Interview de M. Marc Ferracci, ministre délégué, chargé de l'industrie, à France Info le 17 octobre 2024, sur le conflit au Proche-Orient, la cession de 50% de la filiale OPELLA qui produit le Doliprane, les défaillances d'entreprise, le budget 2025, la commission d'enquête concernant le dérapage des déficits publics et la question migratoire.

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Intervenant(s) : 

Média : France Info

Texte intégral


BENJAMIN FONTAINE
Bonjour Marc FERRACCI.

MARC FERRACCI
Bonjour.

BENJAMIN FONTAINE
Yahya SINWAR, le chef du Hamas est mort hier, tué par l'armée israélienne. C'était le cerveau des attentats du 7 octobre. Est-ce qu'il faut, comme Joe BIDEN, féliciter Benyamin NETANYAHOU ?

MARC FERRACCI
Il faut d'abord constater que c'est un événement majeur. C'est peut-être un tournant, mais ça, l'avenir nous le dira. Et Yahya SINWAR était un criminel. C'est, vous l'avez dit, l'architecte du massacre du 7 octobre et c'était surtout un obstacle à la paix. Et de ce point de vue, effectivement, sa disparition ouvre une perspective. Moi, je ne distribue pas les bons points, surtout en matière diplomatique.

BERENGERE BONTE
Mais vous considérez que c'est une victoire pour Benyamin NETANYAHOU ?

MARC FERRACCI
C'est une ouverture vers quelque chose qui peut mener à la désescalade et à la paix. Je pense que c'est surtout une bonne nouvelle pour le peuple israélien et également pour les habitants de Gaza, parce que je considère que le Hamas a, en réalité, beaucoup fait souffrir Gaza.

BERENGERE BONTE
Quelles seraient les raisons de croire que Benyamin NETANYAHOU pourrait réellement faire taire les armes ? Il dit toujours qu'il a sept fronts en cours. On a un peu, un peu de mal à imaginer qu'il s'arrête là.

MARC FERRACCI
Vous savez, le peuple israélien, je pense, veut la paix. Et à un moment ou un autre, il faut engager un processus sur le dialogue avec des interlocuteurs avec qui on a été, pendant des années et des décennies, en conflit. C'est ça la paix, c'est un effort. Moi, je pense qu'à un moment ou à un autre, Israël se mettra dans cette recherche de paix. Aujourd'hui, Benyamin NETANYAHOU n'est pas dans cette démarche puisqu'il est ouvert, vous l'avez dit, à un certain nombre de fronts.

BENJAMIN FONTAINE
Et parce qu'il se maintient au pouvoir grâce à la guerre aussi.

MARC FERRACCI
Effectivement. Mais moi, il me semble que derrière cet événement qui a eu lieu hier, il y a une opportunité. Et j'espère que l'ensemble de la société israélienne mettra un point d'honneur à essayer de la saisir.

BERENGERE BONTE
Alors, il faut qu'on dise un mot de la mise au point qu'a fait Emmanuel MACRON, hier soir, depuis Bruxelles toujours, qui dénonce un manque de professionnalisme des ministres et des journalistes qui auraient déformé, dit-il, ses propos sur Israël en conseil des ministres qui a provoqué – on le sait - une polémique ces derniers jours. On va rappeler de quoi il était question. Et puis, vous nous direz ce que vous avez entendu puisque vous étiez à ce conseil. Il disait que Benyamin NETANYAHOU ne doit pas oublier que son pays a été créé par une décision de l'ONU et il exhortait, Benyamin NETANYAHOU, à ne pas s'affranchir des décisions de l'ONU ; propos qui ont été confirmés par plusieurs ministres. Que dit-il lors de ce Conseil ?

MARC FERRACCI
Je n'étais pas à ce conseil parce que je suis ministre délégué.

BERENGERE BONTE
Ça, ce n'est pas de chance.

MARC FERRACCI
Et seuls les ministres de plein exercice sont présents au Conseil des ministres. Ce n'est pas une manière d'esquiver votre question, mais moi, vous savez, je pense que les propos…

BERENGERE BONTE
Ces propos ont été déformés, effectivement ?

BENJAMIN FONTAINE
On vous les a rapportés à vous ?

MARC FERRACCI
Je n'ai eu de ces propos que ce qui en a été relaté par la presse. Et j'ai été assez surpris…

BERENGERE BONTE
Vous en avez parlé entre vous. Pardon mais… avec les autres ministres.

