irrite, qui divise, y compris au sein de la majorité, la nouvelle alliance. Est-ce que c'est quelque chose qui pourrait faire imploser l'alliance gouvernementale ? Quand on voit comment réagissent les uns et les autres autour du sujet.

VALERIE LETARD
Écoutez, imploser, je ne suis… Vous savez que je suis issu d'une famille centriste indépendante, UDI, que je suis une vraie humaniste, que pour moi la question de l'immigration, c'est une question qui doit se traiter de façon très équilibrée, ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas la traiter. Je pense qu'aujourd'hui, on a le devoir d'être exigeant et humain.

ORIANE MANCINI
Mais est-ce que la ligne de Bruno RETAILLEAU, elle est équilibrée pour vous ?

STEPHANE VERNAY
Est-ce qu'elle est partagée par tous les membres du Gouvernement ?

VALERIE LETARD
Je pense que chacun a son opinion. Certains se sont exprimés, Agnès PANNIE-RUNACHER, pour ne pas la citer, pour être très clair, mais je pense que chacun est légitime à avoir sa propre analyse pour autant, on appartient tous à un Gouvernement pluriel avec des sensibilités diverses et j'attends aussi du Premier ministre… Bruno RETAILLEAU est dans son rôle, il est là pour incarner l'autorité, ça ne veut pas dire qu'il n'y aura pas d'autres dispositions à prendre pour faire en sorte que, comme je vous dis…

ORIANE MANCINI
Donc, vous attendez un rééquilibrage de Michel BARNIER ?

VALERIE LETARD
Ce n'est pas un rééquilibrage, Michel BARNIER, dès sa déclaration de politique générale, a toujours été dans la logique de dire : « Exigeons, on a besoin d'une politique migratoire maîtrisée, contrôlée, ferme, mais humaine, et surtout une politique migratoire qui devra traiter de la question de l'immigration pour le travail, on aura besoin, comme dans tous les pays du monde aussi, qui sont dans des logiques de développement économique, de pouvoir répondre et de satisfaire à des questions de cette nature ».

ORIANE MANCINI
Stéphane, on dit un mot du DOLIPRANE ?

STEPHANE VERNAY
Oui, l'autre sujet du jour qui fâche tout le monde, c'est : " Faut-il vous bloquer la vente d'une partie du capital de la filiale de SANOFI qui produit le DOLIPRANE à un fonds de pension américain ? " et si oui, le peut-on vraiment et comment on fait ?

VALERIE LETARD
Je ne suis pas ministre de l'Économie, donc je ne vais pas rentrer dans les détails…

STEPHANE VERNAY
Mais vous avez sûrement un avis ? Tout le monde a un avis sur la question.

VALERIE LETARD
En tout cas, mon avis, c'est qu'aujourd'hui, Antoine ARMAND, a exprimé toutes les exigences qui seraient les siennes quant aux conséquences d'une telle décision. Effectivement, quant à l'approvisionnement qui devrait être maintenant de notre territoire, on a vécu le Covid, on a vécu les pénuries de médicaments, on connaît des pénuries de médicaments. Il faut effectivement que dans les discussions que portera Antoine ARMAND sur la production sur le territoire national, mais aussi sur l'approvisionnement garanti à l'avenir, en tout cas, à titre personnel, je l'ai entendu parler et pour ma part, j'ai défendu d'autres dossiers industriels lorsque j'étais parlementaire, évidemment qu'il faut être hyper exigeant sur les conséquences d'une telle décision. Le DOLIPRANE, c'est… Il n'y a pas une famille qui n'a pas recours à ce médicament, il est essentiel pour tout le monde. On a le devoir d'être ultra exigeants par rapport à ce qui va se passer, comment ? Je laisse à Antoine ARMAND le soin de faire ce travail.

ORIANE MANCINI
On va parler du budget qui a donc été présenté jeudi soir par le Gouvernement et ce ne sont pas seulement les plus aisés qui vont être mis à contribution, mais aussi les classes moyennes et modestes, avec la hausse de taxes sur l'électricité, une baisse du remboursement des dépenses de santé par l'assurance-maladie. Est-ce que vous cautionnez ça ?

