Texte intégral
Emmanuel MACRON
Merci beaucoup monsieur le Premier ministre, cher Justin, mesdames et messieurs les ministres, mesdames et messieurs les ambassadeurs, mesdames et messieurs les élus, monsieur le député, cher Roland, mesdames et messieurs les élus consulaires français également ici présents, mesdames et messieurs en vos grades et qualités, chers amis.
Merci pour tes mots, Justin, et pour l'accueil. Et je suis très heureux d'être de retour parmi vous. Ça m'avait manqué. Et en fait, me souvenant du voyage de 2018, et depuis hier, étant à vos côtés, nos amis allemands ont un proverbe qui dit, " heureux comme Dieu en France ". [rires] Façon de célébrer notre art de vivre, etc. Et je me disais, en étant avec vous depuis hier, " Heureux comme un Français au Canada ". [applaudissements] Parce qu'il y a ici quelque chose de formidablement américain, mais d'irréductiblement européen et réciproquement. Un attachement à des valeurs communes, vous venez de le rappeler admirablement, monsieur le Premier ministre, un attachement à une certaine idée de la liberté, à des valeurs démocratiques qui doivent toujours être défendues, à une justice sociale et une équité, un souci de l'environnement que nous portons l'un et l'autre et que vous incarnez ici. Et puis, il y a cette capacité à défendre et aimer la France depuis ici. Et nous, Français, qui nous battons toujours pour défendre nos intérêts avec une forme de fierté légitime, que d'aucuns qualifient négativement, à tort, mais voilà, qui sommes fiers de cela, c'est une récompense extraordinaire de voir les Canadiens défendre et la langue et les valeurs et les cultures et l'histoire comme vous le faites.
Je voulais vous le dire avec beaucoup de gratitude, une immense gratitude. Donc, je me sens bien parmi vous. [applaudissements] Notre histoire est enracinée à travers les siècles. Votre aventure familiale, cette odyssée que vous avez rappelée, en est l'un des témoignages. Et je sais qu'aujourd'hui, parmi nous, beaucoup d'entre vous ont des noms encore marqués par la France et des destins encore marqués par ces traversées. Et vous l'avez rappelé, Juno Beach résonne aussi dans nos oreilles et nos mémoires, et nous savons, de l'autre côté de l'océan, ce que notre liberté vous doit avec beaucoup d'émotion, et nous l'avons ré-évoqué en juin dernier ensemble, faisant écho en particulier à Léo MAJOR, ce tireur d'élite légendaire que redoutaient tant les Allemands. Mais ce n'est pas que l'histoire, vous l'avez dit, le lien qui nous unit est fait aussi des femmes et des hommes qui sont là et qui, chaque jour, l'entretiennent. C'est pour ça qu'à l'invitation, monsieur le Premier ministre, je l'en remercie, mais avec votre participation à tous, je voulais vous remercier très sincèrement.