MARC FERRACCI
Depuis deux jours, vous savez…

BERENGERE BONTE
Même si vous avez beaucoup de dossiers en cours, je sais.

MARC FERRACCI
Je pense qu'on va en parler. Mais pour répondre à votre question, c'est quand même une phrase qui est isolée, qui est sortie d'un contexte qui n'est pas inscrite dans un raisonnement global…

BERENGERE BONTE
Oui, mais c'est un propos clair.

MARC FERRACCI
Et de ce point de vue, pardonnez-moi… Et de ce point de vue, je pense qu'il faut faire extrêmement attention, quand on est commentateur, à ne pas donner une substance à des phrases qui sont sorties de leur contexte. La réaction du Président, moi, je la comprends. Je la comprends véritablement parce que cette pratique qui consiste à faire du off… Parce que du off, vous savez citer des choses de manière anonyme, c'est une pratique qui n'est pas très responsable.

BERENGERE BONTE
Y compris quand plusieurs le confirment ? Quand plusieurs ministres le confirment ?

MARC FERRACCI
Mais quels ministres l'ont confirmé ?

BENJAMIN FONTAINE
Donc, plusieurs de vos collègues ne sont pas responsables si c'est eux qui ont fait du off.

MARC FERRACCI
A un moment ou un autre, il faut assumer ses propos et assumer la manière dont on sort des propos dans le contexte qui est le Conseil des ministres dans lequel les échanges n'ont pas vocation à sortir de manière extensive. Moi, j'en appelle à la responsabilité sur ces sujets-là, parce que…

BENJAMIN FONTAINE
De vos collègues ?

MARC FERRACCI
Les sujets sont… A la responsabilité de tout le monde. A la responsabilité de ceux qui extraient des propos du Conseil des ministres en les sortant de leur contexte, à la responsabilité des commentateurs et des journalistes, à la responsabilité de tout le monde parce que les enjeux sont très lourds. Vous l'avez vu, il y a des réactions diplomatiques. Il y a un certain nombre de conséquences à ce type de propos. Et je pense qu'on a besoin sur ce sujet, d'abord de sérénité et de rappeler quand même, sur le fond, que la défense d'Israël, la défense du droit d'Israël à se défendre, c'est une constante de la diplomatie française depuis des décennies. Et ça, ça ne change pas.

BERENGERE BONTE
Juste d'un mot et après on parle de SANOFI. Mais un Président de la République qui appelle à la responsabilité les ministres, on a envie d'appeler ça une cohabitation quand même.

MARC FERRACCI
On sait que la situation politique est une situation inédite, particulière. Il y a, autour de la table du Conseil des ministres, des hommes et des femmes qui n'ont pas la même histoire politique, qui ne sont pas issus de la même famille politique. Et il est évident que ça n'est pas une situation habituelle pour le Conseil des ministres. Donc ça, il faut en tenir compte. Mais la notion de responsabilité, encore une fois, c'est une notion qui touche au fond à une forme d'honnêteté intellectuelle. L'honnêteté intellectuelle, ça consiste à exposer les propos quand on les expose en l'assumant, c'est-à-dire en l'assumant de manière ouverte et pas anonyme. Et ensuite, ça consiste également à les replacer dans un raisonnement global et pas à ne pas les sortir de leur contexte.

BENJAMIN FONTAINE
Marc FERRACCI, on en vient donc à vos dossiers, au coeur de votre ministère, vous qui êtes en charge de l'industrie. Le dossier SANOFI a connu un petit coup de théâtre hier, puisque le candidat français, le fonds PAI qui n'avait pas été retenu par SANOFI pour racheter 50% de la filiale OPELLA qui produit le fameux Doliprane, a mis 200 millions d'euros de plus sur la table hors délai. C'est grâce à vous ?

MARC FERRACCI
Absolument pas.

BENJAMIN FONTAINE
Ce n'est pas votre action ?

MARC FERRACCI
Le Gouvernement n'intervient pas sur les offres. Les offres sont formulées par des fonds en l'occurrence. PAI n'est pas tout seul dans cette affaire. Vous avez dit que c'est effectivement un fonds français, mais il est accompagné d'autres fonds étrangers. Moi, je ne commente pas les offres.

BENJAMIN FONTAINE
Mais SANOFI se dit surpris. Et dans cette surprise, on comprend qu'il y a peut-être eu une action derrière quelqu'un qui aurait poussé, peut-être pour que le français remette un peu d'argent.