VALERIE LETARD
Mais vous savez comme moi que pour faire un effort de soixante milliards d'euros, malheureusement, vous êtes tenu, y compris dans le budget qui est le mien, le logement et Dieu sait si je l'ai toujours défendu.

ORIANE MANCINI
On va en reparler.

VALERIE LETARD
Et on va en reparler, on est obligé d'agir sur tous les leviers. Alors, c'est évidemment un crève-coeur que de devoir le faire, mais je ne vous rappelle pas, chaque jour, vous le relayez et vous exprimez la situation qui est la nôtre. On a malheureusement ce devoir de remettre dans une trajectoire vertueuse le budget et les comptes publics pour pouvoir demain peut-être réinvestir et reprendre une trajectoire un peu plus normale que celle qu'on connaît aujourd'hui. C'est un exercice difficile, assez brutal, mais aussi qui est conforme aussi à la brutalité de la situation, qui s'est vraiment dégradée assez rapidement. Bien sûr que quand on touche aux dépenses de maladie, enfin, ce sont des choses qui tiennent à coeur de tous nos concitoyens. On a un système extraordinaire, il faut qu'il reste l'exception, peut être par rapport à un environnement mondial qui n'a pas la chance d'avoir un tel système. Pour autant, on a une exigence de devoir, peut-être en tout cas maîtriser ces dépenses et accepter de faire quelques efforts, mais il faudra toujours, et ça c'est là aussi mon opinion personnelle, faire attention à ce que pour certaines familles qui ont peut-être des revenus modestes, ça ne devienne pas une difficulté d'accéder aux soins à la santé et il faudra qu'on soit en capacité aussi d'évaluer à chaque fois les conséquences des décisions que nous sommes tenus de prendre, non pas par dogme, non pas, mais pas par pragmatisme parce qu'aujourd'hui, si on veut être au rendez-vous de l'exigence budgétaire, il faut aller dans ce sens, mais il faut qu'on soit attentif et qu'on soit capable d'évaluer les conséquences de tout ce que nous faisons chaque année d'ajuster, d'adapter, mais d'être toujours dans cette trajectoire effectivement vertueuse.

STEPHANE VERNAY
Là, vous avez parlé des soixante milliards d'efforts à trouver, quarante milliards de baisses des dépenses, vingt milliards de recettes supplémentaires. Il manque encore cinq milliards qui n'ont pas été fléchés. Le budget n'est pas tout à fait complet, où est-ce que le Gouvernement va les trouver ? Qu'est ce qui va, qu'est ce qui, sur quels leviers ? Est-ce vous avez des pistes ? Vous savez sur quoi, quels seront les amendements gouvernementaux ?

VALERIE LETARD
Là aussi, je laisse mes collègues en charge du budget vous exprimer cela. Je vous avoue que je ne connais pas et je n'ai pas approfondi cette question. Je leur laisse faire, mais je me charge déjà de mon budget et croyez-moi, j'ai fort à faire et je suis en mode combat pour l'instant pour essayer de faire en sorte, bien évidemment, de continuer à avancer sur ce sujet. Il y aura effectivement des demandes d'économies supplémentaires, des pistes, je ne doute pas qu'au niveau de mes collègues ministres en charge du Budget et de l'Économie, ils ont quelques idées sur la question, mais je pense que le débat parlementaire, on est dans un contexte politique et parlementaire inédit.

STEPHANE VERNAY
Alors, justement le débat parlementaire, vous attendez… Quelle sera l'ambiance autour de ce groupe, ce débat ? Je ne vous demande pas quelle sera l'ambiance au Sénat, ça, ça va, mais à l'Assemblée, vous vous attendez à quoi ? Ce sera constructif, intelligent, raisonnable ou ce sera… ?

VALERIE LETARD
Ce sera à l'image d'une Assemblée nationale d'abord, sans majorité absolue, une Assemblée nationale où il faudra et en tout cas, je l'espère, on trouve quand même, en tout cas sur un certain nombre de sujets, sur le, sur celui dont j'ai la charge, j'espère qu'on pourra trouver sur un certain nombre de pistes des consensus pour pouvoir coconstruire avec le Parlement.