Ce lien, il est estudiantin, il est de recherche, il est académique, il est culturel, il est entrepreneurial, il est politique. Les femmes et les hommes que vous êtes portent la vitalité de ces relations bilatérales. Elles ont des siècles, elles se sont renforcées durant ces décennies, et je crois qu'ensemble, nous les avons beaucoup renforcées ces dernières années, parce que nous avons ensemble essayé de bâtir sur cette force existante, mais en essayant de relever, par ce partenariat, les défis du moment. Alors oui, nous sommes allés beaucoup plus loin sur les investissements croisés, et comme vous, je défends le CETA. Et donc, cet accord commercial qui a été bien négocié entre le Canada et l'Union européenne, il a été signé avant que je sois élu, nous l'avons confirmé, le Parlement l'a ratifié, l'Assemblée nationale l'a voté. Et quoi que vous puissiez entendre, et quelles que puissent être les péripéties, nous l'appliquons, comme convenu de manière provisoire aujourd'hui. Mais il est bon. Nous l'avons ensemble amélioré. Il est cohérent avec notre conviction dans l'économie ouverte et le climat. Il est juste des deux côtés. Et pour tous ceux qui le contestent en France, je les invite à regarder les chiffres, il est bon, y compris pour ceux qui le redoutaient. Et donc, vous avez devant vous un vrai défenseur, pas naïf, mais exigeant avec vous et convaincu de cet accord. Celui-ci vient servir un écosystème aussi que nous avons renforcé en matière d'innovation. Je sais tout ce qu'on doit à la French Tech ici, tout ce qu'on doit aussi à ce que nous avons bâti, en particulier sur l'intelligence artificielle, et je veux ici dire mon admiration pour les chercheurs, les entrepreneurs canadiens en la matière ; vous dire que vous avez de l'autre côté de l'océan des Français qui sont tout autant vibrants, ambitieux, et qui croient dans l'innovation et qui veulent que cette innovation de l'intelligence artificielle soit au service de l'humanité. Et au fond, il y a un chemin franco-canadien qui ressemble à ce que je disais au début de mon propos, qui croit dans l'innovation, mais qui croit aussi dans une éthique de l'innovation, qui veut que celle-ci soit au service d'une meilleure santé, d'une démocratie plus respectueuse, d'une productivité plus importante dans nos entreprises et qui veut, en quelque sorte, en effet, bâtir une intelligence artificielle au service de l'humanité.
C'est ce que nos G7 consécutifs en 2018 et 2019 avaient porté, et c'est ce que nous allons porter avec le sommet que la France organisera en février prochain, ton G7, puis le nôtre à nouveau. Là aussi, on a beaucoup avancé, et vous y êtes pour beaucoup. C'est la même chose en matière de recherche, en matière de bourse étudiante. Combien de jeunes sont là et heureux d'être là. Et combien nous voulons développer encore ces échanges croisés de recherche, d'étudiants de part et d'autre, mais aussi de femmes et d'hommes de culture. Dany LAFERRIÈRE est avec nous ce soir, mais il est dans la délégation française. [Applaudissements] Ce qui montre quand même le talent inédit d'un auteur haïtien que les Canadiens revendiquent et que les Français ont fait immortel. Il est une forme de métaphore de notre aventure commune.
Mais ce lien bilatéral, nous le renforçons encore et encore davantage dans des investissements que nous voulons aussi en matière d'énergie, de minerais critiques, de nucléaires. Vous êtes devenus d'immenses acteurs en la matière par aussi des investissements récents. Et nous voulons aussi le faire en matière de défense. Nous sommes dans un monde qui va investir de plus en plus. Nous avons des alliances communes, l'OTAN. Nous avons des engagements communs, et je veux saluer et remercier ton engagement au Sahel, à nos côtés. Vous avez été remarquable. Et nous le voyons, dans un monde de plus en plus bousculé, un partenariat de défense et de sécurité entre nos deux pays est clé. Et nous allons, sur cette base, faire encore davantage, je vais vous le dire avec beaucoup de force. Car oui, le monde dans lequel nous vivons est en grand chambardement. Nous vivons dans celui-ci. Nous avons affronté ensemble l'épidémie de covid, avec amitié, avec solidarité. À chaque fois que nous sommes touchés, nous nous aidons. Et nous partageons la même vision des choses. Et je dois vous dire que, alors que la guerre est revenue sur le sol européen, avoir un partenaire comme le Canada, qui, dès le premier jour, a été avec nous, n'a pas de prix. Parce que vous êtes la démonstration vivante que ce n'est pas une guerre qui concerne seulement l'Europe, mais bien nos valeurs communes, le respect de la Charte des Nations Unies et la possibilité de vivre en paix dans ce monde. Merci de cette solidarité. [Applaudissements]
C'est la même voie que nous portons en ce moment sur le conflit au Proche-Orient, condamnant l'attaque terroriste du Hamas le 7 octobre avec clarté et force, reconnaissant le droit d'Israël de se défendre, mais, comme toute démocratie, en respectant le droit international, appelant dès octobre 2023 à un cessez-le-feu, essayant ensemble de bâtir une solution politique durable par les deux États. Et nous œuvrerons ensemble sur ce chemin dans les mois qui viennent. Et aujourd'hui œuvrant de concert pour protéger le Liban chéri de toute escalade régionale dans un moment si crucial.[Applaudissements] Alors, je vais vous le dire, qu'il s'agisse des guerres, qu'il s'agisse du changement climatique, du changement technologique, nous sommes là ensemble, venant d'une histoire lointaine, mais avec, au fond, une même vision du monde. Et c'est cela qui compte. Et avec la solidité de partenaires qui se connaissent, s'aiment, de ses cousins, qui avancent. Et même si les temps sont durs, même si tout cela nous bouscule, nous le faisons ensemble.