MARC FERRACCI
Non, absolument aucune du côté du Gouvernement.

BERENGERE BONTE
Et en tout cas ça pose question. Quand vous la regardez, cette nouvelle ?

MARC FERRACCI
Cette offre est une question qui se pose à SANOFI, qui se pose à OPELLA, qui ne se pose pas au Gouvernement. Nous, nos objectifs ne dépendent pas de cette offre. Nos objectifs, c'est de garantir la sécurité d'approvisionnement en médicaments des Français, c'est de garantir l'empreinte industrielle, c'est-à-dire à la fois le maintien de l'emploi mais aussi le maintien de la recherche et développement, le maintien des relations avec les sous-traitants. C'est très important la relation avec les sous-traitants, parce que, vous le savez, la relocalisation du paracétamol, on parle du Doliprane, le médicament phare de SANOFI… La relocalisation du paracétamol va avoir lieu. Elle a été annoncée par le Président de la République après le Covid. Elle va commencer en 2025. Et il est très important que la relation avec l'entreprise qui va produire du paracétamol qui est le principe actif, eh bien, elle soit sécurisée. Tout ça, ce sont nos objectifs en tant que Gouvernement. S'agissant des offres, c'est une affaire d'investisseurs, c'est une affaire de choix privés. Et encore une fois, nous, nous regarderons à la fin ce qui sera signé et nous imposerons des engagements et surtout des leviers pour les faire respecter sur la base d'un accord qui sera signé.

BERENGERE BONTE
Qu'est-ce que vous pouvez faire ? Que peut faire l'Etat pour empêcher que le Doliprane ne passe sous bannière américaine ? Puisque quand vous avez ce mot de souveraineté sanitaire de la France aussi à la bouche depuis quelques jours et toute la classe politique aussi d'ailleurs. C'est ça le coeur du sujet. A l'initiative de Philippe BRUN, 130 parlementaires socialistes appellent l'exécutif à se saisir du décret Montebourg de 2014, que vous connaissez par coeur, qui soumet à autorisation préalable toutes les cessions en fait de secteurs d'activité stratégiques, y compris en santé publique. Vous pourriez la bloquer, cette vente ?

MARC FERRACCI
Techniquement, oui.

BERENGERE BONTE
Est-ce que vous allez la bloquer, cette vente ?

MARC FERRACCI
Le cadre de l'autre rôle dans le cadre de contrôle dans lequel nous nous situons est effectivement ce cadre-là. La possibilité est offerte dès lors qu'un certain nombre d'intérêts stratégiques de la nation sont mis en question, de bloquer une vente. Nous, nous ne bloquons pas par principe, nous exigeons un certain nombre d'engagements qui sont absolument essentiels. Et je vous les ai rappelés il y a un instant. Ce qui est important, c'est de faire en sorte que ces engagements soient respectés. Et moi, je suis d'abord soucieux que les engagements soient des engagements écrits et pas simplement des engagements oraux des dirigeants de SANOFI et d'OPELLA. Et puis, plus généralement, je suis soucieux que des leviers existent. Parmi ces leviers, il y a d'abord le fait effectivement, en cas d'engagements insuffisants, de pouvoir bloquer la vente, c'est une possibilité technique, donc rien n'est exclu à cet égard. Il y a le fait d'inscrire dans l'accord des sanctions en particulier pécuniaires, et ça aussi, ça fera partie de l'accord qui sera négocié et signé, sans lequel…

BERENGERE BONTE
Pardon mais, sanction si quoi, engagement à quoi ?

MARC FERRACCI
Sanctions si des engagements sur le maintien de l'emploi, par exemple, ne sont pas respectés ; si des engagements sur le maintien de la RMI en France ne sont pas respectés ;si des engagements sur les volumes produits ne sont pas respectés. Tout ça peut faire partie d'un accord et ça a vocation à en faire partie…

BENJAMIN FONTAINE
Pour qu'on soit clair, vous mettez des objectifs et vous dites si ces objectifs ne sont pas respectés au bout de je ne sais pas combien d'années, sanction ?

MARC FERRACCI
Voilà. Ça fait également partie de l'accord que de fixer des délais durant lesquels les engagements sont valables…

BENJAMIN FONTAINE
Ça n'avait pas fait peur à ArcelorMittal à l'époque ?