STEPHANE VERNAY
Ça veut dire que le Gouvernement retiendra des amendements qui seront débattus, votés, y compris des amendements, des propositions de l'opposition ?

VALERIE LETARD
Dans le cadre du domaine qui est le mien, il faudra travailler avec le Parlement. Aujourd'hui, l'état du budget logement n'est pas satisfaisant, tel que déposé, des amendements gouvernementaux, mais aussi parlementaire viendront utilement le compléter.

ORIANE MANCINI
Quand vous dites qu'il n'est pas satisfaisant, c'est l'enveloppe qui vous est allouée qui n'est pas satisfaisante ou c'est la manière dont cela a été fléché ?

VALERIE LETARD
En quinze jours, en quinze jours, un budget du logement, vous ne le construisez pas et vous ne le transformez pas aussi rapidement que cela. Il y a des pistes qui ont été très clairement édictées par le Premier ministre qui a déjà décidé de créer un ministère du Logement de plein exercice qui n'est quand même pas arrivé depuis 2017. Il a clairement annoncé un certain nombre de pistes, dont par exemple le prêt à taux zéro sur tout le territoire pour les prix…

ORIANE MANCINI
On va y venir, on va y venir, mais vous, vous dites ce matin, comme Didier MIGAUD à l'heure actuelle : « Le budget de mon Ministère, il n'est pas satisfaisant ».

VALERIE LETARD
Il est le fruit d'une construction qui s'est faite pour bonne partie avant la nomination du Gouvernement. Il y a des choses qu'on n'a pu faire bouger dès la construction du budget, d'autres qui nécessitent une construction, un travail d'évaluation…

ORIANE MANCINI
Lesquelles alors ?

VALERIE LETARD
… En quinze jours. Là, par exemple, même sur le calibrage, le prêt à taux zéro n'est pas dans le budget initial, il est déposé parce qu'il faut le travailler, le calibrer, le construire, et on ne fait pas…

STEPHANE VERNAY
Alors qu'il était dans le discours de politique générale du Premier ministre ?

VALERIE LETARD
Mais parce que c'est une volonté du Premier ministre. On peut construire un budget en deux temps, un temps de présentation et un temps d'amendement.

STEPHANE VERNAY
Donc il va évoluer ?

VALERIE LETARD
Amendements gouvernementaux, mais ça peut être aussi des amendements parlementaires.

ORIANE MANCINI
Le prêt à taux zéro, vous savez combien ça va coûter, cette mesure ? Parce que ça n'a pas été clairement…

VALERIE LETARD
Elle dépendra, elle dépendra en fait de la construction qui sortira du Parlement, c'est-à-dire que, selon le public éligible aujourd'hui, nous souhaitons un prêt à taux zéro sur tout le territoire pour les primo-accédants. On le veut sur le neuf, individuel ou collectif, mais ça sera le fruit du débat, que veut le Parlement ? Et on veut véritablement là aussi voir dans quelles conditions, quelle construction et cette construction finale, qui se fera avec le Parlement, définira le coup final, mais globalement, c'est un coup qui s'étalera dans la durée et qui est tout à fait soutenable et qui…

ORIANE MANCINI
Ah, le Parlement vous suit, c'est-à-dire un prêt à taux zéro étendu sur tout le territoire dans le neuf pour les primo-accédants, ça coûte combien du coup ?