Et puis, je terminerai mon propos en vous disant que tout cela, évidemment, se fait au service d'une cause qui est plus grande que nous, la langue. Je vois, évidemment, nos amis québécois ici, nos amis acadiens. J'étais ce matin avec tous les francophones, y compris qui sont minoritaires, ces truchements, ces hasards de l'histoire, de dérangements en histoire successive, nous lient. Et ils nous lient dans cette espèce d'originalité de l'histoire qu'est la francophonie. Parce que la francophonie, ce n'est pas les Français qui l'ont voulue. Ne l'oublions jamais. Ce sont des présidents de pays à peine décolonisés qui ont voulu cette organisation pour dire : « Quoi qu'ayant décidé de nous décoloniser, nous voulons garder la langue », parce qu'il y a toujours un rapport de pouvoir à la langue. Et cette langue est très importante. Vous la préservez, et merci de cela. Et nous, nous avons besoin que vous continuiez. Ici, on fera tout ce qu'on peut pour que les enfants continuent à pouvoir apprendre en français, que les étudiants étudient en français, Mais c'est un trésor. Et je remercie Monsieur le Premier ministre, le Premier ministre du Québec, nos amis d'Acadie, tous les francophones qui sont là, d'être la semaine prochaine au Sommet de la francophonie qui se tiendra à Villers-Cotterêts, parce que nous allons continuer et avancer ensemble, à investir dans nos écoles, à investir dans les traductions, à investir dans la formation des maîtres de français partout à travers le monde, parce qu'on en a besoin, le continent africain, les Caraïbes, le Pacifique, à bâtir ce dictionnaire des francophonies qui ne concurrence pas le dictionnaire de l'Académie, loin de là, mais qui reconnaît les innovations littéraires de part et d'autre. Et puis, nous allons essayer aussi, dans l'appel de Villers-Cotterêts, de poser ensemble les principes que nous partageons pour l'intelligence artificielle, ceux que j'évoquais tout à l'heure. Oui, cette langue nous lie et cette langue nous dépasse. À Villers-Cotterêts, François Ier avait décidé de faire du français la langue de la justice et de l'administration. C'est ce qui a unifié le pays. Tenez-vous-le pour dit, la France est une par la langue, au premier chef. Elle a eu un pouvoir unificateur plus puissant que toutes les conquêtes et les guerres entre les suzerains et les vassaux. Et cette langue nous a échappé. Elle est en partage. Vous la faites vivre ici. Elle nous lie. Et la francophonie continuera de nous unir.
Voilà, mes chers amis, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais vous dire en étant parmi vous ce soir. Je ne vais pas tataouiner. Et je dois conclure en vous redisant l'amitié profonde qui nous lie, lui et moi, nous et vous. nos deux pays, nos peuples, et que cette amitié solide, nous en avons besoin plus que jamais, pour nous-mêmes et les défis que nous avons à relever, et compte tenu du monde tel qu'il va. Alors ce soir, je ne suis pas simplement heureux comme un Français au Canada, mais je suis conscient d'être chanceux d'avoir ici des amis comme vous, et conscient d'être chanceux d'avoir des Français ici qui servent cette amitié, qui servent la cause et se battent pour elle chaque jour.
Merci. Vive l'amitié entre le Canada et la France ! [Applaudissements]