MARC FERRACCI
Oui, mais vous savez, chaque dossier d'abord, est différent. Et ensuite, le contexte, vous le voyez… D'ailleurs, la raison pour laquelle nous en discutons, c'est que le contexte est un contexte extrêmement symbolique, dans lequel il y a beaucoup d'investissement politique et dans lequel nous nous devons, nous, en tant que Gouvernement, d'être très exigeants sur les engagements et aussi sur les leviers pour les faire respecter donc sur les sanctions.

BERENGERE BONTE
Vous parliez d'engagement et de contreparties, qu'il n'y ait pas de contreparties à ce fameux crédit impôt recherche qui fait débat pour d'autres raisons. Mais SANOFI en a reçu un peu plus d'un milliard en dix ans. C'est un rapport du Sénat du début de l'année, de la sénatrice communiste Laurence COHEN. Ils font, aujourd'hui… La filiale OPELLA fait 6,3% de croissance, fait 5 milliards de chiffre d'affaires. Ça pose question quand même, non ? Est-ce qu'il ne faut pas des contreparties et notamment en termes de maintien en France et puis de… Je ne sais pas… Au nom de la souveraineté nationale, le maintien dans le giron français ?

MARC FERRACCI
Alors d'abord, la première des contreparties aux aides comme celle que vous venez d'indiquer, le crédit impôt recherche, c'est de consentir des investissements en matière de R&D. Et donc il y a quelque chose qui est mesurable, qui est quantifiable. Ce sont les investissements qui sont consentis. Ensuite, moi, je vais vous dire, j'assume d'aider les entreprises et en particulier les entreprises industrielles, à se développer, parce que tous nos concurrents le font, et le font parfois de manière beaucoup plus massive que nous. Ils le font depuis des années. Nous, nous avons engagé, depuis maintenant sept ans, un processus qui a amené à la réindustrialisation, qui a amené au retour de l'emploi industriel en France. On crée des emplois alors qu'on en détruisait, on rouvre des sites alors qu'on enfermait de manière nette. Et donc, à un moment ou à un autre, il faut savoir ce qu'on veut. Nous, ce que nous souhaitons, c'est tenir au fond deux objectifs : protéger l'emploi existant et la recherche existante. Et c'est ce que nous allons faire avec les engagements que nous allons demander à SANOFI. Mais aussi faire en sorte que des emplois se créent dans les années et les mois prochains, faire en sorte que les investissements soient consentis et donc on ne doit pas, on ne doit pas dissuader…

BERENGERE BONTE
Là, aussi, il y avait des objectifs chiffrés ?

MARC FERRACCI
On ne doit pas dissuader. Je n'ai pas d'objectif à vous donner sur ce que va être l'investissement ou les investissements étrangers en France dans les prochaines années. Mais en tout cas, nous avons un cap. Ce cap, nous n'avons pas vocation à en dévier. Ce cap, c'est celui d'une politique favorable à l'offre, c'est celui d'une politique favorable aux investissements industriels. Et pour ça, je pense qu'il ne faut pas remettre en question un certain nombre de principes, parmi lesquels celui d'aider. Vous savez, il n'y a pas que des grandes entreprises qui bénéficient du crédit impôt recherche, il y a aussi des PME, il y a aussi des ETI. Et donc, à un moment ou à un autre, il faut savoir quels objectifs on poursuit. Nous, nous poursuivons un objectif qui est de créer de l'emploi dans ce pays, et de l'emploi industriel en particulier.

BENJAMIN FONTAINE
Pour terminer sur Doliprane, sur SANOFI, Marc FERRACCI, est-ce que vous dites aujourd'hui justement à SANOFI, l'offre de PAI est à étudier, à reconsidérer et faites-le ?

MARC FERRACCI
Encore une fois, cette offre qui est intervenue hors des délais prévus. Cette offre est une question pour SANOFI. Nous, ce qui nous intéresse, c'est que le projet qui vient sur la table fasse l'objet d'un certain nombre de garanties pour la souveraineté, pour la sécurité sanitaire…

BENJAMIN FONTAINE
Donc PAI de toute façon ?

MARC FERRACCI
Et pour le maintien de l'emploi.

BERENGERE BONTE
Et si leurs garanties sont supérieures ce qui est ?

MARC FERRACCI
Ce n'est pas à moi d'en décider, ce n'est pas à moi d'en décider.