VALERIE LETARD
C'est un coût qui va s'étaler aujourd'hui, qui n'est pas chiffré précisément, en tout cas sur lequel on est en train de finaliser dans les deux à trois jours qui viennent, le montant final, mais qui est tout à fait supportable, étalé dans le temps et acceptable d'un point de vue budgétaire, et d'autant plus acceptable qu'à mon sens et pas qu'à mon sens, parce que j'ai longuement consulté avant de m'embarquer dans ses choix et dans ses propositions, et au côté du Premier ministre, on a largement consulté et aujourd'hui, on le voit bien dans tous les territoires, c'est attendu très fortement parce qu'il y a effectivement, pour des primo-accédants, aucune solution en dehors des zones tendues. Et là, on rouvre aussi une capacité à s'embarquer dans un retour aussi dans un soutien à la construction parce que ce qui nous manque aujourd'hui, c'est l'effort de construction à tous les étages de la fusée logement, parce que c'est la primo-accession, c'est le cadre du logement social, c'est l'investissement privé. Comment le libérer ? Comment redonner envie aux investisseurs d'aller plus loin ? Il y a plein de leviers, alors il y a des leviers financiers, il y aura des leviers, plus on va dire, qui pourront être portés par des initiatives parlementaires pour débloquer, par exemple, je pense à la proposition de loi d'Annaïg Le MEUR sur AIRBNB qui permettra aussi de libérer du locatif de longue durée, puisque vous savez qu'aujourd'hui on n'en trouve plus, il y a beaucoup d'initiatives réglementaires à regarder de près. En fait, les pistes, elles sont diverses, elles ne sont pas que budgétaires et c'est un énorme travail qui va démarrer à partir du moment où on aura posé notre budget, après, c'est travailler sur la durée.

STEPHANE VERNAY
Parlons-en des différentes pistes, parmi ces pistes, vous avez la volonté d'adapter le calendrier prévu pour le diagnostic énergétique des logements, le DPE, les fameuses… L'interdiction de location des passoires thermiques est reportée sine die ? Normalement, ça devait rentrer en vigueur au 1er janvier 2025 ?

VALERIE LETARD
En fait, comme vous le savez, au 1er janvier pour les catégories G qui sont en fait, puisque vous savez, si on fait un diagnostic de performance énergétique qui établit un calendrier à partir duquel pour les passoires thermiques les plus énergivores, au 1er janvier, vous ne pouvez plus normalement…

STEPHANE VERNAY
Mais ça, ça veut dire des logements qui sortent du marché, en fait, si on l'applique ?

VALERIE LETARD
Ça veut dire des logements qui peuvent sortir du marché, effectivement, si les travaux ne sont pas faits par le propriétaire.

STEPHANE VERNAY
Et c'est pour ça que vous voulez reporter ?

VALERIE LETARD
Qu'est-ce qu'a dit le Premier ministre ? Il ne dit pas « on supprime la loi climat, on supprime les exigences de rénovation thermique, puisque nous sommes tenus par l'Europe, on a un objectif 2050, on doit être au rendez-vous de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais on a un principe de réalité aussi et celui de dire : " Est-ce qu'on a créé toutes les conditions pour que ce calendrier soit soutenable ? ".

STEPHANE VERNAY
Et votre réponse aujourd'hui, c'est qu'on n'est pas prêt, en fait ?

VALERIE LETARD
Aujourd'hui, pour certaines catégories de logements, il faut revoir les choses. Je pense aux copropriétés, aujourd'hui, il y a quelque chose comme 250 000 logements en copropriété qui nécessitent un travail beaucoup plus construit, beaucoup plus long, beaucoup plus difficile avec les syndics de copro pour trouver les voies et moyens pour que tous les copropriétaires, certains occupants, certains d'ailleurs, soient en situation de pouvoir débloquer chacun pour eux.

STEPHANE VERNAY
À cela, vous leur donnez un délai de combien de temps ? Un an ? Deux ans ? Trois ans ?

VALERIE LETARD
On va travailler sur la base d'une initiative parlementaire qui avait été portée par Monsieur VUILLETET et qui va être repris par un député et qui permettra, en fait, de prendre quelques dispositions législatives, non pas pour supprimer le calendrier des passoires, mais de faire en sorte que de façon très pragmatique, on regarde quelles sont les situations et les copros en sont… Quelles sont les situations qui ne permettent pas d'être au rendez-vous de la catégorie G, enfin et des travaux de rénovation au 1er janvier et très honnêtement, les copropriétés, c'est difficile et…

ORIANE MANCINI
ET on va parler de Ma Prime Rénov' puisque les crédits alloués à Ma Prime Rénov' sont rabotés dans ce budget. Ça veut dire que l'écologie n'est pas une priorité ?

VALERIE LETARD
Non, ça veut dire qu'aujourd'hui, toujours dans l'effort à consentir et en prenant à la consommation, on fait des crédits qui a été réalisés en 2024, il s'avère qu'il y a eu une sous-consommation des crédits et que, en fait, on va avoir plus de crédits qu'en 2023. 2024, il y avait une forte augmentation, mais il y a eu une sous-consommation des crédits, Ma Prime Rénov' de plus d'un milliard d'euros. Et forcément, quand vous êtes dans une situation budgétaire difficile et que vous voyez qu'il y a une sous-consommation pendant une année, ça ne veut pas dire qu'il y en aura pas plus cette année, n'y aura pas une dynamique dans l'effort global qui a été demandé, en fait, on ne va pas avoir moins de crédits qu'en 2023, on en a plus qu'en 2023, on en a moins qu'en 2024, mais très objectivement, une enveloppe de crédits qui, en 2024, n'avait pas fait l'objet d'une consommation, peut-être qu'il faudra la réajuster, mais ce qui nous importait, nous, ce qu'on a entendu comme message, par exemple des acteurs de l'artisanat et du bâtiment, c'est : " S'il vous plaît, ne changez pas les règles du jeu ", parce que ce qui avait aussi été une difficulté en 2024, c'est que, en cours de route, on avait changé les règles du jeu. Donc, aujourd'hui, mon combat et ce n'est pas un combat législatif, c'est un combat qui est plus sur l'organisation, en fait, de Ma Prime Rénov', des critères qui seront utilisés, qu'on entende le message délivré par les acteurs du secteur, c'est-à-dire : " Restons sur la possibilité d'avoir un mono geste et un accompagnateur qui permet d'aller vers la rénovation globale et d'avoir des gestes successifs qui peuvent se faire en fonction de la situation financière des bénéficiaires, parce que tous ne peuvent pas aller directement vers la rénovation globale ".

ORIANE MANCINI
On parle de la crise du logement, Stéphane ?

STEPHANE VERNAY
Alors, juste avant, enfin, je voulais profiter du… Parmi les leviers qui permettent de relancer la construction, vous disiez : " Pour les professionnels, on ne change pas les règles ", il y a un levier que le Premier ministre a mis sur la table pour relancer la construction, c'est : " Assouplir, transformer, modifier le dispositif Zéro artificialisation nette, le ZAN ". Le paradoxe, c'est que c'est vous qui avez porté le ZAN, vous étiez au coeur de la Commission mixte paritaire qui a permis à la loi d'être adoptée, etc.

VALERIE LETARD
Alors, si vous vous souvenez bien, je n'ai pas porté le ZAN. Le ZAN, c'est la loi climat. En fait, dans la loi climat, il y avait trois dispositions législatives.

STEPHANE VERNAY
Oui, mais le projet de loi, c'est quand même vous qui l'avez…

VALERIE LETARD
La proposition de loi, elle a été portée par une commission spéciale transpartisane et elle visait à quoi ? Exactement, ce qu'on dit aujourd'hui, premier étage de la fusée : comment accorder des délais ? Comment assouplir les règles du jeu ? Et c'était l'étape 1 qui avait été portée par le Parlement sur comment mieux assouplir, comment adapter en fait au fossé qui existait entre le texte initial qui avait été peu construit, on va dire, avec les collectivités et la réalité…

STEPHANE VERNAY
Qui passe très mal.

VALERIE LETARD
Premier étage à l'époque, le Parlement est allé jusqu'au bout de ce qui était possible sans avoir une commission mixte qui soit infructueuse. Parce que si on allait plus loin à ce moment-là, dans les adaptations et les assouplissements… Souvenez-vous, on a sorti des projets d'intérêt nationaux pour qu'ils n'impactent pas les territoires. On a élargi un peu les délais aussi de mise en oeuvre des documents d'urbanisme. On a pris toute une série de dispositions qui avaient assoupli déjà. Aujourd'hui, on se rend compte…

STEPHANE VERNAY
Pour aller encore plus loin dans l'assouplissement.

VALERIE LETARD
Mais on le savait déjà, lorsqu'on a porté ce texte. Aujourd'hui, il s'avère que le Premier ministre entend les collectivités. Mais je partage puisque je suis aussi élue territoriale et que j'ai toujours combattu, non pas la suppression d'un objectif de sobriété foncière qu'il faut absolument défendre…

STEPHANE VERNAY
Donc, il n'est pas question d'abroger le dispositif ?