MARC FONTAINE
Marc FERRACCI, vous restez avec nous. On vous retrouve dans quelques instants. On parlera notamment de l'état des entreprises françaises, ce sera juste après le fil info sur France Info à 8 h 45 avec Claire CHECAGLINI.

(…)

BERENGERE BONTE
Et Marc FERRACCI, ce matin ministre de l'Industrie, 64 500 défaillances d'entreprise sur les douze derniers mois, selon BPCE, les chiffres du cabinet ALTARES sont à peu près identiques, 66 000 pour l'année en cours. On est pratiquement au niveau des records de la crise des subprimes de 2009. Qu'est-ce qui vous inquiète le plus là-dedans ? Si on rentre dans le détail, ça concerne par exemple beaucoup plus qu'avant, plus de la moitié des entreprises menacées ont plus de dix ans, des entreprises anciennes, des entreprises plus grandes, des entreprises plus solides. Comment ça s'explique ?

MARC FERRACCI
Effectivement, il y a des chiffres qui manifestent une dégradation aujourd'hui sur les défaillances, sur un certain nombre de dossiers spécifiques et en particulier de dossiers industriels. Bon, il y a un phénomène de rattrapage quand même. Il y a eu beaucoup moins de défaillances pendant et dans les années qui ont suivi la crise Covid parce qu'on a beaucoup aidé les entreprises, il y a eu les prêts garantis par l'Etat, il y a eu beaucoup d'aide. Et de ce point de vue, il n'est pas anormal qu'on constate aujourd'hui un renforcement des défaillances, mais vous avez également des problèmes un petit peu plus structurels et je vous parle en particulier de l'Industrie. Ces problèmes structurels, ce sont par exemple la compétition extrêmement féroce que mènent des pays comme la Chine sur des filières comme la chimie, sur des filières comme l'automobile, qui mettent en tension l'ensemble de la filière et qui mettent en particulier les fournisseurs, je pense en particulier aux équipementiers automobiles, sous une pression extrêmement forte en termes de coûts, et il y a effectivement un certain nombre de dossiers qui sont sur la table avec potentiellement des destructions d'emplois. Mais ce que je veux dire, c'est qu'il y a aussi sur le volet industriel des perspectives qui sont positives. Les perspectives positives, c'est qu'il y a une transition qui est en train de se faire vers le vert, le véhicule électrique, en particulier dans la filière automobile, c'est ce que j'ai pu constater au Salon de l'auto encore hier, j'y ai passé la journée, c'est assez enthousiasmant parce que vous avez de nouveaux emplois qui se créent. Les projections, elles nous disent quoi ? Elles nous disent que les emplois vont être détruits, en particulier dans la filière automobile, du fait de cette transition, mais des emplois, en nombre à peu près équivalents devraient être créés. Donc, ce que nous avons besoin d'assumer, c'est face à ce phénomène de défaillance, face à ce phénomène de destructions d'emplois, c'est la transition : comment est-ce qu'on forme les gens ? Comment est-ce qu'on leur donne des compétences ? Comment est-ce qu'on reconvertit des sites industriels ? Et c'est justement ce que nous sommes en train d'essayer de faire.

BERENGERE BONTE
Juste pour rester sur les défaillances quand même, dans ce contexte, est-ce que la baisse des allégements de charges patronales qui est prévue dans le budget 2025 et qui inquiète les entreprises, notamment la CPME, était indispensable ?

MARC FERRACCI
Indispensable. Vous le savez, on a un budget qui est un budget difficile…

BERENGERE BONTE
Est-ce que c'était le bon moment de budget d'augmenter ça ?

MARC FERRACCI
Il n'y a jamais de bon moment pour augmenter la charge fiscale ou sociale sur les entreprises ou sur les ménages d'ailleurs.

BERENGERE BONTE
Donc, vous le regrettez ?

MARC FERRACCI
Donc, ce que je dis, c'est que c'est un budget qui est difficile, dans lequel nous devons faire des choix. Il y a soixante milliards d'euros d'économies à faire et la copie qui est sur la table et qui est en train d'être discutée par la Commission des finances de l'Assemblée nationale est une copie qui est amendable. Et d'ailleurs, les députés de la Commission des finances ne se privent pas de l'amender. Elle est amendable et moi, ce que je souhaite, pour répondre à votre question, c'est que des initiatives soient regardées si elles émanent de parlementaires pour revoir les équilibres, par exemple, faire en sorte que les exonérations de charges soient un peu mieux préservées, c'est-à-dire concrètement qu'on n'augmente pas trop le coût du travail, mais ça, ça supposera de dégager des économies par ailleurs, c'est-à-dire de réduire les dépenses et donc, toutes les propositions parlementaires qui trouveront cet équilibre entre un peu moins de pression fiscale et un peu plus de réductions de dépenses, je pense qu'il faut les regarder et s'agissant des exonérations, des exonérations, je pense effectivement que c'est un sujet auquel les parlementaires pourraient et vont probablement s'intéresser.

BERENGERE BONTE
Le Gouvernement soutiendra des initiatives en ce sens ? Pour éviter cette…

MARC FERRACCI
Je ne parle pas pour la totalité du Gouvernement, parce qu'on attend d'abord qu'il y ait des amendements qui soient discutés et adoptés, qui soient déposés, discutés et adoptés. Ça concerne d'ailleurs, non pas le projet de loi de finances, mais le projet de loi de finances de la sécurité sociale, qui sera examinée un peu plus tard. Et donc nous allons regarder, et en tout état de cause, le principe selon lequel il faut défendre la compétitivité de nos entreprises et en particulier industriel, et le coût du travail, est un élément de cette compétitivité, c'est un principe que moi, je défends évidemment.

BENJAMIN FONTAINE
En tout cas, le budget continue d'être examiné par les députés de la commission des finances à l'Assemblée avant les débats lundi, justement, dans l'hémicycle. Ces députés, ils ont supprimé hier soir le renforcement du malus auto sur les émissions de CO2. Est-ce qu'ils ont raison ?

MARC FERRACCI
Alors, là aussi, je vais vous faire la réponse de quelqu'un qui est soucieux de responsabilité budgétaire. Il s'agit de faire des économies, il s'agit de faire rentrer des ressources dans les caisses de l'Etat et il y a un certain nombre de leviers qui sont actionnés. S'agissant du malus, effectivement, ce qui était prévu par le projet de loi de finances, c'est d'élargir le nombre de véhicules concernés par le malus. Il y a deux éléments, il y a un critère de poids et il y a un critère d'émission. Mais pour aller vite, la conséquence est de l'élargir, il est effectivement, il est effectivement dans un contexte que je décrivais tout à l'heure, de difficulté de la filière automobile, il est effectivement important de regarder les conséquences. Maintenant, ce qui importe, c'est l'équilibre. A partir du moment où on supprime une mesure qui génère des économies ou qui génère moins de dépenses publiques, on doit mettre quelque chose en face et c'est ça qui est très important, c'est ça qui est très important. Moi, je ne suis pas hostile par principe. Je ne suis pas hostile par principe à ce qu'on renvoie à ces équilibres-là, et en particulier à ce qu'on revoit les paramètres du malus, mais en responsabilité, on ne doit pas le faire sans avoir trouvé des économies parallèles.

BERENGERE BONTE
Est-ce que l'aspect financier est le seul critère ? En plein dérèglement climatique, ça peut aussi être perçu… C'est à la fois perçu en plein salon de l'auto comme une provocation par les professionnels de l'auto, mais, mais, mais, mais, mais parlez-en aux sinistrés d'Annonay, ça peut aussi être perçu par une comme une provocation dans un contexte de dérèglement climatique. Est-ce qu'on peut vous entendre ? Vous vous situez où sur ce fil-là, vous ?

MARC FERRACCI
Je pense que le cap de la décarbonation, le cap de la transition du thermique vers l'électrique, il doit être absolument préservé et je me suis exprimé d'ailleurs en ce sens hier. En 2035, nous nous sommes fixé cet objectif de passer à l'électrique pour l'ensemble des voitures.