ORIANE MANCINI
Oui, mais est-ce qu'il le faut renoncer aux objectifs chiffrés ?

VALERIE LETARD
Ecoutez, moi, un, je vais écouter ce que les travaux parlementaires du Sénat ont produit. Et je vais recevoir monsieur BLANC et monsieur CAMBIER pour qu'ils nous expliquent où ils en sont, quelles sont leurs préconisations. Nous travaillons de notre côté avec Catherine VAUTRIN qui, sur ce sujet-là, sera investie. Moi, je vais regarder l'aspect logement et foncier. Vous imaginez bien que, très concrètement, quand vous regardez par exemple les enjeux industriels qui sont en train de se développer dans les Hauts-de-France, d'où je suis originaire, à Dunkerque, à Douai ou ailleurs ; quand vous créez des milliers d'emplois, vous avez besoin de logements.

ORIANE MANCINI
Aujourd'hui, pas non pour renoncer aux objectifs chiffrés ?

VALERIE LETARD
Ce n'est pas renoncer aux objectifs chiffrés, c'est de regarder comment on peut créer des dispositions qui permettent de ne pas être dans l'impasse par exemple, pour produire du logement et trouver du foncier ? Comme on y arrive ? Il y a peut-être différentes solutions et dispositions. On est en train de s'y pencher. Mais avant de s'embarquer dans des propositions toutes faites, je préfère que nous écoutions tous ceux qui ont travaillé et auditionné.

ORIANE MANCINI
Stéphane.

STEPHANE VERNAY
Gabriel ATTAL, l'ancien Premier ministre, avait annoncé un plan national en février pour construire 30 000 logements neufs supplémentaires sur trois ans, si je me souviens bien. Est-ce qu'il a eu le temps de le déployer, ce plan ? Et si ce n'est pas le cas, est-ce que vous reprendrez en l'état ?

VALERIE LETARD
Ecoutez, pour le reprendre en état, il faut que les finances soient au rendez-vous. Moi, ce que j'essaye de faire pour l'instant, c'est de créer les conditions pour qu'au travers du PTZ…

ORIANE MANCINI
Le prêt à taux zéro.

VALERIE LETARD
…qu'au travers d'autres initiatives parlementaires qui seront prêts… peut-être en lien avec le Parlement. Aujourd'hui, le Pinel s'est éteint. C'était programmé. On savait très bien, le Pinel est un objet qui est arrivé en fin de parcours. Par quoi le remplace-t- on ? Comment on incite à la production de logements et d'investissements privés ? Il y a plusieurs pistes, il y a plusieurs parlementaires qui, aujourd'hui, travaillent sur des amendements qui permettraient de redonner une dynamique à l'investissement privé. On ne peut pas produire de logements sans l'intervention du privé mais aussi des bailleurs sociaux. On a vraiment besoin d'agir à tous les niveaux de la chaîne et bien évidemment, avec les bailleurs sociaux, avec le monde de l'USH, il faut qu'on continue à progresser. Vous savez qu'on a indexé la RLS, c'est-à-dire qu'on reprenait encore la réduction de loyer, de solidarité dans le budget initial. Nous déposons un amendement pour désindexer la RLS. Le débat parlementaire ira peut-être plus loin. En tout cas, nous verrons. Mais faisons en sorte, encore une fois, que pour chaque bailleur, on recrée des conditions qui permettent de continuer l'effort. On le sait ; on est à un moment où la crise est très forte parce qu'on a eu des taux d'intérêt qui n'étaient pas favorables. En fait, c'est une conjonction d'étoiles, de mauvaises étoiles qui se sont additionnées pendant plusieurs années.

ORIANE MANCINI
Justement, il y a des débats parlementaires qui étaient lancés avant la dissolution. Il y a notamment un texte logement qui a été présenté en conseil des ministres au mois de mai. Qu'est-ce qu'ils vont devenir, ces textes ?