BERENGERE BONTE
Certains veulent changer de cap, ce cap 2035, vous…

MARC FERRACCI
Ce cap, ce cap, nous souhaitons le maintenir, ce cap, nous souhaitons le maintenir, donc, ça, c'est très clair. Je réponds à votre question de cette manière, c'est très clair. Ensuite, sur le malus, encore une fois, j'ai discuté hier, lors du salon avec un certain nombre de professionnels. Effectivement, ils sont inquiets, ils sont préoccupés des mesures budgétaires qui sont contenues et qui peuvent avoir un effet sur la filière automobile, mais ils sont aussi responsables et ils comprennent que dans la situation dans laquelle nous sommes, des efforts doivent être faits. Moi, ce que je propose, c'est ce que j'ai mis sur la table, déjà, auprès des acteurs de la filière, c'est d'actionner d'autres leviers pour soutenir la demande, parce que le bonus et le malus, ce sont des outils pour soutenir la demande de véhicules et en particulier la demande de véhicules électriques. On peut aller plus loin sur le verdissement des flottes professionnelles, faire en sorte que les entreprises achètent des véhicules électriques. On peut aller plus loin sur l'orientation de la commande publique vers les véhicules électriques. On peut aller plus loin sur des leviers qui ne sont pas des leviers budgétaires parce que vous le savez, aujourd'hui, nous avons une contrainte budgétaire qui est forte et donc, il faut agir avec d'autres outils.

BENJAMIN FONTAINE
Puisqu'on parle de budget et des discussions qui sont en cours à la commission, hier, les députés ont aussi adopté un amendement pour créer une taxe kilométrique, pour intégrer finalement le coût écologique dans les produits importés, c'est une proposition de la gauche avec le soutien du RN.

MARC FERRACCI
On va regarder l'ensemble des amendements, mais, encore une fois, ce qui est important, c'est de maintenir un principe qui est celui de ne pas affecter la compétitivité de nos industries. Et puis ensuite d'être cohérent avec l'esprit de la transition : la transition climatique, l'esprit de la transition écologique. Donc, aujourd'hui, il faut savoir qu'on examine le texte en commission des finances, mais qu'au moment où on va l'examiner en séance, c'est la copie du Gouvernement qui sera sur la table. Donc, le débat aura lieu à nouveau. J'ai presque envie de dire que la commission des finances, c'est un tour de chauffe. On voit les arguments des uns et des autres. Et par rapport à ces arguments, je pense que le Gouvernement se positionnera d'ici la séance.

MARC FONTAINE
Et vous êtes plutôt favorable, vous ?

MARC FERRACCI
Pour l'instant, je n'ai pas.

MARC FONTAINE
Avis personnel ?

MARC FERRACCI
Je n'ai pas d'opinion sur cet amendement précis. Et encore une fois, on aura l'occasion de discuter d'ici la séance.

BERENGERE BONTE
La commission d'enquête sur le dérapage des déficits publics. On entend les voix à Droite, à Gauche, au Centre. Tout le monde est plutôt satisfait. Finalement, qu'on aille chercher un peu le, essayer de comprendre ce qui s'est passé. Pourquoi ce dérapage des déficits publics ? Est-ce que le Gouvernement ira au bout de la démarche et tiendra compte vraiment des résultats de l'enquête ? Est ce qu'il peut y avoir des sanctions ? Même que comment voulez-vous regarder le travail de cette commission ?

MARC FERRACCI
Moi d'abord, je n'ai pas de commentaire à faire sur le principe de la commission d'enquête, parce que la séparation des pouvoirs m'impose en tant que membre du Gouvernement.

BERENGERE BONTE
Mais vous pensez comme tout le monde, vous allez vous réjouir qu'on fasse la lumière, mais il y a besoin de faire la lumière. Il y a un besoin de faire la lumière ?

MARC FERRACCI
Moi, je pense qu'il y a déjà beaucoup d'éléments et d'informations qui sont sur la table. Et cette commission va permettre.

BERENGERE BONTE
Comment vous l'expliquez tous ces dérapages alors ?

MARC FERRACCI
De les consolider. Je réponds à votre question dans un instant, mais sur la commission d'enquête, je pense qu'il y a une souveraineté du Parlement. Et cette commission formulera des recommandations, formulera des conclusions que le Gouvernement regardera évidemment. Maintenant, comment est-ce qu'on explique ce dérapage ? Vous le savez, le dérapage des dépenses publiques, il s'explique principalement par le fait qu'on n'a pas réussi à correctement prévoir les recettes, en particulier les recettes fiscales. Alors ça pose des questions techniques un peu lourdes. Ça pose la question de l'efficacité de nos modèles de prévision. Mais en tout état de cause, on a cette difficulté depuis deux ans maintenant, à prévoir efficacement les recettes. Ça doit interroger nos outils. Mais ça va aussi, de mon point de vue, interroger notre manière de réguler la dépense publique. Moi, je défends depuis des années le principe d'une évaluation systématique faite par des chercheurs faites de manière indépendante, faite de manière scientifique, de l'efficacité des dépenses publiques, de l'efficacité des aides, de l'efficacité des niches fiscales. Je pense qu'on doit saisir ce moment qui nous impose de faire des économies à court terme pour créer aussi une réflexion autour de cette question de l'évaluation. Et faire en sorte que nos dépenses publiques, elles soient mieux régulées. Concrètement, il faut savoir couper de manière drastique dans les dépenses qui n'ont pas fait la preuve de leur efficacité. Donc voilà un petit peu moi, ce que je tire comme conclusion de la situation actuelle. Et ensuite, il faut effectivement qu'on soit en capacité de prévoir de manière un peu plus efficace les recettes fiscales.

BERENGERE BONTE
Un mot sur le Conseil européen qui est en cours, avec l'immigration au coeur du sujet. Aucune décision n'a été prise concrètement hier par les 27, mais on sent une unanimité en faveur d'une nouvelle législation sur les expulsions de migrants étrangers, le renvoi vers des pays tiers comme le fait l'Italie par exemple avec l'Albanie et comme l'imagine Bruno RETAILLEAU. Vous êtes à l'aise avec ça ?

MARC FERRACCI
Alors, d'abord, constater que ce qui est impulsé par la présidente de la Commission, Ursula von der LEYEN, c'est une mise en oeuvre plus rapide que prévue du pacte asile immigration qui a été adoptée il y a quelques mois. Ça, c'est le premier point. Ensuite, ensuite, je réponds à votre question parce que je sais qu'il y a un autre aspect dans la question…

BERENGERE BONTE
Pour essayer de conclure…

MARC FERRACCI
Oui, sur la question, sur la question de l'expulsion, moi, j'ai voté en conscience et sans états d'âme une loi immigration à la fin de l'année dernière qui était basée sur deux piliers : un pilier qui était, on va dire régalien, qui consistait à se donner tous les moyens pour expulser du territoire les gens qui n'y ont pas leur place, les gens qui sont là de manière illégale. Donc, le principe général selon lequel il faut être ferme avec les gens qui n'ont pas leur place sur le territoire français ou sur le territoire européen, je pense que c'est la philosophie de cette loi, mais je rappelle aussi que cette loi avait un autre versant, c'était d'avoir une démarche d'intégration pour ceux qui sont légalement sur le territoire. Donc moi, je regarde et avec attention ce qui se passe au niveau européen…

BERENGERE BONTE
Le discours ambiant notamment en France n'est pas, est en train de changer de ce point de vue-là avec l'arrivée de Bruno RETAILLEAU notamment.

MARC FERRACCI
Oui, on va voir concrètement ce que seront les propositions et ce qui sera mis sur la table, mais moi, je vais quand même vous donner mon témoignage de ministre de l'Industrie, parce que…

BENJAMIN FONTAINE
Très rapidement, si vous voulez bien.

MARC FERRACCI
Très rapidement, dans l'industrie, on ne sait pas faire sans l'immigration de travail, on ne sait pas faire. J'étais, il y a quinze jours, à Sochaux, chez STELLANTIS, sur la chaîne de production de STELLANTIS, il y a 58 nationalités différentes et quand vous discutez avec les gens, ils vous le disent : " On ne sait pas faire sans l'immigration de travail, on ne sait pas faire sans intégrer de manière très, très inclusive des gens qui sont-là ".

BERENGERE BONTE
Donc, ça, c'est un rappel à votre collègue de l'Intérieur, Bruno RETAILLEAU, qui est aujourd'hui avec Michel BARNIER, d'ailleurs…

MARC FERRACCI
Non, ce n'est pas un rappel, c'est un constat et je pense que tout le monde peut s'accorder sur ce constat. Il faut être ferme avec ceux qui n'ont pas leur place sur le territoire. Il faut être ouvert et intégrer ceux qui apportent à la collectivité nationale.

BENJAMIN FONTAINE
Merci Marc FERRACCI, ministre délégué à l'Industrie…

MARC FERRACCI
Merci à vous.

BENJAMIN FONTAINE
.. D'avoir été avec nous pour ce 8 h 30 ce matin. Merci à vous, Bérengère BONTE, on se retrouve demain.

BERENGERE BONTE
A demain.

BENJAMIN FONTAINE
Le 8 : 30 est à retrouver en intégralité et en vidéo sur franceinfo.fr.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 octobre 2024