VALERIE LETARD
Mais écoutez, d'abord, il ne vous a pas échappé qu'entre le texte logement qui a été déposé et aujourd'hui, il y a eu des élections, il y a un autre parlement et une autre assemblée qu'on va regarder effectivement, parce qu'il y avait plein de bonnes choses dans ces textes. Quelles sont les choses qui peuvent faire l'objet d'un passage dans les deux assemblées ? Comment on construit un texte qui peut faire l'objet d'un consensus général entre tous les groupes politiques ? Parce que je suis convaincue que sur le logement, on peut y arriver. Mais regardez quels pourraient être les irritants, quels pourraient être les sujets sur lesquels…

ORIANE MANCINI
Dans ces textes, il y avait notamment une modification de la loi SRU pour intégrer des logements intermédiaires dans les quotas de la loi SRU. Est-ce que ça, vous allez le reprendre ?

VALERIE LETARD
On va regarder. Moi, je consulte tous les parlementaires. Si, en mettant une disposition qui peut être un irritant fort, on met en péril toutes les autres mesures qui sont dans un texte dans lequel il y a énormément de choses utiles pour trouver un équilibre financier et trouver les moyens de transformer l'économie générale du logement par des dispositions très utiles et très attendues par le monde du logement, il faut faire attention qu'une disposition qui est un totem auquel chacun tient…

ORIANE MANCINI
Pour vous, c'est un irritant, la vérification de la loi SRU ?

VALERIE LETARD
Ça fait partie des sujets sur lesquels je… Si je veux être responsable et faire en sorte que le texte de loi continue, je dois consulter, je dois faire en sorte de m'assurer qu'effectivement, le projet de loi que nous pourrions construire avec l'ensemble des parlementaires, mais aussi avec l'ensemble des acteurs du secteur du logement, puisse prospérer et aboutir. Vous savez bien qu'aujourd'hui, un texte de loi, pour le faire aboutir dans les deux chambres, ce n'est pas la même configuration et ça n'a pas la même donne que ce qui se passait précédemment. Pour autant, on peut réussir.

ORIANE MANCINI
Un dernier mot sur un autre sujet, puisque le Sénat a remis, la semaine dernière, un rapport sur les femmes sans-abris. Il demande notamment ce rapport : 10 000 places d'hébergement pour les femmes. Est-ce que vous allez accéder à cette demande ?

VALERIE LETARD
Ecoutez ; là aussi, je peux vous dire que d'ores et déjà… Bon, vous savez que sur l'hébergement d'urgence, globalement, on a aujourd'hui 203 000 places ouvertes. On a, en quelques années, triplé le budget de l'hébergement d'urgence, qui atteint aujourd'hui 3 milliards d'euros. On a déjà un combat à mener pour maintenir cette ambition, ce financement, qui est vraiment considérable et sur lequel nous travaillons pour permettre, justement, des parcours accompagnés pour sortir d'ailleurs, le logement d'abord, qui est un dispositif qui permet de sortir de l'hébergement d'urgence pour emmener vers des logements adaptés. On a des pensions de famille, on a des outils, des résidences qui sont construites pour permettre la sortie progressive de l'hébergement d'urgence. Nous avons d'ores et déjà 11 000 places qui sont réservées aux femmes victimes de violences conjugales. Et on a à peu près 3 000 places, il me semble, pour des femmes qui sortent en fait du secteur hospitalier, maternité et… En tout cas, sur des places dédiées. L'effort, il est déjà considérable. Après, on a une offre globale de places qui permet de regarder sans pour autant augmenter, quelles sont les solutions pour faire en sorte qu'on ait des outils plus adaptés et plus ciblés pour des femmes victimes. En tout cas, il faudra faire preuve d'intelligence et d'efficacité. Et s'il y a bien un sujet qui me tient à coeur, ce sont les femmes victimes de violences pour m'y être très personnellement impliquée. Et vous imaginez bien que les attentes et les demandes, on va les regarder avec beaucoup d'attention et trouver les voies et moyens, dans un exercice contraint, de pouvoir faire en sorte que ces femmes, elles, ne restent pas sans réponse.

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup. Merci Valérie LETARD. Merci d'avoir été notre invitée.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 octobre 2024